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29/05/2019

C’est un spectacle fort gai et fort amusant

... que celui des peignées que se mettent les différents ténors des partis en déroute après les élections européennes . Ah que c'est beau ces noms d'oiseaux qui fusent et ces démissions refusées ! Droite et gauche réunies dans la même panade, quel délicieux gloubiboulga dont s'empiffre la Marine Le Pen au triomphe modeste (comme d'hab ' )!

J'en suis vert !

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« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

Senatore di Bologna

à Bologna

Aux Délices, 3 mai 1764

Si j’avais de la santé et des yeux, monsieur, je vous aurais répondu plus tôt . Si j’étais jeune, je viendrais sûrement vous voir, vous embrasser, admirer vos talents, être témoin de la protection que vous donnez aux arts, et partager vos plaisirs ; une si grande satisfaction n’est pas faite pour la fin de ma vie . Je suis réduit à pouvoir à peine dicter une lettre.

Oserai-je vous supplier de vouloir bien faire mes compliments à MM. Fabry 1 et Paradisi 2, à qui je dois autant de reconnaissance que d'estime ? Je suis toujours étonné que vous ayez traduit la tragédie d’Idoménée 3 : il me semble qu’un bon peintre comme vous ne doit copier que les ouvrages des Raphaël. Il vous était aisé de vous faire informer par M. Goldoni si cet Idoménée est au rang des pièces qu’on représente, si ce n’est pas un très mauvais ouvrage, pardonnable à la jeunesse d’un auteur qui depuis fit de meilleures choses. En vérité, il n’est pas permis au traducteur de Phèdre d’être celui d’Idoménée. Il vaudrait beaucoup mieux retrancher cette pièce de votre recueil, que de faire dire aux critiques que l’on a traduit également le bon et le mauvais. Pardonnez au vif intérêt que je prends à vous, si je vous parle si librement.

Je vous ai déjà mandé 4, monsieur, que je n’avais depuis longtemps aucune nouvelle de M. Goldoni ; mais j’espère toujours que j’aurai le plaisir de le voir, quand il reviendra en Italie. Je ne sais s’il travaille pour nos comédiens italiens, qui se sont unis à un opéra-comique qui a, dit-on, beaucoup de succès. C’est un spectacle fort gai et fort amusant, mais qui consiste principalement en chansons et en danses ; cela ne me paraît pas du ressort de M. Goldoni, dont le talent est de peindre les mœurs ; cependant je me flatte toujours que son voyage lui sera utile et agréable. Un homme de la maison de la belle Laure 5 a fait des commentaires sur la vie de Pétrarque en deux énormes volumes in-4° 6. Je ne sais si vous les avez lus . Je serais bien plus curieux de lire les deux petits volumes que vous me promettez.

Adieu, monsieur, toutes vos lettres redoublent les sentiments de la tendre et respectueuse estime que vous m’avez inspirés pour vous.

V. »

1 L'abbé Domenico Fabri est l'auteur d'une traduction de Sémiramis de V*, au volume III de la Scelta delle migliori tragedie francese tradotto in italiano in versi sciolti (1768) ; c'est un des collaborateurs de Capacelli .

3 De Crébillon .

4 Voir lettre du 5 mai 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/04/28/il-est-dans-un-etat-fort-triste-et-ne-peut-guere-actuellemen-6047039.html

et du 27 septembre 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/09/20/est-il-possible-que-tout-l-esprit-des-italiens-nos-maitres-dans-les-arts-n.html

Goldoni a écrit à V* le 7 mars 1764 : « Il me faut encore six mois pour achever l’impression de mes ouvrages à Paris . Je ne sais pas encore si je les enverrai en Italie ou si j'irai moi-même . De toute manière j'espère avoir l’honneur de vous voir . Quand je devrais rester en France plus longtemps, je demanderais un congé pour me rendre auprès de vous . » Suivaient quelques mots de recommandation pour le « chevalier de Vais de la ville de Bruxelles » que Goldoni demandait à V* d'accueillir sur le chemin de l’Italie .

5 L'abbé de Sade .

Je fous serai très obligé car je suis devenu horriblement pédant

... Je fous laisse juges !

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Moi ( à la moustache près ) ?

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 1er mai 1764]

Je vous prie instamment Caro de me faire voir l'ouvrage de Kirker sur l’Égypte 1 et Pline le naturaliste qui sont à la bibliothèque . Je fous 2 serai très obligé car je suis devenu horriblement pédant .

V. »

1 Le plus important ouvrage d'Athanasius Kirker sur l’Égypte est son Oedipus aegyptiacus (1652-1654) . V* travaille apparemment à des articles sur l’Égypte du Dictionnaire philosophique, mais il accumule les matériaux qui lui serviront dans Le Taureau blanc.

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Athanasius_Kircher

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C5%92dipus_%C3%86gyptiacus

2 Si cette forme n'est pas un lapsus calami, elle vise à suggérer l'impression « germanique » en rapport avec le pédantisme des ouvrages demandés .

28/05/2019

la multitude des détestables est prodigieuse

... Et les résultats des élections européennes ne fait que le confirmer . Les ridicules sont seuls à être capables d'égaler cette foultitude .

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... et têtes creuses .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

1er mai 1764, aux Délices

Mes charmants anges, voici vos Roués ; je les ai rajustés comme j’ai pu. Ne me demandez pas un vers de plus, pas un hémistiche ; car je deviens si vieux, si vieux ! si dur, si sec, si stérile, si incapable, qu’il faut avoir pitié de moi. Il faut être possédé du démon pour faire une tragédie ; je n’en connais pas une seule qui n’ait de grands défauts, et la multitude des détestables est prodigieuse.

Faites-moi un plaisir, mes anges  dites-moi habilement si madame la duchesse de Gramont a personnellement du crédit auprès du roi ; j’aurais peut-être besoin qu’elle lui dît un mot ; car, tout Suisse qu’on est, on ne laisse pas de se souvenir de sa patrie . Enfin j’ai besoin de savoir si je peux m’adresser à madame la duchesse de Gramont pour une chose extrêmement aisée à faire. J’ai pardonné aux mânes de madame de Pompadour les prédilections qu’elle avait pour la Sémiramis de Crébillon, pour son Catilina et pour son Triumvirat. Ce sont, sans contredit, les plus impertinents et les plus barbares ouvrages qu’un ennemi du bon sens ait jamais pu faire. Madame de Pompadour me faisait l’honneur de me mettre immédiatement après ce grand homme ; mais, après tout, elle m’avait rendu quelques bons offices, dont je me souviendrai toujours.

On dit que M. de Marigny fait travailler à un superbe mausolée pour Pradon, l’abbé Nadal, et Danchet 1 ; je lui recommande Guillaume Vadé ; car pour moi, qui ne serai pas enseveli en terre sainte 2, je ne prétends pas aux monuments. Dites-moi, je vous prie, ce qu’on fait au tripot, quel nouveau chef-d’œuvre on représente. On dit que la salle est déserte aux comédies, depuis la retraite de Mlle Dangeville . Vous n’avez qu’un acteur tragique . Le tripot me paraît aller mal.

Mes anges, conservez votre santé l’un et l’autre ; que les eaux vous fassent du bien , ayez tout le plaisir que vous pourrez . Cela n’est pas toujours aussi aisé qu’on le pense.

Respect et tendresse.

V. »

1 Au lieu de ces trois noms il faut lire ici celui de Crébillon . Allusion au mausolée que Marigny fait faire pour Crébillon sur commande de Mme de Pompadour ; voir lettre du 16 décembre 1762 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/10/25/je-n-ai-confie-a-personne-qu-a-vous-mes-propositions-politiques-tachez-de-f.html

2 Cette crainte de ne pas avoir une sépulture en terre chrétienne est tout à fait justifiée , comme on le verra à son décès .

Je vous jure que je ne l'userai pas à force de le lire

... Quoi donc ? le testament de l'américano-frico-franco-disco-rocko vedette people Johnny, bel os à ronger par ses héritiers putatifs . Les avocats vont pouvoir se gaver . Je vous jure que je n'achèterai pas le moindre disque d'Optic 2000 !

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« A Gabriel Cramer

[vers le 30 avril 1764]

Vous ne m'avez point caro répondu sur Duchesne . Vous ne m’avez point envoyé le Catilina du grand Crébillon qui faisait les délices de Mme de Pompadour . Vous m’abandonnez cruellement . Je compte pourtant sur votre amitié . Je vous prie de faire remettre ce beau Catilina chez M. Souchay . J'en aurai le plus grand soin . Je vous jure que je ne l'userai pas à force de le lire . »

27/05/2019

nous ne sommes plus dans ces temps où la France donnait des exemples à l'Europe 

... Tel est le triste constat après ces élections européennes qui montrent que l'intolérance nationaliste a repris du poil de la bête . La discorde existante va sans doute s'accroître encore , la division et l'émiettage de l'Europe sont à craindre . Les nombrilistes sont de bien tristes sires et la donneuse de leçons Marine Le Pen, voleuse et tricheuse patentée ( 300 000€ détournés au parlement européen ; digne émule de François Fillon ? ) est bien mal placée pour dire ce que doit faire le président de la République  .

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https://www.touteleurope.eu/actualite/elections-europeenn...

 

 

 

« A Jean-Georges Noverre

Les vieillards impotents comme moi, monsieur, s'intéressent rarement à l'art charmant que vous avez embelli 1 ; mais vous me transformez en jeune homme, vous me faites naître un violent désir de voir ces fêtes dont vous êtes l’ornement principal ; mes désirs ne me donnent que des regrets, et c'est là mon malheur . J'ai d'ailleurs une raison de vous admirer qui m'est particulière ; je trouve que tout ce que vous faites est plein de poésie ; les peintres et les poètes se disputeront à qui vous aura . Je ne cesse de m'étonner que la France ne vous ai pas fixé par les plus grands avantages ; mais nous ne sommes plus dans ces temps où la France donnait des exemples à l'Europe ; tout est bien changé, vous devez au moins être regretté de tous les gens de goût . Regardez-moi , monsieur, comme un de vos partisans les plus attachés, et comptez sur l'estime sincère avec laquelle j'ai l'honneur d'être votre très humble serviteur .

Voltaire.

Au château de Ferney, le 26 avril 1764.2 »

1 La danse ; Noverre est l'organisateur des fêtes annuelles de Wurtemberg ; voir lettre du 11 octobre 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/10/05/vous-me-paraissez-si-superieur-dans-votre-genre-que-je-ne-su-6094557.html

2 D'après l'édition de David Murphy de Vie de David Garrick (traduite par Jean-Etienne-François Marignié), 1800-1801 .

26/05/2019

Vous me ferez un véritable plaisir de l'engager à se conduire avec plus de bienséance

... Est-ce trop demander à tous les malappris et malotrus ? Oui, sans doute . Leur manque de politesse, même la plus élémentaire, est un vice dont ils ne peuvent se passer, imbus qu'ils sont de leurs tristes personnes . Passons .

 

 

 

« A François Tronchin

Ferney, 25 avril [1764]

On dit que la mort de Mme de Pompadour a fait baisser les effets . Si cela est vrai, voilà une belle oraison funêbre . »

 

 

 

« A Gabriel Cramer

à Genève

[vers le 25 avril 1764]

Je vous supplie instamment mon cher Caro de presser votre correspondant de Florence de vous envoyer sans délais tous les ouvrages nouveaux par la voie la plus prompte, et de continuer sans interruption. Il sera d'autant plus empressé à vous servir qu'on le paiera régulièrement tous les trois mois . Vous me mettrez à portée, par la diligence et l’exactitude qu'il aura, de reconnaître les bontés que M. le duc de Praslin a pour moi .

Je vous prie aussi de recommander à ce malheureux Duchesne, de ne point vendre d'exemplaire au-dessous du prix des souscriptions . C'est décrier tout d'un coup le livre, c'est donner aux souscripteurs un juste sujet de se plaindre ; c'est enfin entendre très mal ses intérêts . Je sais qu'il a pour son droit quelques exemplaires, mais pourquoi faut-il qu'il en baisse le prix ? Vous me ferez un véritable plaisir de l'engager à se conduire avec plus de bienséance . Je vous embrasse bien tendrement .

V. »

25/05/2019

je n’ai pu dire que ce que je pense, et non ce que je ne pense pas. Il me suffit du témoignage de ma bonne conscience

... Que dire de plus ? ou de mieux ?

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental 1

Je reçois, mes divins anges, la lettre du 19 avril, qui n’est point du tout griffonnée, et que mes beaux yeux d’écarlate ont très bien lue. Nous sommes pénétrés, Maman et moi, de vos bontés angéliques, et de celles de M. le duc de Praslin. Il est vrai que nous sommes un peu embarrassés avec le parlement de Dijon, parce que si nous lui disons , notre affaire est au Conseil, nous l’indisposons ; si nous demandons des délais, nous semblons nous soumettre à sa juridiction . Monsieur le premier président 2 ne peut refuser plus longtemps de mettre la cause sur le rôle ; je m’abandonne à la miséricorde de Dieu.

Pour l’affaire des Roués, elle est toute prête, et j’ose croire qu’ils vaudront mieux qu’ils ne valaient. J’attends votre copie pour la charger d’énormes cartons depuis le commencement jusqu’à la fin.

Honneur et gloire aux auteurs de la Gazette littéraire . Qu’ils retranchent, qu’ils ajoutent, qu’ils adoucissent, qu’ils observent les convenances que je ne peux connaître de si loin ; tout ce que j’envoie leur appartient, et non à moi. Je me suis adressé à Cramer pour l’Espagne et l’Italie, mais je n’ai rien du tout.

Je suis toujours enchanté de la discrétion de M. de Chimène ; mais je vous assure que ses attentions charmantes ne diminuent en rien ma sensible reconnaissance pour mes anges . Si j'osais les supplier de faire mes plus tendres remerciements à messieurs de la Littéraire, je leur serais très obligé .

Ce Duchesne est comme la plupart de ses confrères ; il préfère son intérêt à tout, et même il entend très mal son intérêt en baissant un prix 3 qu’il devrait augmenter. J’ai passé ma vie dans ces vexations-là ; je n’ai connu que vexations, et j’espère bien en essuyer jusqu’à mon dernier jour. Je m’attends bien aussi aux clameurs des fanatiques de Pierre Corneille ; mais je n’ai pu dire que ce que je pense, et non ce que je ne pense pas. Il me suffit du témoignage de ma bonne conscience. Puissent mes deux anges jouir d’une santé parfaite . Que les eaux fassent tout le bien qu’elles peuvent faire . Je vous souhaite beaucoup de bonnes tragédies et de bonnes comédies pour cet été . Mais ni les étés ni les hivers ne donnent pas beaucoup de ces sortes de fruits ; ils sont très rares en tout pays. Aimez-moi, je vous en conjure, indépendamment de votre passion pour le théâtre, je vous aime uniquement pour vous, et je vous serai attaché à tous deux jusqu’au dernier moment de ma vie. 

V.

28è avril 1764.»

1 L'édition de Kehl suite à la copie Beaumarchais, suivie par les autres éditions, omet le 4è paragraphe .

2 Fyot de La Marche .

3 Il s'agit ici des Commentaires qu'on voulait imprimer séparément .