08/05/2019
il faut me pardonner de vous dire tout ce que je pense. Je n’ai plus que ce plaisir-là.
... ou presque .
« A Charles Palissot de Montenoy
Ferney, 4 avril [1764] 1
Je n’avais pas envie de rire, monsieur, quand vous m’envoyâtes votre petite drôlerie2. J’étais fort malade. Mon aumônier, qui est, ne vous déplaise, un jésuite, ne me quittait point. Il me faisait demander pardon à Dieu d’avoir manqué de charité envers Fréron et Le Franc de Pompignan, et d’avoir raillé l’abbé Trublet qui est archidiacre. Il ne voulait pas permettre que je lusse votre Dunciade. Il disait que je retournerais infailliblement à mes premiers péchés, si je lisais des ouvrages satiriques. Je fus donc obligé de vous lire à la dérobée. J’ai le bonheur de ne connaître aucun des masques dont vous parlez dans votre poème. J’ai seulement été affligé de voir votre acharnement contre M. Diderot, qu’on dit être aussi rempli de mérite et de probité que de science, qui ne vous a jamais offensé, et que vous n’avez jamais vu. Je vous parle bien librement ; mais je suis si vieux, qu’il faut me pardonner de vous dire tout ce que je pense. Je n’ai plus que ce plaisir-là. Il est triste de voir les gens de lettres se traiter les uns les autres comme les parlements en usent avec les évêques, les jansénistes avec les molinistes, et la moitié du monde avec l’autre. Ce monde-ci n’est qu’un orage continuel : sauve qui peut ! Quand j’étais jeune, je croyais que les lettres rendaient les gens heureux : je suis bien détrompé ! Il faut absolument que nous demandions tous deux pardon à Dieu, et que nous fassions pénitence. Je consens même d’aller en purgatoire, à condition que Fréron sera damné. »
1 L'édition Œuvres de M. Palissot, 1788, supprime l'en-tête et place simplement la lettre en 1764 ; Lefèbvre restitue .
2 « Petite drôlerie » est tiré du Bourgeois gentilhomme, I, 2 , où il est dit d'une manière assez cavalière par M. Jourdain ; il inspira Palissot, ainsi qu'on peut le voir par cette note de l'édition décrite ci-dessus : « Un mot d'un homme tel que M. de Voltaire, suffit quelquefois pour faire naître une grande idée . Ce mot de petite drôlerie fit sentir à l'auteur que La Dunciade qu'il avait publiée d'abord en trois chants, en devait être regardée que comme une simple esquisse ; il piqua son émulation, et lui inspira le dessein de donner à ce poème toute l'étendue dont il pourrait être susceptible . Cette petite cause eut, comme on le voit, un assez grand effet . »
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Tâchons de parler à la fois aux yeux, aux oreilles et à l’âme ; on critiquera, mais ce ne sera qu'en pleurant
... Ceci ne semble pas être le souci premier des politiciens qui font pleurer tant leurs interventions sont pénibles et indigestes .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
4è avril 1764 1
J'ai vu, mes anges, de fort bons vers de M. de La Harpe sur les talents de Mlle Dumesnil , et sur les talents acquis de Mlle Clairon 2. Je me souviens qu'autrefois cette petite innocente de Gaussin me disait tout doucement : allez, allez, Mlle Clairon sera une grande actrice, mais ne les fera jamais pleurer .
Mais quoi ! Est-il possible que Mlle Clairon ne dise pas, Empêchez-moi surtout de le revoir jamais 3, d'une manière à se faire claquer, mais claquer pendant un quart d'heure ? On trouve qu'il n'y a pas assez d''amour dans son rôle ; je maintiens, moi, que ce vers vaut toute une églogue . Allez, allez, la pièce est pleine d'intérêt, et voilà ce qui la soutient . Que quelque auteur s'avise un jour de mettre un bûcher et point d'intérêt dans sa pièce, comptez qu'on y jettera monsieur, pour réchauffer son ouvrage . Il faut qu'il y ait un grand appareil au spectacle, c’est mon avis ; mais il faut que cet appareil fasse toujours une situation intéressante, et qui tienne les esprits en suspens . Tel est le 3è acte de Tancrède, tel est le 4è acte de Mahomet .
Tâchons de parler à la fois aux yeux, aux oreilles et à l’âme ; on critiquera, mais ce ne sera qu'en pleurant. Je suis bien las des drames qui ne sont que des conversations ; ils sont beaux, mais, entre nous, ils sont un peu à la glace.
M. le maréchal de Richelieu est donc pour Bellecour 4. Son père était de la clique qui avait soutenu Pradon .
Je suis très fâché que Mme d'ArgentaI ait pris médecine par nécessité ; mais je serais plus fâché encore si elle l’avait prise sans nécessité, car c’est alors que les médecines font très grand mal. J’ai lu votre écriture tout courant et sans hésiter un moment, malgré toute la faiblesse de mes yeux. Mon cœur aime passionnément les caractères des deux anges. Envoyez-moi, je vous prie, quand vous n’aurez rien à faire, toutes les critiques possibles d’Olympie . Qui sait si elles ne me piqueront pas d’honneur, et si à la fin je ne trouverai pas quelque chose de nouveau ?
M. Gilbert de Voisins 5 n’est-il pas infiniment plus vieux que moi ? J’ai une très mauvaise opinion de ce corps-là, et je m’imagine qu’il pourrait bien m’aller juger incessamment dans l’autre monde ; mais surtout que M. le duc de Praslin se débarrasse vite de sa goutte, et qu’il songe bien sérieusement à sa santé. Je vous le répète, le ministère est un fardeau affreux quand on souffre.
On m’avait mandé que madame de Pompadour était absolument hors d’affaire ; mais ce que vous me dîtes, le 29 de mars, me donne beaucoup de crainte. Je lui avais fait mon compliment sur sa convalescence ; je suis bien fâché d’avoir eu tort. Mille tendres respects ; tout Ferney baise le bout des ailes de mes anges.
V.»
1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais supprime le 4è paragraphe .
2 Ces vers ont été imprimés à la fin de la première édition de la lettre du 27 janvier 1764 à Mme du Deffand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/02/04/on-n-est-occupe-que-des-enormes-sottises-qu-on-fait-de-tous-cotes-le-raison.html
3 Olympie, III, 3 : vers 804 : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_OLYMPIE.xml#A3
4 J.-C. G. Colson , Bellecour au théâtre, a joué le rôle d'Antigone dans a première représentation d'Olympie ; voir lettre du 27 mars 1764 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/05/02/n... ; voir : https://www.comedie-francaise.fr/fr/artiste/bellecour#
5 Pierre Gilbert de Voisins a requis en 1734 contre les Lettres philosophiques . Voir note 9 : https://fr.wikisource.org/wiki/Lettres_philosophiques/Avertissement
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07/05/2019
nous nous flattons que vous voudrez bien [...] de dîner chez nous le jour qui vous sera le plus commode
...Cependant, nous ne nous plierons pas au rituel du ramadan et nos heures seront vos heures sans restrictions, votre jeûne étant particulièrement hypocrite, abstinence le jour et goinfrerie de nuit, je ne vois aucun motif de plainte si on désire s'attirer les grâces d'Allah ( ou Jéhovah , ou Vishnou, ou Nanabozo , etc. ) avec des singeries alimentaires .
Lesquels de ces musulmans pratiquant vont-ils au nom du coran, en cette période remarquable, assassiner quelques uns de leurs coreligionnaires pour mériter leur place au paradis ? Sunnites, chiites, wahabites et tous ites possibles ? *
* Il est amusant -si c'est encore possible vu le sujet - de voir que tous ces ites employés en médecine correspondent à des maladies inflammatoires tout aussi désagréables que les susdites sectes : appendicite, méningite, blépharite, artérite, uvéite, salpingite, balanite, etc., etc.
Conseils d'ami !
« A Marc Duval, Lieutenant
général à Gex
A Ferney 3è avril 1764 1
Monsieur,
Ma mauvaise santé qui me condamne aux assujettisseme[nts] les plus pénibles est la seule chose qui m'empêche de venir à Gex demander vos ordres et ceux de monsieur le procureur du roi pour le jour où vous voudrez bien vous transporter à Ferney . Mme Denis et moi nous nous flattons que vous voudrez bien […] de dîner chez nous le jour qui vous sera le plus commode pour finir l'affaire qui demande l'intervention de votre ministère 2.
J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. »
1 Manuscrit olographe ayant appartenu en dernier lieu à Romain Rolland ; sur celui-ci Duval a noté : « 3avril 1764 / Voltaire, pour aller à Ferney / pour faire une information / de commodo et incommodo. » Le papier a été légèrement endommagé par le cachet et taché, d'où les restitutions .
2 Le titre complet de Duval est celui de lieutenant général civil et criminel du bailliage de Gex, fonction qu'il exercera de 1751 à 1789 . Voir par exemple : http://www.bibliorare.com/products/voltaire-4-l-s-voltaire-ferney-mars-avril-1774-a-marc-duval-lieutenant-general-civil-et-criminel-du-bailliage-de-gex-les-lettres-sont-ecrites-sauf-la-3e-par-son/
Il intervient aussi dans l'édition d'un règlement sanitaire en 1765 : https://books.google.fr/books?id=HuowX9iyj-gC&pg=PA33&lpg=PA33&dq=marc+duval+lieutenant+g%C3%A9n%C3%A9ral&source=bl&ots=zPbrbAw5Gp&sig=ACfU3U2f1MFccAh3ApfPBeZbNtyB1MebIQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiez87P4IjiAhUOLBoKHQ1fA5wQ6AEwDXoECAgQAQ#v=onepage&q=marc%20duval%20lieutenant%20g%C3%A9n%C3%A9ral&f=false
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06/05/2019
chacun donne sur les oreilles de son voisin, qui le lui rend du plus grand cœur, de sorte que tous combattent contre tous sans savoir pourquoi . Voilà bien l'image de tout ce qui se passe aujourd’hui
... Les Gilets jaunes ? syndicalistes de tous bords , ouvriers comme patrons ? politiciens de droite à gauche et d'extrême- gauche à extrême-droite ?
Râler , sport national où tout le monde est champion sans aucun entrainement préalable , être contre tout, apparemment vouloir le bien de tous et intimement se dire tout pour moi et rien pour les autres . Jusqu'à quand remettrez-vous la grève de l'imbécillité ?
Une idée sur le sujet ? Non ? vous êtes un saint !
« A Etienne-Noël Damilaville
Aux Délices près de Genève
2è avril 1764 1
Mon cher frère, c'est un ex-jésuite archifanatique, et archifripon 2, qui a fait le mandement de l'archevêque gascon archi-imbécile . On dit que l'archibourreau de Toulouse l'a brûlé au haut, ou au bas de l'escalier des plaids . Je ne sais si vous vous souvenez d'un chant de La Pucelle 3 dans lequel tous les personnages deviennent fous, et où chacun donne sur les oreilles de son voisin, qui le lui rend du plus grand cœur, de sorte que tous combattent contre tous sans savoir pourquoi . Voilà bien l'image de tout ce qui se passe aujourd’hui . Il faut que les honnêtes gens profitent de la guerre que se font les méchants . La seule chose qui m’afflige c'est l'inaction des frères . C'est une chose déplorable que l'auteur de la Gazette ecclésiastique puisse imprimer toutes les semaines les sottises qu'il veut, et que les frères ne puissent donner une fois par an un bon ouvrage qui achèverait d'extirper le fanatisme . Les frères ne s'entendent point , ne s'ameutent point, n'ont point de ralliement ; ils sont isolés, dispersés ; ils se contentent de dire à souper ce qu'ils pensent quand ils se rencontrent . Si Dieu avait permis que frère Platon, vous et moi eussions vécu ensemble, nous n'aurions pas été inutiles au monde .
J'ai reçu une lettre de M. Marin, et vous verrez ce qu'il m'écrit par ce que je lui réponds 4. Je vous soumets ma lettre, et je vous prie de la lui rendre . Je doute beaucoup qu'on puisse obtenir des faveurs de M. de Sartines, et je crois que dans le temps où nous sommes il n'en faut attendre de personne . Puisse seulement notre petit troupeau demeurer fidèle ! Mon cœur est desséché quand je songe qu'il y a dans Paris une foule de gens d'esprit qui pensent comme nous, et qu'aucun d'eux ne serve la cause commune . Il faudra donc finir comme Candide par cultiver son jardin . Adieu mon cher frère . Écr l'inf .
Vous devez avoir reçu , ou vous recevrez incessamment un petit ballot de 48 exemplaires de Corneille, en deux paquets . Je crois vous avoir déjà prévenu que l'un est destiné pour M. de Laleu, et que vous disposerez de l'autre . Mais je vous supplierai de les garder tous deux bien précieusement jusqu'à ce que vous ayez de mes nouvelles, parce qu'il est juste que le roi et les siens aient leurs exemplaires avant qu'il en paraisse dans le public . »
1 L'édition de Kehl date du 12 à la suite de la copie Beaumarchais où manquent la moitié du second paragraphe (jusqu'à demeurer fidèle) et tout le troisième ; suivi par toutes les éditions .
2 Patouillet ; voir les Honnêtetés littéraires, XXIII . Voir page 138 : https://books.google.fr/books?id=Lh4-AAAAcAAJ&pg=PA137&lpg=PA137&dq=Patouillet%C2%A0Honn%C3%AAtet%C3%A9s+litt%C3%A9raires,+XXIII&source=bl&ots=z0E5X8xNaG&sig=ACfU3U3gLu9dkF2MA8hk0lRfm9dacAbv4A&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwi2iNTG1IbiAhUEgRoKHXO3CLcQ6AEwAHoECAkQAQ#v=onepage&q=Patouillet%C2%A0Honn%C3%AAtet%C3%A9s%20litt%C3%A9raires%2C%20XXIII&f=false
3 C'est actuellement le chant XVII : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Pucelle_d%E2%80%99Orl%C3%A9ans/17
4 Lettre inconnue .
12:38 | Lien permanent | Commentaires (0)
Tout ce que je vois jette les semences d’une révolution qui arrivera immanquablement, et dont je n’aurai pas le plaisir d’être témoin. Les Français arrivent tard à tout, mais enfin ils arrivent ... on éclatera à la première occasion
... Je ne connais pas de Voltaire de nos jours, et qui plus est, ait la clairvoyance de l'original .
« A Bernard-Louis Chauvelin
2è avril 1764
Votre Excellence est assez bonne pour avoir des griefs contre moi. J’en ai moi-même un bien fort : c’est que je n’en peux plus, c’est que j’ai absolument perdu la santé, et qu’étant menacé de perdre la vue, tout ce que je peux faire, c’est de dicter une malheureuse lettre. Je suis tombé tout d’un coup, mais ce n’est pas de bien haut. Je ne savais pas que madame l’ambassadrice eût été malade ; je vous assure que je m’y serais plus intéressé qu’à ma propre misère, par la raison que j’aime beaucoup mieux les pièces de Racine que celles de Pradon, et que les beaux ouvrages de la nature inspirent plus d’intérêt que les autres.
J’avoue que j’ai eu grand tort de ne vous pas envoyer les Trois Manières ; mais puisque vous les avez, je ne peux réparer mon tort . Tout ce que je peux faire, c’est de vous donner madame Gertrude 1, si vous ne l’avez pas.
A l’égard de ce qui devait vous revenir vers le mois d’avril, ne prenez pas cela pour un poisson d’avril, s’il vous plaît . Je tiendrai ma parole tôt ou tard ; mais donnez un peu de temps à un pauvre malade. J’ai été accablé de fardeaux que mes forces ne pouvaient porter ; et, dans l’état où je suis réduit, il m’est impossible de m’appliquer. J’ai consumé la petite bougie que la nature m’avait donnée ; il ne reste plus qu’un faible lumignon que le moindre effort éteindrait absolument.
Oserais-je demander à Votre Excellence si elle est contente de la Gazette littéraire ? Il me semble que cette entreprise est en bonnes mains, et que, de tous les journaux, c’est celui qui met le plus au fait des sciences de l’Europe . C’est dommage qu’il ne parle point de mandements d’évêques, qu’on brûle tous les jours. Tout ce que je vois jette les semences d’une révolution qui arrivera immanquablement, et dont je n’aurai pas le plaisir d’être témoin. Les Français arrivent tard à tout, mais enfin ils arrivent. La lumière s’est tellement répandue de proche en proche, qu’on éclatera à la première occasion ; et alors ce sera un beau tapage. Les jeunes gens sont bien heureux ; ils verront de belles choses .2
A propos, je n’ose vous envoyer un conte à dormir debout 3, qui est très indigne d’un grave ambassadeur ; mais pour peu que madame l’ambassadrice se plaise aux Mille et une Nuits, je l’enverrai par la première poste ; en attendant, voici un petit avis d’un nommé Vadé à mes chers compatriotes 4. Ce Vadé-là était un homme bien difficile à vivre. Mille sincères et tendres respects.
V. »
1 L’Éducation d'une Fille.
2 Prédiction révolutionnaire célèbre (Georges Avenel).
3 Ce qui plaît aux dames .
4 Copie manuscrite du Discours aux Welches, par Antoine Vadé . On ne connait pas d'édition séparée du Discours aux Welches, inséré dans les Contes de Guillaume Vadé, mais V* en avait probablement un certain nombre de tirages à part .
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05/05/2019
la grande règle des conspirateurs est de n’admettre jamais dans leur complot que ceux qui peuvent les servir, et de tuer sans miséricorde tous ceux qui peuvent se douter de la conspiration
... De ce fait, si j'étais candidat aux élections européennes et tenant absolument à être élu, je m'abstiendrai de dire ce que je pense réellement du chef de parti et de ses choix de têtes de liste, l'actualité nous en donne moult exemples .
Le premier qui dit la vérité .... https://www.youtube.com/watch?v=AfpSRnahQig&list=RDAf...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
2è avril 1764 1
Il faut que je demande les ordres de mes anges sur une affaire d’État de la plus grande importance. Je sais que la grande règle des conspirateurs est de n’admettre jamais dans leur complot que ceux qui peuvent les servir, et de tuer sans miséricorde tous ceux qui peuvent se douter de la conspiration. Il y a plusieurs mois que je balance sur la manière dont je dois m’y prendre pour assassiner M. de Chauvelin l’ambassadeur. Il prétend, depuis un an, que je lui ai promis quelque chose pour le mois d’avril, et que ce n’est pas un poisson d’avril que je lui ai promis. Il était alors très vraisemblable qu’Octave et Antoine 2 paraîtraient avant Pâques . La destinée a voulu que le couvent d’Éphèse 3 eût la préférence. Enfin nous voici au mois d’avril . Voyez mes anges, si vous voulez que M. de Chauvelin soit de la conspiration . Son caractère semble l’en rendre digne ; cela est absolument du ministère des Affaires étrangères ; je ne ferai rien sans vos ordres ; j’ai résisté une année entière ; il ne sait rien du tout, et je ne rendrai la place que quand vous m’aurez ordonné de capituler. En ce cas, il faudra qu’il fasse serment, par écrit, lui et sa jeune femme, de ne jamais révéler la conspiration.
Il n’en est pas de même de M. de Thibouville ; il croit fermement, avec mademoiselle Clairon, que je travaille à Pierre-le-Cruel ; il est bon de fixer ainsi les incertitudes des curieux ; mais le fait est que je ne puis travailler à rien ; je suis très malade ; la fin de l’hiver et le commencement du printemps m’ont infiniment affaibli, et je crois qu’il faut dire adieu à toute espèce de vers et de prose. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que j’avais fourni quelques matériaux assez curieux pour votre gazette ; j’ai encore un petit cahier à vous envoyer, supposé que vous ayez été content des premiers ; mais, après cela, je ne sais pas ce que je deviendrai : les nouveautés me manquent, et les forces aussi.
Je vous supplie de vouloir bien me donner des nouvelles de la santé de M. le duc de Praslin ; je suis fâché de le voir goutteux avant le temps, car il me semble que la goutte n’est bonne qu’à mon âge : il ne faut jamais qu’un ministre soit malade ; c’est une chose affreuse que de souffrir et d’avoir à travailler, cela mine l’esprit et le corps. Il n’y a que l’entière liberté de n’avoir jamais rien à faire que ce que je veux, et d’être le maître de tous mes moments, qui m’ait fait supporter la vie. Portez-vous bien, mes divins anges.
J'ai reçu une lettre de M. Marin concernant des détails de librairie dont M. Damilaville s'était bien voulu charger, ce sont des minuties qui ne valent pas la peine de vous importuner, et dont M. Damilaville vous rendra compte,si vos bontés s'étendent jusqu'à ces petits détails .
Voyez d’ailleurs, avec M. le duc de Praslin, si vous voulez que j’assassine M. de Chauvelin, ou que je lui révèle le secret. Je sais bien qu’assassiner est le plus sûr, mais c’est un parti que je ne peux prendre sans votre permission expresse. »
1 L'édition de Kehl, suite à la copie Beaumarchais, supprime l'avant-dernier paragraphe .
2 Le Triumvirat.
3 Olympie .
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04/05/2019
avec du régime, de l'attention, de la résignation on vient à bout de ses maux jusqu'à ce qu'on crève
... Ti bouffes, ti bouffes pas, ti crèves quand même , comme dit la morale de La Cigale et la Fourmi : https://www.youtube.com/watch?v=TVATOwy9Hoo
Comment mourir "médicalement correct " :
https://www.cairn.info/la-raison-et-les-remedes--9782130384700.htm
« A Théodore Tronchin
[A mon cher Esculape]
[ 29 mars 1764 ?] 1
Notre petit Hercule en conduisant Agathe 2 au temple d'Epidaure veut absolument que je consulte Esculape . Mais je n'ose . J'en suis indigne . Il est vrai que j'ai un peu de fièvre toutes les nuits . Mais c'est le beau printemps qui me la donne ; on dit qu'il faut être enrhumé, avoir la fièvre, être dégoûté à l'équinoxe , qu'avec du régime, de l'attention, de la résignation on vient à bout de ses maux jusqu'à ce qu'on crève, qu'il ne faut pas importuner Esculape pour des niaiseries ;
Nec deus intersit nisi dignus vindice nodus .3
Mon cher grand homme y a-t-il quelque chose de nouveau ? Je me flatte que vous n'êtes pas de ceux qui veulent que les fornicateurs se mettent à genoux 4. Défaites-vous de toutes ces pauvretés-là .
V. »
1 L'année est fixée par la référence à Covelle, e tla date exacte par l'allusion au temps et à la fièvre de V* : le 27 il n'en était pas question, e tle 28 il était au lit 'voir lettre du 28 mars à Collini : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/05/04/je-fais-ce-que-je-peux-pour-ne-pas-perdre-patience-6148565.html
2 Agathe Frick , femme de chambre de Mme Denis .
3 Qu'un dieu n'ait pas à s'en mêler, à moins que le noeud de soit digne d'un tel vengeur ; Horace, Art poétique, 191 .
4 Un certain Robert Covelle ayant fait un enfant à une certaine Catherine Ferboz, a été condamné le 1er mars 1764 à demander « pardon à Dieu, genoux en terre » . De cette genevoiserie assez commune, V* fit une cause célèbre . Voir l'étude pas toujours parfaitement exacte de Jean-Pierre Ferrier : « Covelle, Voltaire et l'affaire de la génuflexion » dans le Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, 1946 . Voir : https://books.google.fr/books?id=SvzBDQAAQBAJ&pg=PA393&lpg=PA393&dq=Covelle,+Voltaire+et+l%27affaire+de+la+g%C3%A9nuflexion%C2%A0&source=bl&ots=z5edwhiBCo&sig=ACfU3U0n8XRQvIVzWQJ6k6LeTynkuqNy0Q&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiVi-SFkoLiAhXgDmMBHcIIAnkQ6AEwA3oECAcQAQ#v=onepage&q=Covelle%2C%20Voltaire%20et%20l'affaire%20de%20la%20g%C3%A9nuflexion%C2%A0&f=false
et La Guerre civile de Genève : http://prudent-diamant.e-monsite.com/pages/voltaire-fiches-de-lecture/la-guerre-civile-de-geneve.html
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