26/02/2020
Que m’importe, lui dit le vizir, que le chien ait mordu le porc, ou que le porc ait mordu le chien ?
... Le vizir étant Donald Trump , reçu en grande pompe en Inde, et fidèle à sa coutume, prêchant le faux pour passer la main dans le sens du poil aux dirigeants d'une puissance commercialement redoutable .
«https://www.lemonde.fr/international/article/2020/02/25/t...
A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
23è décembre 1764
Je commence, mon cher ange, et je dois commencer toutes mes lettres par le mot de reconnaissance. Nous vous demandons en grâce, Mme Denis et moi, de répéter à M. le duc de Praslin ce mot, qui est gravé dans nos cœurs pour vous et pour lui. Tandis que vous prenez des mesures politiques avec le tripot de la Comédie, il y a vraiment de belles querelles dans le tripot de Genève.
Quelques conseillers ont voulu que je vous en prévinsse, comptant que, dans l’occasion, vous serez leur médiateur auprès de M. le duc de Praslin. M. Crommelin doit vous en parler ; mais je ne crois pas que la querelle devienne jamais assez violente pour que la France s’en mêle ; le fond en est excessivement ridicule. Permettez-moi de vous ennuyer, en vous disant de quoi il s’agit.
La république de Genève est un petit État moitié démo, moitié aristo-cratique. Le Conseil du peuple, qu’on appelle le Conseil des Quinze-Cents, est en droit de destituer les premiers magistrats, qu’on appelle syndics. Jean-Jacques Rousseau (afin que vous le sachiez) était du Conseil des Quinze-Cents ; les magistrats qui exercent la justice s’étant divertis à faire brûler les livres de J.-J., J.-J., du haut de sa montagne ou du fond de sa vallée, excita les chefs de la populace à demander raison aux magistrats de l’insolence qu’ils avaient eue d’incendier les pensées d’un bourgeois de Genève. Ils allèrent deux à deux, au nombre d’environ six cents, représenter l’énormité du cas ; et J.-J. ne manqua pas de leur faire dire que, si on rôtissait les écrits d’un Genevois, il était bien triste qu’on n’en fît pas autant à ceux d’un Français. Un magistrat vint me demander poliment la permission de brûler un certain Portatif . Je lui dis que ses confrères étaient bien les maîtres, pourvu qu’ils ne brûlassent pas ma personne, et que je ne prenais nul intérêt à aucun Portatif.
Pendant ce temps J.-J. faisait imprimer, dans Amsterdam, un gros livre bien ennuyeux pour toutes les monarchies, et qui ne peut guère être lu que par des Genevois : cela s’appelle les Lettres de la montagne. Il y souffle le feu de la discorde, il excite tous les petits ordres de ce petit État les uns contre les autres ; et, à la première lecture, on a cru qu’il y aurait une guerre civile. Pour moi, je crois qu’il n’y aura rien, et que le tocsin de Rousseau ne fera pas un bruit dangereux. S’il y a quelques coups de poing donnés, je ne manquerai pas de vous en avertir, soit pour vous amuser, soit pour vous prier d’engager M. le duc de Praslin à mettre le hola.
Je ne sais quel ministre de je ne sais quelle puissance, ou quelle faiblesse chrétienne à la Porte ottomane, demanda un jour audience au grand-vizir, pour lui apprendre que les troupes de son maître chrétien avaient battu les troupes d’un autre prince chrétien. Que m’importe, lui dit le vizir, que le chien ait mordu le porc, ou que le porc ait mordu le chien ?
Vous ne serez point le vizir dans une occasion pareille ; vous serez un médiateur bienfaisant.
Si M. Crommelin vous parle de toutes ces tracasseries, je vous prie de lui dire que je vous en avais parlé comme je le devais.
Madame d’Argental m’inquiète beaucoup plus que Genève ; je ne sais rien de pis que de n’avoir point de santé ; ma mie Fournier 1 n’a-t-elle pas d’elle un soin extrême ?
Respect et tendresse. »
1 Le docteur Fournier, médecin des d'Argental . Voir lettre du 14 septembre 1761 : https://books.google.fr/books?id=wGJfAAAAcAAJ&pg=PA197&lpg=PA197&dq=docteur+Fournier,+m%C3%A9decin+des+d%27Argental&source=bl&ots=0Ox3r20U40&sig=ACfU3U3KjbwwFko4mdeE2FWFw_gGiIo0iw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiHpubv6-7nAhWGxYUKHaTUB80Q6AEwBXoECAgQAQ#v=onepage&q=docteur%20Fournier%2C%20m%C3%A9decin%20des%20d'Argental&f=false
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25/02/2020
je prie mon très cher corsaire de vouloir bien rayer Voiture comme Balzac
...
« A Henri Rieu
22 décembre [1764]
On m'envoie encore de Lyon une belle édition de Voiture 1, ainsi je prie mon très cher corsaire de vouloir bien rayer Voiture comme Balzac 2.
Il y a un courrier littéraire à Genève . Il annonce numéro 72, View of the internal policy of great Britain 3.
Je ne sais pas le nom du libraire, et je m'en rapporte aux bontés que mon cher corsaire a pour moi .
Mille compliments à M. Gaussen . »
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24/02/2020
La rage d’imprimer des livres, et d’imprimer son avis sur les livres, est montée à un tel point, qu’il faudrait une douzaine de bibliothèques du Vatican pour contenir tout ce fatras
... Sans compter tout ce qui circule sur le Net , bien entendu .
Why not ?
« Au marquis Francesco Albergati Capacelli
J’ai reçu, par la poste, monsieur, l’énorme poignée de verges de l’Aristarque et du Zoïle d’Italie 1; mais, dans l’état où sont mes yeux, il leur est impossible de lire cet ouvrage . Mes fluxions me sauvent de la frusta 2. C’est une chose prodigieuse que le nombre de journaux dont l’Europe est inondée. La rage d’imprimer des livres, et d’imprimer son avis sur les livres, est montée à un tel point, qu’il faudrait une douzaine de bibliothèques du Vatican pour contenir tout ce fatras. Les belles-lettres sont devenues un fléau public. Il n’y a d’autre parti à prendre que d’en user avec les livres comme avec les hommes, de choisir quelques amis dans la foule, de vivre avec eux, et de se soucier très peu du reste.
Mon malheur sera toujours d’avoir vécu loin d’un ami aussi respectable que vous. Ce qui me fait le plus regretter la perte de mes yeux, c’est de ne pouvoir plus lire l’Arioste ; mais je regrette votre société bien davantage. Votre très humble et très obéissant serviteur
V.
21è décembre 1764 .»
1Voir lettre du 29 octobre 1764 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/12/15/des-laquais-qui-medisent-de-leurs-maitres-dans-l-antichambre-6198299.html
2 Frusta = fouet , d'où les "verges" citées . Capacellei a envoyé le 7 décembre 1764 à V* les 22 premiers numéros de La Frusta Letteraria di Aristarco Scannabue, éditée par Giuseppe Baretti , 1763-1765 ; le Catalogue de Ferney mentionne aussi les numéros 23 et 24 qui sans doute furent envoyés par la suite . Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Frusta_letteraria_(magazine)
17:02 | Lien permanent | Commentaires (0)
nous ne sommes que des barbouilleurs de papier, très inutiles en ce monde
... Notre presse people correspond parfaitement à ce jugement . Son seul mérite est de donner du travail à certains, et son défaut majeur d'être des pollueurs physiques et moraux . Tout n'est pas rose en notre monde ma pauvre M'ame Michu !
« A Jacob Vernes
[vers le 20 décembre ? ] 1764 1
[…] Jean-Jacques et moi nous ne sommes que des barbouilleurs de papier, très inutiles en ce monde . Tout notre mérite est d'augmenter le commerce du chiffon . Nos vers, notre prose, nos paradoxes, nos contradictions, nos sottises ne font ni bien ni mal . Le grand point est de manger en paix à l'ombre de son figuier 2, et de se réjouir dans ses œuvres 3. Tout le reste est vanité 4 . Dieu nous tienne ne liesse .
V.»
1 D'après le manuscrit olographe dont manque la partie supérieure ; l'édition Charles Dardier, Esaïe Gasc, 1876, propose cette date par rapprochement avec la lettre du 21 décembre 1764 à Albergati Capacelli .
2 Michée ( Prophètes mineurs, ou Douze) , IV, 4 : https://fr.wikisource.org/wiki/Bible_Segond_1910/Mich%C3%A9e#Mich%C3%A9e_4
3 Psaumes , CIV, 31 : https://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Staugustin/psaumes/ps101a110/ps104.htm
4 Ecclésiaste, I, 14 : https://www.levangile.com/Bible-Annotee-Ecclesiaste-1-Note-14.htm . On ne peut se montrer plus pénétré du style biblique que V* ne le fait dans ces quelques lignes .
08:39 | Lien permanent | Commentaires (0)
23/02/2020
il s'en remet entièrement au zèle et à la prudence des deux frères , et leur présente ses respects
...
« A Jacob Tronchin 1
Conseiller d’État
à Genève
Le vieux de la montagne avait eu l'honneur d'écrire ce matin un petit mot à monsieur Tronchin, et avait déjà envoyé sa lettre avant de recevoir celle que monsieur Tronchin veut bien lui écrire .
Les lettres de MM. les ducs de Choiseul et de Praslin étaient déjà parties hier, en conséquence des ordres de monsieur Tronchin . Il avait même donné avis à M. Crommelin de cette démarche .
Quant à la petite affaire sur laquelle monsieur Tronchin dit avoir reçu une lettre ce matin du vieux de la montagne, il s'en remet entièrement au zèle et à la prudence des deux frères 2, et leur présente ses respects .
20è décembre [1764] à midi 3. »
2 Le frère de Jacob est Jean-Robert Tronchin, procureur général . Voir : https://gw.geneanet.org/rossellat?lang=en&p=jean+robert&n=tronchin&oc=4
3 L'édition Droz place cette lettre en 1766 ; elle est ici placée par son rapprochement avec celle du 23 décembre 1764 à d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/09/correspondance-annee-1764-partie-41.html
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22/02/2020
il n’a rien fait, rien écrit, que muni de la permission expresse de son héros, et de son ordre positif, qu’il garde soigneusement
... Edouard Philippe ? Le saura-t-on un jour ? Qui peut être le "héros" de ce barbu qui rêve d'être le premier dans sa ville plutôt que second dans l'Etat ?
« A Louis-François-Armand du Plesssis, duc de Richelieu
19è décembre 1764 à Ferney
Remontre très humblement François de V. l’aveugle à son héros :
1° Que son héros n’a pas autant de mémoire que d’imagination et de grâces ; qu’il daigna mander le 1er de septembre à son vieux courtisan : « Vous êtes et serez toujours le maître des rôles de toutes vos pièces ; c’est un droit qui vous serait moins disputé qu’à personne, et une loi où l’on obéira en vous battant des mains ; je le veux absolument. »
Voilà les propres paroles de monseigneur le maréchal.
2° Que ces propres paroles étaient en réponse d’un placet présenté par l’aveugle, dans lequel ledit aveugle avait supplié son héros de lui permettre de faire une nouvelle distribution de ces rôles .
3° Que ledit suppliant a été, depuis environ quarante ans en çà, berné par son dit héros, lequel lui a donné force ridicules le plus gaiement du monde .
4° Que ledit pauvre diable ne mérite point du tout le ridicule d’être accusé d’avoir entrepris quelque chose de sa tête dans cette importante affaire, et qu’il n’a rien fait, rien écrit, que muni de la permission expresse de son héros, et de son ordre positif, qu’il garde soigneusement .
5° Qu’il écrivit en conséquence au grasseyeur Grandval, qu’il instruisit ledit grasseyeur de la permission de monseigneur le maréchal, et que, partant, il est clair que le berné n’a manqué à aucun de ses devoirs envers son héros le berneur .
6° Qu’il n’a consulté en aucune manière Parme et Plaisance 1 sur les acteurs et actrices du tripot de Paris ; mais que, sur le rapport de plusieurs farceurs, grands connaisseurs, barbouilleurs de papier, et autres grands personnages, il a distribué ses rôles, selon toute justice, selon le bon plaisir de monseigneur le maréchal et des autres gentilshommes de la chambre ; ce qu’il a expressément recommandé dans toutes ses lettres aux connaisseurs représentant le parterre .
7° Qu’il n’a envoyé au grasseyeur ses dernières dispositions, sous une enveloppe parmesane, que pour éviter les frais de la poste au grasseyeur, et pour faire parvenir la lettre plus sûrement, une première ayant été perdue.
Ces sept raisons péremptoires étant clairement exposées, le suppliant espère en la miséricorde de son héros et en ses plaisanteries.
Il supplie son héros d’examiner la chose un moment de sang-froid, sans humeur et sans bons mots, et de lui rendre justice.
Il y a plus de quinze jours que j’ai écrit pour faire venir quatre exemplaires de ce cher Julien l’apostat 2, pour vous en faire parvenir un par la voie que vous m’avez ordonnée.
Vous croyez bien que j’ai reçu de mon mieux l’ambassadeur de Mme d’Egmont. Je vois que votre voyage dans mon pays des neiges est assez éloigné encore ; mais si jamais madame d’Egmont veut passer le mont Cenis et aller à Naples, je me ferai prêtre pour l’accompagner en qualité de son aumônier Poussatin 3.
Je suis honteux de mourir sans avoir vu le tombeau de Virgile, la ville souterraine, Saint-Pierre de Rome et les facéties papales.
Je me mets aux pieds de mon héros avec une extrême colère, un profond respect, et un attachement sans bornes.
V. »
1 Allusion à d'Argental, représentant de Parme à Paris .
2 La Défense du paganisme, traduit par d’Argens : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61992d.texteImage
3 Poussatin est un personnage des Mémoires du comte de Gramont, ouvrage de Antoine Hamilton dont V* admire le style et l'esprit . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Hamilton
et https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k29220q.texteImage et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k292212
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On est las de toutes ces disputes
...
« A Etienne-Noël Damilaville
19 décembre 1764 1
Gabriel Cramer attend le manuscrit, mon cher frère ; mais moi, je vous prie de m'envoyer des imprimés . On doit avoir actuellement les édits, j'en suis curieux comme d'une pièce nouvelle . Mandez-moi je vous prie si cette pièce réussit ou si elle est sifflée .
L’Arbitrage ne fera pas une grande sensation . On est las de toutes ces disputes ; et quand il s'agit de sottises présentes, on se soucie fort peu de celles qui sont attribuées au cardinal de Richelieu .
Il y a d'autres sottises qui doivent être l'objet éternel de l'attention des frères . Partant, écr l'inf . »
1 Copie par Wagnière qui amalgame ce fragment de lettre à celle du 26 décembre 1764, en dépit d ela contradiction entre les débuts rerspectifs des deux lettres ; le "manuscrit " est en effet l'ouvrage dont il est question dans la première phrase de la lettre du 26 décembre 1764 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/09/correspondance-annee-1764-partie-41.html
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