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04/05/2019

Votre famille est une famille de sages

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Famille modèle

 

Je ne sais si j'entendrai un jour dire cela de ma famille . En fait je n'ai aucun doute , seuls des gens mal informés pourraient le dire .

La sagesse est toujours temporaire et peut sauter plusieurs générations . Le dalaï lama lui-même, que l'on dit sage, est le dernier de cette qualité et le dernier chainon d'une famille dont on ignore la folie ou la sagesse de lui avoir fait prendre cette voie si extraordinaire .

Om mani padme hum ?!

Mais je préfère, tout agnostique que je suis, https://www.youtube.com/watch?v=kkJC8p48g6g&list=RDkk...

 

 

 

« A Jean Lévesque de Burigny 1

Aux Délices , près de Genève,

le 29 mars 1764 2

[Il est malade et presque aveugle ] Je recevrai avec la plus vive reconnaissance l'histoire de ce brave chancelier, homme de lettres et homme d’État 3 […] Il n'appartient qu'à un philosophe d’écrire cette histoire . Votre famille est une famille de sages . Je fais mes compliments à monsieur votre neveu [...] »

2 Le manuscrit était dans les archives de la famille Noiron, de Reims .

3 Vie de Michel de l'Hôpital, chancelier de France, ouvrage anonyme de Jean-Simon Lévesque de Pouilly, 1764 , cet auteur étant le neveu du correspondant de V* . Voir : https://data.bnf.fr/fr/14543508/jean-simon_levesque_de_pouilly/

Je fais ce que je peux pour ne pas perdre patience

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« A Cosimo Alessandro Collini

Mon cher ami, je vous adresse un voyageur qui est digne de voir Manheim, votre bibliothèque, votre académie et toutes vos raretés, mais surtout le respectable maître de toutes ces belles choses ; c’est M Mallet 1, d’une très bonne famille de Genève, homme d’un vrai mérite. Il a été longtemps à la cour de Copenhague, où il est fort regretté ; il a fait l’Histoire de Danemark, comme vous celle du Palatinat 2. Je vous prie de le recommander à M. Harold 3 avec le même empressement que je vous le recommande. Votre théâtre de Schwetzingen a porté bonheur à Olympie ; on dit qu’elle est bien jouée et bien reçue à Paris. Le public a témoigné qu’il ne serait pas fâché de voir l’auteur ; mais si je pouvais faire un voyage, ce serait vers le Rhin que j’irais, et non vers la Seine . Mon état me permet moins que jamais ce bonheur, je dépéris tous les jours . Je suis actuellement au lit, avec un peu de fièvre ; mes souffrances sont continuelles . Je fais ce que je peux pour ne pas perdre patience. On dit que la philosophie rend heureux ; mais je crois que les gens qui ont dit cela se portaient bien. Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.

Ferney ce 28è mars 1764. »

1 Paul Henri Mallet ; sur cet ouvrage, Histoire du Danemarc, voir lettre de 1763 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/06/18/vous-avez-tres-bien-releve-mes-inadvertances.html

3 Cet Anglais ami de Collini, était attaché à la personne de l'électeur Charles-Théodore. L'opéra traduit de l'italien par Collini, était intitulé Cajo Fabricio ( voir : https://data.bnf.fr/fr/15587723/johann_adolf_hasse_cajo_fabricio/

). Il avait été représenté sur le théâtre du palais de Manheim. (Clogenson).

03/05/2019

Que reste-t-il à tous ces rois qui ont ébranlé l’Europe par leurs guerres

... Rien de plus qu'une place six pieds sous terre, comme tout le monde !

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« A Caroline-Louise de Hesse-Darmstadt, margravine de Baden-Durlach

A Ferney 28 mars 1764

Madame, Votre Altesse Sérénissime se doute bien que je porte une furieuse envie à celui qui aura l’honneur de vous rendre cette lettre. Il jouira de l’avantage de voir une cour dans laquelle tout le monde voudrait vivre, et d’être admis auprès d’une princesse dont on voudrait être né sujet. C’est, madame, un citoyen de Genève, d’une des meilleures familles de cette république, il se nomme Mallet 1. Il a été longtemps à la cour de Danemark, où il est fort estimé . J’ose dire qu’il est digne d’être présenté à Votre Altesse Sérénissime . Personne n’est plus sensible que lui au mérite supérieur . Enfin, madame, quoiqu’il ne soit qu’un voyageur, il deviendra votre sujet, dès qu’il aura eu le bonheur de vous voir et de vous entendre ; c’est le sort de tous ceux qui ont passé à Carlsruhe . Cette noble retraite est devenue, grâce à Votre Altesse Sérénissime, l’asile de la vertu et du bonheur. Que reste-t-il à tous ces rois qui ont ébranlé l’Europe par leurs guerres, que de revenir chacun dans leur Carls Rue 2? Vous êtes, madame, plus sage qu’eux tous, car vous êtes demeurée en paix chez vous, et ils sont forcés enfin de vous imiter.

Je suis avec un profond respect,

madame,

de Vos Altesses Sérénissimes,

le très humble et très obéissant serviteur. 

Voltaire.»

2 Une édition donne Carls ruhe , ce qui semble plus juste que rue, car on a un jeu de mot adéquat : paix de Charles .

 

c’est la satire sans sel, la grossièreté sans esprit, l’envie sans aucune raison d’être envieux, la méchanceté dans toute sa laideur

... Et ce ne sont pas les élucubrations diffusées larga manu sur les réseaux dits sociaux qui te feraient changer d'avis mon cher Voltaire .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

27è mars 1764 1

J’ai à peine le temps, mon cher frère, de vous remercier, en deux mots, de tout ce que vous m’avez écrit de charmant le 22è mars. Les belles-lettres sont dans un étrange avilissement à Paris ; mais je me trompe , ce ne sont pas les belles-lettres, ce sont les vilaines, les infâmes lettres ; c’est la satire sans sel, la grossièreté sans esprit, l’envie sans aucune raison d’être envieux, la méchanceté dans toute sa laideur . Plus on cherche à mordre notre ami Platon, et plus je lui suis attaché. Votre zèle pour la saine littérature est infatigable . Vous êtes bien loin de ressembler à ceux 2 qui ont le temps d’aller dîner tous les jours très loin de chez eux, et qui n’ont pas le temps, pendant six mois, d’écrire une seule lettre à leurs amis . Ceux-là glacent le cœur, et vous l’échauffez. Je serais fort étonné si l’on permettait actuellement la Tolérance. J’ai toujours pensé qu’il fallait attendre ; mais mon cher frère voit les choses de plus près, et mieux que moi . Je crois que le frère Gabriel Cramer a fini d’imprimer les Contes de Guillaume Vadé. Il y a des choses un peu vives ; on y a ajouté quelques morceaux 3 de Jérôme Carré. Jérôme et Guillaume sont des gens hardis ; mais la plaisanterie fait tout passer . Vous pouvez dire, dans l’occasion, aux gens difficiles, que c’est un recueil de plusieurs polissons, dont aucun, ne se donnant pour un homme sérieux ne mérite pas 4 d’être examiné à la rigueur. Adieu, mon très-cher frère. »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais supprime la phrase Voici le petit billet que vous avez la bonté de me demander, et date la lettre du 30 mars, après plusieurs tentatives de remaniements abandonnées .

2 Thieriot .

3 L'Appel à toutes les nations .

4 Sic .

02/05/2019

Nous ne savons plus ce que nous voulons . Notre nation est folle et probablement le sera toujours

... Voltaire dixit , l'actualité le confirme . J'ai envie de renoncer à ma nationalité quand je vois ce dont sont capables mes compatriotes   (agresseurs de pompiers et des soignants ) pires que des charognards , à mettre en cage d'urgence .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

27 mars 1764] 1

Eh bien mes anges gardiens, si on donne des ordures à l'Opéra-Comique, on montre donc la rareté et le curiosité 2 à la Comédie-Française ? Il est vrai qu'il faut un peu de ces facéties pour réveiller le public assoupi qui dort au théâtre depuis si longtemps . Il a fallu dissiper l'ennui de l'uniformité . Le grand malheur de notre théâtre c'est que presque toutes les tragédies se ressemblent . Comment fera-t-on d'ores en avant ?3 Voilà mon embarras . Il paraît aussi difficile de trouver des auteurs et des acteurs qu'à un contrôleur général de trouver de l'argent . Je croyais que ce serait Grandval qui grasseyerait le rôle d'Antigone mais il a été annoncé, dit-on , par ce bellâtre de Bellecour, qui avec ses gestes de province répand dit-on la glace à pleines mains . Je crois révérence parler qu'Olympie a été mieux jouée à Ferney qu'à Paris . L'exagération est un peu forte, mais il faut pardonner aux campagnards d'aimer le vin cru . Il arrivera malheur au théâtre parisien . La pompe et le grand appareil du spectacle ayant réussi on ne voudra plus donner que du Servandoni 4. Les anciennes pièces paraîtront fades et les nouvelles ne seront que les grandes marionnettes ; nous passerons en tout d'une extrémité à l'autre . Nous ne savons plus ce que nous voulons . Notre nation est folle et probablement le sera toujours , mais ce qu'il y a de plus plaisant ce sont les gens de votre pays qui veulent faire les graves . Ne riez-vous pas prodigieusement de tout ce que vous voyez ? Que vous faites à merveille de songer à vous amuser dès qu'il est quatre heures et demie, et d'aller juger les belles lenteurs de Clairon et les belles convulsions de Dumesnil ? Avouez que je suis bien bon d'abandonner ma charrue et mon râteau pour amuser MM. les Parisiens, mais c'est vous qui m'y avez forcé, c'est vous qui avez fait L'Orphelin de la Chine, Tancrède, Le Droit du Seigneur, Olympie et Les Roués . Je vous enverrai quand vous voudrez un nouveau quatrième acte pour ces Roués ; je n'ai pas actuellement mon clerc à côté de moi, mais la chose ne presse pas et vous avez du temps devant vous.

Je suis très fâché de la goutte de M. le duc de Praslin 5 et je suis très aise que Mme de Pompadour se porte mieux . Il est vrai qu’elle aimait beaucoup Catilina, mais enfin c'est toujours aimer les belles-lettres, et c'est un goût assez rare à votre cour . Avez-vous entendu parler de la palissotise 6 intitulée La Dunciade ? Je me flatte que M. le duc de Choiseul ne » 

1 On ne possède que les quatre premières pages de la lettre, le reste du texte ne peut être suppléé par aucune autre source .

2 Sur la rareté et la curiosité, voir lettre du 16 décembre 1760 à Lekain : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1760-partie-48-121093171.html

3 D'ores en avant est considéré comme archaïque par le Dictionnaire de Trévoux, 1721 ; tandis que Richelet, 1680, le donne comme « pas trop usité ».

5 Ce mot est écrit Prazlin, ce qui ne témoigne pas de la prononciation de V* puisqu'il écrit par ailleurs Pralin, par exemple dans la lettre du 21 mars 1764 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/04/28/il-n-etait-pas-juste-en-verite-que-ce-fut-moi-qui-semat-et-l-6146886.html

6 On a vu palissotise dans la lettre du 26 mars 1764 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/05/02/j-ai-toujours-dit-ce-que-j-ai-pense-et-je-ne-connais-aucun-cas-dans-lequel.html

L'édition de La Dunciade, ou la Guerre des sots, poème dont V* parle ici est de Chelsea et est présente dans sa bibliothèque ; elle ne comprend que trois livres . V* acquiert plus tard l'édition de Londres , 1771 ; voir lettre du 4 avril 1764 à Palissot : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-12.html

j’ai toujours dit ce que j’ai pensé, et je ne connais aucun cas dans lequel il faille dire ce qu’on ne pense point

... Ami Voltaire, nous sommes là bien loin de ce que pratiquent nos politiciens de tous bords . Leurs places d'élus sont bâties sur des mensonges grands ou petits et la crédulité et/ou la lassitude des électeurs . Ce ne sont pas les élections européennes à venir qui montreront le contraire .

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Paroles sincères d'ami, de Winnie à Porcinet

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

26è mars 1764 1

Vous voyez bien, mon cher frère, que vous aviez conçu trop d’alarmes au sujet de frère Platon, et qu’un aussi mauvais ouvrage que la Palissotise 2 ne pouvait nuire en aucune manière qu’à son auteur. Il est vrai qu’il est protégé par un ministre 3 ; mais ce ministre, plein d’esprit et de mérite, aime fort la philosophie et n’aime point du tout les mauvais vers. S’il fut un peu sévère, il y a quelques années, envers l’abbé Morellet 4, il faut lui pardonner. L’article indiscret, inséré dans une brochure, au sujet de madame la princesse de Robecq 5, indigna tous les amis de cette dame, qui, en effet, n’apprit que par cette brochure le danger de mort où elle était. Je suis persuadé que tous nos chers philosophes, en se conduisant bien, en n’affectant point de braver les puissances de ce monde, trouveront toujours beaucoup de protection . Ce serait assurément grand dommage que nous perdissions madame de Pompadour ; elle n’a jamais persécuté les gens de lettres, et elle a fait beaucoup de bien à plusieurs. Elle pense comme vous, et il serait difficile qu’elle fût bien remplacée . Je me console de n’avoir pu parvenir à voir les fatras de l’archevêque de Paris et de l’abbé de Caveyrac, et je suis honteux de m’être fait une bibliothèque de tout ce qui s’est écrit, depuis deux ans, pour et contre les jésuites. Il vaut bien mieux relire Cicéron, Horace et Virgile . Vous aurez incessamment le Corneille commenté ; j’ai pris la liberté de vous en adresser un ballot de vingt-quatre exemplaires, dont je vous supplie d’envoyer douze à M. de Laleu, vous ferez présent des autres à qui il vous plaira . C’est à vous à distribuer vos faveurs. Il y a des gens de lettres qui ne sont pas assez riches pour acheter cet ouvrage, et qui le recevront de vous bien volontiers gratis . Les fanatiques de Corneille n’y trouveront peut-être pas leur compte ; mais je fais plus de cas du bon goût que de leur suffrage . J’ai tout examiné sans passion et sans intérêt, j’ai toujours dit ce que j’ai pensé, et je ne connais aucun cas dans lequel il faille dire ce qu’on ne pense point. Comptez, mon cher frère, que je dise la chose du monde la plus vraie, quand je vous assure de mon très tendre attachement. »

1 L'édition de Kehl ,suite à la copie Beaumarchais, insère dans cette lettre un fragment de celle du 16 avril 1764 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-11.html

3 Le duc de Choiseul .

4 Lorsque celui-ci a été embastillé quelque temps en 1760 ; voir lettre du 7 juillet 1760 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/07/06/ayant-sous-son-nez-80-mille-autrichiens-et-100-mille-russes-5732407.html

5 Sur l'affaire de Mme de Robecq, dans laquelle l'attitude de Morellet a été en effet inqualifiable , voir lettre du 10 juin 1760 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/10/quand-je-vous-ecrivis-en-beau-style-academique-je-m-en-fous.html

01/05/2019

si vous voulez avoir les coudées franches à Paris

... Evitez les quartiers où les manifestants de tout poil et casseurs patentés vont sévir aux dépens de ceux qu'ils déclarent défendre; ce qui me rappelle furieusement l'histoire du serviteur zélé qui , pour le protéger, écrase le moustique à la massue sur le crâne de son maître . Merci pour votre aide , disent en choeur les commerçants et artisans pillés .

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AOE ? GOT ?

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 25 mars 1764] 1

Mais caro il se trouvera qu'en outre il vous aura coûté 4 exemplaires reliés . Songez encore qu'il en faut un à Marin si vous voulez avoir les coudées franches à Paris . Il y compte . Il sera fâché de n'avoir pas de vous cette marque d'attention .

Je vous souhaite prospérité .

Pressez je vous en conjure l'envoi des nouveaux vingt-quatre exemplaires à frère Damilaville . »

1 Manuscrit olographe sur une carte à jouer . La date est fixée par la référence à la mention dans la lettre du 26 mars 1764 à Damilaville des 24 exemplaires du Corneille commenté .