22/03/2019
j'ai grand- peur que l'aventure de l'archevêque ne nous fasse du tort
... Dit en loucedé, Fanfoué Ier pape de son état, en confession, à propos de Barbarin . Il va s'en tirer avec quelques Pater noster et Ave Maria, et puis la nave va sur l'eau bénite, comme avant , comme toujours .
« A Gabriel Cramer
[février-mars 1764]
C'est aujourd’hui samedi, on enverra copie lundi matin . Je suis très fâché que tout le ballot soit chez M. de Sartine 1; je n'ai pas autant de confiance que monsieur Gabriel, et j'ai grand- peur que l'aventure de l'archevêque ne nous fasse du tort . »
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21/03/2019
Il faut laisser passer l'orage jésuitique qui grossit tous les jours, après quoi le calme reviendra, et avec le calme la liberté
... François, le pape jésuite qui se conduit comme un pharisien, est bien peu digne de sa fonction qui est de vouloir le bien et éradiquer le mal, protecteur de ses prêtres mal à propos . Le brouillard qu'il répand ne fait pas oublier l'orage qui gronde encore sur le monde catholique .
« A Gabriel Cramer
[février-mars 1764]
Il faut laisser passer l'orage jésuitique qui grossit tous les jours, après quoi le calme reviendra, et avec le calme la liberté . J'adoucirai avec grand plaisir tous les traits de M. Clocpitre qui paraîtront un peu trop forts 1.
À l'égard de ces petits sommaires des pièces de Molière 2, cet ouvrage qui n'est rien par lui-même, n'était convenable qu'à la tête d'une édition de Molière ; il ne fut composé en effet que pour l'édition in-4° que M. de Chauvelin faisait faire, mais on préféra l'ouvrage de M. de Lasserre, si bien connu de vous et de toute la terre . Cependant , mon cher Caro, si vous avez la rage d'imprimer cette bagatelle pédantesque envoyez-la-moi , nous verrons si on peut la rendre intéressante ; il faudra nécessairement une petite préface . La conversation du menu et de l'abbé Brisel a été très corrigée, très adoucie, et on a retranché les dernières pages qui sentaient un peu le fagot .
J'attends les épreuves qu'on doit me renvoyer et qu'on ne renvoie point .
J'embrasse tendrement monsieur Cramer . »
1 Lettre de M. Clocpitre à M. Eratou sur la question « si les juifs ont mangé de la chair humaine et comment ils l’apprêtaient » parut dans les Contes de Guillaume Vadé . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-satire-lettre-de-m-clocpitre-a-m-eratou-120133109.html
2 Ces Petits sommaires des pièces de Molière sont aussi insérés dans les Contes de Guillaume Vadé à la suite d'une « Vie de Molière » ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Vie_de_Moli%C3%A8re
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Je tremble toujours pour La Tolérance, quoi qu'on die, quoi qu'on die
... Elle semble bien être la chose du monde la moins bien partagée , la moins bien comprise et de ce fait la moins bien appliquée . Ce serait si simple pourtant .
Comme ces migrants mexicains, la tolérance est en cage .
« A Gabriel Cramer
[février-mars 1764] 1
Voici copie . Que Dieu répande ses bénédictions sur ce petit recueil de Guillaume Vadé et de Jérôme Carré . Ce sont mes deux bons amis ; monsieur Gabriel et moi nous leur servons de père . Tout Paris donne la préférence aux Trois Manières de Jérôme sur La Reine Berthe de Guillaume . Pour moi, je ne décide point, je ne veux point faire de jaloux .
Je tremble toujours pour La Tolérance, quoi qu'on die, quoi qu'on die 2; et je conseille à monsieur Gabriel de glisser Jérôme et Guillaume dans Pierre . »
1 L'édition Gagnebin place cette lettre dans la seconde moitié d'avril . C'est au milieu d'avril au plus tard que les exemplaires des Contes de Guillaume Vadé imprimés parvinrent à Paris, d'où la date proposée .
2 Rappel des Femmes savantes, III, 2 : http://www.toutmoliere.net/acte-3,405429.html#nhi
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J'ai répondu pour lui qu'il n'entendrait aucun sermon de sa vie , il en sera moins ennuyé et plus tranquille
...C'est ce que l'on devrait faire à la naissance de chaque enfant plutôt que de suivre la sacro-sainte "Tradition" et engager en religion un malheureux bébé qui n'a besoin que du sein de sa mère et de la protection de son père . On lui mentira bien assez en lui faisant croire au père Noël et aux fake news, alors inutile de l'étourdir de sermons à propos de dieux hypothétiques servis par des zélateurs abrutissants .
Pauvre gamins ! on vous donne de bien mauvais exemples .
« A [Dominique Audibert ?]
[février-mars 1764] 1
Vous pouvez dire à M. Neckre qu'on m'a promis la délivrance de votre martyr . J'ai répondu pour lui qu'il n'entendrait aucun sermon de sa vie , il en sera moins ennuyé et plus tranquille, c'est un exemple que je lui donne . On va reprendre l’affaire des Calas .
Mme Denis et moi nous présentons nos obéissances à madame votre femme ; j'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
V.
Il est bien ridicule de risquer les galères pour un mauvais sermon ; mais aussi il est bien affreux d'enchaîner un pauvre sot pour avoir écouté un fou . Je suis bien aise d'être où je suis, loin de tant d'horreurs et de tant de bêtises . »
1 Edition F. Baldensperger : « Lettres inédites ou négligées de Voltaire ayant trait à ses rapports avec l'étranger », qui est une transcription littérale du manuscrit, source non précisée, et donc suivie . La date suggérée se base sur l'hypothèse selon laquelle le « martyr » mentionné serait Chaumont ; voir lettre du 4 mars à Manoël de Végobre : « J'ai été assez heureux, monsieur, pour tirer de pauvre Chaumont des galères, je crains bien de ne pas réussir à rendre le même service à ses camarades. »
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20/03/2019
il peut, en toute sûreté, protéger les mécréants contre les prêtres
... Qui donc ? le président de la République ? Peut-être .
La France, dite fille aînée de l'Eglise catholique, devrait normalement être assez grande pour être bien émancipée et avoir jeté sa cornette/soutane aux orties . Le pape, François, sensé être un modèle, vient de prouver qu'il n'est vraiment pas aussi ferme dans ses actes que dans ses paroles en refusant la démission de Barbarin du poste d'archevêque au nom de la présomption d'innocence . Je pense plutôt que c'est par manque d'évêque irréprochable à nommer à la place , mais, mécréant que je suis, je peux me tromper .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
29è février 1764 1
Voici ce que je dis d’abord à mes anges sur leur lettre du 23 février . Je les remercie du fond de mon cœur de toutes leurs bontés . Je leur envoie une lettre de M. le premier président de Dijon, qui fera connaître à M. le duc de Praslin qu’il peut, en toute sûreté, protéger les mécréants contre les prêtres.
J’ajoute, à propos de la Gazette littéraire, que je pourrai rendre de plus prompts services en italien qu’en anglais, quand les choses seront en train . La raison en est que les Alpes sont plus près de l’Italie que de l’Angleterre. Mais il me semble que je ne dois établir aucune correspondance, ni faire venir les livres nouveaux d’Italie, sans un ordre exprès de M. le duc de Praslin. Je le servirai tant que l’âme me battra dans le corps, et que j’aurai un reste de visière 2. Et quand je serai aveugle tout-à-fait, je dirai : Buona notte 3.
Mes anges, que servirait de vivre ? est fort bien ; mais trouvez-moi une rime à ivre.
Pour Olympie, il y a du malheur, il y a de la fatalité dans mon fait. Je suis avec elle comme M. de Chimène avec mademoiselle Clairon ; vous savez qu’en trois rendez-vous il perdit partie, revanche et le tout 4. Il arrive à mon imagination le même désastre qu’essuya sa tendresse. Mais j’aime bien les Roués 5 ! Je suis fâché à présent de n’avoir pas joué un tour ; c’était de faire attendre des changements pour Pâques, et, en attendant, on aurait pu donner les Roués . Mais, n’en parlons plus, il faut se soumettre à sa destinée.
Il y a du malheur cette année sur les tragédies, et vous m’en avez envoyé une preuve.
Voulez-vous bien permettre que je vous adresse ma réponse à M. Saurin 6. Vous avez dû recevoir force rogatons . J’y joins une lettre 7 ostensible que je vous écris pour être montrée à M. le duc de Duras ; je crois que cela vaut mieux que de lui écrire en droiture.
Respect et tendresse à mes anges. »
1 L'édition de Kehl imprime le second paragraphe biffé sur la copie Beaumarchais, mais omet, ainsi que les éditions suivantes, la phrase sur la réponse à Saurin au début de l'avant-dernier paragraphe .
2 Voir lettre du 21 septembre 1762 à B. -L. Chauvelin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/08/17/je-ne-connais-point-d-assassinat-plus-horrible-et-plus-punissable-que-celui.html
3 Bonne nuit .
4 Termes des jeux de carte, en particulier le piquet ; voir lettre du 1er décembre 1752 à Ximenès : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1752/Lettre_2475
5 Le Triumvirat .
6 Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/03/19/un-temps-viendra-sans-doute-ou-nous-mettrons-les-papes-sur-le-theatre.html
7 Lettre inconnue .
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19/03/2019
Un temps viendra, sans doute, où nous mettrons les papes sur le théâtre
... Et ça ne sera pas pour leur plus grande gloire, occupés qu'ils sont de se rendre compte que leurs prêtres ne sont pas que des bergers bienveillants, mais parfois, trop souvent, des prédateurs sexuels pédophiles . Et ce n'est pas près de s'arrêter . Quelle hésitation peut avoir le tonsuré romain à accepter la démission du tonsuré lyonnais : assez de grimaces, le ménage doit être fait à tous les étages !
« A Bernard-Joseph Saurin
28è février 1764
Vous avez fait, monsieur, bien de l’honneur à ce Tomson 1 ; je l’ai connu il y a quarante années. S’il avait su être un peu plus intéressant dans ses autres pièces et moins déclamateur, il aurait réformé le théâtre anglais, que Gille Shakespear a fait naître et a gâté ; mais ce Gille Shakespear, avec toute sa barbarie et son ridicule, a, comme Lopez de Vèga des traits si naïfs et si vrais et un fracas d’action si imposant, que tous les raisonnements de Pierre Corneille sont à la glace en comparaison du tragique de ce Gille. On court encore à ses pièces, et on s’y plaît en les trouvant absurdes.
Les Anglais ont un autre avantage sur nous, c’est de se passer de la rime. Le mérite de nos grands poètes est souvent dans la difficulté de la rime surmontée, et le mérite des poètes anglais est souvent dans l’expression de la nature. Le vôtre, monsieur, est principalement dans les pensées fortes, exprimées avec vigueur . Je vois dans tous vos ouvrages la main du philosophe.
Vous savez qu’il n’y a pas un mot de vrai dans l’histoire de Sigismunda et de Guiscardo , mais je vous sais bon gré d’avoir donné des louanges à ce Mainfroid dont les papes 2 ont dit tant de mal, et à qui ils en ont tant fait. Un temps viendra, sans doute, où nous mettrons les papes sur le théâtre, comme les Grecs y mettaient les Atrées et les Thyestes, qu’ils voulaient rendre odieux. Un temps viendra où la Saint-Barthélemy sera un sujet de tragédie 3, et où l’on verra le comte Raimond de Toulouse braver l’insolence hypocrite du comte de Montfort. L’horreur pour le fanatisme s’introduit dans tous les esprits éclairés. Si quelqu’un est capable d’encourager la nation à penser sagement et fortement, c’est vous sans doute. Je ne suis plus bon à rien ; je suis comme ce Danois qui, étant las de tuer à la bataille d’Hocstet, disait à un Anglais : « Brave Anglais, va-t-en tuer le reste, car je n’en peux plus. »
Adieu, mon cher philosophe , vous ne me parlez plus de votre ménage , je me flatte qu’il est toujours heureux . Conservez un peu d’amitié à votre véritable ami
V. »
1 En l’adaptant dans sa tragédie Blanche et Guiscard ; voir lettre du 22 janvier 1764 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/01/28/mais-il-y-a-des-temps-ou-il-ne-faut-pas-irriter-les-esprits-qui-ne-sont-que.html
2 Ce mot a été biffé par V* qui le récrit au-dessus de la ligne, peut-être faute d'un synonyme ; de même deux lignes plus loin .
3 Baculard d'Arnaud a traité le sujet dans Coligny ou la saint-Barthélémy, pièce qui fut attribuée à V* ; voir une lettre de Leblanc à Bouhier du 29 janvier 1740 : le sujet est en effet tiré de La Henriade . Plus tard Marie-Joseph Chénier fit jouer Charles IX ou l’École des rois quelques mois après le début de la Révolution le 4 novembre 1789, et quelques années avant que son frère ne périt victime de celle-ci en 1794 .
Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Thomas-Marie_de_Baculard_d%27Arnaud
et : https://libretheatre.fr/charles-ix-ou-lecole-des-rois-de-marie-joseph-chenier/
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18/03/2019
il paraît qu'il est plus aisé de rouer les gens que de rendre justice à l'innocence
... Et il est plus aisé à un Gilet jaune d'approuver/excuser les méfaits des casseurs que de reconnaître que ses manifestations de gamin vexé ineptes sont et seront toujours vérolées grâce à lui . Combien de Gilets jaunes ont osé se dresser contre les Blacks Blocs plutôt que contre la police ? Combien ?... Foies jaunes !
... et bons à rien !
« A Philippe Debrus
à Genève
L'affaire des Calas monsieur traîne bien en longueur ; il paraît qu'il est plus aisé de rouer les gens que de rendre justice à l'innocence . Je vous prie de m'envoyer l'adresse de Mme Calas, et de vouloir bien dire à l'un des deux frères qui sont à Genève de passer chez moi quand leurs affaires le permettront . J'ai quelque chose à leur remettre .
J'ai l'honneur d'être
monsieur
votre très humble et obéissant serviteur
Voltaire.
Ferney 28 février [1764]1»
1 Le manuscrit porte la mention « 63 » changée en « 64 », ce qui est correct .
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