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09/01/2013

Je suis surprise que vous soyez étonné de notre désespoir

... S'ensuit une lettre que les tweetteurs ne peuvent convevoir, ni même imaginer . Une relation d'évènements, simple, sans fioritures inutiles voilà qui peut aussi être un modèle pour les journaleux pisse-copies qui jargonnent à n'en plus savoir que dire . Voilà mon désespoir, mais ne soyez pas surpris car je ne suis pas étonné par cette disette intellectuelle .

Je comprends, et je partage, l'attachement de Voltaire pour cette dame et son admiration sincère qui ne se démentira pas .

 

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« De madame la margrave de Baireuth.

Le 8 octobre [1757].

Vos lettres me sont toutes bien parvenues. L'agitation de mon esprit a si fort accablé mon corps que je n'ai pu vous répondre plus tôt. Je suis surprise que vous soyez étonné de notre désespoir. Il faut que les nouvelles soient bien rares dans vos cantons, puisque vous ignorez ce qui se passe dans le monde. J'avais dessein de vous faire une relation détaillée de l'enchainement de nos malheurs. Ma faiblesse y a mis obstacle. Je ne vous la ferai que très-abrégée. La bataille de Kollin était déjà gagnée, et les Prussiens étaient les maîtres du champ de bataille, sur la montagne, à l'aile droite des ennemis, lorsqu'un certain mauvais génie 1, que vous n'aimez point, s'avisa, contre les ordres exprès qu'il avait reçus du roi, d'attaquer le corps de bataille autrichien; ce qui causa un grand intervalle entre l'aile gauche prussienne, qui était victorieuse, et ce corps. Il empêcha aussi que cette aile fût soutenue. Le roi boucha le vide avec deux régiments de cavalerie. Une décharge de canons à cartouches les fit reculer et fuir. Les Autrichiens, qui avaient eu le temps de se reconnaître, tombèrent en flanc et à dos sur les Prussiens. Le roi, malgré son habileté et ses peines, ne put
remédier au désordre. Il fut en danger d'être pris ou tué. Le premier bataillon des gardes à pied lui donna le temps de se retirer, en se jetant devant lui. Il vit massacrer ces braves gens, qui périrent tous, à la réserve de deux cents, après avoir fait une cruelle boucherie des ennemis. Le blocus de
Prague fut levé le lendemain 2. Le roi forma deux armées; il donna le commandement de l'une à mon frère de Prusse 3, et garda l'autre. Il tira un cordon depuis Lissa jusqu'à Leutmeritz, où il posa son camp. La désertion se mit dans son armée. De près de trente mille Saxons, à peine il en resta
deux à trois mille. Le roi avait en face l'armée de Nadasti; mon frère, qui était à Lissa, celle de Daun. Mon frère tirait ses vivres de Zittau; le roi, du magasin de Leutmeritz. Daun passa l'Elbe, et déroba une marche au prince de Prusse. Il prit Gabel, où étaient quatre bataillons prussiens, et
marcha à Zittau. Le prince décampa pour aller au secours de cette ville. Il perdit les équipages et les pontons, les voitures étant trop larges et ne pouvant passer par les chemins étroits des montagnes. Il arriva à temps pour sauver la garnison, et une partie du magasin. Le roi fut obligé de rentrer en Saxe. Les deux armées combinées campèrent à Bautzen et Bernstadt; celle des Autrichiens, entre Gorlitz et Schonaw, dans un poste inattaquable. Le 17 de septembre, le roi marcha à l'ennemi pour tâcher de s'emparer de Gorlitz. Les deux armées en présence se canonnèrent sans effet; mais les Prussiens
parvinrent à leur but, et prirent Gorlitz. Ils se campèrent alors depuis Bernstadt, sur les hauteurs de Jauornick, jusqu'à la Neiss, où le corps du général Winterfeld commençait, s'étendant jusqu'à Radomeritz. L'armée du prince de Soubise, combinée avec celle de l'empire, s'était avancée jusqu'à
Erfurt. Elle pouvait couper l'Elbe, en se postant à Leipsick, ce qui aurait rendu la position du roi fort dangereuse. Il quitta donc l'armée, dont il donna le commandement au prince de Bevern, et marcha avec beaucoup de précipitation et de secret sur Erfurt 4. Il faillit à surprendre l'armée de l'empire; mais ces troupes craintives s'enfuirent en désordre dans les défilés impénétrables de la Thuringe, derrière Eisenach. Le prince de Soubise, trop faible pour s'opposer aux Prussiens, s'y était déjà retiré. Ce fut à Erfurt, et ensuite à Naumbourg, où le destin déchaîna ses flèches empoisonnées
contre le roi Il apprit l'indigne traité conclu par le duc de Cumberland 5, la marche du duc de Richelieu, la mort et la défaite de Winterfeld 6, qui fut attaqué par tout le corps de Nadasti, consistant en vingt-quatre mille hommes, et n'en ayant que six mille pour se défendre; l'entrée des Autrichiens en Silésie, et celle des Suédois dans l'Ucker-Marck 7, où ils semblaient prendre la route de Berlin. Joignez à cela la Prusse, depuis Nemmel jusqu'à Kœnigsberg, réduite en un vaste désert, voilà un échantillon de nos infortunes. Depuis, les Autrichiens se sont avancés jusqu'à Breslau . L'habile conduite du prince de Bevern les a empêchés d'y mettre le siège. Ils sont présentement occupés à celui de Schweidnitz. Un de leurs partis, de quatre mille hommes, a tiré des contributions de Berlin même. L'arrivée du prince Maurice 8 leur a fait vider le pays du roi. Dans ce moment, on vient me dire que Leipsick est bloqué; mon frère de Prusse y est fort malade; le roi est à Torgau; jugez de mes inquiétudes et de mes douleurs; à peine suis-je en état de finir cette lettre. Je tremble pour le roi, et qu'il ne prenne quelque résolution violente. Adieu; souhaitez-moi la mort, c'est ce qui pourra m'arriver de plus heureux.
Mais avec ces sentiments, je suis bien loin de condamner Caton et Othon; le dernier n'a eu de beau moment en sa vie que celui de sa mort.
Croyez que si j'étais Voltaire,... »

1 On ne sait si la margrave fait allusion ici à quelque manœuvre imprudente du prince Maurice d'Anhalt, nommé vers la fin de cette lettre, ou à Sa sacrée Majesté le Hasard, dont Voltaire parle à Frédéric II au commencement de sa lettre du 30 mars 1759. (Clogenson)

2 Le 19 juin 1757.

3 Auguste-Guillaume, mort en juin 1758.

4 Ce fut à Erfurt que Frédéric composa son Épître au marquis d'Argens, citée plus haut.

5 Celui du 8 septembre, à Closter-Sewen.

6 J.-Ch. Winterfeld, mort le 7 septembre, l'un des meilleurs lieutenants du roi de Prusse, devenu son ami, s'était engagé comme simple soldat vers 1725.

7 L'Ucker-Marck (et non Uter-Marc) était autrefois une des trois Marches de l'électorat de Brandebourg.

8 Maurice d'Anhalt, né en 1712 comme le roi de Prusse, qui le fit feld-maréchat de ses troupes; mort le 12 avril 1760. II est nommé dans la lettre

 

08/01/2013

Les enfants ne se font pas à coups de plume

... Je confirme, par expérience ! Ou alors on m'a menti sur la cigogne et les roses et les choux et les abeilles, enfin tout ce qui concourt à faire augmenter la population de charmante manière . Point de plumes donc, si ce ne sont celles de la cigogne, livreur express doué d'ubiquité comme le père Noël  .

De toutes façons, ...

 http://www.youtube.com/watch?v=zuNmzTLwjcc

 

 

« A M. Jean-Baptiste-François de La MICHODIÈRE
intendant d'Auvergne.

 [vers octobre 1757]1

Monsieur, c'est à Breslau, à Londres, et à Dordrecht, qu'on commença, il y a environ trente ans, à supputer le nombre des habitants par celui des baptêmes. On multiplia, dans Londres, le nombre des baptêmes par 35, à Breslau, par 33. M. de Kerseboum, magistrat de Dordrecht, prit un milieu. Son calcul se trouva très-juste : car, s'étant donné la peine de compter un par un tous les habitants de cette petite ville, il vérifia que sa règle de 34 était la plus sûre.
Cependant elle ne l'est ni dans les villes dont il part beaucoup d'émigrants, ni dans celles où viennent s'établir beaucoup d'étrangers et, dans ce dernier cas, on ajoute pour les étrangers un supplément qu'il n'est pas malaisé de faire.
Toutes ces règles ne sont pas d'une justesse mathématique; vous savez mieux que moi, monsieur, qu'il faut toujours se contenter de l'à-peu-près. La fameuse méridienne de France n'est certainement pas tirée en ligne droite, le roi n'a pas le même revenu tous les ans, et le complet n'est jamais dans les troupes. Il n'y a que Dieu qui ait fait au juste le dénombrement des combattants du peuple d'Israël, qui se trouva de six cent mille hommes 2 au bout de deux cent quinze ans, tous descendants de Jacob, sans compter les femmes, les vieillards, et les enfants. Les habitants de Clermont en Auvergne ne peuvent avoir augmenté dans cette miraculeuse progression. Ceux qui ont attribué quarante-cinq mille citoyens à cette ville ont presque autant exagéré que l'historien Josèphe,3 qui comptait douze cent mille âmes dans Jérusalem pendant le siége. Jérusalem n'en a jamais pu contenir trente mille.
Lorsque j'étais à Bruxelles 4, on me disait que la ville avait cinquante mille habitants, le pensionnaire, après avoir pris toutes les instructions qu'il pouvait, m'avoua qu'il n'en avait pas trouvé dix-sept mille 5.
J'ai fait usage de la règle de 34 à Genève elle s'est trouvée un peu trop forte. On compte dans Genève environ vingt-cinq mille habitants; il y naît environ sept cent soixante-quinze enfants, année commune or 775 multiplié par 34 donne 26,350.
La règle de 33 donnerait 25,575 têtes à Genève 6. Cela posé, monsieur, il paraît évident qu'il y a tout au plus vingt mille personnes à Clermont, et ce nombre ne doit pas vous paraître extraordinaire, les hommes ne peuplent pas comme le prétendent ceux 7 qui nous disent froidement qu'après le déluge il y avait des millions d'hommes sur la terre. Les enfants ne se font pas à coups de plume, et il faut des circonstances fort heureuses pour que la population augmente d'un vingtième en cent années. Un dénombrement fait en 1718, probablement très-fautif, ne donne à Clermont que 1,324 feux; si on comptait (en exagérant) dix personnes par feu, ce ne serait que 13,240 têtes; et si, depuis ce temps, le nombre en était monté à vingt mille, ce serait un progrès dont il n'y a guère d'exemples. Il vaut mieux croire que l'auteur du dénombrement des feux s'est trompé mais, quand même il se serait trompé de moitié, quand même il y aurait eu le double de feux qu'il suppose, c'est-à-dire 2,648, jamais on ne compte que cinq à six habitants par feu mettons-en six il y aurait eu 15,888 habitants à Clermont; et, depuis ce temps, le nombre se serait accru jusqu'à vingt mille par une administration heureuse, et par des événements que j'ignore.
Tout concourt donc, monsieur, à persuader que Clermont ne contient en effet que vingt mille habitants s'il s'en trouvait quarante mille sur environ 588 baptêmes par an, ce serait un prodige unique dont je ne pourrais demander la raison qu'à vos lumières.
Voilà, monsieur, ce que mes faibles connaissances me permettent de répondre à la lettre dont vous m'avez honoré. Cette lettre me fait voir quelle est votre exactitude et votre sage application dans votre gouvernement; elle me remplit d'estime pour vous, monsieur; et ce n'est que par pure obéissance à vos ordres que je vous ai exposé mes idées, que je dois en tout soumettre aux vôtres. Vous êtes à portée de faire une opération beaucoup plus juste que ma règle. On vient, dans toute l'étendue de la domination de Berne, d'envoyer dans chaque maison compter le nombre des maîtres, des domestiques, et même des chevaux 8. Il est vrai qu'on s'en rapporte à la bonne foi de chaque particulier, dans le seul pays de l'Europe où l'on ne paye pas la moindre taxe au souverain, et où cependant le souverain est très-riche. Mais, sous une administration telle que la vôtre, quel particulier pourrait déranger, par sa réticence, une opération utile qui ne tend qu'à faire connaître le nombre des habitants, et à leur procurer des secours dans le besoin ?
J'ai l'honneur d'être avec la plus respectueuse estime, etc.
VOLTAIRE

gentilhomme ordinaire du roi. »

1 Cette lettre, datée ainsi Ferney, novembre, dans l'édition de Kehl, ne fut certainement écrite ni à Ferney, ni en novembre 1757. Voltaire n'acheta Ferney que vers octobre 1758, et ce fut dès octobre 1757 que J.-B.-Fr. de La Michodière, né le 2 septembre 1720, passa de l'intendance de Riom à celle de Lyon. (Clogenson.)

 

2 Il est question de six cent trois mille cinq cent cinquante dans le chapitre Ier des Nombres, verset 46 ; Exode XII, 37 .

 

3 Flavius Josèphe donne différentes indications sur la population de Jérusalem dans De bello judaïco VI, xi, 3 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58257f/f37.image

 

4 En 1740, 1741, et 1742.

 

5 En 1824, on comptait cent douze mille habitants à Bruxelles. (Clogenson)

 

6 C'était ce nombre d'habitants que des hommes bien informés comptaient encore à Genève en 1823. (Clogenson)

 

7 Le père Petau; voyez tome XXVII, page 73.

 

8 Un recensement fut fait en 1757 du nombre d'hommes aptes à servir et des chevaux disponibles en cas de mobilisation .

 

07/01/2013

la casse absorbe toutes mes idées

... Dit le loubard de banlieue en mettant le feu à la voiture qu'il vient de voler .

Eh bien ! moi cette casse, tout comme celle que prenait Voltaire, vulgairement parlant, ça me fait ch... !

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« A Jean-Robert TRONCHIN

à Lyon

12 octobre [1757]

Je laisse là les rois pour cet ordinaire mon cher monsieur et je me borne à mes petits besoins dont vous m'avez permis de vous faire l'exposé et auxquels vous subvenez si humainement . Il faut que vous sachiez que tous les bons vins de liqueur que vous m'avez envoyés seront bus à Lausanne et qu'il ne me restera rien pour le petit ermitage auprès de Genève . Si donc vous trouvez en votre chemin et à votre loisir des vins de liqueur qui vous plaisent et dont vous vouliez me faire part je vous supplierai de les adresser à M. Cathala, me flattant qu'il voudra bien les garder jusqu'à mon retour . Il ne m'importe de la quantité pourvu qu'ils puissent se garder et à l'égard du temps vous en êtes le maitre pendant tout l'hiver . Mais il y a un objet bien plus important . M. le docteur Tronchin m'ordonne plus de casse 1 qu'il ne me permet de vin . Au nom d'Hippocrate ne me laissez point manquer de casse . Ayez la bonté monsieur de me recommander à votre droguiste . Je ne dis pas à votre apothicaire car vous n'en avez point . Faites moi avoir vingt livres de casse en bâton pour mon hiver . Ce n'est pas trop . Les vins de liqueur sont pour mes convives et la casse pour moi . Les tapis d'Aubusson peuvent plaire à Mme Denis mais à moi, il faut plus de casse qu'au malade imaginaire . Les affaires de la Saxe iront comme elles voudront mais je ne peux vivre sans casse .

Après avoir traité cette importante matière je pourrais vous dire que j'attends la confirmation du voyage prétendu du comte de Gotter et même celui de la margrave de Bareith . Mais la casse absorbe toutes mes idées . Bonsoir mon cher correspondant . Je vous embrasse du meilleur de mon cœur .

V. »

 

06/01/2013

Je donne d'assez bon vin de Beaujolais à mes convives de Genève mais je bois en cachette le vin de Bourgogne

... Ce qui n'est que justice car les Genevois produisent un vin style décap'four et le moindre beaujolais leur semble un nectar . Le bourgogne est fort bon pour notre malicieux Volti, et trop bon pour des palais helvétiques dénaturés .

Bon , en toute vérité, de nos jours il existe quelques bons vins suisses, chers . La Suisse ne fait pas que drainer les fortunes de tous points du monde, elle importe aussi en grande quantité des vins français, grand bien lui fasse .

Tchin tchin !

Sanntéée gaaaillaard !

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« A Antoine-Jean-Gabriel LE BAULT

 

conseiller du parlement de Dijon

 

Aux Délices 12 octobre [1757]

 

 

 

Plus je vieillis, monsieur, plus je sens le prix de vos bontés . Votre bon vin me devient nécessaire . Je donne d'assez bon vin de Beaujolais à mes convives de Genève mais je bois en cachette le vin de Bourgogne . Je passe mon hiver à Lausanne où j'userai du même régime . Je voudrais bien séparer en deux vos bienfaits moitié pour Lausanne moitié pour Genève . Ne pourriez-vous pas à votre loisir m'envoyer , ou deux petites pièces à mon commissionnaire de Nyon , ou des paniers de bouteilles ? Comme je ne suis pas absolument pressé vous aurez tout le temps de vous déterminer . Mon commissionnaire de Nyon s'appelle Mme Scanavin, ce qui originairement voulait dire sac à vin .

 

Quant à mon expérience de physique d'avoir de belles vignes dans mon vilain terrain, je fais arracher actuellement mes ceps hérétiques pour recevoir vos catholiques . Vous savez que ce n'est qu’un essai et un amusement . Je vous remercie monsieur de daigner vous y prêter . Tout ce que je souhaite c'est que vous veniez quelque jour boire du vin que vous aurez fait naitre dans ma petite retraite .

 

Ma nièce et moi vous présentons nos respects à Mme Le Bault et j'ai l'honneur d'être avec les mêmes sentiments

 

Monsieur

 

votre très humble et très obéissant serviteur

 

Voltaire. »

 

03/01/2013

Il est bon d'avoir quelque chose d'assuré quand on se trouve transplanté en pays étranger

 ... Fut-ce transplanté volontaire ! n'est-ce pas Gérard 2par2, dès ce jour Popof par la grâce de (Ras)Poutine ; ridicules tous deux, sans conteste . Belle recrue  ! Obélix ex-gaulois chez les ex-soviets va dédier des ex-votos pas très orthodoxes à St Flouze .

Pinard/vodka : mêmes résultats, nez en aubergine, tronche de feu arrière

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« A Jean-Robert TRONCHIN

 à Lyon

 5 octobre [1757]

Nous allons donc meubler la maison du Chêne à Lausanne grâce à vos bontés mon cher monsieur et à celles de M. Camp . En attendant nous marions un des fils du général Constant avec la belle Mlle Pictet et nous unissons Lausanne à Genève .

On prétend ici qu'un comte de Gotter est arrivé à la cour de la part du roi de Prusse 1. Cette nouvelle excite un peu ma curiosité . On ne m'en écrit rien de Paris et je ne reçois d'Allemagne que des lamentations . Il serait difficile qu'un envoyé de Prusse fût à la cour et que la personne en qui vous avez tant de confiance n'en sût rien . Mandez-moi je vous prie ce que vous aurez pu en apprendre .

Que Laleu paye en octobre ou en novembre cela est bien égal , mais si les Anglais restaient trop longtemps sur nos côtes le trésor royal et l'hôtel de ville 2 pourraient ne pas payer si bien . Il est bon d'avoir quelque chose d'assuré quand on se trouve transplanté en pays étranger . Vous m'avouerez que si j'avais placé tout mon bien en Prusse comme on me le proposa , je ne meublerais pas si proprement la maison du Chêne . Bonsoir monsieur, l'oncle et la nièce sont à vous pour jamais comme de raison .

V. »

1 Voir lettre du même jour à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/02/n...

2 Placements de V* qui rapportent des rentes viagères .

 

02/01/2013

ne nous présentons que dans les temps de disette, ne nous prodiguons point, il faut qu'on nous désire un peu

... Je crois ici entendre, non pas Voltaire  qui préfère laisser les concurrents s'essoufler, mais toutes les femmes qui savent ce que sont les hommes . Et elles ont raison , au moins sur ce point , hélas !

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« A M. Charles-Augustin FERRIOL, comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 5 octobre [1757]
Voilà qui est plaisant, mon cher ange! M. Darget m'envoie un manuscrit 1 que le roi de Prusse fit rédiger pour moi, il y a près de vingt ans 2, et dont j'ai déjà fait usage dans les dernières éditions de Charles XII. Je ne lui en suis pas moins obligé. Il me promet quelques autres anecdotes que je ne connais pas. C'est donc vous qui vous mettez à favoriser l'histoire, et qui faites des infidélités au tripot ? Je vous renouvelle la prière que je vous ai faite par ma précédente et cette prière est d'attendre. Laissons Iphigénie en Crimée 3 reparaître avec tous ses avantages; ne nous présentons que dans les temps de disette, ne nous prodiguons point, il faut qu'on nous désire un peu. Eh bien ! ce M. de Gotter 4 est-il à Paris, comme on le dit? Personne ne m'en parle, et je suis bien curieux. Je voudrais vous écrire quatre pages, et je finis parce que la poste part. Nous faisons ici des mariages 5; nous rendons service, Mme Denis et moi, à notre petit pays roman, et nous allons jouer en trois actes la Femme qui a raison.6
Mille tendres respects. »

2 Voir les lettres du 10 et du 19 novembre 1737 de Frédéric à Voltaire ; il y est question d'une histoire manuscrite du czar. Voir : lettres 32 et 33 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-avec-frederic-de-prusse---partie-9-66491692.html

3 Iphigénie en Tauride, dont la reprise eut lieu, à la Comédie française, dans la première quinzaine de décembre 1757.

5 Mariage de Charlotte Pictet et David-Louis Constant de Rebecque d'Hermenches : voir lettre du 4 octobre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/01/il-faut-ne-s-occuper-que-des-agrements-d-une-societe-telle-q.html

6 Comédie de Voltaire; voir page 571 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411320x/f573.image

 

01/01/2013

Mon intention n'est pas de dire combien il y avait de vessies de cochon à la fête des cardinaux

... Princes de l'Eglise, que n'êtes vous seulement 4 , ce qui serait suffisant pour nous orienter, si tant est que vous fussiez remarquables ; mais bon, vous n'êtes pas au(x) point(s) : dixit GPS 1er .

Perdons le nord un instant

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« A M. Claude-Etienne DARGET. 1

Aux Délices, 5 octobre 1757.

Bénis soient les Russes, qui m'ont procuré une de vos lettres, mon cher monsieur ! Vous êtes un homme charmant; on voit bien que vous n'abandonnez pas vos amis au besoin. Mais comment l'écrit, que vous avez la bonté de m'envoyer, vous est-il parvenu? Savez-vous bien que c'est pour moi que le roi de Prusse avait bien voulu faire rédiger ce mémoire ?2 Il est parmi mes paperasses depuis 1738, et j'en ai même fait usage dans les dernières éditions de la Vie de Charles XII. Je l'ai négligé depuis comme un échafaudage dont on n'a plus besoin. J'en avais même égaré une partie, et vous avez la bonté de m'en faire parvenir une copie entière dans le temps qu'il peut m'être plus utile que jamais. Il est vrai que l'impératrice de Russie a paru souhaiter que je travaillasse à l'histoire du règne de son père, et que je donnasse au public un détail de cette création nouvelle. La plupart des choses que M. de Vokenrodt a dites étaient vraies autrefois, et ne le sont plus. Pétersbourg n'était autrefois qu'un amas irrégulier de maisons de bois; c'est à présent une ville plus belle que Berlin, peuplée de trois cent mille hommes; tout s'est perfectionné à peu près dans cette proportion. Le czar a créé, et ses successeurs ont achevé. On m'envoie toutes les archives de Pierre le Grand. Mon intention n'est pas de dire combien il y avait de vessies de cochon à la fête des cardinaux qu'il célébrait tous les ans, ni combien de verres d'eau-de-vie il faisait boire aux filles d'honneur à leur déjeuner, mais tout ce qu'il a fait pour le bien du genre humain dans l'étendue de deux mille lieues de pays. Nous ne nous attendions pas, mon cher ami, quand nous étions à Potsdam, que les Russes viendraient à Kœnigsberg avec cent pièces de gros canon, et que M. de Richelieu serait dans le même temps aux portes de Magdebourg. Ce qui pourra peut-être encore vous étonner, c'est que le roi de Prusse m'écrive aujourd'hui, et que je sois occupé à le consoler. Nous voilà tous éparpillés. Vous souvenez-vous qu'entre vous et Algarotti c'était à qui décamperait le premier ? Mais que devient votre fils ? est-il toujours là ? ou bien avez-vous la consolation de le voir auprès de vous ? Je vous serais très-obligé de m'en instruire. J'aime encore mieux des mémoires sur ce qui vous regarde que sur l'empire de Russie; cependant, puisque vous avez encore quelques anecdotes sur ce pays-là, je vous serai aussi fort obligé de vouloir bien m'en faire part. J'ai reçu votre paquet contre-signé Bouret cette voie est prompte et sûre. Je m'amuserai dans ma douce retraite avec l'empire de Russie, et je verrai en philosophe les révolutions de l'Allemagne, tandis que vous formerez de bons officiers dans l'École militaire . M. Duverney doit être déjà bien satisfait des succès de cet établissement, par lequel il s'immortalise. Il faut qu'il travaille et qu'il soit utile jusqu'au dernier moment de sa vie. Je me flatte que la vôtre est heureuse, que votre emploi vous laisse du loisir, et que vous ne vous repentez pas d'avoir quitté les bords de la Sprée. Il ne reste plus là que ce pauvre d'Argens; je le plains, mais je plains encore plus son maître. Mon jardin est beaucoup plus agréable que celui de Potsdam, et heureusement on n'y fait point de parade. Je me laisse aller, comme je peux, au plaisir de m'entretenir avec vous sans beaucoup de suite, mais avec le plaisir qu'on sent à causer avec son compatriote et son ami. Il me semble que nous nous retrouvons; je crois vous voir et vous entendre. Conservez votre amitié au Suisse

 

VOLTAIRE. »

 

 

1    Ancien lecteur et secrétaire de Frédéric II de 1749 à 1756 ; voir : http://ub-dok.uni-trier.de/argens/pic/pers/Darget.php

 

2  Frédéric II avait peut-être envoyé les originaux ou une copie .