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17/01/2013

Je suis toujours étonné de vivre quand je vois des jeunes gens mourir

... Etonné ? Non, plutôt révolté . Mais pas au point de vouloir mourir à la place de l'un d'eux, si je me permets d'être franc , ou alors seulement si c'est un membre de ma famille .

Nobody's perfect !

Retour vers le futur

 retour vers le futur 1402.png

C'est une maison bleue ....

http://www.youtube.com/watch?v=0rxGgX7HknA

 

 

« A M. le ministre Jacob VERNES 1
chez monsieur son père à Genève

 
Au Chêne, à Lausanne, 26 octobre.
Je regrette sensiblement le petit Patu 2 il aimait tous les arts, et son âme était candide. Je suis toujours étonné de vivre quand je vois des jeunes gens mourir. Tout sert, mon cher monsieur, à me convaincre du néant de la vie et du néant de tout.
J'ai peine à croire l'armistice dont on parle. S'il y en avait un, il ne pourrait être que dans le goût de celui du duc de Cumberland 3; et le roi de Prusse me trompera fort s'il signe un pareil traité. Je le crois dans un triste état. Il aura bientôt plus de besoin d'être philosophe que grand capitaine.
Tâchez de convertir Mme de Montferrat c'est la plus belle victoire que vous puissiez remporter; mais je tiens la place imprenable.
Mme Denis vous fait ses compliments. Elle est occupée du matin au soir à embellir la maison de Lausanne. Elle me rend trop mondain mais il faut tout souffrir.
Je vous embrasse du meilleur de mon cœur. 

V.»

2 Mort le 20 août 1757 ; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude-Pierre_Patu

3 A Closter-Zeven, le 8 septembre. 1757.

 

16/01/2013

Je n'en suis pas moins persuadé que le commerce est l'âme d'un État

... Sans état d'âme ! Dame oui !!

Commerce équitable ?

 

commerce_equitable.jpg

http://ledaoen.over-blog.com/article-35641607.html


Le corps est formé des paysans et des ouvriers, de ceux qui les soignent, de ceux qui les protègent, de ceux qui leur montrent de belles choses . Ni plus, ni moins, je crois .

 

 

 

« A M. Nicolas-Claude THIERIOT.

Au Chêne, 26 octobre [1757].

Je vous envoie, mon cher ami, la réponse que je devais à M. Déguerti 1, elle a traîné quelques jours sur mon bureau. Si vous le voyez, je vous prie de lui dire combien je suis satisfait de son ouvrage et reconnaissant de son présent. J'aime le commerce pour le bien public, car, pour le mien, je ne devrais pas trop l'aimer. Je m'étais avisé, il y a quelques années, de mettre une partie de mon avoir entre les mains des commerçants de Cadix. Je trouvais qu'il était beau de recevoir des lettres de la Vera-Cruz et de Lima. Messieurs de Gades 2 et des Colonnes d'Hercule peuvent y avoir gagné et j'y ai beaucoup perdu. Je n'en suis pas moins persuadé que le commerce est l'âme d'un État. C'est ainsi que j'aime les beaux-arts et que je les crois toujours utiles, malgré tout le mal que l'envie attachée aux arts m'a pu faire. Dites-moi, je vous prie, à propos de ces arts que tant de coquins déshonorent, s'il est vrai que le misérable La Beaumelle soit sorti 3 de sa Bastille en même temps que votre archevêque est revenu de Conflans, et l'abbé Chauvelin de son exil. Puisque le roi est en train de donner la paix à ses sujets, j'espère qu'il la donnera à l'Europe. Si, dans les circonstances présentes, il en est le pacificateur, il jouera un plus beau rôle que Louis XIV.
Vous ne m'avez point parlé de Mme de Sandwich; ne vous a-t-elle pas laissé par son testament quelque marque de son souvenir ? Qu'est devenu le diamant que vous avait laissé cette pauvre
Mme de La Popelinière? Êtes-vous encore puni de vous être attaché à elle?

 

26 octobre [1757] à Lausanne aux Chênes
Je n'ai rien reçu encore de Pétersbourg pendent opera interrupta, minaeque murorum ingentes 4.
J'ai grand'peur que l'hydropisie d'Élisabeth ne nuise à l'Histoire de Pierre. Ce qui se passe à présent mérite un petit morceau curieux. Il fournira, si je vis, un ou deux chapitres à l'Histoire générale que vous aimez. Il ne sera pas inutile de faire voir comment le pays sablonneux de Brandebourg avait formé une puissance contre laquelle il a fallu de plus grands efforts qu'on n'en a jamais fait contre Louis XIV. J'ai sur ces événements des anecdotes uniques mais c'est à présent le temps de se taire.
Quant à cette pauvre Jeanne, je vous réitère que personne ne connaît la véritable. Si jamais vous venez sur les bords de mon lac, nous la lirons au pied de la statue de messer Ludovico Ariosto.
Interim, vale. Sed quid novi

 

V.»

 

 

 

 

 

1 P. A. O'Heguerty, comte de Magnières Ce négociant, qui avait fait paraître, en 1754, un Essai sur les intérêts du commerce maritime, venait de publier (1757, deux volumes in-12) des Remarques sur plusieurs branches de commerce et de navigation, et il avait envoyé cet ouvrage à Voltaire par Thieriot . Thieriot notera dans sa lettre du 9 novembre qu'il a remis la lettre pour d'Heguerty qui est encore « à la campagne ». Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Andr%C3%A9_d'H%C3%A9guerty

 

2 Gades = ancien nom de Cadix .

 

3 Le 1er septembre 1757.

 

4 Les ouvrages interrompus sont suspendus, et les masses énormes des murs menacent le ciel : Virgile, Enéïde, IV, 88-89 .

 

15/01/2013

ni Moïse ni les prophètes ne connurent jamais rien de l'immortalité de l'âme, ni du paradis, ni de l'enfer

 ... Et ni eux ni moi n'en vécurent pas au moins aussi bien que ceux qui font vivre l'enfer à ceux qui croient  au paradis et à l'immortalité de l'âme .

Quant à l'enfer éternel, éteint comme mon ordi, il n'est que cendres

enfin l enfer s éteint 1295.JPG

 

Question immortalité, je peux affirmer qu'elle n'est pas une qualité intrinsèque du chargeur-alimentation de mon Toshiba (durée de vie : 2 ans, grâce à des soudures réparant des ruptures de fils), mort sans rémission vendredi passé, d'où mon silence sur la toile !

 

 

 

 

« A M. George KEATE

Au Chêne à Lausanne 26 octobre 1757

Ah now t'is right 1. Vous me donnez enfin votre adresse monsieur, et grâce à la notion que j'ai de Nandos coffee house 2 je peux avoir l'honneur de vous écrire . Il y a environ un mois qu'un Anglais ou Écossais dont le nom finit en ie 3 passa ma porte à Lausanne et y laissa le livre où Warburton prouve si bien, pour la plus grande gloire de Dieu et l'édification du prochain, que ni Moïse ni les prophètes ne connurent jamais rien de l'immortalité de l'âme, ni du paradis, ni de l'enfer jusqu'au temps des Macchabées 4.

Je ne pus avoir l'honneur de vois ce voyageur ni milord Hamilton parce que malheureusement pour moi il alla à Genève quand j'étais à Lausanne et que je me trouvai à Lausanne quand il était à Genève .

J'apprends aujourd'hui monsieur que le Warburton avec un autre livre est un présent dont vous m'honorez . Je vous en fais mes très humbles remerciements . Il est bien beau et bien rare de se souvenir dans son île de ceux qu'on a vu dans le continent . Votre souvenir me flatte beaucoup plus que celui d'un autre .

Vous avez pris un temps bien peu favorable pour voir l'Allemagne et peut-être un temps assez triste pour retourner dans votre patrie . Il me semble qu'il y a beaucoup de division et les arts ne s'en trouvent pas mieux . Mais les dissensions publiques n'ont pas troublé votre tranquillité dans votre compagnie . Vous devez voir tous ces orages d'un œil serein .

Illum non populi fasces, non purpura regnum

Flexit aut infidos agitans discordia fratres

Nec conjurato descendens Dacus ab Istro .5

Farewell good sr, live happy and do not forget yr faithfull friend 6,

l'hermite des Délices . »

1 Voilà qui est bien .

2 Le café Nandos se trouvait au coin de Fleet Street et de Inner Temple Lane à Londres . Voir page 105 : http://books.google.fr/books?id=aQApAAAAYAAJ&pg=PA105&dq=caf%C3%A9+nandos+londres&hl=fr&sa=X&ei=gnH1UKKpKYTHtAaM74CwAg&ved=0CEYQ6AEwAw#v=onepage&q=caf%C3%A9%20nandos%20londres&f=false

là où « le punch était excellent et les filles de comptoir fort jolies ».

3 On ne sait qui il est .

4 Voir lettre du 1er septembre à de Brenles : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/14/vous-m-avez-debauche-et-vous-me-laissez-la.html

Voir lettre de janvier-février 1756 à Gabriel et Philibert Cramer où V* en fait mention ; c'est The Divine Legation of Moses demonstrated on the principles of a religious deist, 1755,(1738) que V* obtint au bout de deux ans d'un voyageur anglais .Voir : http://openlibrary.org/books/OL17963079M/The_divine_legation_of_Moses_demonstrated_on_the_principles_of_a_religious_Deist

et : http://books.google.fr/books/about/Divine_Legation_of_Moses_Demonstrated_on.html?id=PGiJp-tdo6cC&redir_esc=y

et : http://books.google.fr/books?id=Mf7KjuCFyMYC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

5 Virgile, Georgiques, II, 495-497 ; Celui-là, ni les faisceaux du peuple, ni la pourpre des rois ne l'émeuvent, ni la discorde qui dresse l'un contre l'autre des frères sans foi, ni le Dace descendant du Danube .

6 Adieu mon cher monsieur vivez heureux et n'oubliez pas votre fidèle ami .

 

11/01/2013

Je l'aime, malgré le tourment qu'elle me donne, à cause du plaisir qu'elle me donnera.

... Combien de mains se lèvent pour dire que le sujet de tourment est une femme ?

Ouiiii ...

Combien  disent qu'il s'agit de leur nouvelle voiture ?

Ouiii ...

Combien ont lu le texte de Voltaire avant de répondre ?

Aucun ? Dommage, vous n'avez plus droit à aucun joker, le seul possible étant l'appel à un ami : Voltaire .

Comme Voltaire, il faut po-si-ti-ver; les tracas du jour, comme les bonnes choses aussi, peuvent passer , à nous de faire naître ce qu'il y a/aura de meilleur sur cette terre .

 

 

 

« A M. Elie BERTRAND.

Lausanne, 21 octobre [1757].

Il y a, mon très-cher philosophe, force méchants et force fous en ce bas monde, comme vous le remarquez très à propos mais vous êtes la preuve qu'il y a aussi des gens vertueux et sages. Les La Beaumelle et les insectes de cette espèce pourraient nous faire prendre le genre humain en haine; mais des cœurs tels que M. et Mme de Freudenreich nous raccommodent avec lui. Il s'en trouve de cette trempe à Genève. Les brouillons qui ont répondu avec amertume à vos sages insinuations sont désapprouvés de leurs confrères, et ont excité l'indignation des magistrats. Pour moi, j'ai tenu la parole que j'ai donnée de ne rien lire des pauvretés que des gens de très-mauvaise foi se sont avisés d'écrire. Toute cette basse querelle est venue de ce que j'ai donné l'Histoire générale aux Cramer, au lieu d'en gratifier un autre 1. Le chef de la cabale 2 est celui-là même qui avait fait imprimer l'Histoire générale en deux volumes, lorsqu'elle était imparfaite, tronquée, et très-licencieuse. Il s'élève contre elle lorsqu'elle est complète, vraie, et sage. Je n'ai fait que produire les lettres de ce tartufe, par lesquelles il me priait de lui donner mon manuscrit. Elles l'ont couvert de confusion. Il se meurt de chagrin, je le plains, et je me tais. Il demanda, il y a six semaines, au conseil, communication du procès de Servet. On le refusa tout net. Hélas! il aurait vu peut-être qu'on brûla ce pauvre diable avec des bourrées vertes où les feuilles étaient encore 3; il fit prier maître Jehan Calvin, ou Chauvin, de demander au moins des fagots secs et maître Jehan répondit qu'il ne pouvait en conscience se mêler de cette affaire. En vérité, si un Chinois lisait ces horreurs, ne prendrait-il pas nos disputeurs d'Europe pour des monstres?
Ajoutons, pour couronner l'œuvre, que c'est un anti-trinitaire qui veut aujourd'hui justifier la mort de Servet.
Quam temere in nosmet legem sancimus iniquam ! 4
Je vais écrire pour avoir des nouvelles de Syracuse. Il n'est pas juste qu'elle perde l'honneur de son tremblement; il faut qu'il soit enregistré dans le greffe de mon cher philosophe 5.
Je n'ai point encore déballé mes livres. La maison est pleine de charpentiers, de maçons, de bruit, de poussière, et de fumée. Je l'aime, malgré le tourment qu'elle me donne, à cause du plaisir qu'elle me donnera.
Bonsoir, mon vertueux ami. Dieu nous donne la paix cet hiver, ou au plus tard le printemps !

Si j'osais, je lui demanderais un peu de santé; mais je n'irai pas le prier de déranger l'ordre des choses pour donner un meilleur estomac à un squelette de cinq pieds trois pouces de haut sur un pied et demi de circonférence. Tout malingre que je suis, je ne me plains guère et je vous aime de tout mon cœur. 

V.»

1 Philibert Claude et Antoine , imprimeurs à Copenhague et à Genève .

2 Jacob Vernet .

3 Cette allégation doit venir de Christophorus Chr. Sandius dans Bibliotheca anti-trinitariorum, 1684 .

4 Horace., liv. I, Satires. III, v. 67 : Par quel aveuglement donnons-nous notre sanction à une loi inique envers nous-mêmes !

5 Bertrand s'intéresse aux tremblements de terre .

 

10/01/2013

toute mon ambition se borne à n'avoir pas la colique

... Vade retro dragée Fuca !

Il est des plaisirs simples en ce bas monde, et pour y goûter lavons nous bien les mains et ne fréquentons pas les foules porteuses de germes pathogènes . Paroles d'homme en bonne santé et qui veut le demeurer .

Non ! pas la colique !!

bebe pas la colique.jpg

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

 

Lausanne 20è octobre 1757

Votre amitié, monsieur et votre probité éclairée me fortifient contre la répugnance que j’aurais naturellement à communiquer des idées qui peut-être sont très hasardées . Je vous les soumets avec confiance .

Il n'a tenu qu'à moi il y a près de deux ans d'accepter du roi de Prusse des biens dont je n'ai pas besoin et ce qu'on appelle des honneurs dont je n'ai que faire ; il m'a écrit en dernier lieu avec une confiance que je juge même trop grande et dont je n'abuserai pas . Mme la margrave m'étonnerait beaucoup si elle faisait le voyage de Paris . Elle était mourante il y a quinze jours 1 et je doute qu'elle puisse et qu'elle veuille entreprendre ce voyage ; ce qu'elle m'a écrit , ce que le roi son frère m'a écrit est si étrange, si singulier, qu'on ne le croirait pas, que je ne le crois pas moi-même et que je n'en dirai rien de peur de lui faire trop de tort .

Je dois me borner à vous avouer qu'en qualité d'homme très attaché à cette princesse, d'homme qui a appartenu à son frère et surtout d'homme qui aime le bien public, je lui ai conseillé de tenter des démarches à la cour de France ; je n'ai jamais pu me persuader qu'on voulut donner à la maison d'Autriche plus de puissance qu'elle n'en a jamais eu en Allemagne sous Ferdinand II, et la mettre en état de s'unir à la première occasion avec l'Angleterre plus puissamment que jamais ; je ne me mêle point de politique mais la balance en tout genre me paraît bien naturelle .

Je sais bien que le roi de Prusse par sa conduite a forcé la cour de France à le punir et à lui faire perdre une partie de ses états . Elle ne peut empêcher à présent que la maison d'Autriche ne reprenne sa Silésie, ni même que les Suédois ne se ressaisissent de quelque terrain en Poméranie . Il faut sans doute que le roi de Prusse perde beaucoup mais pourquoi le dépouiller de tout ? Quel beau rôle peut jouer Louis XV en se rendant l'arbitre des puissances en faisant des partages en renouvelant la célèbre époque de la paix de Westphalie ? Aucun événement du siècle de Louis XIV ne serait aussi glorieux .

Il m'a paru que madame la margrave avait une estime particulière pour un homme respectable 2 que vous voyez souvent. J'imagine que si elle écrivait directement au roi une lettre touchante et raisonnée, et qu'elle adressât cette lettre à la personne dont je vous parle, cette personne pourrait, sans se compromettre, l'appuyer de son crédit et de son conseil. Il serait, ce me semble, bien difficile qu'on refusât l'offre d'être l'arbitre de tout, et de donner des lois absolues à un prince qui croyait, le 17 juin 3, en donner à toute l'Allemagne. Qui sait même si la personne principale, qui aurait envoyé la lettre de madame la margrave au roi, qui l'aurait appuyée, qui l'aurait fait réussir, ne pourrait pas se mettre à la tête du Congrès qui réglerait la destinée de l'Europe? Ce ne serait sortir de sa retraite honorable que pour la plus noble fonction qu'un homme puisse faire dans le monde ce serait couronner sa carrière de gloire.
Je vous avouerai que le roi de Prusse était, il y a quinze jours, très-loin de se prêter à une telle soumission . Il était dans des sentiments extrêmes et bien opposés 4; mais ce qu'il ne voulait pas hier, il peut le vouloir demain; je n'en serais pas surpris, et, quelque parti qu'il prenne, il ne m'étonnera jamais.
Peut-être que la personne principale dont je vous parle ne voudrait pas conseiller une nouvelle démarche à madame la margrave, peut-être cet homme sage craindrait que ceux qui ne sont pas de son avis dans le conseil l'accusassent d'avoir engagé cette négociation pour faire prévaloir l'autorité de ses avis et de sa sagesse, peut-être verrait-il à cette entremise des obstacles qu'il est à portée d'apercevoir mieux que personne; mais s'il voit les obstacles, il voit aussi les ressources. Je conçois qu'il ne voudra pas se compromettre; mais si, dans vos conversations, vous lui expliquez mes idées mal digérées, s'il les modifie, si vous entrevoyez qu'il ne trouvera pas mauvais que j'insiste auprès de madame la margrave, et même auprès du roi son frère, pour les engager à se remettre en tout à la discrétion du roi, alors je pourrais écrire avec plus de force que je n'ai fait jusqu'à présent. J'ai parlé au roi de Prusse, dans mes lettres, avec beaucoup de liberté, il m'a mis en droit de lui tout dire; je puis user de ce droit dans toute son étendue, à la faveur de mon obscurité. Il m'écrit par des voies assez sûres, j'ose vous dire que, si ces lettres avaient été prises, il aurait eu cruellement à se repentir. Je continue avec lui ce commerce très-étrange; mais je lui écrirai ce que je pense avec plus de fermeté et d'assurance, si ce que je pense est approuvé de la personne dont vous approchez. Vous jugez bien que son nom ne serait jamais prononcé.
Je sais bien qu'après les procédés que le roi de Prusse a eus avec moi, il est fort surprenant qu'il m'écrive, et que je sois peut-être le seul homme à présent qu'il ait mis dans la nécessité de lui parler comme on ne parle point aux rois; mais la chose est ainsi.

C'est donc à vous, mon cher monsieur, à développer à l'homme respectable dont il est question ma situation et mes sentiments avec votre prudence et votre discrétion ordinaires. Je n'ai besoin de rien sur la terre que de santé; toute mon ambition se borne à n'avoir pas la colique, et je crois que le roi de Prusse serait très-heureux s'il pensait comme moi.

Je vous écris d'un cabinet d'où je vois douze lieues de lac et de campagne ; M. de Montferrat 5 a été bien content de ma retraite des Délices, mais dussiez-vous en être fâché, ma maison de Lausanne est encore plus agréable .

Il n'y a pas grand mérite à être philosophe dans de si beaux lieux avec ma chère liberté , Mme Denis, des amis et des livres . Tout ce dont je jouis est bien plus solide que ce que je viens d'écrire . A l'égard du liquide, c'est-à-dire des bons vins, je ne vous presse pas, mes besoins ne regardent que la fin de l'hiver .

Bonsoir mon très cher correspondant, je suis honteux d'avoir presque rempli huit pages .

 


[BILLET SÉPARÉ.]
[20 octobre 1757]
J'ai quelque envie de jeter au feu la lettre que je viens de vous écrire; mais on ne risque rien en confiant ses châteaux en Espagne à son ami. Vous pourriez, dans quelque moment de loisir, dire la substance de ma lettre à la personne en question vous pourriez même la lui lire, si vous y trouviez jour, si vous trouviez la chose convenable, s'il en avait quelque curiosité. Vous en pourriez rire ensemble; et, quand vous en aurez bien ri, je vous prierai de me renvoyer ce songe que j'ai mis sur le papier et que je ne crois bon qu'à vous amuser un moment. 

Je vous embrasse de tout mon cœur mon cher correspondant .

V.»

1 Du 16 octobre : « de madame la margrave de BAIREUTH.
Le 16 octobre.
Accablée par les maux de l'esprit et du corps, je ne puis vous écrire qu'une petite lettre. Vous en trouverez une ci-jointe qui vous récompensera au centuple de ma brièveté. Notre situation est toujours la même un tombeau fait notre point de vue. Quoique tout semble perdu, il nous reste des choses qu'on ne pourra nous enlever c'est la fermeté et les sentiments du cœur. Soyez persuadé de notre reconnaissance, et de tous les sentiments que vous méritez par votre attachement et votre façon de penser, digne d'un vrai philosophe.
WILHELMINE »
.

Voir lettre du 8 octobre 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/09/je-suis-surprise-que-vous-soyez-etonne-de-notre-desespoir.html

2 Le cardinal de Tencin .

3 Veille de la bataille de Kolin, qui verra une grave défaite de Frédéric II .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Kolin

 

Je ne sais pas pourquoi on dit que les circonstances présentes pourraient me faire revenir

... Soupirait Sarko, petit homme aux dents longues, en encaissant le joli chèque des lèche-culs avides de se glorifier de sa proximité . Il a raison, cette race de gens friqués n'est pas encore près de s'éteindre , hélas pour nous .

Faire revenir à petit(s) feu(x) ! Par exemple, Hugo Chavez qui, pour d'autres raisons, légales, pourrait revenir , -comme Fidel Castro-, vient de me souffler mon petit diable personnel et individuel ; notre temps est vraiment amateur de morts-vivants . Cuba et le vaudou font des miracles , parfois ...

 

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« A François de CHENNEVIERES

Des Délices 16 octobre [1757]

Je vous remercie de l'opéra 1 et s'il est de vous, mon cher ami, je vous en ai une double obligation . Je ne sais pas pourquoi on dit que les circonstances présentes pourraient me faire revenir . Je ne suis établi à mes Délices que pour ma santé et pour mon plaisir . La beauté du lieu et l'agrément de ma retraite, la très bonne compagnie qui y vient sont des liens qui m'y attachent . Un malade qui est auprès de M. Tronchin ne doit pas se transplanter . Je regrette beaucoup des amis tels que vous mais je ne puis regretter le monde . Ma nièce vous fait ses compliments . Elle a été longtemps garde-malade . »

 1 Sans doute Célime : voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_de_Chennevi%C3%A8res

 

 

Les philosophes examinent avec peine ce que les rois détruisent si aisément

... D'autant plus aisément que ce sont des rois de quelque chose : pétrole, acier, cuivre, informatique , poubelles, etc . Destructeurs de vies, d'emplois, de territoires, de libertés . Les rois couronnés, fort démocrates de nos jours , me semblent nettement moins nocifs que les sus-nommés .

Faisons appel à un pacificateur (sic)

 destructeur.jpg

 

 

« A M. Élie BERTRAND
premier pasteur à Berne.

Aux Délices, 16 octobre [1757].

Mon cher ami, votre paquet doit être à Lausanne, avec celui de M. Polier de Bottens. Je lui écris pour qu'il vous le fasse tenir. Vos occupations sont tranquilles et agréables, tandis que le mal moral et le mal physique inondent la terre. On croyait le 7, à Strasbourg, qu'il y avait eu une bataille, et on craignait beaucoup, parce que le courrier ordinaire avait manqué. Travaillez, mon cher ami, sur les productions merveilleuses de la terre. Les philosophes examinent avec peine ce que les rois détruisent si aisément. Sondez la nature des métaux qu'ils ravissent ou qu'ils emploient à la destruction. Leur cœur et ceux de leurs importants esclaves est plus dur que tous les minéraux dont vous parlerez. Mes tendres respects à M. et à Mme de Freudenreich, qui ont, ainsi que vous, un cœur si différent de celui des princes.
V. »