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02/04/2013

Rendez-vous les maîtres absolus, ou abandonnez tout

 ... Votre ouvrage, votre pays, vos amis, vos chats et vos cafards , vos femmes et vos maitresses, votre percepteur et le loto, Money drop et Cauet, ... ! J'arrête ici, je ne veux pas y passer la nuit .

 Je tiens à rester parfaitement maître de moi-même, au moins .

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« A M. Jean Le Rond d'ALEMBERT.
A Lausanne, de mon lit, d'où je vois

dix lieues de lac,
29 de janvier [1758]
N'appelez point vos lettres du bavardage 1, mon digne et courageux philosophe; il faut, s'il vous plaît, s'entendre et parler de ses affaires.
On fait une grande profession de foi à Genève ; vous aurez le plaisir d'avoir réduit les hérétiques à publier un catéchisme. On se plaint de l'article des Comédiens, inséré dans celui de Genève; mais vous avez joint ce petit mot de la comédie à la requête des citoyens qui vous en ont prié. Ainsi d'un côté vous n'avez fait que céder à l'empressement des bourgeois, et de l'autre vous n'avez fait que répéter le sentiment des prêtres, sentiment publié dans le catéchisme d'un de leurs théologiens 2, et débité publiquement devant vous dans toutes les conversations.
Quand je vous ai supplié de reprendre l'Encyclopédie,`j'ignorais à quel excès de brutalité on avait poussé les libelles, et j'étais bien loin de soupçonner qu'ils fussent autorisés. Je vous ai écrit une grande lettre par Mme de Fontaine 3, elle est votre voisine ne pourriez-vous pas passer chez elle ?
Il serait triste qu'on crût que vous quittez l'Encyclopédie à cause de l'article Genève, comme on affecte d'en faire courir le bruit; mais il serait encore plus triste de continuer en étant exposé à des dégoûts qui doivent vous révolter autant qu'ils déshonorent la nation. Êtes-vous bien uni avec M. Diderot et les autres associés ? Funiculus triplex difficillime rumpitur 4. Quand vous signifierez tous ensemble que vous ne travaillerez qu'avec l'assurance de la liberté honnête qu'il vous faut, et de la protection qu'on vous doit, il faudra bien qu'on en vienne à vous prier de ne pas priver la France d'un monument devenu nécessaire. Les criailleries passeront, et l'ouvrage restera.
Il est beau de quitter tous ensemble et de donner des lois ; il serait désagréable pour vous de quitter seul, il ne faut point que la tête se sépare du corps.
Quand vous donnerez le premier volume, faites rougir dans une préface les lâches qui ont permis qu'on insultât à ceux qui seuls aujourd'hui travaillent pour la gloire de la nation et, pour Dieu, ne souffrez plus les insipides déclamations qu'on insère dans votre Encyclopédie. Ne donnez pas à nos ennemis le droit de se plaindre que ceux qui n'ont eu aucun succès dans les arts, où ils ont même été sifflés, osent donner les règles de ces arts, et prendre pour règles leurs ridicules imaginations. Bannissez la morale triviale dont on enfle certains articles. Le lecteur veut savoir les différentes acceptions d'un mot, et déteste un fade lieu commun sur ce mot. Qui vous force à déshonorer l'Encyclopédie par cet entassement de fadeurs et de fadaises qui donne un si beau champ aux critiques? et pourquoi joindre du velours de gueux à vos étoffes d'or? Rendez-vous les maîtres absolus, ou abandonnez tout. Malheureux enfants de Paris, il fallait faire cet ouvrage dans un pays libre. Vous avez travaillé pour des libraires 5; ils ont recueilli le profit, et vous recueillez les persécutions.
Tout cela me fait trouver ma retraite charmante. Je vous y regrette de tout mon cœur. Plût à Dieu que vous n'eussiez point vu de prêtres quand vous vîntes chez nous Mettez-moi au fait de tout, je vous en prie. » 

1 Voir lettre du 20 janvier 1758 de d'Alembert à V* : … vous avez dû recevoir il y a plusieurs jours une longue lettre de moi dont le bavardage vous aura sans doute ennuyé. »

4 Ecclésiaste ; IV, 12 : Un triple câble rompt difficilement .

5 Voltaire, quoique l'un des collaborateurs de l'Encyclopédie, à laquelle il n'avait pu souscrire qu'à la fin de 1756, ne manquait pas d'en payer chaque volume à Briasson, comme le confirme la fin de la lettre du 13 novembre 1756 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/11/13/8b7616856c4cc63e00eca0a0f081b4f5.html

 

01/04/2013

j'ai bien peur d'être condamné à rester sur les bords de mon lac, du moins ces bords sont paisibles

... Mon cher Volti, je crains bien de faire le contraire .

De toute manière, tu fais un pied de nez à ceux qui viennent auprès de ton tombeau : "parti au Panthéon pour cause de génie ".

Sans trucage

voltaire ressuscité 3839.png

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha.
A Lausanne, 27 janvier 1758.

 

Aux housards, et autres

 messieurs de cette espèce. 1

 

Meurtriers à brevet, avides de pillage,
Ne prenez point ma lettre; et souvenez-vous bien
Qu'en saisissant mes vers peu faits pour votre usage,
Vous n'y gagneriez jamais rien.

Housards, j'écris à Dorothée,
Aux grâces, à l'esprit, aux plus nobles appas,
A la douce vertu, de faiblesse exemptée;
Cela ne vous regarde pas.

Madame, après avoir présenté cette petite requête aux housards, je remercie d'abord Votre Altesse sérénissime de la lettre dont elle m'honore, en date du 17 janvier, et j'ose assurer que je rends bien à la grande maîtresse des cœurs toutes ses caresses. Ma lettre du 27 septembre de l'année passée 2 aurait eu le temps d'aller aux Indes, je l'avais donnée à M. le maréchal de Richelieu, dans l'idée qu'il viendrait vous faire sa cour, et me flattant, madame, que quand il verrait Votre Altesse sérénissime, on ne se battrait plus sur votre territoire. Apparemment que le dépit de ne pas jouir de l'honneur de vous voir lui aura fait longtemps garder ma lettre, et qu'il l'aura retrouvée en faisant ses paquets.
Je suis toujours Suisse, madame; mais quand serai-je Thuringien ? et quand la Thuringe n'entendra-t-elle plus parler de marches, de contre-marches et de combats? Hélas on ne nous fait pas espérer la paix pour cette année, ce meilleur des mondes possibles a encore quelques années à souffrir. Votre Altesse sérénissime reverra peut-être encore le héros formidable et aimable à qui elle a fait les honneurs de son palais, et qui semblait dans ce temps critique n'avoir rien à faire qu'à tâcher de lui plaire. Je vous avoue, madame, que j'aurais bien voulu me trouver là; mais j'ai bien peur d'être condamné à rester sur les bords de mon lac, du moins ces bords sont paisibles, et ceux des fleuves allemands ne le seront pas. On dit que le Danemark entre aussi dans la querelle 3. On dit qu'on va faire de tous côtés de nouveaux efforts.
Que me reste-t-il qu'à plaindre le genre humain dans ma retraite ?
J'avais procuré au roi de Prusse un abbé de Prades 4, prêtre, docteur, hérétique, et lecteur de Sa Majesté. On prétend qu'il a trahi son bienfaiteur, et qu'il est puni à Breslau d'un supplice bien étrange pour un prêtre. Je ne veux point le croire, mais je ne sais à qui en demander des nouvelles, c'est d'ailleurs bien peu de chose parmi tant de désastres publics. Je gémis sur ces misères, je souhaite à Votre Altesse sérénissime le bonheur qu'elle mérite. Je me mets à ses pieds et à ceux de son auguste famille avec le plus profond respect.
L'Ermite. »

2 Dans sa lettre du 14 janvier 1758, la duchesse de Saxe-Gotha répondait à la lettre du 22 septembre et non à celle du 27 (voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/25/voila-de-ces-revolutions-bien-capables-de-detromper-des-gran.html )

3 Le Danemark mit sur pied dix-huit mille hommes d'infanterie et six mille de cavalerie pour protéger Hambourg, Lubeck, et les possessions du duc de Holstein-Gottorp. La France lui fournit des subsides. (Georges Avenel.)

 

31/03/2013

Il est assez extraordinaire monsieur, que je n'aie pas un exemplaire de mes œuvres que vous avez imprimées

... C'est un peu fort de café que l'auteur qui va faire gagner de grosses sommes à l'éditeur ne reçoive pas un exemplaire de son oeuvre , à vous dégoûter de donner un travail rémunérateur .

 Pour l'instant, je n'ai pas eu encore la patience d'imprimer mon blog, juste une copie informatique que je me garderai bien de mettre sur le "cloud" ; écrire sur un nuage, très peu pour moi, je connais la volatilité de ce monde virtuel impossible à maitriser sereinement . Un bon vieux disque dur externe suffit à mon bonheur et à ma tranquillité . J'aime bien avoir mon "enfant" à portée de la main , j'aurais beaucoup de peine à le voir s'éparpiller comme gouttes de pluie lors d'un orage électronique dans un pays inconnu .

 Nébuleux, non ?

 

cloud 17h 03012012 007.png

Touché par le changement d'heure ? What time is it that Time ? http://www.youtube.com/watch?v=lhXLaoelqKI . Live Pink !

 

« A Michel LAMBERT 1

libraire, près de la Comédie-Française

à Paris

A Lausanne 26 janvier [1758]

Il est assez extraordinaire monsieur, que je n'aie pas un exemplaire de mes œuvres que vous avez imprimées . Je dois attendre de vous cette attention . Vous savez qu'il m'était impossible de les faire imprimer à Paris et que d'ailleurs je travaillais et corrigeais les épreuves à mesure qu'on l'imprimait 2. Je corrigerais encore une bonne moitié de tous ces ouvrages si c'était à refaire .

Je vous prie très instamment d'en envoyer un exemplaire chez M. Briasson 3 qui me fait un ballot de livres . Vous obligerez beaucoup votre très humble serviteur

Voltaire. »

1 Libraire parisien à qui V* avait confié l'impression de ses œuvres en 1751 .

2 Chez les frères Cramer imprimeurs à Genève .

3 Antoine-Claude Briasson, libraire dont un des principaux mérite est son travail pour l'Encyclopédie .

 

30/03/2013

L'humeur d'un côté, certain intérêt de l'autre, auront vraisemblablement plus de crédit de près que la raison qui vient de loin

... Ce qui permet de justifier le ballet des chefs d'Etats , de gouvernement, d'entreprises autour de la terre . Il est plus aisé d'obtenir un accord en tête à tête , en faisant jouer ses humeurs, bonnes ou mauvaises, en défendant ses intérêts privés -ou publics dans le meilleur des cas- .  

La raison qui vient de loin est boiteuse et met trop de temps à venir l'emporter sur les beaux parleurs-menteurs-profiteurs . 

Il n'est pas encore venu le temps où nous ferons des économies en jouant la carte des visio-conférences .

Vive le WEB -Ouab-Ouap pour tous

 

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« A M. Jean-Robert TRONCHIN,

à Lyon
Lausanne, 26 janvier [1758]
Le départ de M. l'abbé de Saint-Germain des Prés 1 et les nouvelles mesures qu'on prend ne laissent guère imaginer qu'on veuille entrer dans les sages mesures d'un homme 2 que son esprit, ses lumières et son expérience, devraient faire écouter. L'humeur d'un côté, certain intérêt de l'autre, auront vraisemblablement plus de crédit de près que la raison qui vient de loin. Quelque chose qui arrive il faut se bien porter . Je vous prie de présenter mes respects à l'homme sage et respectable que vous savez et de l'assurer de l'intérêt que je prends à sa santé .

Quoi qu'il arrive à Shwednits, à Yablonska 3, à Zell, à Cassel, il me vient quatre gros flambeaux d'argent à mettre sur un autel les jours de fête avec des bobèches de même . Cela vous est adressé pour moi par le coche et je vous prie de les adresser à votre correspondant M. Cathala par la messagerie, avec prière à M. Cathala de les dépêcher sur le champ par le coche à Lausanne . Mme Denis fait de la maison de Lausanne un petit palais . Elle me ruine en Suisse . Une Parisienne porte Paris partout .

Quand vous serez de loisir ne m'enverrez-vous pas le petit compte de mes clients pour le bien de mon âme . »

1 Le duc de Richelieu avait été rappelé le 22 janvier et quitta Hanovre le 8 février . Il fut remplacé par le comte de Clermont, Louis de Bourbon-Condé qui parmi ses nombreux bénéfices jouissait de celui de Saint-Germain-des-Prés . Il prit son poste à Hanovre le 14 février .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_de_Bourbon_%281709-1771%29

2 Le cardinal de Tencin à Lyon .

3 Jablunkau en Silésie orientale .

 

je crois fermement que le public d'aujourd'hui ne vaut pas la peine qu'on travaille pour lui, en quelque genre que ce puisse être

 ... Public de l'audiovisuel, et public de la chose écrite ou sculptée ou peinte, public désespérant quand on voit ce qu'il adule . Les créateurs peuvent alors être de minable à médiocre en toute impunité et trop souvent même être bien payés parce qu'ils font de l'audimat ou ont de bons agents .

 Je n'irai pas porter de fleurs sur leurs tombes, fut-ce des pains de pourceau.

 

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« A Mme Marie-Elisabeth de DOMPIERRE de FONTAINE,
à Paris.
Lausanne, 26 janvier [1758].
Je reçois votre lettre du 19, ma chère nièce, et je me flatte que vous aurez la bonté de m'accuser la réception de celles que je vous ai envoyées par 1 M. d'Alembert. Il faut d'abord que je justifie M. Constant 2, que vous appelez gros Suisse. Il n'est ni Suisse, ni gros. Nous autres Lausannais, qui jouons la comédie, nous sommes du pays roman, et point Suisses. Il envoya, avant de partir, chercher la boîte chez Mme de Fontaine 3. On alla chez la fermière générale, qui envoya promener le courrier, et qui dit qu'elle n'envoyait jamais rien à Lausanne.
On peint, il est vrai, la charpente de mon visage; mais c'est à condition que vous le copierez. Votre sœur attend l'habit d'Idamé avec plus d'impatience que je n'attends ceux 4 de Narbas et de Zamti. Si elle avait bien fait, elle se serait habillée à sa fantaisie, sans suivre la fantaisie des autres, et sans vous donner tant de peines. Pour moi, avec sept ou huit aunes d'étoffe de Lyon, j'aurais très-bien arrangé mes guenilles de vieux bonhomme. Je n'aime à imiter ni le jeu, ni le style, ni la manière de se mettre . Chacun a son goût, bon ou mauvais. Mme Denis a cru qu'on ne pouvait avoir une jarretière bien faite sans la faire venir de Paris à grands frais; elle voulait que je fisse faire mon jardin des Délices à Paris; mais comme ce jardin est pour moi, j'ai été mon jardinier, et je m'en trouve très-bien. Vous en jugerez, s'il vous plaît. J'aurais tout aussi bien été mon tailleur, et je voudrais que vous pussiez en juger. Toutes ces dépenses réitérées ruinent quand on a acheté, réparé, raccommodé, meublé une maison spacieuse, et qu'on l'embellit; mais il ne faut pas y prendre garde il ne faut songer qu'à la bonté que vous avez d'entrer dans ces misères.
Je ne crois pas que l'abbé de Prades soit à Breslau, et je crois encore moins qu'on le fouette avec un écriteau au dos 5: car, s'il avait au dos cette belle devise, ce serait sur l'écriteau qu'on frapperait. Peut-être le fouette-t-on sur le cul; mais cela est sujet à des inconvénients. Les théologiens disent que cette façon peut occasionner ce qu'ils appellent des pollutions.6

Je crois encore moins qu'on ait exigé à Paris des cartons pour l'article Genève ; la cour se soucie peu de nos hérétiques, et d'ailleurs il n'est pas possible d'aller proposer un carton à tous les souscripteurs qui ont reçu le livre. Il n'y a pas quatre lecteurs qui l'achètent sans avoir souscrit.
Je ne crois pas non plus que M. le maréchal de Richelieu soit disgracié il n'a point perdu la bataille de Rosbach, il a passé l'Aller, il a fait reculer les Hanovriens, il a fait de son mieux. On ne doit punir que la mauvaise volonté, et le roi est toujours juste. Je ne crois point encore qu'il faille vingt ans pour détromper le public sur une très-mauvaise pièce 7; mais je crois fermement que le public d'aujourd'hui ne vaut pas la peine qu'on travaille pour lui, en quelque genre que ce puisse être.
Voilà, ma chère nièce, tout ce que je crois, et tout ce que je ne crois pas. Je vous ai ouvert le fond de mon cœur. Si vous avez quelque chose à croire dans ce monde, croyez que ce cœur est à vous. Vous ne me dites point si vous continuez à vous frotter circulairement avec de l'arthanite 8; si vous mangez, si vous digérez, si vous êtes agréablement logée. Il faut, s'il vous plaît, que vous m'instruisiez de votre manière d'exister, car mon être s'intéresse tendrement au vôtre.
Savez-vous si c'est à Paris qu'on élève le prince de Parme 9, ou si l'abbé de Condillac 10 va à Parme lui apprendre à raisonner? Savez-vous quand il part? Seriez-vous femme à lui persuader de prendre sa route par Genève et par Turin? S'il fait ce voyage cet hiver, nous le recevrions à Lausanne, nous le mènerions aux Délices, et de là nous le guinderions 11 par le mont Cenis à Turin, de Turin dans le Milanais, et du Milanais dans le Parmesan.
Portez-vous bien, et aimez-nous. »

1 Possible erreur pour « pour » , de même qu'on peut lire aussi village pour visage au paragraphe suivant .

2 Sans doute Samuel Constant de Rebecque; voir une note de la lettre du 15 juin 1756 à Brenles : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/07/12/ce-fantome-de-la-vie-on-s-en-plaint-on-la-maudit-on-la-prodi.html

3 La femme du fermier général Fontaine de Cramayel .

4 Voltaire avait chargé Lekain de cette commission.

7 Allusion sévère à l'Iphigénie en Tauride.

8 L'arthanite est le nom ancien du cyclamen europœum, L., que les Français appellent vulgairement pain de pourceau. (Note de M. de Cayrol.) On l'utilisait dans les clystères .

9 Ferdinand, né en 1751, duc de Parme en 1765, dépossédé par la Révolution, mort en 1802, père de Louis, roi d'Étrurie, mort en 1803.

10 Condillac alla à Parme pour diriger l'éducation du futur duc de Parme, Ferdinand , petit fils de Louis XV par sa fille Louise épouse du duc Philippe .

11 Guinder est enregistré au sens de hisser ; V* l'utilise dans cette lettre à une période voisine de celle où fut écrit de chapitre xviii de Candide dans lequel Candide et Cacambo sont sortis de l'Eldorado : « Il donna l'ordre sur le champ à ses ingénieurs de faire une machine pour guinder ces deux hommes extraordinaires hors du royaume . »

 

29/03/2013

après tout je n'aime pas qu'on fouette les prêtres

 ... Y compris quand ils se flagellent eux-même, à tort ou à raison, physiquement parlant évidemment . Mais je suis sans doute hors sujet, le cilice ne se porte plus guère de nos jours et battre sa coulpe suffit à se rapprocher du paradis et des saints aux vies merveilleuses , autant que fabuleuses au sens propre du terme . Le chemin de croix est devenu une attraction touristique, du plus petit village à la cité du Vatican .

 Alléluia !

 Fouette-moi, oui fouette-moi disait la crême ! je l'ai exaucée .

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« A Louise-Florence-Pétronille de TARDIEU d'ESCLAVELLES d'EPINAY

Lausanne 26 [janvier 1758]

Vous ? La goutte ! Madame ! Je n'en crois rien, cela ne vous appartient pas . C'est le lot d'un gros prélat, d'un vieux débauché et point du tout d'une philosophe dont le corps ne pèse pas quatre-vingt livres, poids de Paris . Pour de petits rhumatismes, de petites fluxions, de petits trémoussements de nerfs, passe ; mais si j'étais comme vous, madame, auprès de M. Tronchin je me moquerais de mes nerfs . C'est un bonheur dont je ne jouirai qu'après le retour du printemps car je ne crois pas que le secrétaire 1 et le chef des orthodoxes veuille jamais venir voir nos divertissements profanes et suisses . Cependant , madame, j'espère qu'il vous accompagnera quand nous serons un peu en train, qu'il y aura moins de neige le long du lac et que vos nerfs vous permettront d'honorer notre ermitage suisse de votre présence . Il fera pour vous, madame, ce qu'il ne ferait pas pour un vieux papiste comme moi, et il sera reçu comme s'il ne venait que pour nous .

Je vous remercie, madame, de vos gros gobets 2. J'en aurai le soin qu'on doit avoir de ce qui vient de vous .

Permettez que je remercie M. Linant 3. Il n'a pas besoin de son nom pour avoir droit à mon estime et à mon amitié , et j'ai connu son mérite avant de savoir qu'il portait le nom d'un de mes anciens amis . Je conviens avec lui que tout nous vient du levant et j'accepte avec grand plaisir la proposition qu'il veut bien me faire pour une douzaine de pruniers originaires de Damas et autant de cerisiers de Cérasunte . Ils s’accommoderont mal de mon terrain de terre à pot, maudit de Dieu ; mais j'y mettrai tant de gravier et de pierraille que j'en ferai un petit Montmorency 4. Je présente mes respects à l'élève de M. Linant, à M. de Nicolaï 5 qui fait ses caravanes de Malte près du lac de Genève . Enfin je présente ma jalousie à tous ceux qui font leur cour à Madame d'Epinay .

Au reste je serais fâché qu'on fouettât comme on le dit l'abbé de Prades tous les jours de marché à Breslau . Car après tout je n'aime pas qu'on fouette les prêtres .

Mme Denis se joint à moi et présente ses obéissances à madame d'Epinay .

M. de Richelieu est donc renvoyé après M. de Lucé 6. La cour est une belle chose . »

1 Théodore Tronchin , le médecin, est secrétaire de la Vénérable Compagnie des Pasteurs de Genève .Voir lettre du 8 janvier 1758 au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/17/vous-etes-prudent-et-je-n-ai-rien-a-vous-dire-mais-si-j-etai.html

2 Jeunes plants de cerisier ; voir lettre du 3 janvier 1758 à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/06/il-parait-qu-on-s-est-mis-dans-un-labyrinthe-dont-aucun-fil.html

3 Jean de Linant, précepteur du fils de Mme d'Epinay .

4 Mme d'Epinay possédait une propriété ,La Chevrette dans la vallée de Montmorency ( où elle avait accueilli et logé Jean-Jacques Rousseau )

6 Lucé, intendant de l'armée de Richelieu avait été rappelé le 14 janvier 1758 .

 

28/03/2013

Plus heureux qui est né libre

 ... Et le demeure .

 Comme elles aux ailes neuves

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« A M. Cosimo Alessandro COLLINI.
Gouverneur de monsieur le comte de Baver [Sauer]1

à Strasbourg
A Lausanne, 23 janvier [1758].
Je suis très-sensible à votre souvenir, mon cher Colini, et je vous souhaite un état assuré et tranquille, qui puisse vous faire oublier les agréments de votre beau pays. Je me trouve mieux que jamais de celui que j'ai choisi pour ma retraite. J'ai beaucoup embelli les Délices, et j'ai pris enfin une maison 2 à Lausanne, que j'ai très-ornée, et dans laquelle on est entièrement à l'abri des rigueurs de la saison. Je vois, de mon lit, quinze lieues de ce beau lac que vous connaissez. C'est le plus bel aspect que j'aie jamais vu; c'est là que je m'inquiète assez peu de tous les bouleversements de l'Allemagne. Vous devez vous intéresser à l'Autriche, puisque vous gouvernez un Autrichien, et que vous êtes né sous la domination de l'empereur. Plus heureux qui est né libre .Je vous embrasse. »

1 Sur le manuscrit Collini corrige et note Sauer car il est alors tuteur du fils du comte styrien von Sauer .

2 V* a quitté Montriond pour le grand Chêne ; voir lettre du 2 juin 1757 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/05/plut-a-dieu-que-cette-raison-put-parvenir-jusqu-a-faire-epar.html