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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

La reine a bu, dit-on , à sa santé, mais ne lui a point donné de quoi boire

... Chère Elisabeth the Second, vous êtes bien dure avec votre petit-fils américain, votre fils Charles the None est désormais obligé de renflouer les caisses de son fils indigne . Haro sur Harry , et ... Megan, of course!

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

27è mars 1765

Mon cher frère, je ne sais si vous avez reçu un petit paquet adressé par Lyon à M. Gaudet, avec une seconde enveloppe pour vous . Vous recevrez incessamment un petit ballot pour M. Delahaye 1, fermier général , qui est venu ici mettre sa femme entre les mains de M. Tronchin .

M. d'Argental doit avoir actuellement l’objet de l'inimitié d'Omer . Je ne crois pas qu'il prenne plus de deux ou trois exemplaires pour lui ; tout le reste est pour vous et vos amis . Vous avez dû trouver dans mes paquets fraternels des lettres pour M. de Chimène . En voici encore une que je dois à M. Blin de Sainmore . Voilà un compte fidèle ; parlons à présent d'affaires .

Le mémoire de Sirven que vous devez avoir reçu n'est point à la vérité signé de lui, mais il est écrit de sa main . Il n'y a qu'à renvoyer la dernière page qui est numérotée, je la lui ferai signer à Gex par-devant notaire . Nous verrons s'il y a lieu de demander l'attribution d'un nouveau tribunal . La sentence par contumace qui condamne toute la famille, a été confirmée par le parlement de Toulouse . Il est à présumer que si cette pauvre famille va purger la contumace à Toulouse, elle sera rouée , ou brûlée, ou pendue par provision, sauf à tâcher de les faire réhabiliter au bout de trois années . Je crois qu'il serait bon que vous eussiez la bonté de faire parvenir ma lettre sur les Calas et les Sirven, contresignée, à M. Rousseau, directeur du Journal encyclopédique à Bouillon . Ce Rousseau là n'est pas comme celui de la montagne . Faites-m'en parvenir aussi je vous en supplie, deux exemplaires .

Hélas ! Mon cher frère, ces petites grenades qu’on jette à la tête du monstre, le font reculer pour un moment, mais sa rage en augmente , et il revient sur nous avec plus de furie . Les honnêtes gens nous plaignent quand l'hydre nous attaque, mais ils ne nous défendent pas comme Hercule . Ils disent, pourquoi osaient-ils attaquer l’hydre ?

Je viens de lire Le Siège de Calais ; l'auteur est mon ami ; je suis bien aise du succès inouï de son ouvrage, c'est au temps à le confirmer .

Voici encore une petite lettre pour Mme Calas . Est-ce que je n'aurai pas le plaisir de la féliciter de la pension du roi ? Est-ce que la lettre des maîtres des requêtes aurait été inutile ? La reine a bu, dit-on , à sa santé, mais ne lui a point donné de quoi boire . Gémissons , mon cher ami, et en gémissant écrasons l'infâme . »

1 Ce nom n'apparait pas dans les registres de Tronchin .

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03/07/2020 | Lien permanent

La plupart des gens de lettres de l'Europe me reprochent déjà que je vais faire un panégyrique, et jouer le rôle d'un fl

... Flatteur ? je ne le suis pas .

Ecrire des vérités ? oui .  Utiles ? je n'ai pas cette prétention, si ce n'est d'être un pourvoyeur des écrits de Voltaire qui, eux, valent le coup d'être connus .

 

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« A Ivan Ivanovitch SCHUVALOV

à Moscou

Aux Délices près de Genève

24 décembre 1758

Monsieur, j'eus l'honneur de vous écrire il y a quatre ou cinq jours 1. J'ai reçu, le 21 de décembre, la lettre dont vous m'honorez, du 23 d'octobre 2, et je ne sais à quoi attribuer un si long retardement. Je vous réitère mes prières, et je vous fais mes très-humbles remerciements sur vos nouveaux mémoires. Vous les intitulez Réponses à mes objections . Permettez-moi d'abord de dire à Votre Excellence que je n'ai jamais d'objections à faire aux instructions qu'elle veut bien me donner; que je fais simplement des questions, et que je demande des éclaircissements à l'homme du monde qui me parait le plus savant dans l'histoire.

Nous ne sommes encore qu'à l'avenue du Grand Palais que vous voulez bâtir par mes mains, et dont vous me tracez l'ordonnance. Il y a dans cette avenue quelques terres incultes, quelques déserts qu'il faut passer vite. Il est moins question de savoir d'où vient le mot de tsar que de faire voir que Pierre Ier a été le plus grand des tsars. Je me garderai bien de mettre en question si le blé de la Livonie vaut mieux que celui de la Carélie, j'observerai seulement ici, monsieur, que l'agriculture a été très-négligée dans toute l'Europe jusqu'à nos jours.

L’Angleterre, dont vous me parlez, est un des pays les plus fertiles en blé; cependant ce n'est que depuis quelques années que les Anglais ont su en faire un objet de commerce immense. La nouvelle charrue et le semoir sont d'une utilité qui semble devoir désormais prévenir toutes les disettes. J'en ai vu beaucoup d'expériences, et je m'en sers avec succès dans deux de mes terres en France dans le voisinage de Genève. Vous voyez par là que les arts ne se perfectionnent qu'à la longue; et je vois aussi quelles obligations votre empire doit avoir à Pierre le Grand, qui lui a donné plusieurs arts, et en a perfectionné quelques uns.

Je me servirai du mot Russien, si vous le voulez; mais je vous supplie de considérer qu'il ressemble trop à Prussien, et qu'il en parait un diminutif ce qui ne s'accorde pas avec la dignité de votre empire. Les Prussiens s'appelaient autrefois Borusses, comme vous le savez, et, par cette dénomination, ils paraissaient subordonnés aux Russes. Le mot de Russe a d'ailleurs quelque chose de plus ferme, de plus noble, de plus original, que celui de Russien; ajoutez que Russien ressemble trop à un terme très-désagréable dans notre langue, qui est celui de ruffien; et, la plupart de nos dames prononçant les deux ss comme les ff, il en résulte une équivoque indécente qu'il faut éviter.3 Après toutes ces représentations, j'en passerai par ce que vous voudrez; mais le grand point, monsieur, l'objet important et indispensable, devant lequel presque tous les autres disparaissent, est le détail de tout ce qu'a fait Pierre le Grand d'utile et d'héroïque. Vous ne pouvez me donner trop d'instructions sur le bien qu'il a fait au genre humain. La plupart des gens de lettres de l'Europe me reprochent déjà que je vais faire un panégyrique, et jouer le rôle d'un flatteur; il faut leur fermer la bouche en leur faisant voir que je n'écris que des vérités utiles aux hommes.

J'espère aussi, monsieur, que vous voudrez bien me faire parvenir des mémoires fidèles sur les guerres entreprises par Pierre Ier, sur ses belles actions, sur celles de vos compatriotes, en un mot, sur tout ce qui peut contribuer à la gloire de l'empire et à la vôtre. 

J'ai l'honneur d'être, monsieur,

de Votre Excellence

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire »

2  On la connait mais datée du 3 octobre 1758 .

3  Dans la lettre du 3 octobre 1758, Schouvalov fait à V* la remarque suivante : « Je vous prierai aussi instamment monsieur toutes les fois qu'il s'agira de notre nation de vouloir bien au lieu de Russes dire les Russiens . Ce mot est plus voisin de notre langue et paraît être meilleur […] . » La prononciation dont parle V* n'est guère attestée en dehors du fait connu que les petits-maîtres affectaient une sorte de zozotement . Ce qui est certain, c'est que dans l'écriture les deux s longs se confondaient aisément avec deux f . On nommait rufian ou rufien un débauché .

 

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08/01/2014 | Lien permanent

J'espère que mon boiteux de procureur, grâce à vos soins, me fera rendre justice .

...  Souhait de Dupond Moretti face aux membres du gouvernement , plus ministre qu'homme de bien, d'un seul coup plus procureur qu'avocat : https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/karting-a...

Blagues et Dessins on Twitter: "Le #DessinDePresse de Glez : Éric  Dupond-Moretti Retrouvez tous les dessins de Glez sur le site  https://t.co/pt194NG9Dz #DessinDeGlez #ActuDeGlez #Glez #Humour  #GouvernementCastex #MinistèreDeLaJustice #Justice ...

 

 

 

« A Alexandre-Marie-François de Paule de Dompierre d'Hornoy, Conseiller au Parlement

rue d'Anjou au Marais

à Paris

12è mars [1767] à Ferney 1

Si vous n’êtes pas turc, mon cher magistrat, je vous ai autant d'obligation qu'au bon Turc, votre oncle . Il me paraît que vous entendez tous deux fort bien les affaires, surtout quand il s'agit de tirer les gens d'embarras . J'espère que mon boiteux de procureur, grâce à vos soins, me fera rendre justice .

Criez bien tous en faveur des Sirven, mes chers parents et amis . Le rapporteur est aussi bien disposé que vous-même. Les Calas et les Sirven seront deux bonnes époques .

Criez aussi en faveur de Bélisaire, c'est un bon homme, un brave soldat, l'aveugle le plus clairvoyant qu'il y ait au monde .

M. d'Hermenches, très bien connu de M. et Mme de Florian, dit qu'il vient de jouer Les Scythes à Lausanne avec un très grand succès . Nous les jouerons dans quatre jours sur notre petit théâtre . On va les donner à Genève et à Lyon . A l'égard de Paris, je ne m'en mêle point.

Pardon de ma courte lettre, mais je vais à la répétition, et ce n'est pas sans vous embrasser tous avec la plus grande tendresse .

V. »

1 On peut juger du ton des échanges entre Paris et Genève à cette époque par une copie de la main de Wagnière intitulée : « Extrait de la lettre de M. le duc de Choiseul à M. Hennin du 12è février 1767 » :

« Vous pouvez, monsieur, faire savoir aux représentants que la cour a trouvé très mauvais que vous vous soyez chargé de recevoir par la main des commissaires une pièce dont le défaut essentiel est de n'exprimer rien, et d’oser se prévaloir d'un témoignage aussi faux que celui de leur conscience pour attester leur innocence, ce qui équivaut à nous taxer d'injustice ; qu'elle vous a défendu absolument de rien recevoir dorénavant de la part des représentants, qu'au surplus, ce n'est point par les mots ni par des démarches vaines et sans effets qu'ils peuvent espérer de fléchir Sa Majesté, justement indignée de toutes les manœuvres de quelques uns d'entre eux dont ils ont eu la faiblesse de suivre les pernicieux conseils . Que tant que leur aveuglement subsistera et qu'ils continueront de donner leur confiance à des gens pleins de passions et de vues particulières, qui dans plusieurs écrits séditieux ont eu la témérité de calomnier devant eux les intentions généreuses et bienfaisantes des médiateurs, Sa Majesté les regardera tous comme coupables des mêmes complots, qu'ils doivent savoir ce qu'ils ont à faire pour mériter qu'elle leur rende ses bonnes grâces, et que ce n'est pas à vous à leur donner des conseils là-dessus . »

Voir : https://archives.bge-geneve.ch/ark:/17786/vta5bab611e4646...

et : https://data.bnf.fr/fr/see_all_activities/10126091/page1

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22/08/2022 | Lien permanent

si je suis un geai, je ne me pare point des plumes des paons

...

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

22è octobre 1764 aux Délices

Monseigneur, mon héros, je ne sais où vous êtes ; je ne sais où est madame la duchesse d’Aiguillon, qui m’a honoré de deux gros volumes et d’un très joli petit billet. Permettez que je m’adresse à vous pour lui présenter mes remerciements. Souffrez que je vous parle du tripot de la Comédie, qui tombe en décadence comme tant d’autres tripots. Il y a un acteur excellent, à ce qu’on dit, nommé Aufresne 1, garçon d’esprit, belle figure, bel organe, plein de sentiment. Il est actuellement à La Haye. Auteurs et acteurs, tout est en pays étranger.

Je me souviens d’avoir vu chez moi cet Aufresne, qui me parut fait pour valoir mieux que Dufresne . Je vous en donne avis. Monsieur le premier gentilhomme de la chambre fera ce qu’il lui plaira.

Il y a dans le monde quelques exemplaires d’un livre infernal, intitulé Dictionnaire philosophique portatif. Ce livre affreux enseigne, d’un bout à l’autre, à s’anéantir devant Dieu, à pratiquer la vertu, et à croire que deux et deux font quatre. Quelques dévots, comme les Pompignan, me l’attribuent ; mais ils me font trop d’honneur, il n’est point de moi , et si je suis un geai, je ne me pare point des plumes des paons.

Il y a un autre livre bien plus diabolique, et fort difficile à trouver ; c’est le célèbre discours de l’empereur Julien contre les Galiléens ou chrétiens, très bien traduit à Berlin par le marquis d’Argens, et enrichi de commentaires curieux. Et, comme vous êtes curieux de ces abominations pour les réfuter, je tâcherai de concourir à vos bonnes œuvres, en faisant venir de Berlin un exemplaire pour vous l’envoyer, si vous me l’ordonnez.

Je conçois à présent que c’est au printemps que mon héros conduira sa très aimable fille sur le chemin d’Italie ; et si je ne suis pas mort dans ce temps-là, je me ranimerai pour me mettre à leurs pieds. Le Soussigné V. n’est pas dans un moment heureux pour ses yeux ; il présente son respect à tâtons.

V.»

1 Jean Rival, surnommé Aufresne fera ses débuts à la Comédie-Française le 30 mai 1765 : http://www.cosmovisions.com/Aufresne.htm

 

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13/12/2019 | Lien permanent

si j'ai fait des romans j'en demande pardon à Dieu ; mais tout au moins je n'y ai jamais mis mon nom, pas plus qu'à mes

 

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 http://www.deezer.com/listen-1077754

http://www.deezer.com/listen-1077749

http://www.deezer.com/listen-1077733

 

 

 

« A Charles-Joseph Panckoucke

 

Aux Délices 24 mai 1764

 

Vous me mandez, Monsieur, que vous imprimez mes romans 1, et je vous réponds que si j'ai fait des romans j'en demande pardon à Dieu ; mais tout au moins je n'y ai jamais mis mon nom, pas plus qu'à mes autres sottises ; on n'a jamais, Dieu merci, rien vu de moi contresigné et paraphé Cortiat secrétaire 2 etc. Vous me dites que vous ornerez votre édition de culs-de-lampe : remerciez Dieu, Monsieur, de ce qu’Antoine Vadé n'est plus au monde ; il vous appellerai Welche sans difficulté, et vous prouverait qu'un ornement, un fleuron, un petit cartouche, une petite vignette ne ressemble ni à un cul ni à une lampe 3.

 

Vous me proposez la paix avec maître Aliboron dit Fréron, et vous me dites que c'est vous qui voulez bien lui faire sa litière . Vous ajoutez qu'il m'a toujours estimé , et qu'il m'a toujours outragé 4. Vraiment voilà un bon petit caractère ! C'est-à-dire que quand il dira du bien de quelqu'un, on peut compter qu'il le méprise . Vous voyez bien qu'il n'a pu faire de moi qu'un ingrat et qu'il n'est guère possible que j'aie pour lui les sentiments dont vous dites qu'il m'honore . Paix en terre aux hommes de bonne volonté 5; mais vous m'apprenez que maître Aliboron a toujours été de volonté très maligne . Je n'ai jamais lu son Année Littéraire . Je vous en crois seulement sur votre parole .

 

Pour vous, Monsieur, je vois que vous êtes de la meilleure volonté du monde, et je suis très persuadé que vous n'avez imprimé contre moi rien que de fort plaisant pour réjouir la cour 6; ainsi je suis très pacifiquement, Monsieur, votre etc. 7»


1 Panckoucke a écrit à V* que « quoiqu'il eût acquis ... par la cession de M. Lambert le droit de réimprimer le recueil de ses romans , il croyait devoir lui en demander la permission ».

2 Formule utilisée dans l'Instruction pastorale ... de Jean-Georges Lefranc de Pompignan ; le nom du secrétaire était Cortial .

3 Cf. la parole prêtée à « feu Antoine Vadé » au début du Supplément du Discours aux Welches : « un cul-de-sac, et tous les termes vulgaires qui défigurent une langue, me donnent un mortel chagrin. » Cf. aussi le Discours aux Welches .

4 Panckoucke a écrit : « Personne n'a de vous une si haute estime ... Quand il lit vos ouvrages immortels, il est obligé ensuite de se déchirer les flancs pour en dire le mal qu’il ne pense pas ...si vous daigniez prendre confiance en moi, vous verriez ... que celui que vous regardez comme votre plus cruel ennemi, que vous traitez ainsi deviendrait de votre admirateur secret, votre admirateur public. »

5 Évangile de Luc .

6 Panckoucke imprimait L’Année littéraire de Fréron .

7 La lettre de Panckoucke et la réponse de V* seront publiées . Panckoucke fera paraitre un démenti dans L'Année littéraire et dans L’Avant-coureur du 23 juillet : « Je déclare que je ne suis point l'auteur de cette lettre telle qu'elle est ; et j'en appelle au propre témoignage de M. de Voltaire ... » V* de son côté écrira à Damilaville le 6 août : « Ce que j'ai ... de meilleur à faire ... c'est de vous envoyer l'original de la lettre de Panckoucke . Vous verrez qu'on ne l'a point falsifiée, et qu'on en a simplement retranché des choses fort inutiles. »

 

 

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24/05/2011 | Lien permanent

Et parcus victus cum deficiente crumena = Et une vie frugale, et une bourse vide

... Vous attend inéluctablement après cette période de fêtes dispendieuses si vous vous laissez influencer par les sirènes de la publicité et le désir d'épater la galerie .

Je ne m'étendrai pas sur le  sujet de mensonges aux petits enfants, prétexte à stupides déclarations, le père Noël qui, pour moi, rejoint la fabuleuse engeance de la mouche qui pète et la poupée qui tousse .

 

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... Sauf vous mesdames !

 

« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon

12 décembre [1759]

Croyez-moi, monsieur, partageons à peu près notre petit différent par la moitié 1. Cent mille francs vous conviendraient-ils ? 40000 en signant le contrat ? 30000 dans un an et la rente de 30000 ? voilà tout ce que je peux, et en vérité vous devez accepter des offres qui paraissent très raisonnables à tous ceux que j'ai consultés .

Si vous vous déterminez monsieur ayez la bonté de vous arranger pour les lods et ventes avec M. d'Espagnac, je voudrais une diminution des deux tiers . Girod pourrait sonder Fabry, et vous vous chargeriez de Mgr le comte de La Marche . Je prendrai aussi les devants pour m'assurer la conservation des droits de l'ancien dénombrement, et la réunion des terres . Je crois monsieur que voici le temps où ceux qui ne sont point présidents des parlements doivent vivre à la campagne . Il vous faut à vous autres messieurs des belles villes et de bonnes rentes qui viennent aisément vous trouver dans vos palais . Mais pour moi

Flumina amem silvas que inglorius .2

Vous me faites trop d'honneur . Gratia et valetudo 3 me manquent net . Dites

Et parcus victus cum deficiente crumena 4.

Je vous offre tout ce qui reste dans cette crumena malheureuse, sans laquelle on ne peut vivre à moins que ce ne soit parmi les sauvages . J'ai vu l'année 1709 5 mais notre 1759 est encore pire pour les crumenae . C'est à vous monsieur à ressusciter le pays de Gex, mais il faut faire entendre raison à ceux qui le tuent ; et cela peut être sera difficile .

J'ai allégué à M. le chancelier et à M. le procureur général de Dijon l'exemple d'un jugement sur un délit commis précisément au même endroit où Panchaud a défendu ses noix 6. Il ne s'agissait pas de noix mais d'un meurtre , le coupable fut pendu au nom du roi et aux frais du roi . La justice du seigneur doit finir au grand chemin, et c'est entre le grand chemin et le lac que la bataille des noix a été donnée .

J'ai écrit au bibliopole 7 pour Jugurtha et pour Catilina . Vous aurez incessamment monsieur la première feuille , et j'attends avec impatience le moment de les voir toutes . Il me semble que vous pourriez nous gratifier encore de quelques autres ouvrages , remplis, dit-on, de vérités dont nous avons besoin . Continuez monsieur à faire honneur aux lettres, et à m'honorer de vos bontés .

V. »

1 Le différend sur le prix de Tournay . De Brosses écrit vers le 7 décembre : « Vous continuez donc d'être à mon égard un Satan tentateur . Vous me dites d'abord que j'ai déjà reçu à compte de 47 mille livres . Là-dessus j'ai secoué votre lettre, et n'en voyant point tomber de lettre de change de 12 mille livres j'ai pris mon barème qui m'a toujours dit 35 […] Or ça parlons raison . Vous avez entendu à peu près mon mot, mais puisque vous voulez que j'en rabatte […] vous donnerez de surplus 120 mille livres, la moitié ou le tiers comptant, le reste aux termes qui vous conviendront . Si cela ne vous agrée pas, tout est dit […] si cela vous convient j'enverrai ma procuration […]. quant aux lods et ventes , je ferai mon possible auprès de M. le comte de La Marche […] . je connais fort aussi MM. de Saint-Simon et d'Espagnac qui sont les principaux de sa maison [...].Au milieu de tant de désastres je ne laisse pas que de faire des efforts pour tacher de faire mettre en liberté notre pauvre petit pays de Gex […] Vous devriez bien joindre ici votre crédit et vos amis qui sont en grand nombre . »

2 Puissè-je , dans mon obscurité, me contenter des bois et des rivières ? ; Virgile, Georgiques, II, 486 .

3 Horace, Épîtres, I, IV, 10 ; dans le texte d’Horace, ces mots qui représentent ce que souhaite une nourrice à l'enfant qu'elle élève, signifient « la faveur et la santé » ; V* joue sans doute sur le sens de gratia, la grâce, au sens théologique .

4Et une vie frugale, et une bourse vide ; Horace, Épîtres, I, IV, 11 .

5 L'hiver rigoureux et prolongé de 1709 était resté fameux , c'était le grand hiver (V* l'a vécu au collège Louis Le Grand) . Voir : http://www.histoire-pour-tous.fr/histoire-de-france/3971-le-grand-hiver-de-1709.html

6 Voir la lettre du 30 novembre 1759 à Fabry : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/06/et-c-est-par-dela-le-grand-chemin-vers-le-lac-que-le-crime-concernant-les-d.html

et du 3 décembre 17459 à De Brosses : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/10/je-ne-sais-ce-que-je-fais-tant-j-ai-je-n-ose-pas-dire-de-pla-5507498.html

à laquelle De Brosses a répondu : «  […] je connais il y a longtemps le Suisse de La Perrière pour un fieffé garnement . Il y a plusieurs années que j'ai recommandé qu'on le chassât et je croyais même que cela était fait […] Le meilleur de vos huit arguments est que le lieu où s'est commis le délit est hérétique, et par conséquent hors de la justice de Tournay qui est la plus papiste du monde […] je puis vous répondre d'avance de faire en sorte que par la discrétion du prêteur [les frais] seront réduits à beaucoup moins que les mille écus dont on vous menace . » Sur cette affaire, voir notamment les mémoires de juillet 1760 ainsi que la suite de la correspondance .

7 Voici un emploi de ce mot antérieur au premier emploi attesté par les dictionnaires étymologiques . Il est emprunté au grec qui signifie libraire . V* répond ici à la fin de la lettre de De Brosses : « Dites à M. Cramer qu'il m'envoie cette feuille imprimée de mon Salluste qu'il doit m'envoyer pour essais, afin que je puisse juger du format et vois combien l'ouvrage fera de volumes . Il y a un siècle que je l'attends. » Pour Salluste, voir lettre du 23 septembre 1758 à De Brosses : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/03/mon-grand-plaisir-serait-de-n-avoir-affaire-de-ma-vie-ni-a-u.html

L'allusion qui suit à « quelques autres ouvrages » désigne sans doute Du culte des dieux fétiches ou Parallèle de l'ancienne religion de l’Égypte avec la religion actuelle de Nigritie, 1760, ( http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k106440f )

dont De Brosses envisageait déjà la publication plus d'un an auparavant .

 

 

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21/12/2014 | Lien permanent

La conduite de ce malheureux doit être sans doute réprimée et punie

... Mis en ligne le 18/11/2020 pour le 10/9/2015

 

 

« A Christophle de Lafrusse de Seynas

Au château de Ferney pays de Gex

par Genève 10 septembre 1760

Monsieur, souffrez que j'aie l'honneur de m'adresser à vous . Un nommé Rigolet, espèce de libraire de votre ville, a envoyé un libelle affreux imprimé par lui, à un nommé Bardin , libraire genevois . Ce libelle est intitulé Dialogues chrétiens par M. V., Genève 1760 . L’Église de Lyon et celle de Genève y sont également insultées . J'ai porté mes plaintes au conseil de Genève . Bardin interrogé a répondu qu'il tenait ce libelle et plusieurs autres de Rigolet qui les fait imprimer à Lyon .

Rigolet a eu de plus l’insolence de m'écrire la lettre notée A 1 par laquelle il m'instruit qu'il possède un autre libelle détestable intitulé Épître du diable .

En même temps il a écrit à Rigolet la lettre cotée B 2 par laquelle il lui promet des exemplaires de ce même libelle qu'il juge excellent .

La conduite de ce malheureux doit être sans doute réprimée et punie . J'en écris à M. le duc de Choiseul et à monsieur le chancelier . Mais je m'adresse principalement à vous monsieur, voulant vous devoir uniquement la suppression d'un tel scandale .

Rigolet possède encore le manuscrit du libelle des Dialogues chrétiens dont il a fait passer cent exemplaires à Genève . Je vous supplie monsieur de vouloir bien avoir la bonté de vous faire représenter le manuscrit, et de daigner me l'envoyer sous mon reçu si vous n'aimez mieux l'envoyer au conseil de Genève . Je vous aurai une extrême obligation . C'est une grâce que je vous demande instamment.

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi »

 

1 Lettre du 6 septembre 1760, où Rigolet annonce qu'il a reçu une lettre anonyme « un imprimé intitulé Épître du diable à M. de V... à Genève » ; qu'il a trouvé l'ouvrage « si pitoyable et rempli d'informations si grossières » qu'il n'a pas voulu l'imprimer ; que néanmoins, si V* veut répondre à cet « indigne ouvrage » il est prêt à l'imprimer et à « inond[er] toute la France » de la réponse .

2 Rigolet est un lapsus pour Bardin ; il s'agit d'une lettre datée de Lyon du 7 septembre 1760 , dans laquelle Rigolet avertit Bardin qu'il « paraît un ouvrage nouveau qui fait grand bruit et des mieux écrits, qui a pour titre Épître du diable à M. de Voltaire à Genève, 8°, avec beaucoup de notes qui se vend 12 sols » et qu'il est prêt à lui en céder des exemplaires au prix de six sols . On a là un exemple des entreprises purement intéressées auxquelles se livraient les libraires .V* , auteur à succès, est encore victime du fait qu'il abandonne couramment le bénéfice de l'édition de ses œuvres aux libraires éditeurs .

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10/09/2015 | Lien permanent

le Seigneur exauce partout les vœux des fidèles, il n'y a pas besoin de colonnes de porphyre et de candélabres d'or

... Voyons ce qu'il en est au XXIè siècle avec le CMN dans le rôle du seigneur : http://societe-voltaire.org/voltaire-travaux-1.pdf

 

Mis en ligne le 14/11/2020 pour le 8/8/2015

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

8 août [1760 à Ferney]

Vous ne me dites point qu'on a joué L’Écossaise, qu'il a paru une requête aux Parisiens de Jérôme Carré traducteur de L’Écossaise, qu'on a imprimé une pièce de vers intitulée, Le Russe à Paris, vous ne me dites rien de Protagoras, de l'abbé Mords-les, de l'évêque limousin 1 qui va succéder dans l'Académie à frère Jean des Entommeures de Vaureal, et qui aura sa tape, s'il pompignanise 2, en un mot vous ne me dites rien du tout ; et je ne sais plus à quelle adresse vous écrire 3. Réveillez-vous mon ancien ami, instruisez-moi . Paris est-il toujours bien fou ? Comment vont les remontrances ? Où en sont les guerres des grenouilles et des rats ? Que dit-on de lui, que font le grand Fréron et le sublime Palissot ? Pour moi je mets tout au pied du crucifix ; je bâtis une église . Ce n'est pas Saint Pierre de Rome ; mais le Seigneur exauce partout les vœux des fidèles, il n'y a pas besoin de colonnes de porphyre et de candélabres d'or . Oui, je bâtis une église . Annoncez cette nouvelle consolante aux enfants d'Israël , que tous les saints s'en réjouissent . Les méchants diront sans doute que je bâtis cette église dans ma paroisse pour faire jeter à bas celle qui me cachait un beau paysage, et pour avoir une grande avenue . Mais je laisse dire les impies, et je fais mon salut .

Je n'ai point vu la sœur du pot 4, mais on m'a envoyé un avis des parents assez plaisant pour faire interdire le sieur de Pompignan au sujet de sa prose et de ses vers . Vous qui êtes au centre des belles choses n'oubliez pas le saint solitaire de Ferney, et joignez vos prières aux miennes .

Vraiment j'oubliais de vous demander s'il est vrai que Palissot ait été assez humble pour imprimer mes lettres, et s'il n'a pas altéré la pureté du texte . Scribe, vale . »

2 Nouveau néologisme moqueur .

3 Thieriot avait écrit à V* sur plusieurs de ces sujets le 30 juillet 1760 . Il faisait part aussi de ses inquiétudes au sujet de la correspondance : « J'ai vu M. Bouret le grand administrateur des postes, j'ai vu aussi tous les associés . J'ai découvert que ces messieurs assemblés se sont communiqué une terreur panique sur des soupçons fort apparents qu'on avait décacheté vos lettres et celles de vos amis . Les recherches scrupuleuses et inutiles d'une lettre que Marmontel dit vous avoir écrite en a été la cause . La persécution de M. le duc de Choiseul contre les philosophes, les a tous intimidés, de sorte qu'avec les mêmes sentiments et les dispositions à vous faire plaisir, et à vous marquer de l'amitié, il a été résolu qu'excepté les lettres de vous ou de vos amis, on contresignerait tous les imprimés de quelque volume qu'ils fussent, comme à l'ordinaire . On me l'a signifié, et on m'a chargé de vous en faire part, en me disant que c'était précaution et prudence bien fondée . » Voir, sur cette lettre, le début de la lettre du 11 août 1760 à Thieriot : « A peine eus-je écrit à l'ancien ami pour avoir des nouvelles, que Dieu m'exauça, et je reçus sa lettre du 30 juillet dans laquelle il me parlait de la libération de l'abbé Mords-les, et de L’Écossaise et de Catherine Vadé et d'Alétof etc. M. d'Argental est celui qui a le plus contribué à nous rendre notre Mords-les ... »

La contresignature d'un haut fonctionnaire des postes assurait que le paquet ne serait pas contrôlé .

4 La duchesse d'Aiguillon .

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08/08/2015 | Lien permanent

plus on a voulu l'avilir, et plus j'ai voulu l'élever.

 http://www.deezer.com/listen-7199243

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet , comtesse d'Argental

 

17 septembre 1765

 

Mes divins anges, je vois bien que je ne connaissais pas encore ce public inconstant que je croyais connaitre. Je ne me doutais pas qu'il dût approuver avec tant de transports ce qu'il avait condamné avec tant de mépris [i]. Vous souvenez-vous qu'autrefois lorsque Vendôme disait à la dernière scène : Es-tu content Coucy ? Les plaisants répondaient : Couci-couci ? J'ai retrouvé ici dans mes paperasses deux tragédies d'Adélaïde ; elles sont toutes deux fort différentes, et probablement la troisième qu'on a jouée à la Comédie diffère beaucoup des deux autres. Je fais toujours mon thème en plusieurs façons. Il est à croire que Lekain fera imprimer à son profit cette Adélaïde qu'on vient de représenter ; mais je pense qu'il conviendrait qu'il m'envoyât une copie bien exacte, afin qu'en la conférant avec les autres je pusse en faire un ouvrage supportable à la lecture, et dont le succès fût indépendant du mérite des acteurs. C'est sur quoi je vous demande vos bons offices auprès de Lekain, car je vous demande toujours des grâces.

 

A l'égard des Roués [ii], j'attends toujours votre paquet et vos ordres ; le petit jésuite a sa préface toute prête, mais il dit qu'il ne faut pas s'attendre à de grands mouvements de passion dans un triumvir, et que cette pièce est plus faite pour des lecteurs qui réfléchissent que pour les spectateurs qu'il faut animer. Il sait de plus que le pardon d'Octave à Pompée ne peut jamais faire l'effet du pardon d'Auguste à Cinna, parce que Pompée a raison et que Cinna a tort, et surtout parce que ceux qui sont venus les premiers ne laissent point de place à ceux qui viennent les seconds.

 

Je sais bien que j'ai été un peu trop loin avec Mlle Clairon,[iii] mais j'ai cru qu'il fallait un tel baume sur les blessures qu'elle avait reçues au Fort-l'Evêque [iv]. Elle m'a paru d'ailleurs aussi changée dans ses mœurs que dans son talent ; et plus on a voulu l'avilir, et plus j'ai voulu l'élever.

 

J'espère qu'on me pardonnera un peu d'enthousiasme pour les beaux-arts. J'en ai dans l'amitié, j'en ai dans la reconnaissance.

 

Je vous fais, mes divins anges, les plus sincères remerciements de la bonté que vous avez eue de me procurer des éclaircissements de la part de M. de Sainte-Foix [v]. Je n'ose l'en remercier lui même, de peur de l'engager à une réponse qui lui ferait perdre un temps précieux ; mais je me flatte que quand vous le verrez vous voudrez bien l'assurer des sentiments que je lui dois. Je me doutais bien que ce M. de Barrau [vi] était un homme nécessaire au ministère par ses connaissances.

 

Je soupçonne que la place de résident à Genève [vii] est actuellement donnée in petto, par M. le duc de Praslin. Je ne vous avais proposé M. Astier [viii] qu'en supposant que M. le duc de Praslin le favoriserait, mais je ne serai pas assez effronté pour demander à M. le duc de Choiseul qu'il force la main au ministre des Affaires étrangères ; je dois être modeste dans mes sollicitations, et tout ce que j'ose demander actuellement pour M. Fabry, maire de la ville de Gex, c'est que je puisse l'assurer de votre protection. »

 

 

i Adélaïde du Guesclin avait été reprise le 9 septembre et Thiriot, le 10, parlait de « triomphe ».

ii Octave ou le Triumvirat, prétendu écrit d' « un petit jésuite ».

iv Sur le conflit à la Comédie française et l'emprisonnement de Mlle Clairon, cf. les lettres du 24 avril à Damilaville et 6 juillet aux d'Argental.

v Le 23 août il a chargé les d'Argental de demander à Sainte-Foix ( en poste aux Affaires étrangères) « s'il y a eu un traitement et des honneurs affectés à cette place, et si Jean-Jacques Rousseau en a joui lorsqu'il accompagna M. de Montagu dans son ambassade à Venise » en 1743-1744. La polémique avec Rousseau sur ce point va s'envenimer ; cf. lettre du 7 novembre 1766.

vi Barrau-Taulès qui avait fait d'intéressantes remarques sur Le Siècle de Louis XIV et qui allait venir à Genève avec l'envoyé de France, de Beauteville.

vii Montpéroux est mort le 7 septembre.

viii V* dès le 23 août recommandait aux d'Argental « M. Astier, commissaire de la marine en Hollande, c'est un philosophe et de plus un homme très sage et très aimable. »

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17/09/2010 | Lien permanent

vous n'êtes pas si arithméticienne, ... vous ne vous souciez guère de savoir si la France est riche ou pauvre

... C'est un avis à l'opposition  , ridiculement campée sur des négations, qui fait des bonds de cabri quand le budget national est adopté via le 49-3 (ce en quoi, ça confirme que notre première ministre sait compter au moins jusqu'à 49 ) : https://www.france24.com/fr/france/20230927-%C3%A9conomie...

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Puce, sans âme et mortelle aussi, comme l' I A sans l'homme est si proche du hi-han 

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

30è mars 1768 1

Quand j'ai un objet, madame, quand on me donne un thème, comme par exemple de savoir si l'âme des puces est immortelle, si le mouvement est essentiel à la matière, si les opéras-comiques sont préférables à Cinna et à Phèdre, ou pourquoi Mme Denis est à Paris, et moi entre les Alpes et le mont Jura, alors j'écris régulièrement, et ma plume va comme une folle .

L'amitié dont vous m'honorez me sera bien chère jusqu'à mon dernier moment, et je vais vous ouvrir mon cœur .

J'ai été pendant quatorze ans l'aubergiste de L'Europe , et je me suis lassé de cette profession . J'ai reçu chez moi trois ou quatre cents Anglais qui sont tous si amoureux de leur patrie que presque pas un seul ne s'est souvenu de moi après son départ, excepté un prêtre écossais nommé Broun 2, ennemi de M. Hume, qui a écrit contre moi, et qui m'a reproché d'aller à confesse, ce qui est assurément bien dur .

J'ai eu chez moi des colonels français avec tous leurs officiers pendant plus d'un mois . Ils servent si bien le roi qu'ils n’ont seulement pas eu le temps d'écrire ni à Mme Denis , ni à moi .

J'ai bâti un château comme Béchamel 3, e tune église comme Lefranc de Pompignan . J’ai dépensé cinq cent mille francs à ces œuvres profanes et pies . Enfin , d'illustres débiteurs de Paris et d'Allemagne, voyant que ces magnificences ne me convenaient point , ont jugé à propos de me retrancher les vivres pour me rendre sage . Je me suis trouvé tout d'un coup presque réduit à la philosophie . J'ai envoyé Mme Denis solliciter les généreux Français, et je me suis chargé des généreux Allemands.

Mon âge de soixante et quatorze ans, et des maladies continuelles me condamnent au régime et à la retraite . Cette vie ne peut convenir à Mme Denis, qui avait forcé la nature pour vivre avec moi à la campagne . Il lui fallait des fêtes continuelles pour lui faire supporter l'horreur de mes déserts, qui de l'aveu des Russes sont pires que la Sibérie pendant cinq mois de l'année . On voit de sa fenêtre trente lieues de pays, mais ce sont trente lieues de montagnes, de neiges et de précipices . C'est Naples en été, et la Laponie en hiver . Mme Denis avait besoin de Paris ; la petite Corneille en avait encore plus besoin . Elle ne l'a vu que dans un temps où ni son âge, ni sa situation ne lui permettaient de le connaître . J’ai fait un effort pour me séparer d'elles, et pour leur procurer des plaisirs à la tête desquels je mets celui qu'elles ont eu de vous rendre leurs devoirs . Voilà, madame, l'exacte vérité sur laquelle on a bâti bien des fables, selon la louable coutume de votre pays, et je crois même tous les pays .

J'ai reçu de Hollande une Princesse de Babylone . J’aime mieux les Quarante écus que je ne vous envoie point, parce que vous n'êtes pas si arithméticienne, et que vous ne vous souciez guère de savoir si la France est riche ou pauvre . La princesse part sous l'enveloppe de Mme la duchesse de Choiseul. Si elle vous amuse je ferai plus de cas de l’Euphrate que de la Seine .

J'ai reçu une petite lettre de Mme de Choiseul ; elle me paraît digne de vous aimer . Je suis fâché contre M. le président Hénault ; mais j'ai cent fois plus d'estime et d'amitié pour lui que je n'ai de colère .

Adieu, madame, tolérez la vie ; je la tolère bien . Il ne vous manque que des yeux, et tout me manque . Mais assurément les sentiments que je vous dois et que je vous ai voués ne me manquent pas .

V. »

2 Sur ce Brown, voir de Beer-Rousseau, p. 49-50 .Robert Brown. Voyez une note du chap. Ier de la Guerre civile de Genève. (Georges Avenel.)

3 Louis de Béchamel, marquis de Nointel, surintendant des bâtiments sous Louis XIV, célèbre pour son hospitalité fastueuse et encore plus pour l'invention de la sauce de son nom . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_B%C3%A9chameil_de_Nointel

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23/11/2023 | Lien permanent

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