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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

le temps n'est pas propre

... Et il n'est pas ici question de la météo . Trop d'assassins sont encore à la tête d'Etats, c'est irrespirable, il est temps qu'ils disparaissent : c'est un de mes voeux !

 

 

« A Jacques Lacombe, Libraire

Quai de Conti

à Paris

12è juin 1767 à Ferney

Vous avez raison, monsieur, la multiplicité des éditions faites en province et chez l'étranger ne permet pas que vous en fassiez une nouvelle, et d'ailleurs, le temps n'est pas propre . Si vous jugez à propos de faire le petit recueil que vous projetez, je pense avec vous que cette entreprise sera convenable à la fin de l’automne . Il est vrai que MM. Cramer vous ont prévenu . Ils ont imprimé un recueil de mélanges qui contient Les Scythes, Le Triumvirat, l'Avis au public sur les Calas et les Sirven, Le Philosophe ignorant, sous le titre de Questions d'un homme qui ne sait rien 1; le Commentaire sur les délits et les peines, etc.

Vous me feriez plaisir, monsieur, de m'apprendre si le petit livre intitulé Supplément à la Philosophie de l'histoire se débite, et s'il fait quelque sensation .

Est-il vrai que la Sorbonne a abandonné le projet de censurer Bélisaire ?

Je vous embrasse de tout mon cœur, et je vous prie de me continuer votre amitié .

V. »

1 Les Questions d'un homme qui ne sait rien ne sont qu'une section du volume IV des Nouveaux mélanges, 1767 . Mais il est possible que cette section ait été publiée séparément.

Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2055624/texteBrut

et XXI de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113177/texteBrut

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03/01/2023 | Lien permanent

cet ouvrage diabolique, où l'on prouve que tout les hommes sont frères

 "La liberté a quelque chose de céleste ; mais le repos vaut encore mieux."

L'idéal étant bien entendu de concilier les deux états, ce qui semble irréaliste dans une grande partie du monde méditerranéen actuellement .

Liberté, combien de morts vaux-tu ?

"Frères musulmans" ! je crains par dessus-tout votre fraternité exclusive.

Tout comme on vit, dans la bible, Jacob voler le droit d'ainesse à Esaü, je crains que votre fraternité aille jusqu'à enlever la liberté  de vos compatriotes sur cette terre, pour votre bien sur cette terre, et le leur dans un hypothétique et rêvé au-delà .

Inch Allah ! mais attache bien ton chameau !!

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

1er février 1764

 

L'aveugle des Alpes a lu comme il a pu, et avec plus de plaisir que de facilité la consolante lettre du 25, du mois de janvier, dont ses anges gardiens l'ont régalé. Le grand docteur Tronchin lui couvre les yeux d'une pommade adoucissante, où il entre du sublimé corrosif i. Jésus-Christ ne se servait que de boue et de crachat, en criant effetta ii, mais les arts se perfectionnent.

 

Mes anges avaient donc reçu le 5è acte de la Conjuration un peu radoubé ? Ils en sont donc contents ? On pourrait donc se donner le petit plaisir de se moquer du public, de faire jouer la pièce de l'ex-jésuite iii, en disant toujours qu'on va jouer Olympie . Ce serait un chef-d'œuvre de politique comique qui me parait si plaisant que je ne conçois pas comment mes conjurés ne se donnent pas cette satisfaction .

 

Cependant j'en reviens toujours à mon grand principe que la volonté de mes anges soit faite au tripot comme au ciel.

 

J'ajoute que je leur enverrai incessamment des Olympie corrigées, soit par M. le duc de Praslin, soit par M. de Courteilles, soit par Jannel lui-même . Ils en feront à leur volonté . Mais en cas qu'ils veuillent suivre leur conjuration, je ne sais s'il ne faudrait pas donner le rôle de Fulvie à Mlle Dumesnil, et celui de Julie à Mlle Clairon ; je m'en rapporte au pauvre diable d'ex-jésuite père putatif de Fulvie et de Julie.

 

Je remercie tendrement mes anges de toutes leurs bontés ; c'est à eux que je dois celles de M. le duc de Praslin, qui me conservera mes dîmes en dépit du Concile de Latran, et qui fera voir que les traités des rois valent mieux que les conciles iv. Figurez-vous quel plaisir ce sera pour un aveugle d'avoir entre les Alpes et le mont Jura une terre grande comme la main, très joliment bâtie de ma façon, ne payant rien ni au roi ni à l'Église, et ayant le droit de mainmorte sur plusieurs petites possessions.

 

Je devrai tout cela à mes anges et à M. le duc de Praslin. Il n'y a que le succès de la conspiration qui puisse me faire un aussi grand plaisir.

 

Je les félicite du gain du procès de la Gazette littéraire, qui fera braire l'âne littéraire v. On m'avait envoyé d'Angleterre un gros paquet adressé il y a un mois à M. le duc de Praslin, pour travailler à sa gazette dans le temps que j'avais encore un œil. Mais il faut que le diable comme vous dites soit déchainé contre tous mes paquets.

 

Il parait (et je suis très bien informé) qu'on a de grandes alarmes à Versailles sur La Tolérance, quoique tous ceux qui ont lu l'ouvrage en aient été contents vi. On peut bien croire que ces alarmes m'en donnent. Je m'intéresse vivement à l'auteur, qui est un bon théologien et un digne prêtre ; je ne m'intéresse pas moins à l'objet de son livre, qui est la cause de l'humanité . Il n'y a certainement d'autre chose à faire dans de telles circonstances, qu'à prier frère Damilaville de vouloir bien employer son crédit, et ses connaissances dans la typographie pour empêcher le débit de cet ouvrage diabolique, où l'on prouve que tout les hommes sont frères.

 

Je supplie très instamment mes anges consolateurs de savoir, par le protecteur de la conspiration des roués vii, si l'on me sait mauvais gré à Versailles de cette Tolérance si honnête. Il peut en être aisément informé, et en dire trois mots à mes anges qui m'en feront entendre deux ; car quoique je ne sois pas un moine du couvent, je ne veux pourtant pas déplaire à monsieur le prieur . La liberté a quelque chose de céleste ; mais le repos vaut encore mieux.

 

Ma nièce et moi nous remercions encore une fois nos anges, nous présentons à M. le duc de Praslin les plus sincères remerciements ; nous en disons autant à frère Crommelin viii, qui d'ailleurs est un des fidèles de notre petite église . J'ai lu à propos d'église le réquisitoire de maître Omer contre maître de Beaumont ix. Je ne sais rien de plus ennuyeux, si ce n'est peut-être le mandement de Beaumont que je n'ai point encore vu . Je ne trouve de raisonnable dans toutes ces fadaises importantes que la déclaration du roi qui ordonne le silence.

 

Permettez-vous qu'on insère dans ce paquet un petit mot pour Lekain ?x »

 

ii Voir évangile de St Marc .

iii Voir lettres du 1er août et du 27 septembre 1763 aux d'Argental. « On » = V* attribue cette pièce à un jeune jésuite nommé Marcel !

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/01/i...

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/09/27/v...

iv Le même jour, à Damilaville ,il précise : « Je crois ... que M. le duc de Praslin rapportera bientôt au Conseil ... » Pages 381-382 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f387.image.p...

Sur les traités évoqués voir lettre aux d'Argental du 27 septembre 1763.

v Pour la Gazette littéraire, voir lettre à Choiseul-Praslin du 1er mai 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/05/21/v...

du 14 août 1763 aux d'Argental :  http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/08/15/c...

L' « âne littéraire » étant bien entendu une allusion à l'Année littéraire de Fréron .

vi Tous ceux qui ont lu l'ouvrage en ont été contents, c'est ce que dit à V* le duc de Choiseul le 27 novembre 1763, qui cite en particulier Mme de Pompadour et la duchesse de Gramont . Cependant le cardinal de Bernis, de retour à la cour , refusa l'envoi du traité comme une imprudence en un billet daté du 26 janvier 1764 : « Un traité de la tolérance est un ouvrage si important, mais si délicat, que je crois plus prudent de vous prier de ne pas me l'adresser » : Page 372 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f377.image.p...

vii Le duc de Praslin alors ministre des Affaires étrangères.

viii Jean-Pierre Crommelin,1716-1768, ministre représentant de la RTépublique de Genève à Paris de 1763 à 1768.

http://www.crommelin.org/familytree/1647PierreEtienne.htm

 

ix Mgr Christophe de Beaumont, archevêque de Paris contre qui est rendu l'Arrêt du parlement de Paris, qui condamne ... l'instruction pastorale de Mgr l'archevêque de Paris, 1764.

 

x Concernant l'éventualité de la représentation du Triumvirat.

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01/02/2011 | Lien permanent

Tout cet affreux désert s’est changé en paradis terrestre

... A ceci près, que ce paradis gessien est devenu un chantier où le béton pousse plus vite que les moissons . Comme dit une de mes vaillantes tantes "il n'y a même plus la place pour planter un poireau !"

Le pays de Gex, dernier paradis du centre commercial

https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/10/21/le-pay...

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

12 mai 1766 1

Mon cher ami, je réponds à votre lettre du 5 mai . Je ne peux savoir bien positivement quelles à été l'intention de ceux qui ont souscrit pour quatre exemplaires de l'estampe des Calas, mais je sais que quand on a payé d'avance quatre aunes de drap il faut que le marchand livre les quatre aunes sauf à ceux 2 qui ont payé de ne recevoir que le quart au lieu du total .

Je console autant que je puis les Sirven . Je leur fais espérer qu’ils auront incessamment le mémoire qui les justifie. Vous voyez sans doute quelquefois M. Élie, et vous avez la bonté de lui dire combien je m’intéresse à sa santé. J’ai peine à croire qu’il ne réussisse pas dans cette affaire. Je pense toujours que le Conseil lui sera favorable. On n’est pas, ce me semble, assez content des parlements pour craindre celui de Toulouse ; et je ne crois pas qu’une compagnie qui n’a voulu recevoir de la main du roi ni son commandant 3 ni son premier président 4 doive avoir à la cour un crédit immense.

Je trouve que le sieur Le Breton a fait une haute sottise d’aller porter à Versailles des Encyclopédies lorsque le clergé s’assemblait. Le ministère a fait très prudemment de s’emparer des exemplaires, et de prévenir par là des clameurs qui eussent été aussi dangereuses qu’injustes. On a mis dans les gazettes que l’article Peuple 5 avait indisposé beaucoup le ministère ; je ne le crois pas ; il me semble que tout ministre sage devrait signer cet article.

Je suis bien fâché que l’auteur de Population et de Vingtième n’en ait pas fait davantage . Je voudrais raccommoder ce bon citoyen avec le grand Colbert. Il lui reproche d’avoir fait baisser le prix des blés ; mais il baissa de même en Angleterre et ailleurs dans le même temps. Le grand malheur de Colbert est d’avoir vu ses mesures toujours traversées par les entreprises de Louis XIV. La guerre injuste et ridicule de 1672 obligea le ministre le plus grand que nous ayons jamais eu à se conduire 6 d’une manière directement opposée à ses sentiments ; et cependant il ne laissa, en mourant, aucune dette de l’État qui fût exigible. Il créa la marine, il établit toutes les manufactures qui servent à la construction et à l’équipement des vaisseaux. On lui doit l’utile et l’agréable. Si vous connaissiez l’auteur de l’article où on le traite un peu mal, je vous prie de demander la grâce de Colbert à cet auteur. Nous en parlerons, si jamais vous êtes assez bon pour revenir à Ferney. Mon petit château sera enfin entièrement bâti ; mes paysans augmentent leurs cabanes, à mon exemple ; leurs terres et les miennes sont bien cultivées . Tout cet affreux désert s’est changé en paradis terrestre.

J’ai eu la consolation de trouver un petit bailli 7 qui pense tout aussi sensément que nous. Vous m’avouerez que c’est trouver une perle dans du fumier, car il est d’un pays où l’on ne pense point du tout.

Vous ne me parlez point de Bigex ; vous ne me consolez point dans ce temps de disette de bons ouvrages. Ne pourriez-vous point me faire avoir le mémoire de M. de Lally ? M. de Florian ne vous en a-t-il pas donné un ? Songez à moi, je vous en prie, et croyez que je ne m’oublie pas, et que je ne perds pas mon temps.

Je viens de recevoir une lettre charmante 8 du philosophe d’Alembert. Bonsoir, mon cher frère ; buvez à ma santé avec Platon. »

1 Selon la copie contemporaine Darmstadt B. il manque dans les deux derniers paragraphes trois passages : Vous […] Bigex ; M. de Florian […] donné un ? Je viens de recevoir […] mon cher frère ; l'édition de Kehl donne une version très remaniée , voir lettre du 9 mai 1766 à Damilaville :

2 Besterman donne deux, corrigé ici en ceux .

4 François de Bastard, premier président au parlement de Toulouse ; voir lettre du 2 février 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/19/depuis-les-grenouilles-et-les-rats-qui-prierent-jupiter-de-v-6316956.html

5 Article de Jaucourt .

6 Mot remplacé par comporter dans la copie Beaumarchais et autres éditions .

7 Christin ; c'est devant lui que fut signée, le 22 mai 1766, une reconnaissance de dette, avec hypothèque, de Daumart envers Marie-Louise Denis .

8 Lettre inconnue .

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06/08/2021 | Lien permanent

On fait de la littérature un bien indigne usage

... Il n'est pour s'en convaincre qu'à tenter de lire la prose zemmourienne, particulièrement infecte pour le fond, et ampoulée pour la forme . Qu'on la jette au pilon ! Hélas cet affreux Eric n'est pas seul à polluer notre environnement, même cette pseudo-écologiste Hidalgo s'en mêle et s'emmêle sans vergogne : https://www.20minutes.fr/politique/3125091-20210915-presi...

Les livres de et sur les candidats à l'élection présidentielle | Livres  Hebdo

Retour vers le futur : on prend les mêmes et on recommence ?

 

 

« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore

rue Neuve-des-Capucins

à Paris

Au château de Ferney, 22è septembre 1766 1

Je suis très éloigné de penser, monsieur, que vous ayez la moindre part à l'édition de mes prétendues lettres, données au public par un faussaire calomniateur qui pour gagner quelque argent falsifie ce que j'ai écrit et m'expose au juste ressentiment des personnes les plus respectables du royaume, en substituant des satires infâmes aux éloges que je leur avais donnés .

Les notes dont on a chargé ces lettres sont encore plus diffamatoires que le texte . Vous y êtes loué 2, et il est triste de l'être dans un tel recueil . L'éditeur sait en sa conscience qu'aucune de ces lettres n'a été écrite comme il les a imprimées . Si par hasard vous le connaissiez, il serait digne de votre probité de lui remontrer son crime, et de l'engager à se rétracter . On fait de la littérature un bien indigne usage . Imprimer ainsi les lettres d'autrui, c'est être à la fois voleur et faussaire .

Comme ces lettres courent l'Europe, je serai forcé de me justifier . Je n'ai jamais répondu aux critiques, mais j'ai toujours confondu la calomnie . Vous m'avez toujours prévenu par des témoignages d'estime et d'amitié , j'y ai répondu avec les mêmes sentiments . Je ne demande ici que ce que l'humanité exige . Votre mérite vous fait un devoir de venger l'honneur des belles-lettres .

J’ai l'honneur d'être, monsieur, avec les sentiments que j'ai toujours eu pour vous, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

1 L'édition de Kehl et suivantes ne donnent pas le destinataire ; il est identifié par Charrot .

2 Voir Lettres de […] à ses amis du Parnasse , Blin de Sainmore étant loué dans une note, page 71 ; voir page 579 de https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome25.djvu/589

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27/12/2021 | Lien permanent

Il n’est pas bon qu’une nation s’avise de penser ; c’est un vice dangereux qu’il faut abandonner aux Anglais

... Theresa May en est, elle aussi, intimement persuadée, et le regrette infiniment .

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

Aux Délices, 8 de mai [1764]

Les uns me disent, mon cher philosophe, qu’il y aura un lit de justice, les autres qu’il n’y en aura point, et cela m’est fort égal. Quelques-uns ajoutent qu’on fera passer en loi fondamentale du royaume l’expulsion des jésuites, et cela est fort plaisant. On parle d’emprunts publics et je ne prêterai pas un sou ; mais je vous parlerai de vous et de Corneille. On me trouve un peu insolent, et je pense que vous me trouvez bien discret ; car, entre nous, je n’ai pas relevé la cinquième partie des fautes : il ne faut pas découvrir la turpitude de son père 1. Je crois en avoir dit assez pour être utile ; si j’en avais dit davantage, j’aurais passé pour un méchant homme. Quoi qu’il en soit, j’ai marié deux filles 2 pour avoir critiqué des vers ; Scaliger et Saumaise n’en ont pas tant fait.

Avez-vous regretté madame de Pompadour ? oui, sans doute, car dans le fond de son cœur elle était des nôtres ; elle protégeait les lettres autant qu’elle le pouvait : voilà un beau rêve de fini. On dit qu’elle est morte avec une fermeté digne de vos éloges. Toutes les paysannes meurent ainsi ; mais à la cour la chose est plus rare, on y regrette plus la vie, et je ne sais pas trop bien pourquoi.

On me mande qu’on établit une inquisition sur la littérature ; on s’est aperçu que les ailes commençaient à venir aux Français, et on les leur coupe. Il n’est pas bon qu’une nation s’avise de penser ; c’est un vice dangereux qu’il faut abandonner aux Anglais. J’ai peur que certains hommes d’État ne fassent comme madame de Bouillon 3, qui disait : « Comment  édifierons-nous le public le vendredi saint ? Faisons jeûner nos gens. » Il diront : « Quel bien ferons-nous à l’État ? persécutons les philosophes. » Comptez que madame de Pompadour n’aurait jamais persécuté personne. Je suis très affligé de sa mort.

S’il y a quelque chose de nouveau, je vous demande en grâce de m’en informer. Vos lettres m’instruisent, me consolent et m’amusent, vous le savez bien ; je ne peux vous le rendre, car que peut-on dire du pied des Alpes et du mont Jura ?

Rencontrez-vous quelquefois frère Thieriot ? Je voudrais bien savoir pourquoi je ne peux pas tirer un mot de ce paresseux-là.

On m’a dit que vous travaillez à un grand ouvrage 4 ; si vous y mettez votre nom, vous n’oserez pas dire la vérité : je voudrais que vous fussiez un peu fripon. Tâchez, si vous pouvez, d’affaiblir votre style nerveux et concis, écrivez platement, personne assurément ne vous devinera ; on peut dire pesamment de très bonnes choses ; vous aurez le plaisir d’éclairer le monde sans vous compromettre ; ce serait là une belle action, ce serait se faire à tout 5 pour la bonne cause, et vous seriez apôtre sans être martyr. Ah ! mon Dieu ! si trois ou quatre personnes comme vous avaient voulu se donner le mot, le monde serait sage, et je mourrai peut-être avec la douleur de le laisser aussi imbécile que je l’ai trouvé.

Avez-vous toujours le projet d’aller en Italie ? Plût à Dieu ! je me flatte qu’alors je vous verrais en chemin et je bénirais le Seigneur. Je vous embrasse de trop loin, et j’en suis bien fâché. »

2 Marie-Françoise Corneille et Mlle Dupuits sœur de son mari .

4 Sur la destruction des jésuites , par un auteur désintéressé : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k15201238.image

5 Rappel de la 1ère épître aux Corinthiens, IX, 22 : https://bible.catholique.org/1ere-epitre-de-saint-paul-apotre-aux/3369-chapitre-9

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09/06/2019 | Lien permanent

Voilà bien du bruit

« A Charlotte-Sophie Von Altenburg, comtesse Bentinck

 

 

                            J’ai certainement gagné mon procès, Madame, puisque l’homme de l’ancienne loi [le juif Hirschell, verdict rendu le 18 février ], instrument des nouvelles cabales [menées par les amis de Baculard d’Arnaud -(dont V* a obtenu le renvoi)- avec le major Chazot ] , a été condamné à la prison et à me rendre  x  mille écus de lettres de change qu’il me volait .

 

                            J’ai gagné l’autre partie du procès puisque cinq joailliers qui se connaissent mieux en diamants que cinq chanceliers, ont jugé que l’Hébreu m’a trompé de moitié.

 

                            Un Juif m’a volé. Voilà bien du bruit pour une bagatelle. [copié sur l’anecdote qu’il raconta : « voilà bien du bruit pour une omelette au lard »]

 

                            Conservez-moi vos bontés, Madame, et je me moquerai de l’Ancien testament et du Nouveau.

 

                            Mais par parenthèse s’il ne vous faut qu’une apparence d’emprunt de 200 mille écus [en novembre 1750, elle cherchait 300 000 écus, séparée de son mari ; V* intervenait plus ou moins en sa faveur, ce qui déplaira à Fréderic II], ne pouvez-vous pas avoir l’air de les emprunter d’un négociant ? sans tant de façons et de peines ?

 

                            Voltaire

                            22 février 1751. »

 

 

 

« A Charles-augustin Ferriol, comte d’Argental er à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

                        Ô anges,

 

                        Vous connaissez les faibles mortels . Ils se trainent à pas lents. Quatre vers le matin, six le soir, dix ou douze le lendemain, toujours rentrayant [c.à.d. cousant des morceaux avec couture invisible], toujours rapetassant, et ayant bien de la peine pour peu de chose. Renvoyez-moi donc ma guenille, afin que sur le champ elle reparte avec pièces et morceaux, et que la hideuse créature se représente devant votre face, toute recousue et toute recrépie.

 

                        Mais, ô mes divins anges, le drame de Cassandre [d’abord nommé Statira, puis plus tard Olympie ] est plus mystérieux que vous ne pensez. cassandre.jpgVous ne  songez qu’au brillant théâtre de la petite ville de Paris ; et le grave auteur de Cassandre a de plus longues vues. Cet ouvrage est un emblème ; que veut-il dire ? que la confession, la communion, la profession de foi etc. etc. sont visiblement prises des Anciens. Un des plus profonds pédants de ce monde, et c’est moi, a fait une douzaine de commentaires par A et par B à la suite de cet ouvrage mystique, et je vous assure que cela est édifiant et curieux [V* :  « J’ai choisi ce sujet moins pour faire une tragédie que pour faire un livre de notes à la fin de la pièce… »]. Le tout ensemble fera un singulier recueil pour les âmes dévotes.

 

                        J’ai lu la belle lettre de Madame Scaliger à la nièce [lettre de Mme d’Argental à Mme Denis ]. Nous sommes dans un furieux embarras. Mademoiselle-Dumesnil-.jpgSi Mlle Dumesnil est ivre, adieu le rôle de Statira. Si elle n’est pas ivre, elle sera sublime. Mlle Clairon, vous refusez Olympie [ ce n’est pas le premier rôle, et V* proposera de nommer sa pièce Olympie pour « qu’elle paraisse jouer le premier rôle »], mais vraiment vous n’êtes pas trop faite pour Olympie, et cependant il n’y a que vous : car on dit que cette de-largilliere-nicholas-mlle-dubois-.jpgDubois est une grande marionnette et que Mlle Hus n’est qu’une grande catin .Tirez-vous de là, mes anges. Vous serez bien habiles.

 

                        Et ma tracasserie avec cet animal de Guy Duchesne [= Pierre Guy qui travaille chez Duschesne, libraire qui sans permission, fait paraitre Zulime d’après une copie utilisée et très modifiée à la Comédie française ]? Vous ne me l’avez jamais mise au net. Encore une fois je ne crois pas avoir fait un don positif à Guy Duchesne, et je voudrais savoir précisément de quel degré est ma sottise.

 

                        Mon plus grand malheur, vous dis-je, est la mort d’Élisabeth. Je crois mon Showalow disgracié. On m’a dit la paix faite entre Pierre III et Frédéric III [en  comptant Frédéric –Guillaume, le traité sera signé le 5 mai]. Ma chère Élisabeth détestait Luc. Je n’y avais pas peu contribué, et je riais dans ma barbe, car je suis un drôle de corps. Mais je ne ris plus. Mlle Clairon m’embarrasse.

 

                        Je baise le bout de vos ailes.

 

                        Accusez-moi donc la réception de Jean Meslier, c’est un élixir pour les âmes chancelantes.

 

                        Voltaire

                        22 février 1762. »

 

 

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Mademoiselle_Hus

http://fr.wikipedia.org/wiki/Mademoiselle_Dumesnil

http://www.poster.net/de-largilliere-nicholas/de-largilli...

 

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22/02/2009 | Lien permanent

un beau mandement bien chrétien, bien séditieux, bien intolérant, bien absurde

... A l'exact opposé des voeux présidentiels, on trouve l'oeuvre d'un évêque parisien, bien connu de Voltaire , prédécesseur froqué d'un Laurent Wauquiez , simple cul béni et  auteur de  prêches intolérants qui donnent envie de le battre comme plâtre si on n'a pas peur de se salir les mains .

Les trois voeux d'Emmanuel Macron vont avoir du mal à se réaliser avec des zozos de cet acabit  .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

30è décembre 1763

Je mets sous les quatre ailes de mes anges ma réponse à notre ami Lekain et aux comédiens ordinaires du roi . Je les supplie de donner au féal Lekain ces deux paperasses 1. Si je croyais que mes anges les conjurés eussent le dessein de faire passer Olympie avant les Roués, j’y travaillerais sur-le-champ, quoique je ne sois guère en train . C’est à mes conjurés à me conduire, et à me dire ce qu’il faut faire. Je ne suis que l’instrument de leur conspiration ; c’est à eux de me manier comme ils voudront.

Je fais toujours des contes de ma mère l’Oye, en attendant leurs ordres. Il y a, je crois, une sottise dans le récit en petits vers de Théone la gaillarde :

Les dieux seuls purent comparaître

A cet hymen précipité ;

Il faut

Les dieux seuls daignèrent paraître .

car les dieux ne comparaissent pas. Je vous supplie donc de corriger cette sottise de votre aimable main blanche. Vous m’allez demander pourquoi, étant lynx sur les fautes de mes contes à dormir debout, je suis taupe sur les défauts des tragédies ? Mes anges, c’est qu’une tragédie est plus difficile à rapetasser qu’un conte. Il faut, pour une tragédie, un extrême recueillement ; et j’ai à présent mon curé en tête 2 ; il ne ressemble point du tout à l’hiérophante d’Olympie, qui négligeait le temporel . Mon prêtre me poursuit avec une vivacité tout à fait sacerdotale, et je ne sais trop que répondre au parlement de Dijon. J’ai pris la liberté d’exposer ma doléance en peu de mots à M. le duc de Praslin 3.

La Tolérance me tient aussi un peu en échec. Il y a un homme qui travaille à la cour en faveur des huguenots, et qui probablement ne réussira guère. On me fait craindre que la race des dévots ne se déchaîne contre ma Tolérance . Heureusement mon nom n’y est pas, et vous savez que j’ai toujours trouvé ridicule qu’on mît son nom à la tête d’un ouvrage ; cela n’est bon que pour un mandement d’évêque : par monseigneur, Cortiat , secrétaire 4.

On dit que l’archevêque de Paris avait préparé un beau mandement 5 bien chrétien, bien séditieux, bien intolérant, bien absurde, et que le roi lui a fait supprimer sa petite drôlerie 6. Cela passe pour constant ; mais vous vous gardez bien de m’en dire un mot. Vous oubliez toujours que je suis bon citoyen ; vous croyez que je n’habite que le temple d’Éphèse 7 et la petite île de Reno 8, auprès de Bologne, où mes trois maroufles firent leurs proscriptions.

Comment va la Gazette littéraire ? Il me vient d’Angleterre des paquets énormes ; mais qu’en ferai-je avec mes pauvres yeux ? je ne sais où j’en suis. Dieu vous donne santé et longue vie !

Respect et tendresse.

V. »

2 Pour l'affaire des dîmes .

3 Cette nouvelle requête à Praslin, si c'est de cela qu'il s'agit, n'est pas connue .

4 Ou Cortial .V* cite également cette formule tirée du mandement de Pompignan, au début de la Lettre d'un quakre, et de nouveau plus tard dans le Supplément du discours aux Welches : https://fr.wikisource.org/wiki/Suppl%C3%A9ment_du_Discours_aux_Welches/%C3%89dition_Garnier

6 Formule en rappelant une du Bourgeois gentilhomme , I, 2 : http://www.toutmoliere.net/acte-1,405363.html

7 Lieu où se déroule la scène d'Olympie .

8 Allusion au Triumvirat .

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01/01/2019 | Lien permanent

Sans concourir au bien, prôner la bienfaisance !

...Paradoxal ! non ? Faites ce que je dis, etc., ... Les exemples abondent, chacun en connait, et chacun le pratique un jour ou l'autre . Il faut juste ne pas en abuser si on veut que le monde reste vivable  .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

24è avril 1765 1

En réponse à votre lettre du 18, mon cher frère, j’embrasse tendrement Platon-Diderot. Par ma foi, j’embrasse aussi l’impératrice de toute Russie . Aurait-on soupçonné, il y a cinquante ans, qu’un jour les Scythes récompenseraient si noblement dans Paris la vertu, la science, la philosophie, si indignement traitées parmi nous ? Illustre Diderot, recevez les transports de ma joie.

Je ne peux faire la moindre attention aux tracasseries de la Comédie . Cela peut amuser Paris ; pour moi, je suis rempli d’autres idées . La générosité russe, la justice rendue aux Calas, celle qu’on va rendre aux Sirven, saisissent toutes les puissances de mon âme. On travaille à force à la condamnation du cuistre théologien dénonciateur, sot, et fripon 2 . La bonne cause triomphe sourdement. Nouvelle édition du Portatif en Hollande, à Berlin, à Londres ; réfutations de théologiens qu’on bafoue ; tout concourt à établir le règne de la vérité.

Vous aurez l’abbé Bazin avant qu’il soit peu, n’en doutez pas. Vous devriez envoyer un ruban à madame du Deff*** . Vraiment, il ne faut lui envoyer rien du tout, si elle trahit les frères. De quoi s’avise-t-elle à son âge et aveugle, de forcer des hommes de mérite à la haïr !

Sans concourir au bien, prôner la bienfaisance !3

Hélas ! elle ne sait pas que sans les philosophes le sang des Calas n’aurait jamais été vengé.

Mandez-moi si M. Gaudet vous aura remis par cette poste un paquet assez gros touchant nos vingtièmes .

La voie de saint-Claude est longue, on n peut y envoyer des paquets que par des exprès .

Mon cher frère, faut-il que je meure sans vous avoir vu de mes yeux, que le printemps guérit un peu ? Je vous vois de mon cœur. Ecr. l’inf. »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais et suivie des autres éditions omet les cinquième et sixième paragraphes.

Voici quelques extraits de le lettre de Damilaville : « Il y a longtemps que Diderot cherche à vendre sa bibliothèque pour assurer la dot de sa fille […] Grimm a écrit au général Betzki pour [la] proposer à l'impératrice de Russie […] Le général répond que l'impératrice n'a pu voir sans beaucoup de peine ce sacrifice paternel, qu'elle prend la bibliothèque pour 16 000 livres et qu'elle donne des ordres au prince Galizin son ambassadeur pour le paiement de cette somme, mais à condition que Diderot gardera les livres pour son usage jusqu'à ce que l'impératrice les fasse demander et qu'il acceptera chaque année l'excédent du prix, c'est -à-dire cent pistoles pour les soins qu'il en prendra […] La manière vaut mieux encore que la chose quoiqu’elle soit fort importante pour Diderot puisqu’enfin elle fait une différence de 1800 livres de rente de plus dans sa fortune . […] Autre nouvelle, il n'y a point eu de spectacle aux Français lundi dernier, jour de la rentrée . Dubois avait été chassé pour friponnerie par ordre de M. le maréchal de Richelieu et par le vœu de ses confrères […] M. le maréchal écrit aux comédiens que le roi s'est réservé de décider si Dubois était un fripon ou non, qu'en attendant ils eussent à jouer avec lui Le Siège de Calais qui devait être donné . Aussitôt Lekain et Molé décampent , Mlle Clairon , incommodée, va se mettre dans son lit, on veut représenter Le Joueur, le public le refuse, il a un tapage du diable, tout le monde s'en va, on rend l'argent et le lendemain Brizard, dont la femme accouche le même jour, est mis au Fort-l'Evêque avec Doberval […]. »

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13/08/2020 | Lien permanent

Ayez la bonté de m’envoyer la feuille d’avis ou la copie de cet article du registre de Paris

... Afin de  rendre compte de l'étendue des dégâts faits par cette consultation/vote de la primaire des gauches si gauches . Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Christiane Taubira et Anne Hidalgo mais aussi Pierre Larrouturou et  Charlotte Marchandise et Anna Agueb-Porterie : chassez les intrus ! Sont déjà sur la touche les mauvais coucheurs qui se croient au-dessus de la mêlée : Mélenchon, Jadot, Hidalgo , beau trio qui joue à la bataille et au poker menteur , si véritablement plein de confiance qu'ils sont envers leurs propres partisans .

https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/preside...

Election présidentielle 2022 : les suppressions de postes dans la fonction  publique, sujet électoralement sensible

Bientôt le résultat du crash test

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

31 octobre 1766 1

Mon cher ami, ce pauvre Boursier est bien à plaindre : le paquet de Meyrin, sur lequel il avait fondé tant d’espérances, est sans doute perdu. Voyez, je vous en prie, s’il a été mis à la diligence de Lyon. Il faut que le commissionnaire que vous en avez chargé vous ait trompé. Il n’est nullement vraisemblable que ce paquet ait été égaré. Ayez la bonté de m’envoyer la feuille d’avis ou la copie de cet article du registre de Paris. Je la ferai représenter aux directeurs de Lyon, et je saurai au moins ce que le paquet est devenu. Mandez-moi ce qu’il contenait. Le monde est bien méchant !

Je me flatte qu’il y a quelque lettre de vous en chemin, qui m’apprendra ce qu’on pense dans le monde du procès de l’ingrat Rousseau contre le généreux Hume. Serait-il possible que ce malheureux Jean-Jacques eût encore des partisans à Paris ? Si on m’avait averti que Jean-Jacques me mêlait dans ce procès, et qu’il m’accusait de lui avoir écrit en Angleterre, j’aurais pu vous fournir une petite réponse 2 qui pourrait être le pendant de la lettre de M. Walpole. S’il en était encore temps, je vous enverrais mon petit écrit 3, que vous pourriez joindre aux autres pièces du procès.

Bonsoir, mon très cher ami ; je suis bien affligé. »

1 L'édition Correspondance littéraire, pas plus que la copie contemporaine Darmstadt B. , ne porte pas le destinataire .

3 Il s’agit peut-être des Notes sur la Lettre à M. Hume ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Notes_sur_la_lettre_%C3%A0_Hume

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30/01/2022 | Lien permanent

On a écrit à son oncle le prêtre qui a été fort renommé en son temps pour faire des enfants dans les maisons où il était

 ... Sans aucun doute avec un tel curiculum vitae !

 On parle ici d'un pasteur protestant, ce qui est quand même moins choquant que s'il s'agissait d'un prêtre catholique, sans toutefois lui accorder l'absolution ( dont il se fiche éperdument , ne croyant pas à la rémission des péchés par un quelconque prêtre ) . Volti a encore trouvé le défaut de la cuirasse de l'adversaire religieux .

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« A M. Jean-Robert TRONCHIN,

de LYON

Lausanne, 13 janvier [1758].

Voici la réponse à Son Éminence 1. Ce n'est pas sans peine que les lettres arrivent. Madame la margrave m'apprend qu'une lettre de son frère à moi et une de moi à lui ont été prises par les housards 2 du prince d'Hildbourghausen, qui saisissent tout ce qu'ils trouvent. Heureusement, je n'écris rien que la cour de Vienne et celle de Versailles ne puissent lire avec édification.

Madame la margrave me dit qu'elle écrit beaucoup de coquetteries à Son Éminence, mais point de coquineries. 3 Il est assez difficile, en effet, de faire des coquineries à présent. On craint de manquer à ses alliés, on craint de se trouver seul, et je crois que tous les partis sont un peu embarrassés. Il ne m'appartient pas assurément de prévoir, il m'appartient à peine de voir, mais bien des gens, qui ont des yeux, disent qu'après les actions inouïes du roi de Prusse il est moralement impossible que l'Autriche prévale. Voilà un bel exemple de ce que peut la discipline militaire, et de ce que peut la présence d'un roi qui court entre les rangs de ses troupes avant la bataille, et qui appelle beaucoup de ses soldats par leur nom. Il a quarante mille prisonniers, madame sa sœur me le certifie encore. Sa célérité et ses armes ont donc, en moins de quatre mois, rétabli cette balance que nous voulions si prudemment détruire. Il est vrai que c'est par des miracles qu'il l'a rétablie; mais nous ne pouvions pas les prévoir, et si la maison d'Autriche n'est pas absolue en Allemagne, ce n'est pas notre faute. La France s'épuise et a dépensé trois cents millions d'extraordinaire en deux ans. J'ai été témoin des déprédations et du brigandage des finances dans la guerre de 1741. Ce talent s'est bien perfectionné dans la guerre présente. La paix paraîtra bientôt nécessaire à tout le monde.

Si Son Éminence veut écrire, et si les choses viennent au point qu'elle écrive sérieusement, on pourra trouver une voie plus sûre que celle dont je me suis servi jusqu'ici, et cette voie sera praticable incessamment. Je me ferai toujours un honneur et un devoir d'être le grison de ce petit commerce .

D'ailleurs je ne me mêlerai ni des affaires des rois ni de celles des filles . Elles sont un peu sujettes à caution . Le ventre de Mlle Catherine Borri 4 a paru d'une si jolie rotondité, elle a tant dit à ses amies qu'elle allait à Lyon, et c'est un péché si capital d'envoyer une fille de Jérusalem accoucher en Samarie que je n'ose plus la faire passer en terre papale à moins que ses parents ne le veuillent . On a écrit à son oncle le prêtre qui a été fort renommé en son temps pour faire des enfants dans les maisons où il était précepteur . C'est probablement une bonne tête, un homme de bon conseil ; on verra ce qu'on pourra faire pour Catherine Bori et pour son ventre .

Adieu mon cher ami, je vous embrasse de tout mon cœur .

V. »

1 Le cardinal de Tencin .

2 En réalité, dans une lettre du 15 janvier 1758 (à peu près) la margravine fait savoir à V* que c'était par sa propre inadvertance à elle que la lettre n'a pas été transmise à Frédéric .

3 Wilhelmine écrivait le 27 décembre 1757 : « Pour des coquineries il n'y en a point ; pour des douceurs, je n'en réponds pas. » : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/02/28/je-vous-adresse-la-lettre-ci-jointe-pour-le-chapeau-rouge-3.html

 

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23/03/2013 | Lien permanent

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