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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

en faveur des Sirven et de la nature, et de la justice, contre le fanatisme et l’abus des lois

... Remplacer Sirven par Malik Oussekine, et Voltaire par Kaouther Adimi et Rachid Bouchareb et voyons Nos Frangins .

Nos frangins - film 2022 - AlloCiné

 

 

 

«Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

18è Mai 1767 1

Voici, monseigneur, deux exemplaires du mémoire en faveur des Sirven et de la nature, et de la justice, contre le fanatisme et l’abus des lois. J’aime mieux vous envoyer cette prose que la tragédie des Scythes, que je n’ai pas seulement voulu lire, parce que les libraires s’étant trop hâtés n’ont pas attendu mon dernier mot. On en fait actuellement une édition plus honnête, que j’aurais l’honneur de soumettre au jugement de Votre Éminence. Je joue demain un des vieillards sur mon petit théâtre, et vous sentez bien que je le jouerai d’après nature.

Vraiment, si je suis assez heureux pour vous dédier une épître, cette épître ne sera que morale . Mais il faut que cette morale soit piquante, et c’est là ce qui est difficile.

Ce M. Servan 2 se taille des ailes pour voler bien haut. Il vint, il y a deux ans, passer quelques jours chez moi. C’est un jeune philosophe tout plein d’esprit ; il pense profondément  il n’a pas besoin des petites pretintailles 3 du siècle.

J’ai peur que notre petite guerre de Genève ne dure autant que celle de Corse . Mais elle ne sera pas sanglante. L’aventure des jésuites fait une très grande sensation jusque dans nos déserts, et on parle à peine d’une femme 4 qui établit la tolérance dans onze cent mille lieues carrées de pays, et qui l’établit encore chez ses voisins 5. Voilà, à mon gré, la plus grande époque depuis trois siècles. Conservez-moi vos bontés, aimez toujours les lettres, et agréez mon tendre et profond respect.

V. »

1 V* répond à une lettre du 30 avril 1767 .

4 Catherine II.

5 Contrairement à ce que certains pourraient croire, la seconde partie de la phrase n'est pas ironique. V* écrit onze cent mille lieues quarrées, comme fréquemment à l'époque .

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07/12/2022 | Lien permanent

Je ferai donc ce qu’on prétend que disait le cardinal de Bernis au cardinal de Fleury : J’attendrai

... N'en déplaise à tous ceux qui piaffent d'impatience pour débattre avec le  candidat Macron, ils n'ont réellement  rien à y gagner .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

6è décembre 1766

Anges excédés et ennuyés, si votre copiste a porté sur la pièce cinq paquets de corrections, il peut fort bien copier encore la sixième ; mais je jure, par tous les sifflets possibles, que ce sera la dernière.

J’apprends d’ailleurs que ce n’est pas pour moi que le four chauffe actuellement . On est occupé de la pomme de Guillaume Tell et de la capilotade d’un cœur qu’on fait manger à la dame de Vergy 1. Je sais que ces barbaries passeront devant ma pastorale. Je ferai donc ce qu’on prétend que disait le cardinal de Bernis au cardinal de Fleury : J’attendrai. J’en suis fâché à cause de l’alibi, car la rage des calomniateurs est montée à son comble.

Les affaires de Genève ne vont pas trop bien. J’ai peur que les médiateurs n’aient le désagrément de voir leurs propositions rejetées ; mais je m’intéresse encore plus aux Scythes qu’aux Genevois.

Vous avez lu sans doute le mémoire contre les commissions 2 ; il y a des fautes , mais il me paraît écrit avec une éloquence forte et attachante. Savez-vous que le dernier projet de Jean-Jacques était de revenir à Genève ? C’était apparemment pour s’y faire pendre . Il ne sera pas fâché de l’être, pourvu que son nom soit dans la gazette.

Le cœur me dit que je recevrai aujourd’hui une lettre de mes anges ; mais je me donne toujours la petite satisfaction de leur écrire, avant d’avoir le grand plaisir de recevoir de leurs nouvelles. Il faut savoir que le courrier de Ferney part à sept heures du matin, et que les lettres de France n’arrivent qu’à deux ou trois heures après-midi.

Respect et tendresse. »

2 Par l’avocat Etienne Chaillou de Lisy ; voir : https://gallica.bnf.fr/blog/09022021/des-delits-et-des-peines-de-cesare-beccaria?mode=desktop

. On retrouve ce mémoire à propos de la lettre du 15 décembre 1766 à Damilaville : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/correspondance-annee-1766-partie-53.html

, et celle de décembre 1766 au chevalier de Taulès .

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07/03/2022 | Lien permanent

On peut regarder leur opinion comme un ordre

... L'opinion des électeurs ordonne l'exécution du programme du candidat à la présidence, désormais élu pour cinq ans : Emmanuel Macron (sa challenger, soulagée, peut retourner faire des grattouilles à ses chats et vivre aux crochets de son parti ) .

Résultats de la présidentielle : Emmanuel Macron devance largement Marine Le Pen, selon les estimations de l'Ifop.

L'extrême-droite a atteint ses limites : plouf!

 

 

« A Jacques Lacombe

12è février 1767, à Ferney par Lyon 1

Non, monsieur, vous n’êtes point mon libraire, vous êtes mon ami, vous êtes un homme de lettres et de goût, qui avez bien voulu faire imprimer un ouvrage d’un de mes autres amis 2, et qui voulez bien vous charger de donner une édition correcte des Scythes, dès que je pourrai vous faire connaître l’original. Je vous avoue que l'auteur du Triumvirat m'a confié qu'il est fort affligé que vous ayez tiré plus de sept cent cinquante exemplaires de son ouvrage . Vous ne pouviez guère en débiter un plus grand nombre dans l'indifférence où l'on est aujourd'hui sur tout ce qui peut n'être que bon, et qui n'est pas annoncé au public par un grand succès au théâtre . La multitude de ces écrits est si prodigieuse que les nouveaux venus se perdent dans la foule . S'il est vrai que vous n'avez tiré qu'environ sept cents exemplaires, il dit que c'est cent cinquante de trop . Il vous prie d'en envoyer des exemplaires à M. de Lutteau, correspondant du Journal encyclopédique et du Mercure, à M. Gaillard, chargé de la partie des belles-lettres au Journal des savants, à M. Damilaville au bureau des vingtièmes, quai Saint-Bernard (deux exemplaires ) . Il vous supplie de faire corriger à la main, dans tous ces exemplaires que vous enverrez, la page 29 J'irai chercher Pompée, mettez : J'irais chercher Pompée, et à la page 138 ceux de Mintiane, corrigez : ceux de Minturne.

On vous prie aussi d'ajouter à l'errata qu'on vous a envoyé un changement nécessaire à la page 29 . Mon ami a raison de vouloir que, sa pièce n'étant point intéressante, elle soit au moins correcte . Il y a deux fois heureux à cette page 29 à trois vers l'un de l'autre ,

Pardonne Cicéron, de Rome heureux génie,

mettez :

Cicéron, j'outrageai ta cendre et ton génie.

Si vous vouliez faire plaisir à l'auteur de l'ouvrage, vous en feriez une seconde édition en sacrifiant les exemplaires de la première qui vous restent . Cette seconde édition se vendrait surtout à la faveur de celle des Scythes avec une petite préface par laquelle vous avertiriez que vous joignez ces deux pièces ensemble ainsi que d'autres morceaux de littérature que vous avez cru mériter l'attention des connaisseurs .

Au reste, j'ai préparé un avis au public 3 dans lequel je dis que le sieur Duchesne qui demeurait au Temple du goût, mais qui n'en avait aucun, s'est avisé de défigurer tous mes ouvrages, et qu'il a obtenu un privilège du roi pour me rendre ridicule . Je crois du moins que son privilège est expiré, et qu’il m’est permis de donner mes ouvrages à qui bon me semble. MM. Cramer ont imprimé Les Scythes au milieu des troubles de Genève , et la pièce est si fautive qu'elle est toute corrigée à la main . On n'en débitera aucune exemplaires en France . Le sentiment de M. le duc de Praslin et de M. le duc de Choiseul , à qui la pièce est dédiée, est qu'on puisse la jouer à Paris avant qu'on la débite . On peut regarder leur opinion comme un ordre . Vous pourriez toujours vous munir d'une permission . Je vous enverrai la pièce dès que vous le voudrez . Vous en garderez tous les exemplaires presqu'à ce qu'il soit convenable de faire la vente, et je vous prierai toujours de n'en tirer d'abord que sept cent cinquante en conservant les dernières planches pour me donner le loisir de corriger dans une nouvelle édition ce qu'on aura trouvé de répréhensible. J’attends votre réponse en vous embrassant de tout mon cœur .

V. »

1 L'édition de Kehl amalgame cette lettre, réduite à des fragments, avec des fragments de lettres du 7 février et du 14 mars 1767 .

2 La tragédie du Triumvirat, que Voltaire voulait qu’on attribuât à un jésuite.

3 C’est l’Avis au lecteur imprimé à la fin de l'édition de Lacombe des Scythes : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome6.djvu/345

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24/04/2022 | Lien permanent

Il y aurait peut-être une autre tournure à prendre : ce serait de ne plaider nulle part, et d’abandonner ses droits pour

... Ce qui n'est pas du tout le sentiment des fonctionnaires qui vont se mettre en grève, juste comme ça, au cas où . Pour un bon nombre d'entre eux, on ne fera pas de différence entre leur activité et leur inactivité , tant leurs retards et absentéisme sont ordinaires .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

23 mai [1763] aux Délices

Il faut que je vous dise, mes chers anges, que j’ai de la peine à croire que les Observations succinctes soient du président de M. 1, qui m’avait autrefois paru modéré et philosophe. Je vous avoue que ces observations sont un monument rare de l’esprit de parti, qui attache de l’importance à de bien petites choses. Mais les préjugés des autres ne servent qu’à me faire aimer davantage votre raison, et tout augmente la reconnaissance que je vous dois.

L’idée de la Gazette littéraire me fait bien du plaisir, d’autant plus que je me doute que vous la protégez.

Dites-moi, je vous en prie, mes anges, qui sont ces abbés Arnaud et Suart 2 . Ce sont apparemment gens de mérite, puisqu’ils sont encouragés par M. le duc de Praslin. Il me semble qu’on pourrait se servir de cet établissement pour ruiner l’empire de l’illustre Fréron.

J’ai déjà envoyé à M. le duc de Praslin trois cahiers de notices et d’extraits d’ouvrages étrangers, dont quelques-uns ont de la réputation. J’ai eu grand soin de mettre en marge que ces esquisses informes n’étaient présentées que pour être mises en œuvre par les auteurs, et que je n’envoyais que des matériaux bruts pour leur bâtiment. J’ai fort à cœur cette entreprise. Il n’y a que ma maladie des yeux qui me fasse craindre d’être inutile ; sans cela, je pourrais dégrossir tout ce qui se ferait en Espagne, en Allemagne, en Angleterre, et en Italie. J’ai en main un homme qui m’aiderait. On pourrait aisément me faire venir tous les livres par la poste ; et alors les auteurs de cet ouvrage périodique, servis régulièrement, n’auraient plus qu’à rédiger et à embellir les extraits. J’ai proposé à M. le duc de Praslin cet arrangement, et s’il convient je m'en chargerai de grand cœur . Cet amusement convient à mon âge . Il ne demande pas de grands efforts d’imagination, et je travaillerai jusqu’à ce que je devienne tout à fait aveugle et impotent, deux bénéfices dont je pourrai bientôt être pourvu.

Comme je vous fais toujours des confessions générales, je dois vous dire que madame Denis, à qui j’ai donné Ferney, a présenté requête à M. le duc de Praslin pour avoir ses causes commises au Conseil privé . En voici le motif.

Les privilèges de la terre sont tous fondés sur les traités des rois, depuis Charles IX jusqu’à Louis XV . Les parlements s’embarrassent peu des traités. Le roi paraît le seul juge comme le seul interprète des conventions faites avec les ducs de Savoie, Berne, et Genève. Si on attaque nos droits au parlement, nous les perdrons infailliblement . Si nous plaidons au conseil, nous espérons gagner.

Il y aurait peut-être une autre tournure à prendre : ce serait de ne plaider nulle part, et d’abandonner ses droits pour être plus tranquille. C’est un parti de Bias et de Diogène 3, et je le prendrais peut-être si j’étais seul . Mais il serait triste pour madame Denis de perdre de très belles prérogatives, et le plus clair revenu de sa terre.

Vous ne me dites jamais rien du tripot ; pas un mot de la tragédie de Socrate 4 ; profond silence sur les trois tomes immortels du modeste Palissot 5 . Vous ne parlez ni de l’Opéra, ni des édits, ni de la Lettre de Jean-Jacques à Christophe. Les yeux me cuisent, et refusent le service à votre créature. 

V.»

1 Le président de Mesnières ; voir lettre du 28 mai 1763 à d'Argental : « Je vous envoie […] mes modestes objections , à M. le président de Mesnières . »

2 Rédacteurs de la Gazette littéraire ; Suard n'est pas abbé .

3 Bias, un des sept sages de la Grèce, prêchait le mépris des richesses . La ville de Priène ayant été prise, il partit sans rien emporter, disant qu'il portait tout avec lui ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Bias_de_Pri%C3%A8ne

4 Sur cette pièce de Billardon de Sauvigny, voir lettre du 25 juin 1762 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/05/09/1-5942153.html

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21/05/2018 | Lien permanent

Corrigeons, limons, rabotons, polissons . Vilain travail, et travaille vilain !

... Aurait pu tweetter/dire/écrire M. Macron avec un peu de réflexion ! Bon , je dis Macron mais lui et combien d'autres  nous dévoilent des projets de lois tirés par les cheveux, ni faits ni à faire, à mettre au panier -(ce qui arrive en fait plus souvent -heureusement- qu'à son tour ) . On aimerait voir du travail d'orfèvres, on n'a que des colliers de nouilles ; merci pour les cadeaux !

 colliers de nouilles.jpg

 

«  A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
Aux Délices, 2er février 1760. 1
Mon divin ange, j'ai reconnu au moins cinq cents de mes enfants dans la famille royale de Prusse 2. Nous verrons ce que diront les dévots de l'épître sur la mort au maréchal Keit 3, et de ce petit paragraphe honnête : Allez, lâches chrétiens 4. Maître Joly de Fleury assemblera-t-il les chambres pour faire brûler le roi de Prusse? Je ne crois pas qu'il l'ose, car, après tout, deux ou trois Rosbachs mèneraient l'auteur à Paris, et maître Joly passerait mal son temps. Il faut avouer que c'est dommage qu'un roi si philosophe, si savant, si bon général, soit un ami perfide, un cœur ingrat, un mauvais parent, un mauvais maître, un détestable voisin, un allié infidèle, un homme né pour le malheur du genre humain, qui écrit sur la morale avec un esprit faux, et qui agit avec un cœur gangrené. Je lui ai enseigné du moins à écrire. Vous savez comme il m'a récompensé. Ce qui me console, c'est que M. le duc de Choiseul est ( révérence parler ), une bien aimable créature; c'est que son esprit est juste et son cœur noble 5.
Vous êtes instruit, à ce que je crois, des vers abominables que Luc 6 avait faits contre le roi. Vous verrez à la fin du poème de la guerre 7 l'antidote de ce poison; c'est un éloge de Louis XV, qui est à peu près de ma façon 8. Mais Louis XV n'en saura rien; il aimera mieux être loué du roi de Prusse que de moi.
Je vois, indépendamment de tous ces vers, que nous ferons une campagne. Savez-vous que les Anglais envoient une flotte à la Martinique, une dans la mer Baltique, une à Pondichéry? Et c'est surtout pour mon Pondichéry que je tremble ; si on le prend, je demanderai une pension sur le Mercure.
Ce Marmontel est un vilain homme ; quoi, il a travaillé à cette infâme rapsodie. Les sorciers qui invoquent le diable avec des passages de l'Écriture ne sont pas si coupables, à beaucoup près, qu'un homme qui fait servir les plus beaux vers de Corneille à une méchanceté si plate, si basse et si atroce. Le misérable n'est pas assez puni 9.
Il faut que je vous confie, mon cher ange, que j'ai envoyé la chevalerie à M. le duc de Villars, avec une critique sanglante que j'avais faite de ma pièce. Il m'a répondu qu'il trouvait la critique mauvaise et la pièce bonne, qu'il l'avait lue trois fois, qu'il y avait toujours pleuré. Il m'a renvoyé mon Tancrède, et m'a juré qu'il n'en avait point tiré de copie. Cela m'encourage un peu.
J'étais bien timide et bien dégoûté ; je ne dis pas que j'aie un courage de téméraire, mais ma peur est diminuée. Vous aurez incessamment Zulime replâtrée et Tancrède raboté.
Je songe actuellement à mon pain. Vous savez que je n'ai acheté des terres au pays de Gex que pour avoir du pain. Or il y a une armée d'alguazils, ennemis du genre humain, entre Ferney, Tournay et les Délices. Il faut livrer bataille pour faire venir dans ma maison les blés et l'avoine de mes champs. J'ai actuellement un procès par devant le frère 10 de maître Joly pour mon blé, mes chevaux, mes bœufs, qu'un très-insolent commis a saisis contre tout droit et raison. J'ai écrit au contrôleur général, aux fermiers généraux, à l'intendant, au subdélégué. Franchement, il est horrible de ne pouvoir manger en paix le blé qu'on a semé.
Je n'ose, dans la crise des affaires publiques, écrire à M. le duc de Choiseul. Je ne l'ai que trop importuné, et je crains de fatiguer ses bontés en le conjurant d'interposer son crédit. Je crois qu'il n'y a que la France au monde où il ne soit pas permis de jouir de ses moissons.
Mon cher ange, je me suis ruiné à acheter, à cultiver, à embellir des terres ; et tout ce que j'en retire, c'est de la difficulté et un procès pour manger mon pain. Il faut avoir plus de patience que je n'en ai pour soutenir une telle vexation. Je suis au bout de ma patience.
J'abuse de la vôtre par cette longue lettre ; mais lisez encore, si vous en avez le courage. Voici, puisque vous voulez bien le permettre, une lettre pour M. l'abbé d'Espagnac. On se trompe dans sa propre cause ; je n'ose assurer que ma demande soit juste, mais j'avoue qu'elle me le paraît. Il ne me manque plus qu'un procès pour les terres qui m'ont ruiné, et voilà la pièce finie. Était-ce pour cela que j'avais cherché la paix entre le mont Jura et les Alpes ? Allons, courage ! Comment se porte Mme d'ArgentaI depuis le dégel? Je me mets à ses pieds, mon divin ange.

 

V.

J'ajoute à mon épître que le duc de Villars, en pleurant, trouve des vers faibles. --allons, cherchons-les, nous les trouverons bien. Corrigeons, limons, rabotons, polissons . Vilain travail, et travaille vilain ! »

1 V* avait daté du 1, changé en 2, mais les petites lettres sont restées .

2 C'est-à-dire cinq cents vers de V* dans les Poésies du philosophe de Sans- Souci. (Georges Avenel) . Cette œuvre est citée dans la lettre à Darget du 7 janvier 1760 ; comme cette publication comprend L’Art de la guerre où figurent déjà trois cents vers de notre auteur, cette estimation est modeste .

4 Épître au maréchal Keith, imitation du livre III de Lucrèce sur les vaines terreurs de la mort et les frayeurs d'une autre vie , elle ne fut pas publiée dans l'édition dite « Au Donjon du Château » , mais dans l'édition de Potsdam on peut lire ce passage :

Allez , lâches chrétiens. Que les feux éternels

Empêchent d'assouvir vos désirs criminels,

Vos austères vertus n'en ont que l'apparence .

Dans les Poésies diverses, « chrétiens » a été changé en « humains ».

6 Voyez les Mémoires de Voltaire et la lettre au comte d'Argental du 6 avril 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html

7Voltaire a d'abord écrit , puis rayé gloire .

8 Le passage suivant semble être entièrement l’œuvre de Frédéric II, ce qui est assez curieux :

Voyez à Fontenoy Louis dont l'âme

Douce dans ses succès soulage les vaincus,

C'est un dieu bienfaisant dont ils sont secourus […].

9 L'auteur de la parodie de la grande scène de Cinna, Bay de Cury, perdit, pour cette farce, l'intendance des Menus-Plaisirs, et Marmontel, à qui on l'avait d'abord attribuée, le privilège du Mercure; voyez tome XXXVII. page 33.

Voir lettre du 4 janvier 1760 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html

10 Intendant de Bourgogne.

 

 

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06/02/2015 | Lien permanent

j'ai tâché en tout de respecter la vérité, de rendre ma patrie respectable aux yeux de l'Europe

Ne vous trompez pas, ce titre n'est pas une citation d'un(e) de nos politiques, ce serait trop beau, en particulier "respecter la vérité" .

 Ils se comportent à son égard comme à celle d'une "respectueuse", ils la payent .

Est alors vérité vraie (?), ce pour quoi on a le meilleur rapport qualité/prix ?  tout mathématicien voit facilement que quand prix tend vers l'infini, et que qualité reste une valeur finie, le rapport qualité/prix tend vers zéro ! Bel argument pour affirmer qu'il ne faut pas dire la vérité à tout prix ! Non ? CQFD...

 

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« A Charles-Jean-François Hénault

 

A Berlin , 1er février [1752]

 

J'apprends que vous avez été malade, mon cher et illustre confrère i; je crains que vous ne le soyez encore. Qui connait mieux que moi le prix de la santé ? Je l'ai perdue sans ressource ; mais comptez que personne au monde ne s'intéresse comme moi à la vôtre, car j'aime la France, je regrette la perte du bon goût, et je vous suis véritablement attaché . Je compte aller prendre les eaux dès que le soleil fondra un peu nos frimas ; mais quelles eaux ? Je n'en sais rien . Si vous en preniez, les vôtres seraient les miennes.

 

J'ai envoyé à ma nièce deux volumes où j'ai réformé , autant que je l'ai pu, tout ce que vous avez eu la bonté de remarquer dans le Siècle de Louis XIV. Je vous avertis très sérieusement que si on imprime cet ouvrage en France, corrigé selon vos vues, je vous le dédie, par la raison que si Corneille vivait, je lui dédierais une tragédie.

 

Permettez que je vous envoie deux petits morceaux que j'ajoute à ce Siècle : ils sont bien à la gloire de Louis XIV . Je vous supplie quand vous les aurez lus, de les envoyer à ma nièce, afin qu'elle les joigne à l'imprimé corrigé qu'elle doit avoir entre les mains.

 

Je vous avoue que j'ai de la peine à comprendre cet air d'ironie que vous me reprochez sur Louis XIV . Daignez relire seulement cette page imprimée, et voyez si on peut faire Louis XIV plus grand .

 

J'ai traité, je crois, comme je le devais, l'article de la conversion du maréchal de Turenne ii. J'ai adouci les teintes, autant que le peut un homme aussi fermement persuadé que moi qu'un vieux général, un vieux politique et un vieux galant ne change point de religion par un coup de grâce.

 

Enfin, j'ai tâché en tout de respecter la vérité, de rendre ma patrie respectable aux yeux de l'Europe, et de détruire une partie des impressions odieuses que tant de nations conservent encore contre Louis XIV et contre nous. Si j'en avais dit davantage, j aurais révolté . On parle notre langue dans l'Europe, grâce à nos bons écrivains ; nous avons enseigné les nations, mais on n'en hait pas moins notre gouvernement ; croyez-en un homme qui a vu l'Angleterre, l'Allemagne et la Hollande.

 

Si vous pouvez, par votre suffrage et par vos bons offices, m'obtenir la permission tacite de laisser publier en France l'ouvrage tel que je l'ai réformé, vous empêcherez que l'édition imparfaite qui commence à percer en Allemagne ne paraisse en France. On ne pourra certainement empêcher que les libraires de Rouen et de Lyon ne contrefassent cette édition vicieuse ; et il vaut mieux laisser paraître le livre bien fait que mal fait.

 

Ces difficultés sont abominables . J'ai, sans peine, un privilège de l'Empereur, pour dire que Léopold était un poltron iii; j'en ai un en Hollande pour dire que les Hollandais sont des ingrats, et que leur commerce dépérit ; je peux hardiment imprimer, sous les yeux du roi de Prusse que son aïeul, le Grand Électeur, s'abaissa inutilement devant Louis XIV, et lui résista aussi inutilement ; il n'y aura donc qu'en France où il ne serait pas permis de faire paraître l'éloge de louis XIV et de la France ! et cela, parce que je n'ai eu ni la bassesse ni la sottise de défigurer cet éloge par de honteuses réticences et par de lâches déguisements . Si on pense ainsi parmi vous, ai-je eu tort de finir ailleurs ma vie ? Mais , franchement, je crois que je la finirai dans un pays chaud ; car le climat où je suis me fait autant de mal que les désagréments attachés en France à la littérature me font de peine.

 

Voyez, mon cher et illustre confrère, si vous voulez avoir le courage de me servir : en ce cas, vous me procurerez un très grand bonheur, celui de vous voir . Permettez-moi de vous prier d'assurer de mes respects M. d'Argenson iv et Mme du Deffand . Bonsoir ; je me meurs, et je vous aime.

 

P. S. - Que je vous demande pardon d'avoir dit qu'il y a quarante à cinquante pas à nager au passage du Rhin ! Il n'y en a que douze ; Pellisson même le dit . J'ai vu une femme qui a passé vingt fois le Rhin sur son cheval, en cet endroit, pour frauder la douane de cet épouvantable fort du Tholus . Le fameux fort de Shenk, dont parle Boileau v, est une ancienne gentilhommière qui pouvait se défendre du temps du duc d'Albe . Croyez-moi, encore une fois, j'aime la vérité et ma patrie ; je vous prie de le dire à M. d'Argenson. »

 

i Académicien français, lui aussi depuis 1723. http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Jean-Fran%C3%A7ois_H...

 

ii Chapitre XII des Œuvres Historiques , page 117 : http://books.google.be/books?id=6jEaAAAAYAAJ&pg=PA117...

 

iii En substance dans le chapitre XIV des Œuvres historiques : page 125 : http://books.google.be/books?id=6jEaAAAAYAAJ&pg=PA117...

 

iv Marc-Pierre de Voyer de Paulmy, comte d'Argenson ministre du roi ,ami de Voltaire depuis le collège, surintendant des Postes, qui entrera le 4 février au « Cabinet noir » ou secret de la Poste, chargé d'ouvrir le courrier de personnes désignées par le roi.

 

v Dans sa Quatrième Épître , Boileau parle du « fameux fort de Shink » ( vers 74) et aussi de « Tholus » , vers 55 ( = « Tholhuis » qui signifie en flamand : bureau où l'on reçoit les péages); Pages 268 et suiv. :

http://books.google.be/books?id=pnAGAAAAQAAJ&pg=PA354...

 

Et n'oublions pas que demain est la chandeleur :

http://www.deezer.com/listen-233094

 

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01/02/2011 | Lien permanent

on arrive au vrai par la communication des idées

... Et au mensonge par des chemins tordus .

 chemins tordus.gif

 

 

« De M. Jean-Robert TRONCHIN, de Lyon

Lyon, 24 octobre [1757].

J'ai reçu, monsieur, avant-hier la lettre dont vous m'avez honoré le 20 1, et hier je fus en campagne pour la communiquer à la personne 2. Je lui en fis lecture; bien loin de la regarder comme un songe, il en a été enchanté. « Apparemment, dit-il, que si ce projet s'exécute, le paquet de madame la margrave lui parviendra par vous, monsieur » Je lui ai répondu que vous suivriez la même route commencée. Il est bien content des vers galants que vous avez faits pour Mme de Montferrat, et très-sensible à toutes les politesses dont vous l'avez comblée.
Si vous usez de comparaison avec la réception faite il y a trois ans 3, vous devez le trouver extraordinaire mais je vous prie d'observer la circonstance de ses places, et les avis qu'il avait alors de la cour. Je puis bien vous assurer de la répugnance qu'il avait et de son penchant à être agréable à tous. Dans cet intervalle de temps, la façon de penser a bien changé; on arrive au vrai par la communication des idées, et s'il avait le plaisir de vous voir à présent, vous en seriez aussi édifié que vous l'avez été peu. Il y a quelque temps que je lui entendis faire publiquement votre éloge, et il y avait des gens de même étoffe que lui.
Mon suffrage sur votre excellente lettre n'est pas d'un grand poids; mais je ne puis assez vous dire combien je suis content, et combien je désire que des vues aussi sages et utiles à l'Europe soient couronnées du succès par la continuation de vos soins éclairés et les suites de votre crédit sur l'esprit du roi de Prusse et de madame sa sœur, et leur confiance en vous. De mon côté, je ne perdrai pas un instant pour tout ce dont je serai chargé. »

 


« Note en réponse, dictée par M. le cardinal de TENCIN à M. J-R. TRONCHIN.

Le plan est admirable; je l'adopte en entier, à l'exception de l'usage qu'il voudrait faire de moi en me mettant à la tête de la négociation. Je n'ai besoin ni d'honneurs ni de biens, et, comme lui, je ne songe qu'à vivre en évêque philosophe. Je me chargerai très-volontiers de la lettre de madame la margrave, et je pense qu'elle ferait très-bien, dans la lettre qu'elle m'écrira, d'y mettre les sages réflexions que M. de Voltaire emploie dans la sienne, concernant l'agrandissement de la maison d'Autriche. Elle ferait bien de me dire quelque chose de flatteur pour l'abbé de Bernis 4, qui a les affaires étrangères et le plus grand crédit à la cour.
Apparemment que si ce projet s'exécute, le paquet de madame la margrave me parviendra par M. de Voltaire. »

2 Le cardinal de Tencin .

3 Lors de son séjour à Lyon en 1754, V* a été éconduit par le cardinal de Tencin .Voir lettre du 23 novembre 1754 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/10/17/mandez-moi-donc-mon-cher-ange-s-il-est-vrai-que-je-suis-auss.html

4 Le cardinal est expert dans l'art de flatter qui il faut quand il faut .

 

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19/01/2013 | Lien permanent

celui qu'on va pendre ne doit pas pérorer longtemps : tout sermon est ennuyeux

...

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, 25 mai 1760
Je n'aime point, mon divin ange, que Mme Scaliger soit toujours malade : cela nuit beaucoup à la douceur de ma vie.
Vous êtes un homme bien hardi de vouloir faire jouer la Mort de Socrate ; vous êtes un anti-Anitus. Mais que dira maître Anitus- Joly de Fleury ? Ce Socrate est un peu fortifié depuis longtemps par de nouvelles scènes, par des additions dans le dialogue. Toutes ces additions ne tendent qu'à rendre les persécuteurs plus ridicules et plus exécrables ; mais aussi elles ne contribueront pas à les désarmer. Les Fleury feront ce qu'ils firent à Mahomet, et ce pantalon de Rezzonico ne fera pas pour moi ce que fit ce bon polichinelle de Benoît XIV. Voyez ce que vous pouvez hasarder. Je suis à vos ordres avec toute la témérité possible. Je vous avertis seulement que les déclamations de Socrate, sur la fin, doivent être bien courtes, et que celui qu'on va pendre ne doit pas pérorer longtemps : tout sermon est ennuyeux.
Si vous avez la probité et le courage de faire jouer ce bon pasteur Hume 1, il n'y a qu'à donner à Fréron le nom de guêpe, au lieu de frelon ; M. Guêpe fera le même effet. Quant au petit procès-verbal des raisons pourquoi cette Lindane est à Londres, c'est l'affaire d'un moment. Les Français aiment donc ces procès-verbaux ; les Anglais ne s'en soucient guère. Lindane est à Londres ; on ne se soucie point de savoir comment elle y est arrivée d'Écosse ; et toutes ces vétilles ne font rien à l'intérêt et au succès. Mais, si vous exigez ces préliminaires, vous serez servi, et vite.

26 mai.
On pourrait rendre le Droit du Seigneur très-intéressant au troisième acte. Cette pièce fut jetée en sable 2; elle n'a jamais coûté quinze jours. On peut aisément donner quelques coups de ciseau ; vous serez encore servi sur cet article quand vous voudrez.
Très-bonne idée, excellente idée de reculer Médime: elle n'en vaudra que mieux ; on aura le temps de la coiffer; elle ne paraîtra point immédiatement après l'infamie contre les philosophes, et j'aurai la gloire de n'avoir pas voulu que les comédiens profitassent de ma pièce après s'être déshonorés en se prêtant, pour de l'argent, au déshonneur de la nation.
Mon très-cher ange, voilà une vilaine époque. La pièce de Palissot, le discours de maître Joly, celui de maître Lefranc de Pompignan, mettent le comble à l'ignominie de la France; cela vient tout juste après Rosbach, les billets de confession, et les convulsions.
M. de Choiseul est-il bien affligé de la maladie de Mme de Robecq ? Je la tiens morte; c'est la maladie de sa mère 3. C'est bien dommage; mais pourquoi protéger Palissot? Hélas! M. de Choiseul protège aussi ce Fréron. Il a bien mal fait de s'adresser à lui pour répondre aux invectives horribles de Luc contre le roi ; il ne connaît pas Fréron ; c'est un monstre, mais un monstre dont je ne fais que rire. Je ris de tout; je m'en trouve bien; mais c'est bien sérieusement que je vous aime avec la plus grande tendresse. »

1 V* avait publié L'Ecossaise sous le nom de Hume .

2 Terme de fonderie : la matière en fusion est jetée dans un moule de sable, et l'oeuvre n'est donc pas finie .

3 La duchesse de Luxembourg, morte en 1747.

 

 

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23/05/2015 | Lien permanent

Tout amoureux que je suis de ma liberté, cette maîtresse ne m'a pas assez tourné la tête pour me faire renoncer à ma pat

... La fortune est une maîtresse bien plus puissante et agissante car elle fait renoncer, sans barguigner, à toute nation un peu gourmande fiscalement .

La patrie se limite alors à un numéro de compte bien garni qui est loin d'éveiller tout sentiment d'affection désintéressée , ce que je conçois fort bien, n'étant pas plus, moi-même, amoureux de ma banque . Sans  doute le montant de ma fortune est-il trop modeste (j'ai assez d'encre dans mon stylo pour en noter le montant d'un seul coup !) pour me tourmenter à savoir comment l'augmenter par des placements mirifiques . On ne dira jamais assez la beauté du métier de fiscaliste , grand prêtre d'une religion universelle au dieu i/unique : l'argent . Où est la liberté de l'aliéné au portefeuille ? Je ne m'appesantis pas sur son sort, car j'ai plus de peine en me demandant où est la liberté du pauvre .

Autres aliénations

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Où est la liberté ?


Petit aparté : j'ai revu avec plaisir Un singe en hiver, et , ô merveille et surprise sur prise, devinez qui j'ai vu en buste dans le pensionnat de jeunes filles que l'on mêne en bon ordre à la messe ? Voltaire ! Je dis bravo à l'accessoiriste qui volontairement ou non rend hommage à l'anticlérical philosophe , à moins que ce ne soit un trait d'humour du réalisateur . Si quelqu'un peut m'en dire plus sur cet élément de mise en scène , d'avance merci .

A ceux qui me diront que je vois Voltaire partout, je répondrai "Oui ! mais pas assez encore "

 

 

 

« A Maurice PILAVOINE 1

à SURATE.

Aux Délices, près de Genève, le 25 septembre [1758]

Je suis très flatté, monsieur, que vous ayez bien voulu, au fond de l'Asie, vous souvenir d'un ancien camarade 2. Vous me faites trop d'honneur de me qualifier de bourgeois de Genève. Tout amoureux que je suis de ma liberté, cette maîtresse ne m'a pas assez tourné la tête pour me faire renoncer à ma patrie. D'ailleurs, il faut être huguenot pour être citoyen de Genève, et ce n'est pas un si beau titre pour qu'on doive y sacrifier sa religion. 3 Cela est bon pour Henri IV, quand il s'agit du royaume de France 4, et peut-être pour un électeur de Saxe, quand il veut être roi de Pologne mais il n'est pas permis aux particuliers d'imiter les rois.

Il est vrai qu'étant fort malade je me suis mis entre les mains du plus grand médecin de l'Europe, M. Tronchin, qui réside à Genève, je lui dois la vie. J'ai acheté dans son voisinage, moitié sur le territoire de France, moitié sur celui de Genève, un domaine assez agréable, dans le plus bel aspect de la nature. J'y loge ma famille, j'y reçois mes amis, j'y vis dans l'abondance et dans la liberté. J'imagine que vous en faites à peu près autant à Surate du moins je le souhaite.

Vous auriez bien dû, en m'écrivant de si loin, m'apprendre si vous êtes content de votre sort, si vous avez une nombreuse famille, si votre santé est toujours ferme. Nous sommes à peu près du même âge, et nous ne devons plus songer l'un et l'autre qu'à passer doucement le reste de nos jours. Le climat où je suis n'est pas si beau que celui de Surate, les bords de l'Inde doivent être plus fertiles que ceux du lac Léman. Vous devez avoir des ananas, et je n'ai que des pêches; mais il faut que chacun fasse son propre bonheur dans le climat où le ciel l'a placé.

Adieu, mon ancien camarade je vous souhaite des jours longs et heureux, et suis, de tout mon cœur, votre, etc. »

1 Maurice Pilavoine, membre du conseil de compagnie des Indes, avait appris à « balbutier du latin » avec Voltaire. Il était probablement né à Surate, mais, en 1758, il habitait Pondichéry. (Clogenson .)Voir lettre du 23 avril 1760 à Pilavoine, page 264 : http://books.google.fr/books?id=KcNCAAAAYAAJ&pg=PA265&lpg=PA265&dq=maurice+pilavoine+1758&source=bl&ots=DdkzKWQFIu&sig=ni9Xz230wiOhd3YO0TBJczfsqYI&hl=fr&sa=X&ei=0Kh3UqqZLYHK0QWksYGwAg&ved=0CDgQ6AEwAw#v=onepage&q=maurice%20pilavoine%201758&f=false

2 La lettre de Pilavoine du 15 février 1758 est conservée . Elle évoque le temps de l'adolescence et des études à la suite de la venue du chevalier Baudouin de Soupir aux Indes ; Pilavoine pris de court par le départ d'un vaisseau pour l'Europe, laisse à Soupire le soin de parler de lui à V* à son retour . Voir lettre du 5 mai 1758 à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/08/13/temp-730764030724aa25304863c3dc168051-5140487.html

Voir aussi : http://www.e-corpus.org/cat/notices/73751-Questions-militaires-sur-l-Inde-par-le-chevalier-de-Soupire-%5B135%5D-repondues-par-le-sieur-Maissin-capitaine-d-infanterie-.html

3 Depuis « cela est bon ... », ce passage de manuscrit est d'une écriture différente ; il a été supprimé, puis restitué .

4 « Paris vaut bien une messe ! »

 

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C'est un triste rôle que d'être réduit a se plaindre

... Aussi ne me plaindrai-je pas !

En ai-je des motifs suffisants ? Oui, mais je ne veux pas grossir les rangs des pleureuses qui accompagnent l'enterrement des occasions manquées et des espoirs déçus . J'ai fondamentalement le coeur à rire .

Foin de la tristesse ambiante et à bas les Cassandre .

https://picasaweb.google.com/111501253071545726185/LeCommerceDeLaMitrailleAKinshasa#5627390107131804386

 

des Min au service de mitraille (1).JPG

Ce jour j'ai eu le plaisir de voir un reportage qui démontre que nous avons un président de la République couillu, qui ne s'est pas dégonflé lors de son passage en République Démocratique (sic) du Congo, -que mes amis étudiants congolais nommaient autrefois le Congo K(inshasa) -.

Bravo François Hollande !

 http://www.afrik.com/operation-seduction-de-kabila-aupres-de-hollande-a-kinshasa

 

 

« -A Madame Louise-Dorothée von MEININGEN duchesse de SAXE-GOTHA

Lausanne, 26 mars [1757].

Madame, je pourrais bien avoir oublié de joindre dans mes lettres mes regrets à ceux de Votre Altesse sérénissime, sur la mort de M. de Waldener. Vous ne devriez pas être étonnée qu'étant occupé de vous, madame, on fît moins d'attention aux autres objets; mais c'est une erreur de ma plume, et non pas de mon cœur. Je suis touché sensiblement de tout ce qui intéresse Votre Altesse sérénissime, et j'avais eu assez longtemps l'honneur de connaître, à votre cour, Mme. de Waldener, pour être affligé de sa perte. La sensibilité, madame, est le partage de votre auguste maison. Mme la princesse de Galles 1 sollicite vivement la grâce de l'amiral Byng 2, qui certainement ne mérite pas de perdre la vie, puisqu'il a été reconnu pour un brave officier et pour un bon citoyen, par la sentence même qui le condamne. Votre Altesse sérénissime aura peut-être vu, dans les gazettes, la lettre du maréchal de Richelieu, que j'avais envoyée à cet infortuné. Ce témoignage d'un ennemi et d'un vainqueur doit avoir quelque poids auprès de ceux qui aiment l'humanité et la justice, et j'ai cru remplir le devoir d'un honnête homme en publiant ce témoignage 3.
Il n'y a actuellement d'autres nouvelles en France que la marche des cent mille hommes. Le plan des opérations de cette armée n'est point encore connu. Je sais bien que les rois d'Angleterre et de Prusse leur opposeront de bonnes troupes; mais je ne sais point en quel nombre.
Votre Altesse sérénissime a vu sans doute la dernière réplique du ministre saxon à la Haye; on dit qu'il y a un tableau touchant des misères de la Saxe. C'est un triste rôle que d'être réduit a se plaindre. Votre Altesse sérénissime sait tout ce qui se passe sur ce funeste théâtre de la guerre. Je voudrais être à vos pieds et vous entendre, madame, parler de tous ces malheurs.
Le papier manque au profond respect du Suisse.

V.»

1 Augusta de Saxe -Gotha, veuve de Frederick-Lewis, prince de Galles . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric_de_Galles

2 Fusillé le 14 mars 1757 .

 

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15/10/2012 | Lien permanent

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