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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

dans l’état où sont les choses, j'aime mieux les suffrages de l'Europe que ceux de la ville de Paris

 " C'est aux seuls gens de lettres qu'on doit actuellement la réputation de la France"

 Je dirai plus précisément, pour nous situer dans cet étonnant XXIè siècle, que , à mes yeux, Voltaire et les humanistes français font la bonne réputation de la France .

Les capitalistes me diront que ce sont les secteurs du luxe qui engrangent les suffrages étrangers .

Les agences de voyage vanteront notre patrimoine et notre si remarquable sens de l'accueil (si ! si ! ne vous moquez pas ! ) .

Les paysans resteront PAC'sés, sans possibilité de divorce pour cause de primes , et pris à la gorge par le Crédit Agricole, ne sachant plus si c'est du lard ou du cochon ( bio ! bien évidemment ).

Le remarquable sens de l'organisation de la grève , pitoyable travail des syndicats , -tous plus suicidaires les uns que les autres-,  fait l'admiration de ceux qui travaillent hors de nos frontières et raflent nos parts de marché .

 Ach ! la Franss' ! Pétit' femmes ! Folies Bergères ! Pariss' Tour Eiffel !

 

europe verte.jpg

 Un autre " Etat des choses ":  http://www.deezer.com/listen-204526  , un peu nostalgique, comme notre Volti un peu triste ce jour, jour de bise ce 25 avril 1763, jour de bise, itou le 25 avril 2011 à Ferney .

 


 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

25 [avril 1763]

 

Mes chers anges, je vous envoie Olympie que j'ai fait imprimer pour deux raisons assez fortes . La première, à cause des remarques que je crois très intéressantes et très utiles i, si utiles même qu'on ne les aurait jamais imprimées à Paris, où les véritables gens de lettres sont persécutés, et où l'insolent et ridicule Omer de Fleury ose prescrire la Religion naturelle ainsi que le Bon sens.ii

 

La seconde raison c'est que ni Lekain , ni Mlle Clairon ne mutileront mon ouvrage iii. Je vous avoue que dans l’état où sont les choses, j'aime mieux les suffrages de l'Europe iv que ceux de la ville de Paris . Vous m'avouerez, mes chers anges, que c'est aux seuls gens de lettres qu'on doit actuellement la réputation de la France . L'impératrice de Russie veut faire imprimer chez elle l'Encyclopédie v, tandis qu'Omer de Fleury veut qu'on vole à Paris les souscripteurs vi. On représente à Moscou et à Rome ce même Mahomet qu'Omer de Fleury voulait anéantir à Paris vii, etc. etc. etc.

 

J'avoue qu'on a protégé dans votre ville une comédie, dont tout le mérite consistait à dire que Diderot et d’Alembert étaient des fripons viii. J'avoue qu'on élève un mausolée à un assez mauvais poète boursouflé, qui n'a presque jamais parlé français ix; mais ces petites faveurs si bien appliquées ne me font pas changer de sentiment .

 

Je vous demande en grâce, mes chers anges, de ne pas souffrir qu'on me joue le tour de représenter Adélaïde du Guesclin . Si le public se déclara contre cette pièce à sa naissance, il ne souffrirait pas à sa résurrection . Il est si ridicule et si indécent de supposer à un prince du sang connu, un crime abominable qu'il n'a point commis, que moi-même, si j’étais à Paris, je sifflerais l'ouvrage avec indignation x.

 

Je crois que Mlle Clairon est la plus grand actrice que vous ayez eue, mais permettez-moi de ne m'en rapporter en aucune manière à aucun de ses jugements .

 

Permettez-moi aussi de vous dire que vous me faites une vraie peine de céder à ceux qui ont assez peu de goût pour vouloir retrancher ces vers que dit Antigone au 1er acte :

Nous verrons ... mais on ouvre, et ce temple sacré

Nous découvre un autel de guirlandes paré.

Je vois des deux côtés les prêtresses paraître ;

Au fond du sanctuaire est assis le grand prêtre .

Olympie et Cassandre arrivent à l'autel !xi

 

Chaque mot que dit Antigone est la peinture d'un spectacle qui lui sera funeste, et lui-même en prononçant ces paroles ajoute beaucoup à la solennité du spectacle . Rien n'est si pauvre, si mesquin, si opposé à la vérité de la véritable tragédie, que de vouloir tout étriquer, tout tronquer, d'ôter aux mouvements et aux sentiments l'étendue qui leur est nécessaire . Si on resserrait, par exemple, la catastrophe de la fin, il n'y aurait plus rien de pathétique ; j'aimerais autant entendre des chanoines dépêcher leurs complies pour gagner plus vite leur argent .

 

En un mot, mes chers anges, je n'ai nullement envie que l'on joue à présent Olympie, et puisqu'on n'a pas voulu reprendre Le Droit du Seigneur, et qu'on a violé toutes les règles, pour me faire cet outrage xii, je ne me soucie point du tout de me risquer au hasard de la représentation, au caprice du parterre, et aux fureurs d la cabale . J'avais peut-être quelque talent, et je me faisais un plaisir de le consacrer aux amusements de mes anges, mais eux-mêmes ne me conseilleraient pas dans les circonstances présentes d'essuyer de nouvelles humiliations .

 

Je suis bien étonné qu'on me reproche d'avoir dit dans l'Histoire de Pierre le Grand, ce que j'avais déjà dit dans celle de Louis XIV . Vous me direz que j'ai eu tort dans l'une et dans l'autre . Malheureusement ce tort est irréparable, tous les exemplaires étant partis de Genève il y a plus de trois mois, à ce que disent les Cramer, et ces torts consistent à avoir dit des vérités dont tout le monde convient, et qui ne nuisent à personne . Au reste , si vous avez trouvé quelque petite odeur de philosophie morale et d'amour de la vérité dans l'Histoire de Pierre le Grand, je me tiens très récompensé de mon travail, car c'est à des lecteurs tels que vous que je cherche à plaire xiii.

 

Vous aurez incessamment la lettre de Jean-Jacques à Christophe xiv. Il n'a point fait de cartons, comme on le croyait xv, il persiste toujours à dire qu'il fallait lui élever des statues au lieu de le brûler xvi; il assure que si on trouve quelques traits voluptueux dans son Héloïse, il y en a davantage dans l'Aloïsia xvii que tous les prêtres ont à Paris dans leurs bibliothèques . Il proteste à Christophe qu'il est chrétien, et en même temps il couvre la religion chrétienne d'opprobres et de ridicules ; il y a une douzaine de pages sublimes contre cette sainte religion . Peut-être ce qu'il dit est-il trop fort, car après tout le christianisme n'a fait périr qu'environ cinquante millions de personnes, de tout âge et de tout sexe, depuis environ quatorze cents ans pour des querelles théologiques . J'oubliais de vous dire que Jean-Jacques, dans son épître, prouve à Omer qu'il est un sot, en quoi je suis entièrement de son avis .

 

Mes divins anges, la plus grande consolation de ma vie est votre amitié ; il est vrai que je ne vous verrai plus, mais je songerai toujours que vous daignez m'aimer . Mme Denis est infiniment sensible à toutes vos bontés ; Tronchin prétend qu'elle sera guérie après qu'elle aura pris quatre ou cinq mille pilules ; j'aimerais mieux faire un voyage aux eaux, pourvu que vous y fussiez .

 

Mes divins anges, il faut encore que je vous dise que j'exige absolument des Cramer d'ôter mon misérable nom des frontispices de leur recueil xviii. Vous savez que rien n'est plus aisé que de brûler un livre . Un Chaumeix, un Gauchat n'ont qu'à recueillir, falsifier, empoisonner quelques phrases, et donner un extrait calomnieux à un Omer, Omer fera son réquisitoire et des hommes extrêmement ignorants condamneront au brasier un livre qu'ils n'auront pas lu xix. A la bonne heure, les Cramer n'en seront pas fâchés, mais moi si mon nom est à la tête d'une histoire sage et instructive, je suis décrété en personne ; et mes biens confisqués si je ne comparais pas devant Messieurs . Or c'est ce qui est absolument inutile ; je veux bien qu'on décrète un quidam qui pouvait prouver que le parlement n'a aucun droit de faire des remontrances que par la pure concession des rois, et qui ne l'a pas dit, qui pouvait prouver que les enregistrements ne viennent que des regesta des compilations qu'on s'avisa de faire sous Philippe le Bel, des olim, de l’habitude enfin qu'on prit de tenir registre (habitude qui succéda au trésor des chartes), qui pouvait éclaircir cette matière et qui ne l'a point fait . On peut brûler une histoire dans laquelle la conduite du parlement est toujours ménagée, on peut brûler ce livre par arrêt du parlement, cela est dans l'ordre, mais je ne veux pas être brûlé en effigie . N'êtes-vous pas de mon avis ?

 

Mes anges, un petit mot d'Olympie, et je finis .

 

Un homme qui a été à moi xx, qui a été volé à Francfort avec moi, l'a imprimée à ses dépens . C'est un plaisir que je lui devais . Serait-il juste d'empêcher une édition d'entrer en France, et de le priver du fruit de ses avances ? Je m'en rapporte à vos cœurs angéliques .

 

Vous m'avez, j'en suis sûr, trouvé sombre, chagrin dans mon épître . Je ne sais pourquoi je suis triste, car votre humeur est toujours égale, et je voudrais vous imiter . Je crois que c'est parce que le vent du nord souffle . Mais je suis à vous à tout vent, ô anges . Respect et tendresse .

 

V. »

i Sur le sens d'Olympie, voir lettre du 22 février 1762 aux d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/02/22/v...

ii Le Poème sur la loi naturelle fut interdit et condamné les 23 janvier et 6 février 1759 en même temps que La Philosophie du bon sens, que le livre d'Helvétius De l'esprit et en même temps que l'Encyclopédie était suspendue .

iii V* s'est beaucoup plaint de la mutilation du Droit du seigneur et de Zulime en particulier ; voir lettres aux d'Argental du 26 janvier 1762 et 28 septembre 1762 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/09/inde...

iv Sur la représentation à Mannheim, voir lettre à Collini du 30 août 1762 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/inde...

v De la part de Catherine II, Shouvalov avait proposé à Diderot et d’Alembert de faire imprimer l'Encyclopédie « en Russie, soit à Riga, soit dans quelqu'autre ville » et avait chargé V* par une lettre du 20 août d'insister auprès d'eux ; voir lettre aux d'Argental du 28 septembre 1762 .

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26/04/2011 | Lien permanent

Mais comment me justifierai-je d'avoir tant assuré que ces horreurs n'arriveraient plus, que le temps du fanatisme était

... En disant que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles actuellement .

Pauvre réponse que je donne .

Voltaire, plus intelligemment, demandera qu'on remette en lumière une de ses dénonciations du fanatisme religieux, "Mahomet ou Le Fanatisme" ; cette tragédie n'a toujours pas l'heur de plaire de nos jours et fut interdite de représentation il y a peu d'années dans l'hypocrite et cosmopolite ville de Genève . Evidemment l'argent des pays arabes prime sur la liberté de pensée et de parole, sans pudeur, et ce n'est pas près de changer .

http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fanatisme_ou_Mahomet

Hélas,Charlie Hebdo n'a été capable que de faire dans "l'énorme", juste dans le principe, sot dans l'exécution , dommage .  N'est pas Voltaire qui veut !

Petit rappel :

sauver émilie.jpg

http://fonds-voltaire.org/index.php/patrimoine/cirey

 

 

 

« A M. le comte d'ARGENTAL.

A Monrion, 20 janvier [1757].

Mon cher ange, je sens tout le prix de votre souvenir dans un temps où vous êtes si consterné de l'horrible aventure, et si occupé à remplir le vide immense laissé dans le parlement 1. Votre assiduité à des devoirs nouveaux dont vous êtes dispensé est un mérite dont le parlement, le public, et la cour, doivent vous tenir compte. Je me flatte, pour l'honneur de la nation et du siècle, et pour le mien, qui ai tant célébré cette nation et ce siècle, qu'on ne trouvera nulle ombre de complicité, nulle apparence de complot dans l'attentat aussi abominable qu'absurde de ce polisson d'assassin, de ce misérable bâtard de Ravaillac. J'espère qu'on n'y trouvera que l'excès de la démence il est vrai que cette démence aura été inspirée par quelques discours fanatiques de la canaille c'est un chien mordu par quelques chiens de la rue, qui sera devenu enragé. Il paraît que le monstre n'avait pas un dessein bien arrêté, puisque, après tout, on ne tue point des rois avec un canif à tailler des plumes. Mais pourquoi le scélérat avait-il trente louis dans sa poche ?2 Ravaillac et Jacques Clément n'avaient pas un sou. Je n'ose importuner votre amitié sur les détails de cet exécrable attentat. Mais comment me justifierai-je d'avoir tant assuré que ces horreurs n'arriveraient plus, que le temps du fanatisme était passé, que la raison et la douceur des mœurs régnaient en France? Je voudrais que dans quelque temps on rejouât Mahomet 3. Je n'ose vous parler à présent de cette Histoire générale, ou plutôt de cette peinture des misères humaines, de ce tableau des horreurs de dix siècles mais, si vous avez le loisir de recueillir les opinions de ceux qui auront eu le courage d'en lire quelque chose, vous me rendrez un vrai service de m'apprendre ce qu'on en pense et ce que je dois corriger en général: car c'est toujours à me corriger que je m'étudie. Que fais-je autre chose avec l'ancienne Zulime ? Le travail a fait toujours ma consolation: le rabot et la lime sont toujours mes instruments. Est-il vrai que M. de Sainte- Palaye 4 succédera à Fontenelle dans l'Académie? Je lui souhaite sa place et sa longue vie. Adieu, mon cher et respectable ami.
Mille tendres respects à tous les anges. Les deux Suisses vous embrassent. »
 

1 Louis XV venait d'exiler seize conseillers, du nombre desquels était l'abbé de Chauvelin. . A la demande du roi,le pape avait promulgué un bref aux évêques de France, que le Parlement avait condamné et supprimé, et le roi supprima le Parlement le 15 décembre 1756 ; ceux qui ne furent pas renvoyés résignèrent leur charge .

2 C'est en fait le reliquat d'une somme volée auparavant .

3 Ce qui sera fait le 18 mai 1757.

4 Jean-Baptiste de La Curne de Sainte Palaye : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_de_La_Curne_de...

Il succèdera à Louis de Boissy, poète comique, en mai 1758 . C'est Antoine-Louis Séguier qui succéda à Fontenelle .

 

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23/09/2012 | Lien permanent

il est incorrigible, et c'est un libraire tout comme un autre

 A propos "d'incorrigible", permettez-moi de vous faire part d'une tactique déloyale de la part de vendeurs sur EBay .

La voici : à chaque enchère que je fis, une enchère supérieure de 0.50 € apparut dans deux secondes suivantes, et ce, jusqu'à la dernière seconde du temps imparti . Résultat : "Vous n'avez pas remporté l'objet" !!

Il aurait été plus honnête d'annoncer un prix de retrait de l'objet si un plancher d'enchère n'était pas atteint ; il aurait été plus honnête de ne pas artificiellement inventer un enchérisseur concurrent, qui, ô merveille, me contrait immédiatement à quelque heure que j'intervienne .

Avez-vous déjà vécu ce type de contrariété ?

Viens-je de redécouvir le fil à couper le beurre dans ces médiocres méthodes E Baysiennes ?

Je crois bien m'être fait E-Bayser !!! Cocu, mais pas content .

incorrigible achille talon.jpg

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

 

 

A Prangins, pays de Vaud, 25 décembre [1754]

 

 

 

Mon cher ange, vous ne cessez de veiller, de votre sphère, sur la créature malheureuse dont votre providence s'est chargée . Je suis toujours très malade dans le château de Prangins, en attendant que mes forces revenues, et le saison plus douce, me permettent de prendre les bains d'Aix, ou plutôt en attendant la fin d'une vie remplie de souffrances . Ma garde-malade vous fait les plus tendres compliments, et joint ses remerciements aux miens . Je n'ai ici encore aucun de mes papiers que j'ai laissés à Colmar ; ainsi je ne peux vous répondre ni sur les Chinois, ni sur les Tartares , ni sur les Lettres que M. de Lorges 1 veut avoir . Je crois au reste que ces lettres seraient assez inutiles . Je suis très persuadé des sentiments que l'on conserve, et des raisons que l'on croit avoir . Je sais trop quel mal cet indigne avorton d'une Histoire universelle, qui n'est certainement pas mon ouvrage, a dû me faire ; et je n'ai qu'à supporter patiemment les injustices que j'essuie . Je n'ai de grâce à demander à personne, n'ayant rien à me reprocher . J'ai travaillé, pendant quarante ans, à rendre service aux lettres ; je n'ai recueilli que des persécutions ; j'ai dû m'y attendre, et je dois les savoir souffrir . Je suis assez consolé par la constance de votre amitié courageuse .

 

 

 

Permettez que j'insère ici un petit mot de lettre pour Lambert, dont je ne conçois pas trop les procédés . Je vous prie de lire la lettre, de la lui faire rendre ; et, si vous lui parliez, je vous prierais de le corriger ; mais il est incorrigible, et c'est un libraire tout comme un autre .

 

 

 

Je ne peux rien faire dans la saison où nous sommes, que de me tenir tranquille . Si les maux qui m'accablent, et la situation de mon esprit, pouvaient me laisser encore une étincelle de génie, j'emploierais mon loisir à faire une tragédie qui pût vous plaire ; mais je regarde comme un premier devoir de me laver de l'opprobre de cette prétendue Histoire universelle, et de rendre mon véritable ouvrage digne de vous et du public . Je suis victime de l'infidélité et de la supposition la plus condamnable . Je tâcherai de tirer de ce malheur l'avantage de donner un bon livre qui sera utile et curieux . Je réponds assez des choses dont je suis le maître, mais je ne réponds pas de ce qui dépend du caprice et de l'injustice des hommes . Je ne suis sûr de rien que de votre cœur . Comptez, mon cher ange, qu'avec un ami comme vous on n'est point malheureux . Mille tendres respects à Mme d'Argental et à tous vos amis . »

 

1 Le duc de Lorges

 

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27/10/2011 | Lien permanent

L'illusion du spectateur, et le comédien

"Le costume ajoute beaucoup à l'illusion du spectateur, et le comédien prend plus aisément le ton de son rôle " (Claire de La Tude Clairon)

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                   « A Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de Latude Clairon

 

                            Vous avez dû recevoir, Mademoiselle, un changement très léger, mais qui est très important. Je ne crois pas m’aveugler ; je vois que tous les véritables gens de lettres rendent justice à cet ouvrage, comme on la rend à vos talents. Ce n’est que par un examen continuel et sévère de moi-même, ce n’est que par une extrême docilité pour de sages conseils, que je parviens chaque jour à rendre la pièce moins indigne des charmes que vous lui prêtez.

 

                            Si vous aviez le quart de la docilité dont je fais gloire, vous ajouteriez des perfections bien singulières à celles dont vous ornez votre rôle. Vous vous diriez à vous-même quel effet prodigieux font les contrastes, les inflexions de voix, les passages du débit rapide à la déclamation douloureuse, les silences après la rapidité, l’abattement morne et s’exprimant d’une voix basse, après les éclats que donne l’espérance, ou qu’a fournis l’emportement. Vous auriez l’air abattu, consterné, les bras collés, la tête un peu baissée, la parole basse, sombre, entrecoupée. Quand Iphise vous dit :

 

Pammène nous conjure

De ne point approcher de sa retraite obscure ;

Il y va de ses jours…

 

Vous lui répondriez, non pas avec un ton ordinaire, mais avec tous ces symptômes du découragement, après un ah très douloureux,

Ah !... que m’avez-vous dit ?

Vous vous êtes trompé …       

 

En observant tous ces  petits artifices de l’art, en parlant quelquefois sans déclamer, en nuançant ainsi les belles couleurs que vous jetez sur le personnage d’Électre, vous arriveriez à cette perfection à laquelle vous touchez, et qui doit être l’objet d’une âme noble et sensible. La mienne se sent faite pour vous admirer et pour vous conseiller ; mais, si vous voulez être parfaite, songez que personne ne l’a jamais été sans écouter des avis, et qu’on doit être docile à proportion de ses grands talents.

 

                   Voltaire

                   Vers le 20 janvier 1750. »

 

 

                   Voltaire, directeur d’acteurs, metteur en scène, auteur pinailleur pour ses créations, sait prendre ses interprètes dans le sens du poil, y met les formes avec quand même , - le naturel revient au galop et il a déjà assez souffert de l’indiscipline des acteurs -, la phrase qui booste et qui remet les pendules à l’heure : « si vous voulez être parfaite, songez que personne ne l’a jamais été sans écouter des avis, et qu’on doit être docile à proportion de ses grands talents. »

                   Quelle star du show biz serait capable d’appliquer cela ?

 

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20/01/2009 | Lien permanent

Je ne crains point les fétiches, et les fétiches doivent me craindre

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M'en vais te clouer le bec, incroyant du diable !

 

 

 

« Marie-Louise Denis

et

Voltaire

à Germain-Gilles-Richard de Ruffey etc.

à Dijon

Ferney 4 novembre 1761

Si mon oncle pouvait soupçonner monsieur que j'eusse payé trente pistoles à son insu au président De Brosses je ne doute pas qu'il n'en eût été offensé . Non seulement je n'ai pas voulu le risquer , mais je lui ai montré votre lettre 1. Il sent le motif qui vous l'a fait écrire, et en est aussi reconnaissant que moi .

Mais ce n'est point mon oncle qui fait un procès au président De Brosses, c'est le président qui lui fait un procès pour douze moules de bois .

Je n'entre point ici dans le fond de l'affaire . Je sais seulement que mon oncle après avoir été assigné, lui a offert de ne point plaider, et de prendre pour arbitres monsieur le premier président, monsieur le procureur général, et M. Le Bault, conseiller, ce que le président De Brosses a refusé . Il me semble cependant que des arbitres de cette importance méritaient bien la confiance de M. le président De Brosses, pour une affaire de 20 ou 30 pistoles . Mon oncle lui dit : Si vous avez vendu votre bois avant la signature du contrat de l'acquisition de Tournay, montrez-moi cet acte de vente, et je vous paie celui que j'ai pris . S'il n'y a point d'acte de vente, tout le bois de la forêt m'appartient du jour que j'ai acquis, par les conventions du contrat . Que peut-on répondre à cela ? Je l'ignore . Je déteste les procès, et je souhaiterais fort que le président De Brosses fût plus traitable . Tout le monde ne pense pas comme vous, monsieur, et personne n'a l'honneur de vous être plus inviolablement attaché que votre très humble et très obéissante servante

Denis.

Permettez-moi de faire mille tendres compliments à madame la présidente de Ruffey .

 

J'ajoute mes remerciements à ceux de Mme Denis . Je ne crains point les fétiches, et les fétiches doivent me craindre . Il est clair que le fétiche en question a fait une vente simulée, et un magistrat m'a dit qu'un homme coupable de cette infamie ne resterait pas dans le corps dont est ce magistrat . Je ne présume pas que le parlement de Dijon pense autrement .

Y a-t-il rien de plus simple que mon procédé ? Si vous avez fait une vente réelle, je paie . Si vous avez fait une vente simulée, soyez couvert d'opprobre .

Adieu, monsieur, votre belle âme doit être indignée , la mienne est à vous pour jamais .

V.

N.B. – Il n'y a qu'une voix sur le fétiche . »

1 Cette lettre n'est pas conservée mais doit avoir été écrite en même temps qu'un mot de Ruffey à V* vers le 28 octobre 1761, recommandant la conciliation et la philosophie (« même en vous défendant, vous prostituez à la chicane la plus belle plume de l'univers . » ; voir page 167 : https://books.google.fr/books?id=5sdCAAAAcAAJ&pg=PA167&lpg=PA167&dq=m%C3%AAme+en+vous+d%C3%A9fendant,+vous+prostituez+%C3%A0+la+chicane+la+plus+belle+plume+de+l%27univers&source=bl&ots=LS9nq3-r3u&sig=XEdj0_M1GVkCWERFKYIVBGu6j7I&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjm_sqe8pbQAhWHPBoKHfqNBf4Q6AEIJjAA#v=onepage&q=m%C3%AAme%20en%20vous%20d%C3%A9fendant%2C%20vous%20prostituez%20%C3%A0%20la%20chicane%20la%20plus%20belle%20plume%20de%20l%27univers&f=false)

 

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09/11/2016 | Lien permanent

je ne crois pas qu'il y ait dans l’Église un plus impudent coquin que ce prêtre . Aussi l’évêque savoyard prend vigoureu

... Mais qui va prendre le parti de François Hollande ?

Sûrement pas les membres de la FNSEA qui ont donné de la voix et de la masse, pour effrayer (sans succès) le président , et détruire (avec succès, ils ont une longue pratique) le stand du ministère de l'Agriculture . Messieurs, vous foutez ainsi en l'air vos impôts et les miens, je vous trouve assez inconséquents , et vos mouvements d'humeur ne sont pas plus dignes d'intérêt que la guerre des boutons , surtout que vous savez être couvert par une impunité que le commun des mortels ne connait pas . Continuez comme ça !... Je suis et je serai du côté des paysans, je ne serai jamais du côté d'énergumènes syndiqués destructeurs qui n'ont pas encore compris que leurs actions sont détestables, couteuses et vaines .

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 J'en ai peut-être trop dit ?

 

 

« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey

à Dijon

Au château de Ferney, pays de GexAC

8 mars 1761

Nous travaillons à force, monsieur, pour vous recevoir dans notre petit ermitage de Bourgogne au mois d'août . Ne vous figurez pas de trouver une maison comme la vôtre, ou comme celle de M. de La Marche . Ce que mon curé appelle château, n'est qu'une très petite maison, bâtie pour un philosophe, et faite uniquement pour des philosophes .

Si vous venez donc avec M. le président de La Marche, commencez par oublier toutes vos magnificences, et songez que vous allez chez Baucis et Philémon .

La grande affaire du curé de Moens, ne tintera pas si tôt aux oreilles du parlement de Dijon ; il faut auparavant qu'elle étourdisse longtemps les nôtres . Tout le clergé prend part à ce procès ; les curés du pays prétendent qu'ils ont le droit incontestable de donner des coups de bâton aux laïques ; et que cela leur fut accordé par le premier concile de Latran . Ils ajoutent que quiconque témoigne contre eux est excommunié ipso facto ; et comme nous sommes dans le saint temps de pâques, il se pourrait bien faire qu'on refuse la communion à tous les mauvais chrétiens qui ont prétendu, qu'il n’était pas absolument permis à un curé d'aller assassiner un jeune homme chez une femme pendant la nuit .

Je vous remercie tendrement en qualité de laïque de vos bontés pour le pauvre battu . J'ai été appelé en témoignage sur cette belle affaire . J'avais vu le crâne du jeune homme entrouvert ; je l'avais vu pendant quinze jours entre la vie et la mort ; et l'honnête curé qui l'avait mis dans cet état, m'a soutenu que c'était un érésipèle ; je ne crois pas qu'il y ait dans l’Église un plus impudent coquin que ce prêtre . Aussi l’évêque savoyard prend vigoureusement son parti .1

Avez-vous lu le roman de Rousseau Jean-Jacques ? Cela ne me paraît ni dans le goût de Télémaque , ni dans celui de Zaïde . J'aurai l'honneur de vous envoyer par la première poste, des exemplaires du rogaton que vous me demandez, par l'adresse que vous m'indiquez . Mille respects à madame de Ruffey comme à vous .

V. »

1 L'échange de lettres entre Mme Denis et l'évêque Deschamps de Chaumont suivait son cours : vois lettres citées à propos de la lettre du 16 février 1761 à de Ruffey : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/02/16/ce-n-est-point-s-attaquer-a-la-religion-mais-au-contraire-la-5760514.html

 

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28/02/2016 | Lien permanent

C'est dommage à la vérité de passer une partie de sa vie à détruire de vieux châteaux enchantés . Il vaudrait mieux étab

... Problème particulièrement crucial dès qu'on parle de religions, et pire quand on parle des prosélytes intégristes ; là, on atteint des sommets de mauvaise foi et de haine . Dieu s'en fout . Quelques hommes comme Voltaire tentent de prôner la paix . Combien de temps faudra-t-il encore pour avoir la paix ?

 

Mis en ligne le 13/11/2020 pour le 29/7/2015

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

28 juillet 1760 aux Délices 1

Il n'y a que les anciens amis de bons . Vous êtes un correspondant charmant .

Je n'entends pas l'énigme de M. de Villemorien . M. Le Normant me fait écrire qu'il est à mon service et je profite de ses bontés ; vous pourrez du moins dans la chaleur des commencements de ses bons offices lui adresser les paquets un peu forts avec un petit bout de lettre pour le remercier . Il faut que les frères s'aident et soient aidés . Il faut qu'ils s'entendent . J'ai été joyeusement édifié de la pantalonnade hardie de Saint-Foix qui veut dire tout ce qui lui plaira , et qu'on lui demande pardon . Voila un brave homme . Nous avons besoin d'un tel grenadier dans notre armée . Envoyez-moi je vous prie la sentence du lieutenant-criminel . J'attends avec impatience mon Mose's legation . C'est dommage à la vérité de passer une partie de sa vie à détruire de vieux châteaux enchantés 2. Il vaudrait mieux établir des vérités que d'examiner des mensonges . Mais où sont les vérités ?

L'abbé Mords-les est donc toujours en son château qui n'est point enchanté  . Je suis affligé qu'il ait gâté notre tarte pour un œuf .

On disait qu'on avait pendu vingt-deux jésuites et cela n'est pas vrai . On dit qu'un corps de nos troupes a été frotté . J'ai bien peur que cela ne soit trop vrai . On dit Daun battu . J'ai encore peur . On dit Ponticheri pris , et je tremble . Que faire à tout cela ? Cultiver ses terres . J'ai défriché un quart de lieue carrée . Je suis digne des bontés de M. de Turbilly 3.

Réponse au petit billet sur l'Histoire générale :

1° L'observateur 4 n'a donc pas lu les lettres du comte d'Estrade par lesquelles on voit que Charles Second pour être payé argent comptant remit une somme considérable .

2° Page 240 . L’observateur a raison et les Cramer sont impardonnables . Ils m'avaient promis vingt fois de faire un carton, et de mettre anglais au lieu de portugais . Ils devaient avoir d'autant plus d'attention que je leur ai fait présent de mes œuvres , et qu'ils ne devaient pas plaindre la dépense . Cela est très désagréable .

N.B. -- Page 234 il y a anglais et non portugais . Ergo .5

3° Le reste est une bagatelle, mais on en fera son profit .

4° Il y a dans la nouvelle édition qu'on prépare un article pour la Chine, item pour le mahométisme, item sur la chevalerie – sur la noblesse – sur les États Généraux – sur le concile de Trente – sur le Paraguay – sur l'Amérique – etc.

5° La cour de Petersbourg est très contente du premier volume de Pierre . »

1 Date complétée par Thieriot . La fin de la lettre à partir de Réponse au petit billet ... omise sur la copie Beaumarchais manque dans les éditions .

2 Passage intéressant . L'ouvrage de Warburton est destiné à détruire les « châteaux enchantés » du christianisme (et cette fois l'expression vient de l'Arioste) . Mais on voit , dans la phrase suivante que cette entreprise de destruction ne satisfait pas V* qui préférerait « établir des vérités » . Celles-ci semblent lui échapper, étant tourné parfois à l'excès vers la critique .

3 Louis-François-Henri de Menon, marquis de Turbilly, avait manifestement envoyé à V* son Mémoire sur les défrichements, 1760, ouvrage qui s'inscrit dans la tradition des « physiocrates » ; sur cet ouvrage, voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Fran%C3%A7ois_Henri_de_Menon

et : https://books.google.fr/books?id=tGZAAQAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

4 A savoir l'auteur du billet envoyé par Thieriot .

5 Phrase ajoutée entre les lignes .

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29/07/2015 | Lien permanent

On trouve les remontrances du parlement un libelle séditieux, mais je ne me mêle pas de ces affaires-là

... qu'on trouve dans la réforme constitutionnelle, qui avec son flot d'amendements au gré de députés dont l'intelligence laisse parfois à désirer , nous vaut, par exemple, un «principe de la tradition chrétienne de la France» d'Eric Ciotti qui se fait heureusement renvoyer au vestiaire , et ce n'est malheureusement pas la seule ânerie qui va être défendue bec et ongles par nos beaux parleurs avides de reconnaissance .

Voir : http://www.lefigaro.fr/politique/2018/06/27/01002-2018062...

 Image associée

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

12 juillet [1763] 1

Orate fratres .2

Dieu bénit nos travaux . Jean-Jacques l'apostat n'a pas laissé de rendre de grands services par son vicaire savoyard .

Presque tout le peuple de Genève est devenu philosophe . On a trouvé très mauvais que le conseil de Genève ait fait bruler le livre de Jean-Jacques . Ce n'est pas ainsi disent-ils qu'on doit traiter un citoyen . Deux cents personnes parmi lesquelles il y avait trois prêtres sont venues faire de très fortes remontrances, mais il faut que vous sachiez que Jean-Jacques n'a été condamné que parce qu'on m'aime pas sa personne .

Admirez la Providence . L'auteur de L’Oracle des fidèles 3, livre excellent trop peu connu, était un valet de chambre d'un conseiller clerc de la seconde des enquêtes nommé Nigon de Bercy 4, cloître Notre-Dame . Il est venu chez moi, il y est, c'est une espèce de sauvage comme le curé Meslier .

Vous rendriez service aux frères, si vous faisiez informer chez le conseiller Nigon de Bercy ce que c'est qu'un Savoyard nommé Simon Bugex 5 qui a été chez lui en qualité de valet de chambre et de copiste . Apparemment ce Simon Bugex, auteur de L'Oracle des fidèles, était paroissien du vicaire savoyard de Jean-Jacques . C'est bien dommage de la tragédie de Socrate soit un ouvrage détestable, mais on ne peut le faire bon et jouable . On trouve les remontrances du p[ar]l[emen]t un libelle séditieux, mais je ne me mêle pas de ces affaires-là .

Orate fratres et vigilate 6.

Ecr l'inf. »

1 L'édition Correspondance littéraire donne le texte de cette lettre suivi d'une « Épître aux fidèles, par le grand apôtre des Délices » ; voir lettre du 15 mai 1763 à Helvétius : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/05/11/quelle-plus-belle-vengeance-a-prendre-de-la-sottise-et-de-la-6050586.html

2 Priez frères .

3 Sur cet ouvrage, voir lettre du 8 décembre 1760 à Thieriot : « L'Oracle des anciens fidèles, pour servir de suite et d'éclaircissement à la sainte Bible, Berne , 1760, de Simon Bigex . V* désigne le véritable auteur dans sa lettre à Damilaville du 12 juillet 1763 ; l'attribution qu'il fait ici de l’ouvrage est-elle une plaisanterie ? Sur Bigex, voir Louis Bouvier :  « Simon Bigex, secrétaire de Voltaire », Revue savoisienne, Annecy, 15 novembre 1863, IV, 85-87 . »

5 On verra bientôt que V* engagea à son service ce Bugex, dont le nom, quelque peu transformé en Bigex, lui servit parfois de pseudonyme .

6 Priez frères et soyez vigilants .

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28/06/2018 | Lien permanent

qui sont les examinateurs ? quelles mesures prend-on ?

... Ô Bac sacré, combien d'heureux fais-tu cette année  ? à combien de buggs as-tu donné naissance ?

https://www.bfmtv.com/societe/education/en-direct-bac-202...

La CGT Éduc'action combattra la dévalorisation du baccalauréat | CGT  Educ'Action Académie de Nantes

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

4 avril 1766 1

Mon cher ami, il n’y a qu’une pauvre petite lettre à la poste d’Italie pour M. d’Alembert. Je la lui ai envoyée dans un paquet adressé à M. d’Argental, qui demeure dans son quartier.

Je saurai demain si vous avez reçu une lettre adressée  à Monsieur d’Auch 2, ou plutôt à frère Patouillet, auquel il n’a fait que prêter son nom.

M. Thomas m’a envoyé l’Éloge de Mgr le dauphin 3. Il y a de l’éloquence et de la philosophie. Il n’est pas vraisemblable qu’il ait attribué à ce prince des qualités et des connaissances qu’il n’aurait pas eues ; il se serait décrédité auprès des honnêtes gens. Enfin, de tout ce que j’ai lu sur ce triste événement, il est le seul qui m’ait instruit et qui m’ait fait plaisir. Il y a quelques défauts dans son ouvrage ; mais, en général, c’est un homme qui pense beaucoup, et qui peint avec la parole.

En lisant le Dictionnaire, je m’aperçois que le chevalier de Jaucourt en a fait les trois quarts 4. Votre ami 5 était donc occupé ailleurs ? Mais, par charité, dites-moi pourquoi ce livre, qui, à mon gré, est nécessaire au monde, n’est pas encore entre les mains des souscripteurs ? Au nom de qui l’examine-t-on ? qui sont les examinateurs ? quelles mesures prend-on ?

Vous m’aviez bien dit que la comédie 6 que vous m’aviez envoyée était meilleure à voir qu’à lire. Bonsoir, mon très-cher philosophe. »

1 L'édition Correspondance littéraire, philosophique et critique, de Grimm, n'identifie pas le destinataire .

2 De la Lettre pastorale à M. l’archevêque d’Auch, J. -F. Montillet ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome25.djvu/479

Voir lettre du 24 mars 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/06/29/persequitur-pede-poena-claudo-le-chatiment-poursuit-le-crime-6324372.html

Il faut manifestement lire ensuite n'a fait et non n'avait comme le portent les copies et l'édition Besterman.

3 Voltaire publia peu après un Petit Commentaire sur cet ouvrage de Thomas ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome25.djvu/481

4 Sur la participation de Jaucourt à l'Encyclopédie que Richard N. Schwab estime à 15 000 articles dans son Inventory of Diderot's Encyclopédie, 1972, voir aussi J. Lough, « Louis, chevalier de Jaucourt » dans les Essays Presented to C. M. Girdlestone, 1960 .

5 Diderot .

6 Le Philosophe sans le savoir, de Sedaine.

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07/07/2021 | Lien permanent

il importe beaucoup que les juges ne s'accoutument pas à se jouer de la vie des hommes

... Qu'en dites-vous Me Dupont-Moretti ?

 

« A Etienne-Noël Damilaville

27 janvier 1768 1

Mon cher ami, il y a deux points importants dans votre lettre du 18, celui de M. le duc de Choiseul et celui de M. d'Ormesson. Je pris liberté d'écrire [à] M. le duc de Choiseul, il y a plus de deux mois, à la fin d'une lettre de six pages , ces propres paroles « J'aurais encore la témérité de supplier de recommander un mémoire d'un de mes amis intimes à monsieur le contrôleur général, si je ne craignais que la dernière aventure de monsieur le chancelier ne vous eût dégoûté. Mais, si vous m'en donnez la permission, j'aurai l'honneur de vous envoyer le mémoire ; c'est pour une chose très juste, et il ne s'agit que de lui faire tenir sa promesse. » M. le duc de Choiseul ne m'a point fait de réponse à cet article.

Quant à M. d'Ormesson, puisque vous m'apprenez qu'il est le fils de celui que j'avais connu autrefois, je lui écris une lettre qui ne peut faire aucun mal, et qui peut faire quelque bien. En voici la copie 2.

A l'égard des nouveautés de Hollande, que M. Brossier 3 peut vous faire tenir pour votre petite bibliothèque, il m'a dit qu'il ne pouvait vous les envoyer dans les circonstances présentes qu'autant qu'il serait sûr que vous les recevriez : il craint qu'il n'y en ait quelques-unes de suspectes, et qu'elles ne vous causent quelques chagrins. Comme j'ignore absolument de quoi il s'agit, je ne puis vous en dire davantage.

Notre peine, mon cher ami, ne sera pas perdue, si M. Chardon rapporte enfin l'affaire de Sirven. Que ce soit en janvier ou en février, il n'importe ; mais il importe beaucoup que les juges ne s'accoutument pas à se jouer de la vie des hommes.

On dit qu'il y a en Hollande une relation du procès et de la mort du chevalier de La Barre, avec le précis de toutes les pièces adressées au marquis Beccaria 4. On prétend qu'elle est faite par un avocat au Conseil ; mais on attribue souvent de pareilles pièces à des gens qui n'y ont pas la moindre part. Cela est horrible. Les gens de lettres se trahissent tous les uns les autres par légèreté. Dès qu'il paraît un ouvrage, ils crient tous :C'est de lui! c'est de lui! Ils devraient crier au contraire Ce n'est pas de lui, ce n'est pas de lui! Les gens de lettres, mon cher ami, se font plus de mal que ne leur en font les fanatiques. Je passe ma vie à pleurer sur eux.

Adieu! Consolons-nous l'un l'autre de loin, puisque nous ne pouvons nous consoler de près.

M. Brossier enverra incessamment ce que vous demandez 5.

Voici une lettre d'une fille de Sirven pour son père »

1Une copie du XIXè siècle a été faite d'après édition C. L. suivie ici .

2 Cette lettre manque et sa copie aussi .

3 Sans doute Boursier .

5A propos de cette phrase, Beuchot qui reproduit la première édition, prétend qu'il avait en main une copie contemporaine avec la signature « Ecrlinf », accompagnée d'une note : « Comme le patriarche s'était accoutumé à signer toutes ses lettres par abréviature Ecrlinf, les commis de la poste, occupés à lire les lettres des honnêtes gens pour leur instruction et pour celle du gouvernement, s’étaient imaginé pendant longtemps que ces lettres étaient d'un M. Ecrlinf demeurant en Suisse ». Tout ceci serait peut-être plausible si toutes les lettres de V* étaient signées « Ecrlinf », ce qui est loin d'être le cas . En outre les commis en question n'étaient nullement aussi stupides que le prétend la note . Ils n'avaient , depuis longtemps, aucun mal à identifier et à déchiffrer les lettres de V*.

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29/08/2023 | Lien permanent

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