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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Les libraires sont comme les prêtres, ils se ressemblent tous, il n'y en a aucun qui ne sacrifiât son père et sa mère à

... Notons bien qu'il ne s'agit pas ici des libraires qui vendent les livres, -gens honorables et que j'aime,- mais au sens ancien, ceux qui éditaient les livres et se fichaient complètement des auteurs . De nos jours, ceux qui se rapprochent le plus de cette définition tranchante de Voltaire, sont les éditeurs de la presse people,  et à scandales, chacals modernes incontestablement .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

13 février 1763 1

Mme Denis étant malade, le jeune Dupuits et Marie Corneille étant très occupés de leur premier devoir , qui n'est pas tout à fait d'écrire, moi, l'aveugle V. entouré de quatre pieds de neige, je dicte la réponse à la lettre de Mme d'Argental, du 7 de février : et voici comme je m'y prends .

Cujas 2, Charles Dumoulin 3, Tiraqueau 4, n'auraient jamais parlé plus doctement et plus solidement de la validité d'un contrat 5 et nous tombons d'accord de tout ce qu'y disent nos anges . Je n’ai point vu le modèle de consentement paternel que Mme Denis avait envoyé à Mme d'Argental ; elle écrit quelquefois sans daigner me consulter . Je ne sais quel est l'âne qui lui avait donné ce beau modèle de consentement . Le contrat est dressé dans toutes les règles, et le mariage fait dans toutes les formes, les deux amants très heureux, les parents enchantés, et à nos neiges près, tout va le mieux du monde . Ce qu'il y a de bon, c'est que quand même les souscriptions ne rendraient pas ce qu'on a espéré, le conjoint et la conjointe jouiraient encore d'un sort très agréable . Il ne nous reste donc qu'à nous mettre aux pieds de nos anges, et à les remercier du fond de notre cœur .

S'ils veulent s'amuser de cette horrible feuille qui devait tant déplaire à Messieurs, la voici . Elle est un peu contre ma conscience . Je veux bien que le coadjuteur sache qu'on trouve à la feuille suivante, qu'un des messieurs qui avait été traité avec plus de sévérité que les autres, fonda dans son abbaye à perpétuité, une messe pour la conservation du roi 6. J'ai cru ce trait digne d'être remarqué, j'ai cru qu'il peignait nos mœurs, et il y a environ douze batailles dont je n'ai point parlé, Dieu merci, parce que j'écris l'histoire de l'esprit humain, et non pas une gazette .

Je ne doute pas que vous n'ayez la petite addition à l'Histoire générale, sous le nom d’Éclaircissements historiques 7 ; il ne m'importe guère qu'il y en ait un peu ou beaucoup d'exemplaires répandus ; cela n'est bon d'ailleurs que pour un certain nombre de personnes qui sont au fait de l'histoire, le reste de Paris n'étant qu'au fait des romans .

Passons de l'histoire au tripot . Mon avis est que ce carême on donne Zulime suivant la petite leçon que j'ai envoyée ; pendant ce temps-là j'achèverai une belle lettre scientifique sur l'amour, j'entends l'amour du théâtre, dédiée à Mlle Clairon .

Au reste , le débit de Zulime est un très mince objet, et je doute qu’il se trouve un libraire qui en donne cinq cents livres ; encore voudra-t-il un abandon de privilège, comme a fait ce petit misérable Prault, ce qui gêne extrêmement l'impression du théâtre de V. Les libraires sont comme les prêtres, ils se ressemblent tous, il n'y en a aucun qui ne sacrifiât son père et sa mère à un petit intérêt typographique .

Je pense qu'il ne serait pas mal de faire un petit volume de Zulime, Mariamne, Olympie, Le Droit du seigneur 8, et d'exiger du libraire qu'il donnât une somme honnête à Mlle Clairon et à Lekain, soit que ce libraire fût Cramer, soit un autre .

Mais mes anges ne me parlent jamais de ce qui se passe dans le royaume du tripot ; ils ne me disent point si Mlle Dupuis et M. Desronais enchantent tout Paris ; si Goldoni est venu apporter en France la véritable comédie ; si l'opéra-comique est toujours le spectacle des nations ; s'il est vrai qu'il y a deux jésuites qui vendent de l'orviétan sur le Pont-Neuf . Jamais mes anges ne me disent rien ni des livres nouveaux, ni des nouvelles sottises, ni de tout ce qui peut amuser les honnêtes gens ; rien sur l'abbé de Voisenon, rien même sur les Calas, objet très important, dont je n'ai aucune notion depuis huit jours . Cela n'empêche pas que je ne baise avec transport le bout des ailes de mes anges .

Nous demandons pardon à mes anges des ratures de mon épître, mais je suis accablé d'affaires .

V. »

1 L'édition de Kehl donne par mégarde Damilaville pour correspondant, et omet le dernier paragraphe, ainsi que les éditions suivantes .

2 Jacques Cujas, savant éditeur du Corpus juris civilis, et autres recueils de lois . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Cujas

et : http://data.bnf.fr/13008755/jacques_cujas/

3 Dumoulin est un fameux historien du droit français, souvent cité à côté de Barthole ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Dumoulin

et : http://data.bnf.fr/12198126/charles_du_moulin/

4 André Tiraqueau est l'auteur de traités de jurisprudence ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Tiraqueau

et : http://data.bnf.fr/12095542/andre_tiraqueau/

6 Ce passage fut ultérieurement transféré au chapitre XXXVII du Précis du siècle de Louis XV ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Pr%C3%A9cis_du_si%C3%A8cle_de_Louis_XV/Chapitre_37

7 Ceux-ci sont signalés comme imprimés par une lettre d'un des inspecteurs de la librairie, Picquet, à Malesherbes, le 29 janvier 1763 .

8 V* reprit l'idée dans la lettre du 21 février 1763 à d'Argental [http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-8.html ] et il y revint , et il semble ( voir lettre du 13 juin 1763 au même ) que le volume parut finalement, ne comprenant qu'Olympie, Zulime et Le Droit du seigneur . C'est peut-être le Supplément aux œuvres dramatiques de Voltaire, in-8°, mentionné par Quérard dans sa Bibliographie voltairienne , 1842 , voir : https://books.google.ru/books?id=Zu8-AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

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10/01/2018 | Lien permanent

apparemment que les condamnés, étant dûment confessés, s’en vont droit en paradis

... Serait-ce la seule excuse qu'ait trouvée Donald Trump pour n'accorder ni sursis ni grâce en sa fin de règne de mégalomane ? Sans être particulièrement méchant, j'en viens à lui souhaiter de choper une bonne vieille maladie incurable pour voir ce que ça fait d'être condamné à mort , à petit feu, pour ce joueur de golf se retrouver dans le trou à mille au dessus du par !

Pour mémoire (triste ): https://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/etats-unis-u...

 

 

 

« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont

26 septembre 1765 1

Vous entreprenez, monsieur, un ouvrage digne de vous, en essayant de réformer la jurisprudence criminelle. Il est certain qu’on fait trop peu de cas en France de la vie des hommes. On y suppose apparemment que les condamnés, étant dûment confessés, s’en vont droit en paradis. Je ne connais guère que l’Angleterre où les lois semblent plus faites pour épargner les coupables que pour sacrifier l’innocence. Croyez que partout ailleurs la procédure criminelle est fort arbitraire.

Le roi de Prusse a fait un petit code intitulé le code selon la raison 2, comme si le digeste était selon la folie .

Mais, dans ce code, le criminel est oublié. Le meilleur usage établi en Prusse, comme dans toute l’Allemagne et en Angleterre, est qu’on n’exécute personne sans la permission expresse du souverain. Cette coutume était établie en France autrefois. On est un peu trop expéditif chez vous : on y roue les gens de broc en bouche 3, avant que le voisinage même en soit informé ; et les cas les plus graciables échappent à l’humanité du souverain.

J’ai écrit en Suisse, selon vos ordres. Je ne peux mieux faire que de vous envoyer la réponse de M. de Correvon, magistrat de Lausanne . Mais vous trouverez sûrement plus de lumières dans vous que dans les jurisconsultes étrangers.

Voilà un beau champ pour votre éloquence. La rage d’accuser en Languedoc les pères de tuer les enfants subsiste toujours. Un enfant meurt d’une fièvre maligne à Montpellier . Le médecin va voyager . Pendant son voyage, on accuse le père d’avoir assassiné son fils. On allait le condamner, lorsque le médecin arrive, parle aux juges, les fait rougir, et le père prend actuellement les juges à partie. Cette aventure pourrait bien mériter un épisode dans votre mémoire. Je vais écrire au médecin pour savoir le nom de ce brave père. Adieu, monsieur , j’ai le malheur de n’avoir vu ni madame de Beaumont ni vous, mais j’ai le bonheur de vous aimer tous deux de tout mon cœur.

V.



A l’égard des Sirven, M. de Lavaysse me mande que l’ordonnance du parlement de Toulouse, portant permission à un juge subalterne d’effigier 4 son prochain, n’est point regardée comme une confirmation de sentence. Voilà, je vous l’avoue, une singulière logomachie. Quoi ! la permission de déshonorer un homme, et de confisquer son bien, n’est pas un jugement ! Le parlement donne donc cette licence au hasard ! Ou la sentence lui paraît juste ou inique , il en ordonne l’exécution . Il confirme donc la justice ou l’iniquité. Il ne peut ordonner cette exécution qu’en connaissance de cause. De bonne foi est-ce une simple affaire de style d’ordonner la ruine et la honte d’une famille ? »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais insère le post scriptum dans le corps de la lettre .

3 Expression procédant de de broche en bouche, qui se comprend simplement . La forme qu'on a ici se trouve déjà chez Rabelais, issue de la forme picarde de broche (broque), interprétée à tort comme broc .

4 Exécution en effigie .

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26/01/2021 | Lien permanent

rire, et même faire rire ! Si on n’avait pas ce palliatif contre les misères, les sottises atroces, et même les horreurs

... que voulez-vous ? on n’est pas assez fort pour combattre les tigres..."

Guillaume Meurice a payé son insolence : https://www.ladepeche.fr/2024/05/07/guillaume-meurice-sus...

Pauvre France, on ne peut plus rire de tout , soupe à la grimace du matin au soir, sale régime allégé : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/et-main...

 

 

 

« A Gabriel-Henri Gaillard

2è mars 1769

Ombre adorée, ombre sans doute heureuse !  1

Parbleu, il faut que vous ayez lu la Canonisation de saint Cucufin, faite il y a deux ans par le pape Rezzonico. L’auteur qui a écrit la relation de la fête de saint Cucufin propose hardiment de fêter saint Henri IV. Pour moi, monsieur, je vous avertis que je vous dénoncerai à la Sorbonne. Comment, Henri IV sauvé, lui qui était en péché mortel ! lui qui est mort amoureux de la princesse de Condé 2 ! lui qui est mort sans sacrements ! Je vous réponds que Ribaudier et Coger pecus vous laveront la tête, et Christophe vous savonnera. C’est Ravaillac qui est sauvé, entendez-vous : car il a été bien confessé ; et d’ailleurs la Sorbonne, ayant fait un saint de Jacques Clément, pourrait-elle refuser une apothéose à François Ravaillac, fût-elle en mauvais latin ? J’espère que vous reviendrez de vos mauvais principes. Il serait bien triste qu’un homme si éloquent errât dans la foi.

Vous me parlez de certaines petites folies : il est bon de n’être pas toujours sur le ton sérieux, qui est fort ennuyeux à la longue dans notre chère nation. Il faut des intermèdes. Heureux les philosophes qui peuvent rire, et même faire rire ! Si on n’avait pas ce palliatif contre les misères, les sottises atroces, et même les horreurs dont on est quelquefois environné, où en serait-on ? Les Sirven passent encore leur vie sous mes yeux, dans les déserts, jusqu’à ce que je puisse les envoyer à Toulouse, où les mœurs, grâce au ciel, se sont un peu adoucies. Mais qui osera passer par Abbeville ? Enfin que voulez-vous ? on n’est pas assez fort pour combattre les tigres, il faut quelquefois danser avec les singes.

Le mari de Mlle Corneille est arrivé ; mais les malles où sont les horreurs ecclésiastiques de François Ier 3 sont encore en arrière. Dieu merci, je n’aime aucun de ces gens-là. Il faut avouer qu’on vaut mieux aujourd’hui qu’alors. Il s’est fait dans l’esprit humain une étrange révolution depuis quinze ans. L’Europe a redemandé à grands cris le sang des Sirven et des Calas ; et tous les hommes d’État, depuis Archangel jusqu’à Cadix, foulent aux pieds la superstition. Les jésuites sont abolis, les moines sont dans la fange. Encore quelques années, et le grand jour viendra après un si beau matin. Quand les échafauds sont dressés à Toulouse et à Abbeville 4, je suis Héraclite ; quand on se saisit d’Avignon 5, je suis Démocrite 6 . Voilà le mot de l’énigme. Je vous embrasse, mon cher Tite-Live ; je vous répète que je vous aime autant que je vous estime.

V. »

1 C’est une phrase vers la fin de la péroraison de l’Éloge de Henri IV, par Gaillard.

Voir page 70 : https://books.google.ru/books?id=PXWZTeUP8ykC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q=ombre%20ador%C3%A9e&f=false

2 Charlotte de La Trémoille, femme du prince Henri de Condé : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charlotte-Catherine_de_La_Tr%C3%A9moille

3 Histoire de François Ier, roi de France, 1766-1769 , de Gaillard, qui finit par comprendre huit volumes . Voir : https://books.google.ru/books?id=9FEPAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

5 Sur la saisie d’Avignon, voir lettre du 11 juin 1768 à Mme Denis et Mme Dupuits : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/01/29/agathe-rit-elle-toujours-6482666.html

6 Voir la fin de Jean qui pleure et qui rit : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome9.djvu/568

Le philosophe grec Héraclite passait pour pleurer de tout et Démocrite pour rire de tout . Mais plus précisément on est tenté de penser que V* fait allusion à Jean qui pleure et Jean qui rit, (publié en 1774), qui aurait déjà été composé à cette époque . On y lit en effet :

Et le plus triste Héraclite

Redevient un Démocrite

Lorsque ses affaires vont mieux .

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05/09/2024 | Lien permanent

C'est le gouvernement qui change les mœurs, qui élève ou abaisse les nations.

... Autant que possible, comme dirigeants, éviter les lapins-crétins

 

lapin crétin.jpg

 

 

« A Maurice PILAVOINE,
à Pondichéry
Au château de Ferney,

le 23 avril [1760].
Mon cher et ancien camarade, vous ne sauriez croire le plaisir que m'a fait votre lettre 1. Il est doux de se voir aimé à quatre mille lieues de chez soi. Je saisis ardemment l'offre que vous me faites de cette histoire manuscrite de l'Inde. J'ai une vraie passion de connaître à fond le pays où Pythagore est venu s'instruire.
Je crois que les choses ont bien changé depuis lui, et que l'université de Jaganate 2 ne vaut point celles d'Oxford et de Cambridge. Les hommes sont nés partout à peu près les mêmes, du moins dans ce que nous connaissons de l'ancien monde. C'est le gouvernement qui change les mœurs, qui élève ou abaisse les nations.
Il y a aujourd'hui des récollets dans ce même Capitole où triompha Scipion, où Cicéron harangua.
Les Égyptiens, qui instruisirent autrefois les nations, sont aujourd'hui de vils esclaves des Turcs. Les Anglais, qui n'étaient, du temps de César, que des barbares allant tout nus, sont devenus les premiers philosophes de la terre, et, malheureusement pour nous, sont les maîtres du commerce et des mers. J'ai bien peur que dans quelque temps ils ne viennent vous faire une visite; mais M. Dupleix les a renvoyés, et j'espère que vous les renverrez de même. Je m'intéresse à la Compagnie, non-seulement à cause de vous, mais parce que je suis Français, et encore parce que j'ai une partie de mon bien sur elle. Voilà trois bonnes raisons qui m'affligent pour la perte de Masulipatan. 3
J'ai connu beaucoup MM. de Lally 4 et de Soupire 5; celui-ci est venu me voir à mon petit ermitage auprès de Genève avant de partir pour l'Inde ; c'est à lui que j'adressai ma lettre 6 pour vous à Surate. N'imputez cette méprise qu'au souvenir que j'ai toujours conservé de vous. Je pense toujours à Maurice Pilavoine, de Surate ; c'était ainsi qu'on vous appelait au collège, où nous avons appris ensemble à balbutier du latin, qui n'est pas, je crois, d'un fort grand secours dans l'Inde. Il vaut mieux savoir la langue du Malabar.
Je serais curieux de savoir s'il reste encore quelque trace de l'ancienne langue des brachmanes. Les bramines d'aujourd'hui se vantent de la savoir; mais entendent-ils leur Veidam?7 Est-il vrai que les naturels de ce pays sont naturellement doux et bienfaisants? Ils ont du moins sur nous un grand avantage, celui de , n'avoir aucun besoin de nous, tandis que nous allons leur demander du coton, des toiles peintes, des épiceries, des perles et des diamants, et que nous allons, par avarice, nous battre à coups de canon sur leurs côtes.
Pour moi, je n'ai point encore vu d'Indien qui soit venu livrer bataille à d'autres Indiens, en Bretagne et en Normandie, pour obtenir, le crisk 8 à la main, la préférence de nos draps d'Abbeville et de nos toiles de Laval.
Ce n'est pas assurément un grand malheur de manquer de pêches, de pain, et de vin, quand on a du riz, des ananas, des citrons, et des cocos 9. Un habitant de Siam et du Japon ne regrette point le vin de Bourgogne. J'imite tous ces gens-là ; je reste chez moi ; j'ai de belles terres, libres et indépendantes, sur la frontière de France. Le pays que j'habite est un bassin d'environ vingt lieues, entouré de tous côtés de montagnes ; cela ressemble en petit au royaume de Cachemire. Je ne suis seigneur que de deux paroisses, mais j'ai une étendue de terrain très-considérable. Les pêches, dont vous me paraissez faire tant de cas, sont excellentes chez moi ; mes vignes mêmes produisent d'assez bon vin. J'ai bâti dans une de mes terres un château qui n'est que trop magnifique pour ma fortune ; mais je n'ai pas eu la sottise de me ruiner pour avoir des colonnes et des architraves. J'ai auprès de moi une partie de ma famille, et des personnes aimables qui me sont attachées. Voilà ma situation, que je ne changerais pas contre les plus brillants emplois. Il est vrai que j'ai une santé très-faible, mais je la soutiens par le régime. Vous êtes né, autant qu'il m'en souvient, beaucoup plus robuste que moi, et je m'imagine que vous vivrez autant qu'Aurengzeb 10. Il me semble que la vie est assez longue dans l'Inde, quand on est accoutumé aux chaleurs du pays.
On m'a dit que plusieurs rajas et plusieurs omras 11 ont vécu près d'un siècle ; nos grands seigneurs et nos rois n'ont pas encore trouvé ce secret. Quoi qu'il en soit, je vous souhaite une vie longue et heureuse. Je présume que vos enfants vous procureront une vieillesse agréable. Vous devez sans doute vivre avec beaucoup d'aisance ; ce ne serait pas la peine d'être dans l'Inde pour n'y être pas riche. Il est vrai que la Compagnie ne l'est point : elle ne s'est pas enrichie par le commerce, et les guerres l'ont ruinée ; mais un membre du conseil 12 ne doit pas se sentir de ces infortunes.
Je vous prie de m'instruire de tout ce qui vous regarde, de la vie que vous menez, de vos occupations, de vos plaisirs, et de vos espérances. Je m'intéresse véritablement à vous, et je vous prie de croire que c'est du fond de mon cœur que je serai toute ma vie, monsieur, votre, etc. »

1 Elle ne nous est pas parvenue, mais voir la lettre du 25 septembre 1758 à Pilavoine : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/04/tout-amoureux-que-je-suis-de-ma-liberte-cette-maitresse-ne-m.html

2 Jaganath ou Puti, dans la province d'Orissa est un sanctuaire fameux (Jaggernaur) ; V* mentionne son « université » dans la Lettre civile et honnête : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65298757

4 Thomas-Arthur, comte de Lally, né à Romans en 1702, décapité le 9 mai 1766; voir lettre du 15 février 1760 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/02/13/ces-occupations-sont-satisfaisantes-combien-elles-consolent-5558459.html

5 Maréchal de camp de Lally depuis le mois de novembre 1756; cité dans les Fragments historiques sur l'Inde, tome XXIX, page 139.

6 Lettre du 25 septembre 1758 à Pilavoine : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/04/t... . Pilavoine résidait à Pondichéry .

7 Écrit en sanscrit védique, l'une des variétés de sanscrit . Sur l'intérêt grandissant de V* pour ces problèmes, voir notamment, dans les Romans et contes, la Notice relative aux Lettres d'Amabed

8 Criss ou crid, poignard dont se servent les Malais, sorte de coutelas ou épée ..

9 Le thème suivant lequel les richesses naturelles des Indes rendent leurs habitants pacifiques, à la différence des Européens, reviendra souvent chez V*, notamment dans La Princesse de Babylone et dans les Lettres d'Amabed ; on y verra que la conception spécifiquement « orientale » de ces deux contes doit beaucoup à la période 1760-1761 .

10 L'empereur mongol Aurengzeb était mort en 1707 à quatre-vingt-neuf ans ; V* lui en donné généreusement cent trois dans l'Essai sur les mœurs et plus de cent cinq sur sa lettre du 15 août 1760 au roi Stanislas . : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f528.image.r=4230

11 Le mot omrah désignant les hauts dignitaires indiens est d'origine ourdou ; V* le reprendra dans ses contes .

12 Le Conseil de la Compagnie des Indes, siégeant à Pondichéry ; sur ses origines et attributions, voir Robert Challe dans Journal de Voyage aux Indes (Mercure de France, 1979)

 

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22/04/2015 | Lien permanent

Les hommes sont nés partout à peu près les mêmes, du moins dans ce que nous connaissons de l'ancien monde. C'est le gouv

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« A Maurice PILAVOINE,
à Pondichéry
Au château de Ferney,

le 23 avril [1760].
Mon cher et ancien camarade, vous ne sauriez croire le plaisir que m'a fait votre lettre 1. Il est doux de se voir aimé à quatre mille lieues de chez soi. Je saisis ardemment l'offre que vous me faites de cette histoire manuscrite de l'Inde. J'ai une vraie passion de connaître à fond le pays où Pythagore est venu s'instruire.
Je crois que les choses ont bien changé depuis lui, et que l'université de Jaganate 2 ne vaut point celles d'Oxford et de Cambridge. Les hommes sont nés partout à peu près les mêmes, du moins dans ce que nous connaissons de l'ancien monde. C'est le gouvernement qui change les mœurs, qui élève ou abaisse les nations.
Il y a aujourd'hui des récollets dans ce même Capitole où triompha Scipion, où Cicéron harangua.
Les Égyptiens, qui instruisirent autrefois les nations, sont aujourd'hui de vils esclaves des Turcs. Les Anglais, qui n'étaient, du temps de César, que des barbares allant tout nus, sont devenus les premiers philosophes de la terre, et, malheureusement pour nous, sont les maîtres du commerce et des mers. J'ai bien peur que dans quelque temps ils ne viennent vous faire une visite; mais M. Dupleix les a renvoyés, et j'espère que vous les renverrez de même. Je m'intéresse à la Compagnie, non-seulement à cause de vous, mais parce que je suis Français, et encore parce que j'ai une partie de mon bien sur elle. Voilà trois bonnes raisons qui m'affligent pour la perte de Masulipatan. 3
J'ai connu beaucoup MM. de Lally 4 et de Soupire 5; celui-ci est venu me voir à mon petit ermitage auprès de Genève avant de partir pour l'Inde ; c'est à lui que j'adressai ma lettre 6 pour vous à Surate. N'imputez cette méprise qu'au souvenir que j'ai toujours conservé de vous. Je pense toujours à Maurice Pilavoine, de Surate ; c'était ainsi qu'on vous appelait au collège, où nous avons appris ensemble à balbutier du latin, qui n'est pas, je crois, d'un fort grand secours dans l'Inde. Il vaut mieux savoir la langue du Malabar.
Je serais curieux de savoir s'il reste encore quelque trace de l'ancienne langue des brachmanes. Les bramines d'aujourd'hui se vantent de la savoir; mais entendent-ils leur Veidam?7 Est-il vrai que les naturels de ce pays sont naturellement doux et bienfaisants? Ils ont du moins sur nous un grand avantage, celui de , n'avoir aucun besoin de nous, tandis que nous allons leur demander du coton, des toiles peintes, des épiceries, des perles et des diamants, et que nous allons, par avarice, nous battre à coups de canon sur leurs côtes.
Pour moi, je n'ai point encore vu d'Indien qui soit venu livrer bataille à d'autres Indiens, en Bretagne et en Normandie, pour obtenir, le crisk 8 à la main, la préférence de nos draps d'Abbeville et de nos toiles de Laval.
Ce n'est pas assurément un grand malheur de manquer de pêches, de pain, et de vin, quand on a du riz, des ananas, des citrons, et des cocos 9. Un habitant de Siam et du Japon ne regrette point le vin de Bourgogne. J'imite tous ces gens-là ; je reste chez moi ; j'ai de belles terres, libres et indépendantes, sur la frontière de France. Le pays que j'habite est un bassin d'environ vingt lieues, entouré de tous côtés de montagnes ; cela ressemble en petit au royaume de Cachemire. Je ne suis seigneur que de deux paroisses, mais j'ai une étendue de terrain très-considérable. Les pêches, dont vous me paraissez faire tant de cas, sont excellentes chez moi ; mes vignes mêmes produisent d'assez bon vin. J'ai bâti dans une de mes terres un château qui n'est que trop magnifique pour ma fortune ; mais je n'ai pas eu la sottise de me ruiner pour avoir des colonnes et des architraves. J'ai auprès de moi une partie de ma famille, et des personnes aimables qui me sont attachées. Voilà ma situation, que je ne changerais pas contre les plus brillants emplois. Il est vrai que j'ai une santé très-faible, mais je la soutiens par le régime. Vous êtes né, autant qu'il m'en souvient, beaucoup plus robuste que moi, et je m'imagine que vous vivrez autant qu'Aurengzeb 10. Il me semble que la vie est assez longue dans l'Inde, quand on est accoutumé aux chaleurs du pays.
On m'a dit que plusieurs rajas et plusieurs omras 11 ont vécu près d'un siècle ; nos grands seigneurs et nos rois n'ont pas encore trouvé ce secret. Quoi qu'il en soit, je vous souhaite une vie longue et heureuse. Je présume que vos enfants vous procureront une vieillesse agréable. Vous devez sans doute vivre avec beaucoup d'aisance ; ce ne serait pas la peine d'être dans l'Inde pour n'y être pas riche. Il est vrai que la Compagnie ne l'est point : elle ne s'est pas enrichie par le commerce, et les guerres l'ont ruinée ; mais un membre du conseil 12 ne doit pas se sentir de ces infortunes.
Je vous prie de m'instruire de tout ce qui vous regarde, de la vie que vous menez, de vos occupations, de vos plaisirs, et de vos espérances. Je m'intéresse véritablement à vous, et je vous prie de croire que c'est du fond de mon cœur que je serai toute ma vie, monsieur, votre, etc. »


 

 



1 Elle ne nous est pas parvenue, mais voir la lettre du 25 septembre 1758 à Pilavoine : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/04/tout-amoureux-que-je-suis-de-ma-liberte-cette-maitresse-ne-m.html

 

2 Jaganath ou Puti, dans la province d'Orissa est un sanctuaire fameux (Jaggernaur) ; V* mentionne son « université » dans la Lettre civile et honnête : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65298757

4 Thomas-Arthur, comte de Lally, né à Romans en 1702, décapité le 9 mai 1766; voir lettre du 15 février 1760 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/02/13/ces-occupations-sont-satisfaisantes-combien-elles-consolent-5558459.html

5 Maréchal de camp de Lally depuis le mois de novembre 1756; cité dans les Fragments historiques sur l'Inde, tome XXIX, page 139.

6 Lettre du 25 septembre 1758 à Pilavoine : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/04/t... . Pilavoine résidait à Pondichéry .

7 Écrit en sanscrit védique, l'une des variétés de sanscrit . Sur l'intérêt grandissant de V* pour ces problèmes, voir notamment, dans les Romans et contes, la Notice relative aux Lettres d'Amabed

8 Criss ou crid, poignard dont se servent les Malais, sorte de coutelas ou épée ..

9 Le thème suivant lequel les richesses naturelles des Indes rendent leurs habitants pacifiques, à la différence des Européens, reviendra souvent chez V*, notamment dans La Princesse de Babylone et dans les Lettres d'Amabed ; on y verra que la conception spécifiquement « orientale » de ces deux contes doit beaucoup à la période 1760-1761 .

10 L'empereur mongol Aurengzeb était mort en 1707 à quatre-vingt-neuf ans ; V* lui en donné généreusement cent trois dans l'Essai sur les mœurs et plus de cent cinq sur sa lettre du 15 août 1760 au roi Stanislas . : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f528.image.r=4230

11 Le mot omrah désignant les hauts dignitaires indiens est d'origine ourdou ; V* le reprendra dans ses contes .

12 Le Conseil de la Compagnie des Indes, siégeant à Pondichéry ; sur ses origines et attributions, voir Robert Challe dans Journal de Voyage aux Indes (Mercure de France, 1979)

 

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23/04/2015 | Lien permanent

la place que j'abandonne Ne sera prise par personne Qui n'ait pissé sur son mouchoir

... ??? Mystère !

Est-ce ainsi que se passe le relais entre ministres et présidents ? Qui est chargé de contrôler le susdit mouchoir ? Est-ce comme pour le drap taché du sang de la jeune mariée, avec exposition à la fenêtre du ministère ou de l'Elysée ? Otez moi d'un doute lancinant , je veux, je dois savoir ...

mouchoir toilette.jpg

 

 

 

A M. Nicolas-Claude THIERIOT.

chez madame la comtesse de Montmorency,

rue Vivienne

à Paris

Aux Délices, 8 mai [1758].

Mon cher et ancien ami, il me paraît qu'on n'est pas plus instruit du secret de l'historiographe de toutes les Russies que de celui de la Pucelle. Ce sont les mystères de mon gouvernement. Si vous voulez y être initié, vous n'avez qu'à venir dans ma chancellerie mais je suis bien sûr qu'on ne quitte point de jeunes et belles et brillantes baronnes chrétiennes 1 pour des Suisses hérétiques.

L'énigme de Mme la duchesse d'Orléans 2 est une attrape-Foncemagne. Ce n'est pas la première fois que les belles se sont moquées des savants. Voici comme on pourrait lui répondre, en assez mauvais vers

Votre énigme n'a point de mot;

Expliquer chose inexplicable,

Est ou d'un docteur ou d'un sot

L'un et l'autre est assez semblable.

Mais si l'on donne à deviner

Quelle est la princesse adorable

Qui sur les cœurs sait dominer

Sans chercher cet empire aimable,

Pleine de goût sans raisonner,

Et d'esprit sans faire l'habile,

Cette énigme peut étonner,

Mais le mot n'est pas difficile.

Je serai fort aise que Marmontel, qui a certainement de l'esprit et du talent, et qu'on a dégoûté fort mal à propos, ait au moins le bénéfice du Mercure 3. Ce sera un antidote contre les poisons de Fréron.

Je doute fort que ceux qui vous ont dit que Fréret a mis Newton en poudre soient des connaisseurs. J'ai lu autrefois le manuscrit de Fréret 4 il fut composé avant que le système de Newton fût imprimé. Fréret et le jésuite Souciet 5, autre savantasse, écrivirent tous deux contre Newton, sur un faux exposé de son système, qui parut alors dans un de ces journaux dont l'Europe est accablée. Fréret ne savait ce qu'il disait, j'ignore s'il l'a mieux su depuis. Je ferai venir ce livre pour le joindre à tout ce que j'ai sur cette matière.

Il y a une excellente histoire des finances, depuis 1595 jusqu'en 1721. Si vous rencontrez l'auteur, qui est un M. des Fournez 6, directeur des monnaies, dites-lui que je le fais contrôleur général des finances.

Pourriez-vous à votre loisir me faire un petit catalogue des bons livres qui ont paru depuis dix ans? Je crois qu'il sera court mais je veux avoir tout ce qui peut être utile, et même les livres médiocres dans lesquels il y a du bon car on peut toujours tirer aurum ex stercore Ennii 7.

Interim vale, et mihi scribe.

V. »

1 Comme Mme de Montmorency .

2 Louise-Henriette de Bourbon, mariée, en décembre 1743, à Louis-Philippe d'Orléans, alors duc de Chartres; morte le 9 février 1759.

Moland donne cette note : L'énigme que cette princesse avait donnée à deviner à l'auteur d'OEdipe est dans le tome X (Poésies mêlées), avec les douze vers ci-dessus.

Mais ni l'énigme ni la réponse de V* ne se trouvent dans ce tome X . La référence à Beuchot montre que la note de Moland a été prise dans cette édition, à part l'attribution à Clogenson . Dans Clogenson on lit la note suivante signée Louis du Bois : « Voici cette énigme […]

Je suis des musulmans l'horreur et le modèle ;

J'ai suivi les Césars et suis encor pucelle ;

Soit qu'il pleuve, soit qu'il tonne,

Je vais à l'abreuvoir ;

Et la place que j'abandonne

Ne sera prise par personne

Qui n'ait pissé sur son mouchoir ... »

3 Marmontel fut effectivement , à la prière de Mme de Pompadour, directeur du Mercure de France d'août 1758 à janvier 1760 après une période de quelques mois au cours de laquelle il en eut seulement la charge nominale .

4 Fréret avait publié en 1725 un Abrégé de la chronologie de M. le chevalier de Newton, paru sans l'accord de Newton qui n'avait pas encore fait imprimer le texte anglais se son ouvrage . Celui-ci parut, développé sous le titre The Chronology of ancient kingdoms amended (1728) qui fut traduit la même année par l'abbé Granet sous le titre de La Chronologie des anciens royaumes corrigée . Plus tard Fréret revint à la charge dans un ouvrage qui parut, posthume, en 1758 : Défense de la chronologie contre le système chronologique de M. Newton ; Thieriot avait dû le commenter, mais sa lettre n'est pas connue .

5 Etienne-Augustin Souciet , , mort en 1744, frère ainé de deux autres jésuites ,: Recueil de dissertations critiques sur des endroits difficiles de l’Écriture sainte . Le second volume (1726) contient cinq dissertations dirigées contre la Chronologie de Newton .

6 Il s'agit en fait de François Veron de Forbonnais qui fut inspecteur général, et non directeur, des monnaies de France, et qui écrivit des Recherches et considérations sur le finances de France depuis 1595 jusqu’à l'année 1721 , Bâle 1758 .

7 Locution proverbiale venant de De institutione divinarum scriptorum où il est dit que Virgile qui lisait Ennius s’entendit demander ce qu'il faisait et qui répondit : « Je cherche de l'or dans du fumier. »

 

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15/08/2013 | Lien permanent

j'ai même quelques vues sur lui, supposé qu'il soit un garçon intelligent et honnête

... Ainsi se fait, dans chaque parti politique, le choix du meilleur candidat, ce qui n'empêche pas qu'on retrouve quelques moutons noirs en lice :  https://www.francetvinfo.fr/elections/legislatives/infographies-legislatives-le-candidat-type-aux-elections-legislatives-est-un-homme-de-49-ans-qui-s-appelle-philippe_5158723.html

Dans quelle circonscription trouve-t-on le marquis de Florian ?

 

 

« A Philippe-Antoine de Claris, marquis de Florian

30è janvier 1767 à Ferney 1

Je reçois, mon cher grand Écuyer, votre lettre du 22è . Vraiment mon dessein n'est point du tout de faire rentrer Morival dans son régiment, mais de lui procurer la protection et les bontés du prince qu'il sert, et j'ai même quelques vues sur lui, supposé qu'il soit un garçon intelligent et honnête .

Quant aux Scythes, nous les avons un peu ornés . Nous les répétons, nous souhaitons que cette tragédie soit jouée à Paris comme elle le sera sur notre petit théâtre .

Vous savez que nous avions la guerre et la famine. Actuellement nous n'avons plus que la guerre avec dix pieds de neige . M. le duc de Choiseul a daigné m'écrire de sa main une lettre charmante ; il m'a envoyé un passeport général et illimité , etc. »

1Copie par Wagnière ; édition Pièces inédites change sans raison l'année en 1755 ; Bengesco pour sa part date de 1765 .

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26/05/2022 | Lien permanent

Il est beau à Votre Majesté d'avoir fait le panégyrique d'un cordonnier dans un temps où depuis l'Elbe jusqu'au Rhin les

 Point de lettre en date du 18 avril, inédite, à  mettre sous le museau du mulot . Tant pis, celle-ci, du 22 mars me convient .

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1634-Le-cordonnier.jpg

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

Au château de Tournay par Genève,

ce 22 mars 1759

 

 

Je vous le dirai jusqu'à la mort, content ou mécontent de Votre Majesté, vous êtes le plus rare homme que la nature ait jamais formé . Vous pleurez d'un œil et vous riez de l'autre ; vous donnez des batailles, vous faites des élégies ; vous enseignez les peuples et les rois ; vous faites en noble satirique le procès de la satire, et enfin en faisant marcher cent soixante mille hommes vous donnez l'immortalité à Jacques Mathieu Reinhart, maitre cordonnier i. On croirait d'abord sur le titre de cette oraison funèbre que votre ouvrage ne va pas à la cheville du pied ; mais quand on le lit avec un peu de réflexion, on voit bien que vous jouez plus d'un trône et plus d'un autel par dessous la jambe . Je voudrais avoir été un des garçons de Mathieu Reinhart ; mais comme à vos yeux tous les hommes sont égaux, j'aime autant faire des vers que des souliers . Il est beau à Votre Majesté d'avoir fait le panégyrique d'un cordonnier dans un temps où depuis l'Elbe jusqu'au Rhin les peuples vont nu-pieds . C'est bien dommage que maître Reinhart n'ait pas fait des bottes, ou que vous ayez oublié ce grand article dans son oraison funèbre . Un héros toujours en bottes comme vous aurait bien dû faire un chapitre des bottes , comme Montaigne ii; rien n’eût été plus à sa place .

 

Quelques talons rouges de Versailles se plaignent que vous n'ayez pas fait mention d'eux dans le panégyrique de cet immortel cordonnier ; ils disent qu'ayant vu leurs talons, vous deviez bien en parler un peu .

 

Je suis très édifié de la piété de Mathieu Reinhart qui ne voulait lire que l'Apocalypse et les prophètes . Certainement , il aurait chaussé gratis les auteurs de ces beaux livres ; car il est à croire que ces messieurs n'avaient pas de chausses . Le discours sur les satiriques iii est très beau et très juste ; mais permettez-moi de dire à Votre Majesté que ce ne sont pas toujours des gredins obscurs qui combattent avec la plume ; vous n'ignorez pas que c'est un des chefs du bureau des affaires étrangères qui a fait les Lettres d'un Hollandais iv. Votre Majesté connait les auteurs des invectives imprimées en Allemagne ; elle a vu ce qu'avait écrit milord Tyrconnel v.

 

C'est l'évêque du Puy vi qui avec un abbé de condition nommé Caveirac vient donner l'apologie de la révocation de l’Édit de Nantes vii, livre dans lequel on parle de votre personne avec autant d'indécence, de fausseté et de malignité que de vos Mémoires de Brandenbourg viii. Vous forcerez vos ennemis à la paix par vos victoires et au silence par votre philosophie . La postérité ne juge point sur les factums des parties ; elle juge, comme Votre Majesté le dit très bien, sur les faits avérés par l'histoire de mon siècle ; ce sera un grand honneur pour moi, et une grande preuve de vérité, si dans ce que j'oserai avancer, je me rencontre avec ce que Votre Majesté daignera certifier . La voix dans le désert annonçait qui vous savez ; et quoiqu'on ne soit pas digne de chausser certaines gens, cependant on est précurseur .

 

Je ne peux écrire de ma main, parce qu'il fait un vent de bise qui me tue, et que d'ailleurs je ne veux pas que les housards connaissent mon écriture . Si vous aviez connu mon cœur, j'aurais vécu auprès de vous sans m’embarrasser des housards.

A vos pieds avec un profond respect .

 

V. »

 

i Panégyrique du sieur Jacques Mathieu Reinhart, maitre cordonnier, prononcé le 13è mois de l'an 2899 dans la ville de L’Imagination, par Pierre Mortier, diacre de la cathédrale, avec permission de monseigneur l'archevêque de Bonsens , 1759, de Frédéric. Page 93 : http://books.google.fr/books?id=baNBAAAAYAAJ&pg=RA3-P...

ii Le chapitre de Montaigne est « Des Boiteux » ; page 1 : http://books.google.fr/books?id=jzpGAAAAcAAJ&pg=PA1&a...

iii Discours sur les satiriques, 1759, de Frédéric . Page 691 : http://books.google.fr/books?id=Kdlm5NC_eTgC&pg=PA698...

iv Jacob-Nicolas Moreau, avocat, ne semble pas avoir rempli ses fonctions aux Affaires étrangères ; voir lettre du 19 février 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/02/20/s...

; le 24 février, d’Alembert avait écrit que Moreau était « pensionné de la cour pour ses Lettres hollandaises » ; page 221 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f5.image.r=....

v V* évoque-t-il le fait qu'il attribue à Tyrconnel, envoyé de France en Prusse, ce pamphlet Idée de la personne, de la manière de vivre et de la cour du roi de Prusse, 1753 . En septembre 1753, V* attribuait ceci à La Beaumelle alors qu'on l'attribuait à V*. Page 362 : http://books.google.fr/books?id=BfRq68poYGoC&pg=PA362...

vi Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, dont d'Alembert avait écrit le 24 février que Caveirac était « protecteur et protégé ».

vii Voir lettre à d'Alembert du 19 février 1759 .

viii L'authenticité et la véracité de ces Mémoires étaient contestés.

 

 

 

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18/04/2011 | Lien permanent

C'est une chose abominable que la mort des hommes et que les plus terribles supplices dépendent de cinq radoteurs

"un vieux scélérat d'élu"

 Jeunes ou vieux, on trouve de tout chez les élus, des bons, de moins bons, des détestables . Mais quoi qu'ils fassent, ou plus simplement disent, leurs électeurs restent fidèlement assidus à les réélire , comme s'ils avaient peur de reconnaitre leurs mauvais choix passés, et se reconnaitre aussi mauvais que l'élu de leur coeur . Cocus et contents ...

 Asinus asinum fricat ! comme aurait dit Mgr Lefebvre !

scélérat.jpg

 

Voici le programme des réjouissances au château de Voltaire pour ce 14 juillet 2011 :

http://www.ferney-voltaire.fr/TPL_CODE/TPL_EVENEMENT/PAR_...

 Je peux vous assurer que je ne serai pas en cure aux eaux de Rolle, pourtant très proches, le vin d'ici valant mieux que l'eau de là, comme disait Bacchus . Je boirai à la santé de Mam'zelle Wagnière qui me manque beaucoup, mais il est vrai que comme Volti nous pratiquons le "courtes lettres et longue amitié" . 

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

 

Aux eaux de Rolle en Suisse,

par Genève, 14 juillet 1766

 

Vous allez être bien étonné, vous allez frémir, mon cher frère, quand vous lirez la relation que je vous envoie 1. Qui croirait que la condamnation de cinq jeunes gens de famille à la plus horrible mort pût être le fruit de l'amour et de la jalousie d'un vieux scélérat d'élu d'Abbeville 2? La première idée qui vient est que cet élu est un grand réprouvé ; mais il n'y a pas moyen de rire dans une circonstance si funeste . Ne saviez-vous pas que plusieurs avocats ont donné une Consultation qui démontre l'absurdité de cet affreux arrêté 3. ? ne l'aurai-je point cette Consultation ? On dit que le premier président leur en a voulu de faire des reproches, et qu'ils lui ont répondu avec la noblesse et la fermeté dignes de leur profession . C'est une chose abominable que la mort des hommes et que les plus terribles supplices dépendent de cinq radoteurs qui l'emportent par la majorité des voix sur les dix conseillers du parlement les plus éclairés et les plus équitables 4.

 

Je suis persuadé que si sa Majesté eût été informée du fond de l'affaire, elle aurait donné grâce . Elle est juste et bienfaisante ; mais la tête avait tourné aux deux malheureux, et ils se sont perdus eux-mêmes.

 

Je vous conjure, mon cher frère, d'envoyer à M. de Beaumont copie de la relation avec le petit billet que je lui écris 5.

 

Je vous embrasse avec autant de douleur que de tendresse .

 

Est-ce qu'on a brûlé Les délits et les peines ?6

 

 

 

Aux eaux de Rolle 14 juillet 1766

 

Je suis toujours aux eaux, et assez malade, mon cher ami . J'ai mal daté ma dernière 7 qui pourtant ne partira qu'avec ce billet-ci . Je vous supplie de faire rendre cet autre billet à La Combe . Mes amis savent sans doute que je suis aux eaux ; mais je recevrai exactement toutes les lettres qu'on m'écrira à Genève .

 

Voici ce qu'on m'écrit sur Jean-Jacques :

« J'ai vu les lettres de M. Hume . Il mande que Rousseau est le scélérat le plus atroce, le plus noir qui ait jamais déshonoré la nature humaine ; qu'on lui avait bien dit qu'il avait tort de se charger de lui , mais qu'il avait cédé aux instances de ses protecteurs ; qu'il avait mis un scorpion dans son sein, et qu'il en avait été piqué ; que le procès avec cet homme affreux allait être imprimé en anglais ; qu'il priait qu'on le traduisît en français et qu'on vous en envoyât un exemplaire . 8»


 

1 Sans doute la prétendue lettre d'Abbeville, datée du 7 juillet qui relate ce que V* connait alors de l'affaire de La Barre .

2 Détails dans la prétendue lettre d'Abbeville : « Un ... lieutenant de l’Élection ... nommé Belleval, vivait avec la plus grande intimité avec l'abbesse de Vignancour , lorsque deux jeunes gentilshommes, parents de l'abbesse ... arrivèrent à Abbeville . L'abbesse ..., trouvant ... le plus jeune préférable à monsieur l'élu , ... congédia celui-ci ... Belleval, jaloux et chassé, résolut de se venger . Il savait que le chevalier de La Barre avait commis de grandes indécences quatre mois auparavant avec quelques gens de son âge ... l'un d'eux ... avait donné en passant un coup de baguette sur un poteau auquel était attaché un crucifix . Il sut que ces jeunes gens avaient chanté des chansons impies ... On reprochait au chevalier de La Barre d'avoir passé à trente pas d'une procession qui portait le saint-sacrement, et de ne pas avoir ôté son chapeau ... Belleval alla chez tous les témoins, il les menaça ... ; il força le juge d'Abbeville à le faire assigner lui-même en témoignage . Il ne se contenta pas de grossir les objets ... » Les cinq jeunes gens sont : de la barre, Gaillard d'Etallonde, Moinel, Douville de Maillefeu, Dumaisniel de Saveuse .

3 Consultation datée du 27 juin 1766, signée de Cellier, d'Outremont, Muyart de Vouglans, Gerbier , Timbergue, Benoist fils, Turpin, et Linguet .

4 Voir encore la « lettre » : «Il y avait vingt-cinq juges, quinze opinèrent la mort et dix à une correction légère ».

5 Pour son mémoire .

7 Ci-dessus.

8 Le 16 juillet , lettre de d'Alembert qui donne des détails sur la « brouillerie » de Jean-Jacques et de M. Hume : « M. Hume a demandé une pension au roi d'Angleterre pour Rousseau ... » ; voir page 24 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800389/f29.image.r=...

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qu’il est assez en dessous d’un être pensant de se faire une affaire sérieuse de ces bagatelles

 http://www.youtube.com/watch?v=sI8lS8hr-nY

 

 

http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://selkis.canal...

Prémonitoire cette image sur le blog du 21 mars 2006 qui précède ?

 Je fais une confiance totale aux toubibs qui vont réparer cette illustre tête à claques et je ne me fais aucun souci pour la statuette du dôme de Milan qui est l'arme fatale 1 .

Au fond de moi, j'aurais aimé que l'agresseur utilise une statue de la Vierge !

Symboliquement, Berlusconi enfin frappé par une vierge, ça aurait eu de la gueule ! (pour la gueule, j'en connait un qui n'est pas de mon avis, tant pis, certains chirurgiens esthétiques sont parfois un peu maladroits ; question d'instrument sans doute  ).

 

 

babouin gueule cassée.jpg

 Berlusconi, tel que je le considère,

et j'en demande pardon à ce pauvre babouin à la gueule cassée !

 

 

Vingt ans avant le divorce avec JJR, Volti me semble assez heureux de refiler la patate chaude à celui qui possède « deux talents », je dirais, car je suis assez partial, deux talents très modestes à mes yeux .

 

Volti connait ses limites et aime les choses bien faites .

Même lorsqu’on pourra lui reprocher d’être trop « léger » dans certaines de ses tragédies, je veux dire un texte sans grand intérêt, il aura toujours à cœur de consulter ses amis (et parents, parfois ) pour peaufiner son ouvrage .

Un peu pinailleur, dirait-on de nos jours.

Je ne m’en plains pas, je vous l’assure .

 

 

 

 

 

« A Jean-Jacques Rousseau

 

15 décembre 1745

 

                            Vous réunissez, Monsieur, deux talents qui ont toujours été séparés jusqu’à présent [poète et musicien ; Rousseau écrivait à V* le 11 décembre : « pour avoir fait la musique d’un opéra, je me trouve, je ne sais comment, métamorphosé en musicien. C’est … en cette qualité que M. le duc de Richelieu m’a chargé des scènes dont vous avez lié vos Divertissements de la Princesse de Navarre ; il a même exigé que je  fisse  dans les canevas les changements nécessaires… »]. Voilà déjà deux bonnes raisons pour moi de vous estimer, et de chercher à vous aimer. Je suis fâché pour vous que vous employiez ces deux talents à un ouvrage qui n’en est pas trop digne. Il y a quelques mois que M. le duc de Richelieu m’ordonna de faire en un clin d’œil une petite et mauvaise esquisse de quelques scènes insipides et tronquées qui devaient s’ajuster à des divertissements qui ne sont point faits pour elles. J’obéis avec la plus grande exactitude, je fis très vite et très mal. J’envoyai ce misérable croquis à M. le duc de Richelieu, comptant qu’il ne s’en servirait pas ou que je le corrigerais. Heureusement il est entre vos mains, vous en êtes le maître absolu, j’ai perdu tout cela entièrement de vue [La Princesse de Navarre devint Les fêtes de Ramire ]. Je ne doute pas que vous ayez rectifié toutes les fautes échappées nécessairement dans une composition si rapide d’une simple esquisse, que vous n’ayez rempli les vides, et suppléé à tout.

 

                            Je me souviens qu’entre autres balourdises, il n’est pas dit dans ces scènes qui lient les divertissements comment la princesse Grenadine passe tout d’un coup d’une prison dans un jardin ou dans un palais. Comme ce n’est point un magicien qui lui donne des fêtes, mais un seigneur espagnol, il me semble que rien ne doit se faire par enchantement. Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien revoir cet endroit dont je n’ai qu’une idée confuse. Voyez s’il est nécessaire que la prison s’ouvre, et qu’on fasse passer notre princesse de cette prison dans un beau palais doré et verni, préparé pour elle. Je sens très bien que tout cela est fort misérable, et qu’il est assez en dessous d’un être pensant de se faire une affaire sérieuse de ces bagatelles, mais enfin puisqu’il s’agit de déplaire le moins qu’on pourra, il faut mettre le plus de raison qu’on peut, même dans un mauvais divertissement d’opéra.

 

                            Je me rapporte en tout à vous et à M. Ballot [Balot de Sovot ], et je compte avoir bientôt l’honneur de vous faire mes remerciements et de vous assurer, Monsieur, à quel point j’ai celui d’être votre très humble et très obéissant serviteur.

 

                            Voltaire. »

Un peu de jeu dans ce monde de brutes :

http://www.5min.com/Video/How-to-Make-a-Balloon-Monkey---...

 

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15/12/2009 | Lien permanent

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