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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Que m'importe qu'un auteur tragique ait du génie, si aucune de ses pièces ne peut être représentée en aucun pays du mond

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« A George Keate

Nandos Coffee house

London

 

Aux Délices 16 avril 1760

 

Ce n'est pas, mon cher Monsieur, parce que vous m'écrivez en anglais que je me borne à vous répondre en français, c'est parce que je ne peux écrire , et que je suis obligé de dicter ; je n'ai point encore vu votre compatriote, qui devait m'apporter votre poème i sur Rome ancienne et moderne, soyez sûr que de tous les voyageurs, ce gentilhomme est celui que je désire le plus de voir ; j'attends avec bien de l'impatience le contraste de Rome la grande et de Rome la sainte ; de la Rome des Titus et des Trajan, et celle des papes et des cardinaux ; du Capitole où triompha Paul Émile, et du Capitole où des récollets disent la messe . Vous faites bien de l'honneur à Genève ii, elle ne vaut ni Rome l'ancienne, ni celle d'aujourd'hui ; il s'en faut beaucoup qu'on soit à Genève aussi libre qu'en Angleterre ; c'est un couvent assez ennuyeux, dans lequel il y a des gens de beaucoup d'esprit . Je n'ai choisi ma retraite dans les environs de ce petit pays que pour me consoler de ne pouvoir vivre à Londres . Je ne veux point me brouiller avec vous pour Shakespeare ; je conviens avec vous que la nature avait fait beaucoup pour lui ; elle lui donna tous ses diamants, mais son siècle ne permit pas qu'ils fussent polis . Que m'importe qu'un auteur tragique ait du génie, si aucune de ses pièces ne peut être représentée en aucun pays du monde . Cimabue iii avait du génie pour la peinture, mais ses tableaux ne valent rien ; Lully avait un très grand génie pour la musique, mais personne en Europe ne chante ses airs, excepté nous, encore commençons-nous à en être dégoûtés .

 

Les jardins d'Alcinoüs iv étaient fort beaux dans leur temps ; aujourd'hui ils composeraient à peine le jardin d'un bon fermier .

 

Personne ne sent plus que moi les beaux endroits qui se trouvent par-ci par-là dans Shakespeare ; mais je vous dirai avec Pope , que ce n'est pas un nez et un menton qui font un beau visage, et qu'il faut un assemblage régulier .

 

Si Addison v avait pu mettre plus de chaleur dans son Caton, il eût été mon homme . Vous avez encore un Thomson qui ne fait pas mal des vers, mais son génie était à la glace ; Otway vi était plus chaud, mais on voit un homme qui prend Shakespeare pour son modèle, et qui n'en approche point ; je ne saurais souffrir le mélange du tragique et du bouffon , cela me paraît un monstre . D'ailleurs je ne vous donne pas mon avis comme bon, mais comme mien ; je vous expose mon goût comme Dieu me l'a donné ; nous sommes tous à table, chacun mange et boit ce qu'il lui plaît ; je ne me querellerai pas avec mon voisin s'il aime le bœuf, et moi le mouton .

 

J'ai fait venir d'Angleterre toutes les œuvres de Middleton vii, j'aime cet homme-là passionnément ; je trouve aussi Warburton viii bien savant, mais je n'ai que ses deux premiers tomes de la Légation de Moïse ; je ne sais comment m'y prendre pour avoir les deux derniers volumes ; je suis bien curieux de savoir comment il s'y prend pour prouver que l'ignorance de l'immortalité de l'âme est une démonstration qu'on est conduit par Dieu même . Il prouvera aisément que les Juifs n'attendaient point une autre vie et qu'ils bornaient toute leur félicité à prêter à usure quand ils pouvaient ; mais il ne prouvera que cela, et on le tiendra quitte du reste .

 

Adieu, Monsieur, je vous ennuie, mais je vous aime de tout mon cœur .

 

Your for ever .

 

V. »

 

i George Keate : http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Keate .

Ancient and modern Rome . A poem . Written at Rome in the year 1755, 1760 .

ii En écrivant A short account of the ancient history, present government and laws of the Republic of Geneva, 1761 .

viii William Warburton : http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Warburton

 

Nando's coffe house , see Round St Paul's in :

 

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16/04/2011 | Lien permanent

Ne nomen ejus vilesceret / Pour que son nom ne soit pas avili

... Il aurait suffi que Nicolas Sarkozy se comporte honnêtement et n'abuse pas de son pouvoir pour n'être pas inscrit à jamais dans le livre des records de poursuites judiciaires contre un président de la République ; mais c'est infiniment trop demander à ce vaniteux profiteur . Et dire qu'on  paye encore sa pension plein pot ! Il a encore de quoi engraisser ses avocats , lui , comme ses amis Balkany .

Nicolas Sarkozy, mercredi à la sortie du tribunal de Paris, après la confirmation de sa condamanation.

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/affaire-des-ecoutes-nicolas-sarkozy-condamne-en-appel-a-trois-ans-de-prison-dont-un-an-ferme-20230517

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

12 octobre 1767 1

Mon cher ami, je vous parlerai de Henri IV avant de vous entretenir de Mlle Durancy .

Premièrement , je savais qu'on avait défendu de faire paraître Henri IV sur le théâtre . Ne nomen ejus vilesceret 2, et en cas que jamais les comédiens voulussent jouer Charlot, il ne fallait pas les priver de cette petite ressource, supposé que c'en soit une dans leur décadence et leur misère .

En second lieu, Henri IV étant substitué au duc de Bellegarde n'aurait pu jouer un rôle digne de lui . Il aurait été obligé de rentrer dans des détails qui ne conviennent point du tout à sa dignité . De plus tout ce que le duc de Bellegarde dit de son maître est bien plus à l'avantage de ce grand homme que si Henri IV parlait lui-même .

Enfin il est nécessaire que celui qui fait le dénouement de la pièce soit un parent de la maison, et voilà pourquoi j'ai restitué les vers qui fondent cette parenté, au Ier acte . Ils sont d'une nécessité indispensable . Je vous supplie d'exiger un carton .

Je recommande toujours à l'enchanteur Merlin de ne point mettre mon nom à cette bagatelle et de ne point demander de privilège .

Mandez-moi, je vous prie, mon cher ami, quand vous croyez que M. Chardon pourra rapporter le procès de Sirven, afin que j'aie l'honneur de lui écrire .

Si Élie de Beaumont est condamné à rembourser les améliorations, la terre pourra lui coûter cher, car on dit que les acquéreurs l'avaient fort embellie , et y avaient fait de grandes dépenses . Ces liquidations, d'ailleurs, entraînent des frais considérables .

Je ne connais rien de nouveau dans la littérature, sinon quelques ouvrages d'une liberté extrême, imprimés en Hollande . Il y en a une douzaine depuis trois ans . La Théologie portative 3 n'est nullement théologique ; ce n'est qu'une plaisanterie continuelle par ordre alphabétique ; mais il faut avouer qu'il y a des traits si comiques que plusieurs théologiens même ne pourront s'empêcher d'en rire . Les jeunes gens et les femmes lisent cette folie avec avidité . Les éditions de tous les livres dans ce goût se multiplient . Les vrais politiques disent que c'est un bonheur pour tous les États et pour tous les princes ; que plus les querelles théologiques seront méprisées ; , plus la religion sera respectée, et que le repos public ne pouvait naître que de deux sources , l'une l’expulsion des jésuites, et l’autre le mépris pour les écoles d'arguments . Ce mépris augmente heureusement pour la victoire de Marmontel . Le collège Mazarin pourra bien tomber dans un décri universel : tout le monde dira : point de Mazarin . Le procédé des cuistres est si infâme qu'il n'y a plus moyen de se moquer d'eux . On ne peut pas rire de coquins qui méritent le carcan ; il faut les dénoncer comme des scélérats . La lettre de mon laquais à Coger me paraît nécessaire, et il faut qu'elle lui soit rendue . Vous avez dû voir, mon cher ami, par mon mémoire sur La Beaumelle que rien me m'engagera jamais à ménager les fripons .

Soyez très persuadé que je n'ai nulle part à la retraite de Mlle Durancy ; M. d'Argental a été très mal informé . J'ai soutenu le théâtre pendant cinquante ans ; ma récompense a été une foule de libelles et

de tracasseries . Ah ! que j'ai bien fait de quitter Paris, et que je de tracasseries . Ah ! que j'ai bien fait de quitter Paris, et que je suis loin de le regretter ! Votre correspondance me tient lieu de tout ce qui m'aurait pu plaire encore dans cette ville .

Adieu . Il n'y a de remède pour moi que celui de la patience . »

 

 

1 Copies contemporaines : Darmstadt B. ; B.H. ; édition de Kehl qui amalgame des extraits de cette lettre et de la lettre du 16 octobre 1767 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/06/correspondance-annee-1767-partie-52.html

2 Pour que son nom ne soit pas avili .

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17/05/2023 | Lien permanent

On tremble de laisser échapper un mot qui peut être mal interprété, on ne peut plus penser par la poste

... Electronique, la poste électronique, rassurez-vous chers lecteurs . Le progrès est tel que les bonnes vieilles feuilles de papier couvertes de notre plus belle écriture sont le meilleur garant de la discrétion que doit garder tout échange d'écrits personnels , le meilleur mais avec une foule d'exceptions laissées à l'appréciation de fonctionnaires guette-au-trou . Le cabinet noir, ou quelle que soit sa couleur actuelle que je verrais bien caca d'oie, n'en a pas fini de sévir . A qui se fier ?

 

espionnage courrier.gif

Big Brother , tu n'as qu'à piocher sans fin dans nos blogs, SMS, Tweets, MMS, etc. Puisses-tu en crever d'indigestion et faire péter tes serveurs et f... un mal de crâne carabiné à tes gestionnaires humains .

 

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand 1

Aux Délices 12 janvier [1759]

Libre d'ambition, de soins et d'esclavage,

Des sottises du monde éclairé spectateur,

Il se garda bien d'être acteur,

Et fût heureux autant que sage .

Il fuyait le vain nom d'auteur,

Il dédaignait de vivre au temple de mémoire,

Mais il vivra dans votre cœur,

C'est sans doute assez pour sa gloire .

 

Les fleurs que je jette, madame, sur le tombeau de notre ami Formont,2 sont sèches et fanées comme moi . Le talent s'en va, l'âge détruit tout ; que pourriez-vous attendre d'un campagnard qui ne sait plus que planter et semer dans la saison ? J'ai conservé de la sensibilité, c'est tout ce qui me reste, et ce reste est pour vous, mais je n'écris guère que dans les occasions .

Que vous dirais-je du fond de ma retraite ? Vous ne me manderiez aucune nouvelle de la roue de la fortune sur laquelle tournent nos ministres du haut en bas, ni des sottises publiques, ni des particulières . Les lettres qui étaient autrefois la peinture du cœur, la consolation de l'absence, et le langage de la vérité, ne sont plus que de tristes et vains témoignages de la crainte qu'on a d'en trop dire, et de la contrainte de l'esprit . On tremble de laisser échapper un mot qui peut être mal interprété, on ne peut plus penser par la poste 3; je n'écris point au président Hénault ; mais je lui souhaite comme à vous une vie longue et saine . Je dois la mienne au parti que j'ai pris . Si j'osais je me croirais sage, tant je suis heureux . Je n'ai vécu que du jour où j'ai choisi ma retraite . Tout autre genre de vie me serait insupportable . Paris vous est nécessaire ; et il me serait mortel 4. Il faut que chacun reste dans son élément . Je suis très fâché que le mien soit incompatible avec le vôtre ; et c'est assurément ma seule affliction . Vous avez voulu aussi essayer de la campagne mais elle ne vous convenait pas . Il vous faut une société de gens aimables, comme il fallait à Rameau des connaissances en musique . Le goût de la propriété et du travail est d'ailleurs absolument nécessaire dans des terres . J'ai de très vastes possessions que je cultive . Je fais plus de cas de votre appartement que de mes blés et de mes pâturages ; mais ma destinée était de finir entre un semoir, des vaches et des Genevois . Ces Genevois ont tous une raison cultivée, et ils sont si raisonnables qu'ils viennent chez moi, et qu'ils trouvent bon que je n'aille jamais chez eux . On ne peut, à moins d'être La Popelinière, vivre plus commodément ; voilà ma vie, madame, telle que vous l'avez devinée, tranquille et occupée, opulente et philosophique, et surtout entièrement libre ; elle vous est absolument consacrée dans le fond de mon cœur, avec le respect le plus tendre, et l'attachement le plus inviolable .

V. »

1L'édition de Kehl introduisit des corrections arbitraires , notamment Mme de Pompadour pour La Popelinière .

2 Vers le 5 janvier, Mme du Deffand écrit à V* : « Je croyais que vous m'aviez oubliée, monsieur, je m'en affligeais sans m'en plaindre, mais le plus grande perte que je pouvais jamais faire et qui met le comble à mes malheurs, m'a rappelée à votre souvenir ; […] mais , monsieur, pourquoi refusez vous à mon ami un mot d'éloge ? Sûrement vous l'en avez trouvé digne, vous faisiez cas de son esprit, de son goût, de son jugement, de son cœur et de son caractère ; [...]pourquoi se serait-il loué que par moi ? Quatre lignes de vous soit en vers soit en prose honoreraient sa mémoire et seraient pour moi une vraie consolation. »

3 A cause du « cabinet noir » censure postale non officielle, d'un type toujours pratiqué par certains pays ; aujourd'hui le courrier électronique est encore plus exposé à la divulgation que le courrier-papier . Voltaire n'apprécierait pas cet espionnage non plus .

4 Tristement prémonitoire pour mai 1778 !

 

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02/02/2014 | Lien permanent

C'est une chose abominable qu'on aille quelquefois fourrer mon nom dans tous ces caquets-là ; mais il y aura toujours de

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« A Jean Le Rond d'Alembert

 

16 de septembre [1766]

 

Mon cher et grand philosophe, vous saurez que j'ai chez moi un jeune conseiller au parlement, mon neveu qui s'appelle d'Hornoy. La terre d'Hornoy est à cinq lieues d'Abbeville. C'est par le moyen d'un de ses plus proches parents qu'on est venu à bout de honnir ce maraud de Broutet [i]. Il broutera désormais ses chardons ; et voilà du moins cet âne rouge incapable de posséder jamais aucune charge ; c'est, comme vous dites, une bien faible consolation. Je voudrais que vous fussiez à Berlin ou à Pétersbourg ; mais vous êtes surtout nécessaire à Paris ; que ne pouvez-vous être partout !

 

Quand vous écrirez à celui qui a rendu le jugement de Salomon ou de Sancho Pança [ii], certifiez-lui, je vous prie, que je lui suis toujours attaché comme autrefois [iii], et que je suis fâché d'être si vieux.

 

Le procureur général de Besançon [iv], dont la tête ressemble comme deux gouttes d'eau à celle dont la langue est si bonne à cuire [v], fit mettre en prison, ces jours passés , un pauvre libraire [vi] qui avait vendu des livres très suspects. Il n'y allait pas moins que de la corde, par les dernières ordonnances . Le Parlement a absous le libraire tout d'une voix, et le procureur général a dit à ce pauvre diable : Mon ami, ce sont les livres que vous vendez qui ont corrompu vos juges.

 

La discorde règne toujours dans Genève, mais la moitié de la ville ne va plus au sermon. Je demande grâce à l'abbé de La Porte ; je ne sais plus ni ce que je suis, ni ce que j'ai fait ; il faudra que je me recueille [vii].

 

Il pleut des Fréret, des Du Marsais, des Bolingbroke [viii]. Vous savez, que Dieu merci, je ne me mêle jamais d'aucune de ces productions ; je ne les garde pas même chez moi ; je les rends quand je les ai parcourues . C'est une chose abominable qu'on aille quelquefois fourrer mon nom dans tous ces caquets-là ; mais il y aura toujours de méchantes langues . Prenez toujours le parti de l'innocence ; je vous embrasse très tendrement. Les philosophes ne sont guère tendres, mais je le suis . »

 

 

i A Damilavile, ce même jour : « un de ces malheureux juges qui avait tout embrouillé dans l'affaire d'Abbeville (à savoir dans le jugement du chevalier de La Barre...)... vient d'être flétri par la Cour des Aides de Paris ... Ce scélérat nommé Broutet, qui a osé être juge sans être gradué ...C'est, Dieu merci, un des parents de mon neveu d'Hornoy, le conseiller , à qui l'on doit la flétrissure de ce coquin. »

ii Frédéric II ; V* à d'Alembert le 25 août : « Le roi de Prusse me mande qu'il aurait fait condamner ces cinq jeunes gens à marcher quinze jours chapeau bas, à chanter des psaumes, et à lire quelques pages de la Somme de Saint-Thomas. Gardez-vous bien de dire à qui il a écrit ce jugement de Salomon. »

iii V* à Frédéric le 5 janvier 1767 : « Où est le temps, Sire, où j'avais le bonheur de mettre les points sur les i à sans-Souci et à Potsdam ? Je vous assure que ces deux années ont été les plus agréables de ma vie. »

iv Doroz.

v Pasquier ; cf. lettre du 23 juillet à d'Alembert.

http://books.google.be/books?id=KiwTAAAAQAAJ&pg=PA469...

 

vi Fantet ; cf. lettre à Damilaville du 4 août.

http://books.google.be/books?id=33cPAAAAQAAJ&pg=PA178...

 

vii Le 9 septembre, d'Alembert écrit : « ... l'abbé de La Porte, qui a fait un almanach des gens de lettres (La France littéraire), m'a chargé de vous demander à vous-même votre article contenant votre nom, les titres que vous voulez prendre, ceux de vos ouvrages que vous avouez, ceux même qu'on vous attribue, c'est à dire que vous avez faits sans les avouer etc. ... »

http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_de_La_Porte

 

viii Ou plutôt les ouvrages publiés sous leurs noms !

 

 

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16/09/2010 | Lien permanent

Soyez au rang des illustres bienfaiteurs ou des illustres ingrats, cela ne me fait rien

...

 

 

 

« A FRÉDÉRIC II, roi de Prusse
Aux Délices, 3 juin 1760. 1
Sire, le vieux Suisse bavard prend peut-être mal son temps ; mais il sait que Votre Majesté peut, en donnant bataille, lire des lettres et y répondre.

Je ne savais d'abord ce que voulait dire le petit article de votre main, touchant les gens qui lisent des lettres dans les rues et dans les marchés 2.
1° Je ne vais jamais dans les rues, je ne vais jamais à Genève.
2° Il n'y a dans Genève que des gens qui se feraient hacher pour Votre Majesté. Nous avons un cordonnier qui bat sa femme quand il vous arrive quelque échec ; et mon serrurier, qui est Allemand, dit qu'il tordrait le cou à sa femme et à ses trois enfants pour votre prospérité. Il faut, dit-il, avoir bien peu de rellichion pour penser autrement.
3° Il n'y a ni cordonnier, ni serrurier, ni prêtre, ni personne au monde, à qui j'aie jamais lu une ligne de Votre Majesté.
4° Il se peut que j'aie répété quelques-uns de vos bons mots à vos idolâtres, et que le faux zèle les ait répétés, et que quelque animal les ait rapportés tout de travers. Ce sont discours en l'air. Gagnez une bataille, et laissez vos bons mots courir le monde ; mais soyez très-sûr que Votre Majesté n'éprouvera jamais de ma part la moindre infidélité.
5° Je soutiendrai jusqu'à la mort que (mettons à part Akakia, lequel, après tout, n'était pas si plaisant que vos plaisanteries sur la ville latine gardée par les géants,3 et à moi envoyées par Votre Majesté, et à moi communiquées par M. de Marwitz 4), je ne vous ai jamais manqué en rien.
Soyez au rang des illustres bienfaiteurs ou des illustres ingrats, cela ne me fait rien; je penserai toujours de même; toujours même admiration, mêmes sentiments.
7° Malgré les cinq cent mille hommes à baïonnettes qui sont en Allemagne, je dis, moi Suisse, moi rat, que vous aurez la paix, et que vous ne perdrez rien, à moins qu'il ne vous arrive quelque malheur horrible qu'on ne peut prévoir.
8° Souffrez encore que je dise que Votre Majesté ne réussira jamais par le canal de l'homme 5 que vous avez fait parler à un ambassadeur de ***6 . Votre Majesté voit que je suis instruit.
9° Souffrez encore que je représente qu'on a mis beaucoup trop de personnel dans tout ceci. Je ne parle pas en l'air. On peut se moquer de ses confrères les poètes ; mais point d'injures de roi à roi. Je vous ai ouï dire un jour qu'il faut paroles douces et actions fermes. Vous avez rempli parfaitement la moitié de ce bel adage.
10° Soyez, je vous en conjure, très-persuadé que je ne veux point me faire de fête, mais que je suis entièrement au fait ( par une destinée bizarre ) , de la manière dont on pense. Je ne demande rien, ni ne peux rien demander à la cour de France, ni ne veux rien. Mais seulement, pour le bien de la chose, - si Votre Majesté veut jamais faire savoir ou des faits ou des pensées, insinuer des idées sans se compromettre, elle sera servie avec exactitude. Oui, je veux avoir l'honneur secret et la consolation secrète de vous servir, et je répète qu'il n'y a au monde ni moine, ni rat plus à portée que moi d'obéir à vos ordres sans vous commettre en rien. Je ris que la chose soit ainsi. Je trouve cela comique. Mais comptez que le zèle du rat est aussi réel que son profond respect et son admiration.

V.

67, et non pas 62.7 »

1 Der Freymüthige. , oder berlinische Zeitung für gebildete, unbefangene Leser, Berlin, 14 janvier 1803, pages 29 et 30.

2 Allusion à la fin de la lettre de Frédéric II du 12 mai 1760 répondant à celle où V* se plaignait de l'indiscrétion qu'il avait commise : « Il faut mettre un rémora dans les lettres qu'on écrit à des indiscrets, c'est le seul moyen de les empêcher de les lire aux coins des rues et en plein marché . » ; voir lettre du 12 mai page 385 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f399.image.r=4120

3 Koser-Droysen, III,107, note, citent le passage suivant d'une lettre anonyme écrite à la fin de mars 1753, et publiée dans Frédéric le Grand, 1785 : « Après que la fameuse Diatribe […] eut paru, on fit circuler dans le public à Berlin une autre brochure intitulée Voyage à la ville latine, par M. Koenig […] elle ne restera point secrète et elle éclatera avec le temps, car elle est entre les mains de l'ennemi du président, qui l'a emportée avec lui avant de partir de Potsdam . » La même lettre laisse entendre que cette brochure est l’œuvre du roi ( « si elle est l'ouvrage de la même main qui a fait brûler la première Diatribe par le bourreau. »)

4 Le major Georg Wilhelm von der Hurwitz

6 V* pense à un passage de la lettre que Choiseul lui avait écrite le 25 mai 1760 : « Au reste, quelque chose qui m'arrive, à moins que Luc ne me fasse empoisonner, et n'envoie ici quelques petits émissaires pour cet objet, comme il en a adressé un au bailli de Froulay il y a deux mois pour me tromper, soyez certain qu'avant la paix je ne sortirai pas de place [...] » Le bailli de Froulay était Louis-Gabriel de Froulay, ambassadeur de l'ordre de Malte .

7« Vous n'avez que soixante-deux ans » avait écrit Frédéric dans sa lettre du 12 mai 1760 ; V* était dans sa soixante sixième année . »

 

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03/06/2015 | Lien permanent

Il est impossible que les moyens de force que l'on emploie pour châtier un pays quelconque ne soient injustes pour quelq

... Paroles de ministre tout à fait actuelles quand on voit certains oligarques russes qui échappent aux mesures de rétorsions décidées contre eux par moult pays . Puissent ces complices de Poutine perdre de leur superbe et leurs fortunes mal acquises .

 

 

« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin fils

Avocat en parlement

à Saint-Claude

Franche-Comté

Mon cher avocat philosophe, il y a plus de cent lieues malheureusement de Saint-Claude à Ferney, et le chemin ne raccourcira pas de sitôt . On dit que vous avez reçu pour moi un gros paquet de livres d'envois de ce pauvre Fantet . Je vous supplie de l'ouvrir, de lui renvoyer sa matière médicale en dix volumes dont je n'ai que faire . Il y a là de quoi empoisonner un royaume . Je me contente de ma casse, et je ne veux pas d'autre remède .

Nous sommes toujours assiégés par les troupes de S .M. et pour punir les Genevois, on nous réduit à la plus extrême disette .

Mme Denis et moi, nous vous faisons les plus sincères compliments .

V.

A Ferney , 23è janvier 1767 1. »

1 L'édition de Kehl, suivant la copie Beaumarchais, mêle des extraits de quatre lettres : la présente , celle du 5 février 1767, du 2mars 1767 et une autre de l'été 1767, pour n'en faire qu'une datée du 25 février 1767 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/04/correspondance-... 

Le même jour, le chevalier de Jaucourt écrit à Choiseul de Seyssel : « M. de Voltaire m'écrit, monsieur le duc et m'assure qu'il ne brûle plus que de la chandelle, et que si vous ne lui accordez pas un passeport, pour envoyer à Genève chercher des provisions, on ne mangera plus chez lui que de la vache . Il me semble que cette grâce-là ne peut tirer à aucun inconvénient. »

Mais Choiseul a déjà écrit à V* le 19 janvier 1767 : « Il est impossible que les moyens de force que l'on emploie pour châtier un pays quelconque ne soient injustes pour quelques particuliers ; il est difficile que quelques coupables n'évitent dans les commencements le châtiment général ; mais , à la longue, l'objet se remplit, et je vous assure que dans trois mois d'ici il y aura peu de provisions dans Genève, et que dans un an il n'y en aura plus, si les choses restent au point où elles en sont . Pour ce qui nous regarde, je mande au chevalier de Jaucourt de vous procurer les commodités, aisances, comestibles, dont vous aurez besoin, et de faire pour vous une exception à la règle générale, parce que vous êtes excepté infiniment dans mon cœur . »

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17/05/2022 | Lien permanent

si j’avais des citoyens à persuader de la nécessité des lois, je leur ferais voir qu’il y en a partout, même au jeu qui

... et ce cas particulier des casseurs/ black blocs n'y échappe pas, évidemment . C'est clair , comme on dit chez mes voisins suisses .

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

1 de mars [1764] 1

Je dois vous dire, mon très cher philosophe, que si j’avais des citoyens à persuader de la nécessité des lois, je leur ferais voir qu’il y en a partout, même au jeu qui est un commerce de fripon, même chez les voleurs :

Hanno lor legg'i malandrini ancora 2

C’est ainsi que le bon prêtre, auteur de la Tolérance, a dit aux Velches , nommés Francs et Français 3 : Mes amis, soyez tolérants , car César, qui vous donna sur les oreilles et qui fit pendre tout votre parlement de Bretagne, était tolérant. Les Anglais, qui vous ont toujours battus, reconnaissent depuis cent ans la nécessité de la tolérance. Vous prétendez que votre religion doit être cruelle autant qu’absurde, parce qu’elle est fondée, je ne sais comment, sur la religion du petit peuple juif, le plus absurde et le plus barbare de tous les peuples ; mais je vous prouve, mes chers Velches, que tout abominable qu’était ce peuple, tout atroce, tout sot qu’il était, il a cependant donné cent exemples de la tolérance la plus grande. Or, si les tigres et les loups de la Palestine se sont adoucis quelquefois, je propose aux singes, mes compatriotes, de ne pas toujours mordre, et de se contenter de danser.

Voilà, mon cher philosophe, tout le système 4 de ce bon prêtre. Il voulait dans son texte inspirer de l’indulgence, et rendre dans ses notes les Juifs exécrables. Il voulait forcer ses lecteurs à respecter l’humanité, et à détester le fanatisme. Six personnes des plus considérables  de votre royaume ont approuvé ces maximes, et c’est beaucoup.

On n’aurait pas, il y a soixante ans, trouvé un seul homme d’État, à commencer par le chancelier d’Aguesseau, qui n’eût fait brûler le livre et l’auteur. Aujourd’hui on est très disposé à permettre que ce livre perce dans le public avec quelque discrétion, et je voudrais que frère Damilaville vous en fit avoir une demi-douzaine d’exemplaires, que vous donneriez à d’honnêtes gens qui les feraient lire à d’autres gens honnêtes 5; ces sages missionnaires disposeraient les esprits, et la vigne du Seigneur serait cultivée.

Je sais bien, mon cher maître, qu’on pouvait s’y prendre d’une autre façon pour prêcher la tolérance : eh bien ! que ne le faites-vous ? qui peut mieux que vous faire entendre raison aux hommes ? qui les connaît mieux que vous ? qui écrit comme vous d’un style mâle et nerveux ? qui sait mieux orner la raison ? Mais venons au fait. Cette tolérance est une affaire d’État, et il est certain que ceux qui sont à la tête du royaume sont plus tolérants qu’on ne l’a jamais été ; il s’élève une génération nouvelle qui a le fanatisme en horreur. Les premières places seront un jour occupées par des philosophes ; le règne de la raison se prépare ; il ne tient qu’à vous d’avancer ces beaux jours, et de faire mûrir les fruits des arbres que vous avez plantés.

Confondez donc ce maraud de Crevier ; fessez cet âne qui brait et qui rue.

Vraiment je sais très bien à quoi m’en tenir depuis longtemps sur la personne dont vous me parlez 6 ; mais entre quinze-vingts, il faut se pardonner bien des choses. Vous avez-vous-même à lui pardonner plus que moi ; vous savez d’ailleurs que dans la société on dit du bien et du mal du même individu vingt fois par jour. Pourvu que la vigne du Seigneur aille bien, je suis indulgent pour les pécheurs et les pécheresses. Je ne connais rien de sérieux que la culture de la vigne ; je vous la recommande : provignez, mon cher philosophe, provignez.

Je suis bien aise que les contes de feu Guillaume Vadé vous amusent. Mademoiselle Catherine Vadé, sa cousine en a beaucoup de cette espèce ; mais elle n’ose les donner au public 7. Son cousin Vadé les faisait pour amuser sa famille pendant l’hiver au coin du feu ; mais le public est plus difficile que sa famille. Elle craint beaucoup que quelque libraire ne s’empare de ce précieux dépôt, comparable au chapitre des torche-culs de Gargantua 8. Ce sont de petits amusements qu’il faut permettre aux sages : on ne peut pas toujours lire les Pères de l’Église, il faut se délasser . Riez, mon cher philosophe, et instruisez les hommes. Conservez-moi votre amitié. Ecr. l’inf. »

1 V* répond à une lettre du 22 février 1764 dans laquelle d'Alembert lui livre ses réflexions sur le fanatisme et l'intolérance, et lui apprend qu'il vient de « faire entrer dans l'académie de Berlin Helvétius et le chevalier de Jaucourt » ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/01/correspondance-avec-d-alembert-partie-30.html

2 Même les brigands ont encore leurs lois , d'après La Mérope de Maffei, ac. IV, 3 : https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9rope_(Scipione_Maffei)

4 Mot remplacé par mystère dans les éditions modernes .

5 Ces neuf mots manquent dans les éditions modernes .

6 D'Alembert sans citer de nom a fait allusion aux critiques de certaines personnes à qui V* adresse « prose et vers » à l'égard de ses contes . V* comprend, et sans doute ne se trompe pas en pensant à Mme du Deffand .

7 Il serait intéressant de savoir ce que sont ces contes ; on peut songer au Pot Pourri et peut-être à des ébauches des Lettres d'Amabad, voire à La Princesse de Babylone . On se souviendra aussi des contes plus anciens, et qui ne parurent que posthumes, tels Cosi-Sancta et les charmant Crocheteur borgne .

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24/03/2019 | Lien permanent

c'est un âne qui affiche sa patrie

 ... Ou inversement, une patrie qui affiche l'âne qui va la guider .

Je parle ici de la Libye qui va devoir, après ses élections du 7 juillet , à coup sûr introduire peu ou prou, -et je tiens le pari pour prou,- la charia comme base essentielle législative . "Constitution de la Lybie démocratique", c'est beau, ça sonne bien, ça en met plein la vue si on oublie que "démocratique" et "charia"  semblent terriblement incompatibles . Jusqu'à quand une religion d'Etat servira-t-elle à faire courber l'échine (et dans le cas de l'islam, on peut en parler au sens propre ) du peuple assez pleutre pour obéir à des hommes qui se font passer pour messagers de Dieu ?

Ci-dessous la carte des pays de moutons, gouvernés par des ânes enragés :

 

loi islamique carte.png

 https://docs.google.com/viewer?url=www.lefigaro.fr/assets/infographie/INTER-201228-Monde-musulman-charia.pdf&chrome=true


Comme un bonheur/malheur ne vient jamais seul, l'actualité, sur Slate.fr, me gâte en m'offrant , cette fois-ci du coté de l'Orient, "un âne qui affiche sa patrie " : le seul, l'inimitable , le bien nommé Kim Jong-un ! "Un" , selon moi c'est déjà trop . A ceux qui voient en Mickey  un modèle d'ouverture vers la démocratie et à l'autorisation du hamburger-frites un grand pas vers la liberté de pensée , je rappelle cependant que les seuls qui mangent à leur faim sont les militaires et dignitaires familiaux, que les seuls qui peuvent s'exprimer sont ceux-là même . J'ai la nette impression que l'auteur de l'article suivant aurait voté pour Mickael Jackson président des USA !

Une superbe tête à claques

kim jong un.jpg

http://www.slate.fr/lien/59061/disney-mickey-winnie-coree-du-nord-kim-jong-un

 

 

« A M. THIERIOT.

Aux Délices, 4 juin [1756]

Je reviens dans mon ermitage vers Genève, mon ancien ami, sans savoir si mes petits sermons ont été imprimés à Paris comme je les ai faits et comme je vous les ai envoyés; mais je reçois une lettre de M. d'Argental, qui met presque en colère ma dévotion. Il me fait part d'un scrupule que vous avez eu, quand je vous ai mandé que la condamnation un peu dure des ennemis de Bayle ferait tort à l'édition et à l'éditeur 1. Vous avez fait comme tous les commentateurs, vous n'avez pas pris le sens de l'auteur. Quel galimatias, ne vous en déplaise, de regarder ce danger de l'éditeur autrement que comme le danger d'imprimer un reproche fait à un corps respectable! Comment avez-vous pu imaginer que je pusse avoir un autre sentiment? Vous avez la bonté de faire imprimer un ouvrage qui vous plaît, et je ne veux point qu'il y ait dans cet ouvrage la moindre chose qui puisse vous compromettre. Il faut que vous ayez le diable au corps, le diable des Bentley 2, des Burmann, des variorum, pour expliquer ce passage comme vous avez fait. J'attends des exemplaires reliés de mon recueil de rêveries pour vous en envoyer. Je ne sais pas quel parti prend Lambert; je voudrais bien ne pas désobliger Lambert. Je voudrais aussi que les Cramer pussent profiter de mes dons. Il est difficile de contenter tout le monde. Je viens de parcourir une partie du Citoyen de Montmartre; c'est un âne qui affiche sa patrie. J'apprends, par une voie très-sûre, que Fréron et La Beaumelle ont composé cet infâme et ridicule libelle 3. On me mande qu'il n'a excité que l'horreur et le mépris.
Cela n'empêche pas que La Beaumelle ne puisse avoir imprimé des Lettres originales de Louis XIV et de Mme de Maintenon, dont on pourra faire quelque usage dans la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV. Un scélérat et un sot peut avoir eu par hasard de bons manuscrits. Je vous prie de me mander s'il y a quelque chose d'utile dans ce recueil. Êtes-vous à présent moine de Saint-Victor? Que n'êtes-vous venu faire vos vœux dans l'abbaye des Délices avec Mme de Fontaine 1 Croyez que mon abbaye en vaut bien une autre c'est celle de Thélème 4. On m'en a voulu tirer en dernier lieu pour aller dans des palais 5, mais je n'ai garde. Je vous embrasse tendrement.

P. S. Je vous envoie une nouvelle édition de mes sermons, et vous prie de vouloir bien en distribuer à MM. d'Alembert, Diderot et Rousseau 6. Ils m'entendront assez, ils verront que je n'ai pu m'exprimer autrement, et ils seront édifiés de quelques notes; ils ne dénonceront point ces sermons. »

2 Critique de langue anglaise .Voir :http://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Bentley

3 Ce pamphlet n'est d'aucun des deux . Les Pensées philosophiques d'un citoyen de Montmartre (1756, in-12) sont du jésuite Sennemaud publiées contre les philosophes. Voir lettre du 8 mai à Thieriot .

6 Pierre Rousseau créateur du Journal encyclopédique : http://fr.wikipedia.org/wiki/Journal_encyclop%C3%A9dique

 

 

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09/07/2012 | Lien permanent

Que de traverses . Mais il faut rire

... Pénalty contre le PS : fautif Manuel Valls le N° 2 (qui se prend pour un libero) avec notre inénarrable François Hollande en gardien de but qui nous pond un mot d'excuses foireux .

Paroles d'experts : 0-0 , la France mène !

 

ballon caché hollande.png

 

 François, rend-nous le ballon !

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 11 juin 1760]

Renvoyez-moi Les Philosophes 1 pour Dieu .

Redonnez-moi la dernière feuille du Pauvre Diable 2. Il y faut corriger quelque chose .

J'ai écrit de mon côté 3 pour avoir des nouvelles de Robin mouton . Que de traverses . Mais il faut rire . »

1La fameuse pièce de Palissot , bien entendu .

 

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10/06/2015 | Lien permanent

la disposition des esprits qu’on ne peut connaître que quand ils sont calmés.

 

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

11è avril 1767

 

             Je reçois deux lettres bien consolantes de M. d’Argental et de M. de Thibouville écrites du 2 avril [Les Scythes n’ont pas eu de succès à la première représentation le 26 mars, ce sera mieux à la 3ème et 4ème et dernière où il y eut 785 spectateurs]. Ma réponse est qu’on s’encourage à retoucher son tableau lorsqu’en général les connaisseurs sont contents ; mais qu’on est très découragé quand les faux connaisseurs et les cabales décrient l’ouvrage à tort et à travers. Alors on ne met de nouvelles touches que d’une main tremblante, et le pinceau tombe des mains.

 

             Vous me faites bien du plaisir, mon cher ange, de me dire que Mlle Durancy a saisi enfin l’esprit de son rôle et qu’elle a très bien joué, mais je doute qu’elle ait pleuré, et c’était là l’essentiel. Mme de La Harpe pleure.

 

             Je vais écrire à M. le maréchal de Richelieu, qui ne fait que rire de toutes les choses très essentielles pour les amateurs de beaux-arts, et je lui parlerai de Mlle Durancy comme je le dois[f1]  . Mais vous avez à Paris M. le duc de Duras, qui a du goût et de la justice. Je suppose, mon cher ange, que vous avez raccommodé la sottise de Lacombe [le 30 mars, V* reprochait à Lacombe l’attribution , dans son catalogue, de la Lettre au docteur Pansophe (contre J-J. R.), qu’il a « toujours désavouée »]. Vous me demandez pourquoi j’ai choisi ce libraire : c’est qu’il avait rassemblé, il y a deux ans, avec beaucoup d’intelligence, beaucoup de choses éparses dans mes ouvrages, et qu’il en avait fait une espèce de Poétique [ la Poétique de M. de Voltaire, ou Observations recueillies de ses ouvrages, concernant la versification française (1766)] qui eut assez de succès.

 

             Je ne savais pas qu’il fût lié avec Fréron. Il me semble qu’il en a agi comme les Suisses qui servaient tantôt la France et tantôt la maison d’Autriche. Enfin il me fallait un libraire, et j’ai préféré un homme d’esprit à un sot.

 

             Il faut vous dire encore que lorsque je lui envoyai la pièce à imprimer, mon seul but était de faire connaître aux méchants, et à ceux qui écoutent les méchants, qu’un homme occupé d’une tragédie ne pouvait l’être de toutes les brochures qu’on m’attribuait. Vous savez bien que je voulais prouver mon alibi.[ce qu’il disait déjà le 20 novembre 1766 et le 16 février 1767]

 

             A présent je suis un peu plus tranquille et un peu plus rassuré contre la rage des Velches, j’ai revu Les Scythes avec des yeux plus éclairés, et j’y ai fait des changements assez importants. Je crois que la meilleure façon de vous faire tenir toutes ces corrections éparses est de les rassembler dans le volume même ; j’y ferai mettre des cartons bien propres afin de ménager vos yeux.

 

             J’attends l’édition de Lacombe pour vous renvoyer deux exemplaires que j’ai corrigés ; mais croirez-vous bien que je n’ai pas cette édition encore ? La communication interrompue entre Lyon et mon petit pays me prive de tous les secours. J’ai vingt ballots à Lyon qui ne m’arriveront probablement que dans trois mois. Je ne sais pas pourquoi je ris de la guerre de Genève,[dans La Guerre civile de Genève] car elle me gène infiniment et me rend l’habitation que j’ai bâtie bien insupportable.

 

             Si je ne puis avoir l’édition de Lacombe, je me servirai de celle des Cramer, quoiqu’elle soit déjà chargée de corrections qui font peine à la vue.

 

             Quand vous aurez la pièce en état, je vous demanderai en grâce qu’on la joue deux fois après Pâques en attendant Fontainebleau [ les Scythes ne seront pas repris ; V* le 25 mai, écrira à d’Argental pour noter « l’affront » et « l’injustice inouïe » et « l’ingratitude » de la part des Comédiens.]. Une fois même me suffirait pour juger enfin de la disposition des esprits qu’on ne peut connaître que quand ils sont calmés.

 

             Peut-être le rôle d’Athamare n’est pas fait pour Lekain. Il faudrait un jeune homme beau, bien fait, passionné, pleurant tantôt d’attendrissement et tantôt de colère, n’ayant que des paroles de feu à la bouche, dans sa scène avec Obéide au troisième acte, point de lenteur, point de gestes compassés.

 

             Il  faudrait d’autres vieillards que Dauberval, il faudrait d’autres confidents ; mais le spectacle de Paris, le seul spectacle qui lui fasse honneur dans l’Europe, est tombé dans la plus honteuse décadence et je vous avoue que je ne crois pas qu’il se relève.

 

             M. de La Harpe était le seul qui pût le soutenir. Le mauvais goût et les mauvaises intentions l’effraient. Il n’a rien, il n’a été que persécuté,[par l’échec de Gustave Vasa] il pourra bien renoncer au théâtre et passer dans les pays étrangers.

 

         Vous me parlez des caricatures que vous avez de ma personne [« caricatures » que lui a demandées « une dame du Pont-l’Evêque, nommée Mme de Pouchin de Cicherèle » et qu’il lui a envoyées par d’Argental le 27 mars]. Je n’ai jamais eu l’impudence d’oser proposer à quelqu’un un présent si ridicule. Je ne ressemble point à Jean-Jacques, qui veut à toute force une statue [J.J. Rousseau écrit dans sa Lettre à M. de Beaumont : « … s’il existait en Europe un seul gouvernement vraiment éclairé … il eût rendu des honneurs publics à l’auteur d’Emile, il lui eût élevé des statues », et V* se moque de lui dans une lettre aux d’Argental du 25 avril 1763.]. Il s’est trouvé un sculpteur dans les rochers du Mont Jura [Rosset ; cf. lettre du 4 mai] qui s’est avisé de m'ébaucher de toutes les manières. Si vous m’ordonnez de vous envoyer une de ces figures de Callot, je vous obéirai.

 

             Je vous assure que je suis très affligé de n’être sous vos yeux qu’en peinture.

 

             Mlle de Saint-Val, comme je vous l’ai dit, me demande à jouer Olympie. Si elle a ce qu’on n’a plu au théâtre, c’est-à-dire des larmes : de tout mon cœur.

 

             Vous trouvez qu’on peut faire un partage des autres pièces entre Mlle Dubois et Mlle Durancy. Votre volonté soit faite.

 

             Je compte qu’une grande partie de cette lettre est pour M. de Thibouville aussi bien que pour mes anges. J’obéirai d’ailleurs aux ordres de M. de Thibouville à la première occasion que je trouverai.

 

             Je me mets aux pieds de madame d’Argental. »


 [f1]Le 25 avril , il écrira : « Mlle Durancy joue, dit-on … avec toute l’intelligence et tout l’art imaginable ; elle est faite pour remplacer Mlle Dumesnil, amis elle ne sait popint pleurer, et par conséquent ne fera jamais répandre de larmes ».

Le 27 mai : « J’avais vu chez moi Mlle Durancy … je lui avais trouvé du talent, elle me demanda le rôle d’Obéide, on dit qu’elle le joua très mal à la première représentation, mais qu’à la troisième et la quatrième elle fit un très grand effet. On me mande qu’elle joe avec beaucoup d’intelligence et de vérité, mais qu’elle n’est pas d’une figure agréable et qu’elle n’a pas le don des larmes. »

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11/04/2010 | Lien permanent

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