Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

N'êtes-vous pas indigné comme moi, de voir des gens qui se disent gravement : passons notre vie à gagner de l'argent, ca

... Et puis qui font passer des lois répréhensives en se faisant passer pour des parangons de vertu .

 Afficher l'image d'origine

Gare à l'orage électoral !

 

 

 

« A Giovanni Paolo Simone Bianchi etc.

à Rimini

[2 novembre 1761] 1

Vous avez prononcé , monsieur , l'éloge de l'art dramatique 2, je suis tenté de prononcer le vôtre . Je regardai cet art dès mon enfance comme le premier de tous ceux à qui ce mot de beau est attaché . On me dira vous êtes orfèvre , M. Josse 3, mais je répondrai que c'est Sophocle qui m'a donné mes lettres de maîtrise, et que j'ai commencé par admirer avant de travailler .

Je vois avec plaisir que dans l'Italie, cette mère de tous les beaux-arts, plusieurs personnes de la première considération, non seulement font des tragédies et des comédies, mais les représentent . M. le marquis Albergati a fait des imitateurs . Ni vous , ni lui, ni moi, monsieur, ne prétendons qu'on fasse de l'Europe la patrie des Abdérites 4. Mais quel plus noble amusement les hommes bien élevés peuvent-ils imaginer ? De bonne foi, vaut-il mieux mêler des cartes, ou ponter au pharaon ? C'est l'occupation de ceux qui n’ont- point d'âme . Ceux qui en ont doivent se donner des plaisirs dignes d'eux .

Y a-t-il une meilleure éducation que de faire jouer Auguste à un jeune prince et Émilie à une jeune princesse ? On apprend en même temps à bien prononcer sa langue et à bien la parler . L'esprit acquiert des grâces, on a du plaisir et on en donne très honnêtement . Si j'ai fait bâtir un théâtre chez moi, c'est pour l'éducation de Mlle Corneille ; c'est un devoir dont je m'acquitte envers la mémoire du grand homme dont elle porte le nom .

Ce qu'il y avait de mieux au collège des jésuites de Paris où j'ai été élevé, c'était l'usage de faire représenter des pièces par les pensionnaires, en présence de leurs parents . Plût à Dieu qu'on n'eût que cette récréation à reprocher aux jésuites ! Les jansénistes ont tant fait par leurs clabauderies que les jésuites ont fermé leurs théâtres . On dit qu'ils fermeront bientôt leurs écoles ; ce n'est pas mon avis . Je crois qu'il faut les soutenir et les contenir 5, leur faire payer leurs dettes quand ils sont banqueroutiers ; les pendre même quand ils enseignent le parricide ; se moquer d'eux quand ils sont d'aussi mauvais critiques que frère Berthier . Mais je ne crois pas qu'il faille livrer notre jeunesse aux jansénistes, attendu que cette secte n'aime que le traité de la grâce de saint Prosper 6, et se soucie peu de Sophocle, d’Euripide et de Térence ; quoique par une de ces contradictions si ordinaire aux hommes , Térence ait été traduit par les jansénistes de Port-Royal .

Faites aimer les arts de ces grands hommes (je ne parle pas des jansénistes) , je parle des Sophocle, vous serez secondé en deçà des Alpes . Malheur aux barbares jaloux à qui Dieu a refusé un cœur et des oreilles . Malheur aux autres barbares qui disent, on ne doit enseigner la vertu qu'en monologue, le dialogue est pernicieux . Eh ! mes amis, si l'on peut parler de morale tout seul, pourquoi pas deux, et trois ?

Pour moi j'ai envie de faire afficher : on vous donnera mardi un sermon en dialogue, composé par le révérend père Goldoni . N'êtes-vous pas indigné comme moi, de voir des gens qui se disent gravement : passons notre vie à gagner de l'argent, cabalons, enivrons-nous quelquefois, mais gardons-nous d'aller entendre Polyeucte 7.

J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec une estime infinie votre très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire

gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. »

1 Daté sur l'original « 15 novembre in circa 1761 . Ginevra, del sig[no]r di Voltaire in Franzese » . Kehl place cette lettre à la fin de 1763 . bianchi doit indiquer ici la date de la réception . Le mot d’accompagnement à Albergati ( lettre du même jour ) fixe le jour de l'envoi .

2 Tragedie di Lauriso Tragiense, pastore arcade . Con due ragionamenti del medessimo sopra la composizione delle tragedie, 1761 , de G. P. Bianchi

3 L'Amour médecin , Ac. , sc. 1, de Molière .

4 Les Abdérites ou Abdéritains sont des fous ; voir La Fontaine, Fables , Démocrite et les Abdéritains : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/democrite.htm

5 On retrouve « soutenir et contenir » dans La Balance égale (février 1762 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-faceties-balanc... ) , ainsi que le fait remarquer Mlle H. Frémont , « Sur un mémoire en faveur des jésuites attribué à Voltaire », Bulletin du bibliophile, 1955 . Voir : http://rnbi.rouen.fr/en/notice/le-me%CC%81diateur-dune-grande-querelle-texte-imprime%CC%81

6 Prosper d'Aquitaine , De gratia Dei et libero arbitrio, 432 ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Prosper_Tiro

7 On retrouve l'attaque contre Polyeucte dans : voir page 40 et suiv. : https://beq.ebooksgratuits.com/vents/Voltaire-Turc.pdf

 

Lire la suite

04/11/2016 | Lien permanent

les sages qui ont pris leur parti n’apprendront rien de nouveau ; mais les jeunes gens, flottants et indécis, apprennent

... J'ose l'espérer aussi . Mais parfois le doute m'habite .

Un peu d'humour pour la rentrée! - Entre prés et champs

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

13 septembre 1766

J’ai toujours oublié de demander à mes anges s’ils avaient reçu une visite de M. Fabry, maire de la superbe ville de Gex, syndic de nos puissants États, subdélégué de Mgr l’intendant, et sollicitant les suprêmes honneurs de la chevalerie de Saint-Michel. Je lui avais donné un petit chiffon de billet 1 pour vous, à son départ de Gex pour Paris, et j’ai lieu de croire qu’il ne vous l’a point rendu. Je vous supplie, mes divins anges, de vouloir bien m’en instruire.

Il doit vous être parvenu un petit paquet sous l’enveloppe de M. de Courteilles. Il contient un commentaire 2 du livre italien Des Délits et des Peines . Ce commentaire est fait par un avocat de Besançon, ami intime comme moi de l’humanité. J’ai fourni peu de chose à cet ouvrage, presque rien ; l’auteur l’avoue hautement, et en fait gloire, et se soucie d’ailleurs fort peu qu’il soit bien ou mal reçu à Paris, pourvu qu’il réussisse parmi ses confrères de Franche-Comté, qui commencent à penser. Les provinces se forment ; et si l’infâme obstination du parlement visigoth de Toulouse contre les Calas fait encore subsister le fanatisme en Languedoc, l’humanité et la philosophie gagnent ailleurs beaucoup de terrain.

Je ne sais si je me trompe, mais l’affaire des Sirven me paraît très importante. Ce second exemple d’horreur doit achever de décréditer la superstition. Il faut bien que tôt ou tard les hommes ouvrent les yeux. Je sais que les sages qui ont pris leur parti n’apprendront rien de nouveau ; mais les jeunes gens, flottants et indécis, apprennent tous les jours, et je vous assure que la moisson est grande 3 d’un bout de l’Europe à l’autre. Pour moi, je suis trop vieux et trop malade pour me mêler d’écrire . Je reste chez moi tranquille. C’est en vain que des bruits vagues et sans fondement m’imputent le Dictionnaire philosophique, livre, après tout, qui n’enseigne que la vertu. On ne pourra jamais me convaincre d’y avoir part. Je serai toujours en droit de désavouer tous les ouvrages qu’on m’attribue ; et ceux que j’ai faits sont d’un bon citoyen. J’ai soutenu le théâtre de France pendant plus de quarante années ; j’ai fait le seul poème épique tolérable qu’on ait dans la nation. L’Histoire du Siècle de Louis XIV n’est pas d’un mauvais compatriote. Si on veut me pendre pour cela, j’avertis Messieurs qu’ils n’y réussiront pas, et que je vivrai toujours, en dépit d’eux, plus agréablement qu’eux. Mais, pour persécuter un homme légalement, il faut du moins quelques preuves commencées, et je défie qu’on ait contre moi la preuve la plus légère. Je m’oublie moi-même à présent pour ne songer qu’aux Sirven ; le plaisir de les servir me console. Je n’étais point instruit de la manière dont il fallait s’y prendre pour demander un rapporteur ; je croyais qu’on le nommait dans le conseil du roi . C’est la faute de M. de Beaumont de ne m’avoir pas instruit. J’écris à Mme la duchesse d’Anville 4, qui est actuellement à Liancourt, pour la supplier de demander M. Chardon à monsieur le vice-chancelier. M. de Beaumont insiste sur M. Chardon. Pour moi, j’avoue que tout rapporteur m’est indifférent. Je trouve la cause des Sirven si claire, la sentence si absurde, et toutes les circonstances de cette affaire si horribles, que je ne crois pas qu’il y eût un seul homme au conseil qui balançât un moment.

Il faut vous dire encore que le parlement de Toulouse persiste à condamner la mémoire de Calas. Il a préféré l’intérêt de son indigne amour-propre à l’honneur d’avouer sa faute et de la réparer. Comment voudrait-on que les Sirven, condamnés comme les Calas, allassent se remettre entre les mains de pareils juges ? La famille s’exposerait à être rouée. Nous comptons sur le suffrage de mes divins anges, sur leur protection, sur leur éloquence, sur le zèle de leurs belles âmes . Je ne saurais leur exprimer mon respect et ma tendresse.

V. »

2 Commentaire sur le livre des délits et des peines, de Beccaria . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Commentaire_sur_Des_D%C3%A9lits_et_des_Peines/%C3%89dition_Garnier

3 Souvenir de l'évangile de Matthieu , IX, 37 : https://www.aelf.org/bible/Mt/9

et de Luc , X, 2 : https://saintebible.com/luke/10-2.htm

4 Cette lettre manque .

Lire la suite

15/12/2021 | Lien permanent

J’ai souhaité qu’au moins des infortunés fussent unis

... Ils le sont, les Ukrainiens, les Pakistanais, les paysans, les sans-logis, les affamés, ... Mais l'union dans l'infortune, minimum vital selon Voltaire, ne suffit diablement pas à en sortir . Ne comptons pas sur ceux qui créent les problèmes pour les résoudre .

 

 

« A Charles Palissot de Montenoy

à Argenteuil

par Paris

16è mars 1767

Vous avez touché, monsieur, la véritable corde ; j’ai vu Fréret, le fils de Crébillon, Diderot, enlevés et mis à la Bastille ; presque tous les autres, persécutés ; l’abbé de Prades, traité comme Arius par les Athanasiens ; Helvétius, opprimé non moins cruellement ; Tercier, dépouillé de son emploi ; Marmontel, privé de sa petite fortune 1 ; Bret, son approbateur, destitué et réduit à la misère. J’ai souhaité qu’au moins des infortunés fussent unis, et que des forçats ne se battissent pas avec leurs chaînes 2. Je n’ai pu jouir de cette consolation : il ne me reste qu’à achever, dans ma retraite, une vie que je dérobe aux persécuteurs.

Jean-Jacques Rousseau, qui pouvait être utile aux lettres, en est devenu l’ennemi par un orgueil ridicule, et la honte par une conduite affreuse. Je conclus qu’il faut cultiver son jardin. Je cultive le mien, et je serai toujours avec autant d’estime que de regret, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur 3

V. »

1 Ce ne fut pas à l’occasion du Bélisaire, comme quelques personnes l’ont dit, que Marmontel fut privé du privilège du Mercure, mais en 1759, c’est-à-dire huit ans plus tôt, à l’occasion d’une Parodie d’une scène de Cinna, qui était l’ouvrage de Cury ; voyez la note 4, tome XXXVII, page 33. (Moland , 1883 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome37.djvu/43

2 Voltaire avait dit dans les derniers vers de la troisième partie de la Loi naturelle, poème , fin de la IIIè partie : https://athena.unige.ch/athena/voltaire/voltaire-poeme-sur-la-loi-naturelle.html

Je crois voir des forçats dans un cachot funeste,
Se pouvant secourir, l’un sur l’autre acharnés,
Combattre avec les fers dont ils sont enchaînés

3 Après avoir transcrit cette lettre, Palissot y ajoute, pour publication , une note (IV, 418-419 ) qui met assez bien les choses au point concernant les persécutions dont parle V* :

« On n'a pas trop conçu la liaison de cette réponse avec la lettre précédente, mais on a très bien compris que M. de Voltaire ne voulait plus d'explications . A cette liste de persécutés qu'il a pris plaisir à composer lui-même, on serait tenté de croire que la nation a vu renouveler contre les pauvres philosophes les dragonnades dont les protestants avaient gémi sur la fin de l'autre siècle . Il faut que M. de Voltaire ait été trompé par des mémoires bien étranges . Réduisons cette liste à ce qu'elle renferme de vrai, nous verrons que toutes ces persécutions sont infiniment exagérées et que la philosophie a été fort étrangère à la plupart .

Fréret fut mis à la Bastille en 1714 , temps où l'on ne parlait pas encore en France de cette philosophie, à laquelle un caprice de mode a donné depuis tant de faveur . Il avait lu à l'Académie des inscriptions un discours sur l'origine des Français, qui parut très savant, mais trop hardi . On voit qu'il n’était question que d'une discussion historique .

Crébillon le fils eut, pendant quelques jours, le sort de Fréret, pour avoir fait le roman de Tanzaï, que certainement il n'a jamais regardé comme une production philosophique .

Il y avait de la philosophie dans l'affaire de Diderot . Il avait été mis à Vincennes pour ses Lettres sur les aveugles : mais cette disgrâce ne fut ni dure , ni longue ; et depuis, on n'a pas entendu dire qu'il ait essuyé la plus légère persécution .

L'abbé de Prades, pour une thèse de théologie, qui pouvait passer du moins pour imprudente, fut exclu de la Sorbonne . Il était sans fortune, et cette aventure lu a valu un bon canonicat à Breslau .

Il y eut véritablement une violent orage contre le livre De l’Esprit, orage qui n'aurait pas eu lieu, si l'auteur avait eu pour lui-même le ménagement de faire imprimer cet ouvrage chez l'étranger . Il en coûta une place à M. Tercier, censeur de ce livre . Il avait alors près de soixante-quinze ans . Au reste cette persécution fut bientôt calmée, et l'auteur est mort dans le sein de sa famille, riche, considéré et regretté, parce qu'il méritait de l'être .

M. Marmontel perdit le privilège du Mercure parce qu'il eut le malheur d'être soupçonné d'avoir parodié une scène de Cinna, d'une manière très injurieuse pour quelques personnes du premier rang . Sa fortune, malgré cette perte, est demeurée très honnête, et depuis il a obtenu le brevet d'historiographe de France, et les grands honneurs de l'Académie .

M. Bret, pour avoir approuvé le conte moral de Bélisaire, fut rayé de la liste des censeurs, et destitué d'une place qui ne lui rapportait rien . Il est actuellement rétabli sur cette même liste ; il n'a jamais été dans la misère : il jouit au contraire, d'une aisance qui le distingue parmi les gens de lettres . M. Bret , d'ailleurs, ne s'est jamais donné pour philosophe . C'est un homme aimable,,un homme d'esprit, qui n'a guère fait que des comédies .

Les forçats dont parle M. de Voltaire, ne sont donc pas fort à plaindre . Il avait sûrement un peu de mélancolie lorsqu’il écrivit cette lettre . »

La lettre à laquelle V* répond n'est pas datée dans les Œuvres de M. Palissot, mais dut être écrite vers le 20 février 1767 . Palissot s'y justifie avec une certaine dignité . Il y parle d'une persécution qu'on lui avait suscitée auprès du roi de Pologne à propos de « plaisanteries innocentes » sur Rousseau, dont il « repecter[a] toujours les mœurs et les rares talents », alors que d'autres ( allusion à V* ) l' « outragent aujourd'hui avec indécence » . Il ajoute : « Est-ce à vos yeux un crime si capital en littérature que de n'admirer ni M.M . Diderot, Marmontel,Duclos,ni quelques autres ? » Enfin il fait valoir qu'il a supprimé la préface de sa comédie des Philosophes.

Lire la suite

30/08/2022 | Lien permanent

Moquez-vous de tout, vous dis-je, assurez-vous de quoi vivre, soyez à jamais indépendant, aimez-moi

 

rembrandt-laugh-dailymail.jpg

 Joli cri du coeur de Volti, que je fais mien , et que je vous incite à mettre en oeuvre , y compris le "aimez-moi !" .

fripon.jpg


Et comme j'aime les contrastes, Coluche , expert es-rire, donne d'autres conseils , terriblement cyniques qui ont le mérite de faire sourire :  http://www.deezer.com/listen-955832

 

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

Au château de Tournay par Genève

21 mai [1760]

 

Mon cher philosophe, somme totale la philosophie de Démocrite 1 est la seule bonne . Le seul parti raisonnable dans un siècle ridicule, c'est de rire de tout ; Jean-Jacques s'est rendu ridicule en voulant qu'on mangeât du gland, et en écrivant contre la comédie après avoir fait des comédies . La pièce qu'on joue à Paris 2 est un ridicule méprisable qui sera bientôt oublié . Fréron est digne du pilori, mais il est encore plus ridicule . Chaumeix idem, Berthier idem, Chauchat 3 idem ; Me Joly de Fleury le plus ridicule et le plus insolent de tous 4; et on m'a promis qu'il aurait en son temps tout ce qu'il mérite .

 

On m'a envoyé les pour, les qui et les quoi . On m'a promis des que . Je ne sais si tout cela est de Piron, ou de Robbé, ou du cocher de Vertamont . Il n'importe . Cela est surement d'un rieur, d'un vrai philosophe 5.

 

Luc m'a envoyé enfin votre épître, c'est à dire une épître de vous, corrigée .

 

Un sénat de Midas, en étole, en soutane

Du mensonge stupide organe 6 etc.

 

Les premiers vers sont beaux . Le reste ne vaut pas le diable . Il faut que cet étrange homme m'ait envoyé plus de deux mille vers en deux ans . Il est un peu métromane 7, il faut en rire, mais je crois qu'il ne rira pas avec Soltikof et Daun . Nous aurons encore longtemps la guerre . Il n'y a pas là de quoi rire . Ce diable de Silhouette nous a attiré cette guerre pour n'avoir pas entendu le latin, pour n'avoir pas voulu comprendre que ut ne signifie pas comme aussi, mais comme et, comme et Annapolis et les bords de l'Ohio, et les îles etc.8 On a fait cette guerre contre les Anglais sans avoir de vaisseaux . Ce n'est pas à nous de rire . A Rosbac et Minden etc. etc. il n'y a pas le mot pour rire . Je me suis fâché en dernier lieu violemment contre Luc et je lui ai fait les plus vifs reproches sur sa conduite en plus d'un genre 9. Mais comme les remontrances ne réussissent qu'en France je prends le parti de rire 10, et je veux mourir en riant . Vous êtes né gai, moquez-vous de tous les faquins qui attaquent la philosophie . Ce monde n'est-il pas réellement un hôpital de fous ? Luc m'écrivait ces jours passés : je vous recommande à la protection de la vierge immaculée et à son fils le pendu ; et il effaça imma et laissa culée 11. Or est-il que ceux qui s'échignent, qui se persécutent pour la culée, sont d'étranges fous ; et qu'est donc Luc qui pouvait vivre si heureux, détruire l'Infâme gaiement, protéger les lettres honorablement, les cultiver paisiblement et qui s'expose au sort de Pyrrhus et de Charles XII ?

 

Moquez-vous de tout, vous dis-je, assurez-vous de quoi vivre, soyez à jamais indépendant, aimez-moi, car je vous aime autant que je vous estime .

 

V.

 

Riez, riez et vous les écraserez . Ils m'appellent le comte de Tornet 12 mais qu'ils viennent à Tournay, et ils seront piloriés 13. N'allez pas vous aviser de m'écrire au comte de Tournay comme le fait Luc . Mais j'ai à cœur qu'on écrive au gentilhomme ordinaire du roi ; car le roi m'a conservé cette charge, et pardieu le roi a de la bonté pour moi, ce que ces bougres-là ne savent pas, et je suis très bien auprès de madame la marquise, et très bien auprès de M. de Choiseul 14, et je me fous de Joly de Fleury, et je lui donnerai sur les oreilles dans l'occasion 15. »


1 Démocrite était alors le type de philosophe qui rit . http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mocrite

2 Les Philosophes de Palissot ; voir lettre du 25 avril à Mme d'Epinay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/04/25/l...

et du 19 mai : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/05/09/c...

3 Gauchat ; voir lettre du 9 juillet 1760 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/07/09/t...

 

4 Il a entre autres prononcé le réquisitoire contre l'Encyclopédie, devant le Parlement, ayant entrainé sa suspension .

5 Tous sont évidemment de V* ; voir billet du 19 mai ci-dessus ; signés de noms de fantaisie ou d'initiales . Le « cocher de Vertamont » était un compositeur de chansons populaires nommé Estienne . Pierre-Honoré Robbé de Beauveset était un auteur d’œuvres badines .

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Honor%C3%A9_Robb%C3%A...

6 Début de l’Épître à d'Alembert, sur ce qu'on avait défendu l'Encyclopédie et brûlé ses ouvrages en France, de Frédéric, datée de février 1760.

Page 258 : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-201483&...

8 Silhouette, après le traité d'Aix-la-Chapelle, avait été un des trois commissaires chargés de fixer avec l'Angleterre les limites des possessions françaises et anglaises en Acadie, mal définies par le traité d'Utrecht .

9 Voir lettre à Frédéric II du 21 avril : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/04/20/l...

10 Allusion aux remontrances que fait le Parlement au roi ; V* considère le rire comme l'arme la plus efficace, voir le post-scriptum et aussi le billet du 19 mai déjà cité .

11 Le texte de la lettre de Frédéric du 1er mai porte « maculée » ; les éditeurs des œuvres de Frédéric, Koser et Droysen qui avaient le manuscrit ne signalent que la transformation de « maculée » en « immaculée » par une autre main .

Lettre du 1er mai 1760 : page 397 et précédentes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f402.image.r...

12 Référence aux Pourquoi, réponse aux ridicules Quand de M. le comte de Tornet, 1760 .

13 V* dispose en principe de tous les droits seigneuriaux .

14 Un an auparavant il a obtenu d'eux le brevet des droits seigneuriaux sur Ferney ; il vient de servir d'intermédiaire entre le gouvernement et Frédéric pour des pourparlers secrets de paix ; Mme de Pompadour lui a permis de lui envoyer Tancrède .

15 Ces termes se retrouvent dans le même post scriptum de la veille à Thibouville . Voir page 407 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f412.image.r...

 

 

Lire la suite

23/05/2011 | Lien permanent

ordonner de la part de Dieu à tous ceux qui voudraient être persécuteurs, de rire et de se tenir tranquilles

Jour de pause pour le tour (Le Tour !!). Je vais pouvoir poser ma bière, je n'en pouvais plus de suer comme un "forçat de la route"... Pour tout avouer, si certains se dopent, moi je vous raconte des craques, comme disent les belges ; en fait je ne regarde pas ou peu les exploits cyclistes, ça me lasse .Je vois dans ce sport un moyen d'accomplir son purgatoire sur terre.

Je suis un piètre vélocypédiste, je dois avoir quatorze kilomètres au compteur en ... 3 ans! Eh! oui, comme Armstrong, j'ai fait une pause, à ce détail près, aucun soupçon de dopage (sauf au chocolat, bien sûr), ni somptueuses rentrées de dollars...Allez, roulez jeunesse !

 

 Un maillot jaune doit se surpasser, à l'exemple de ces belles arches (mon coeur d'archer a bien entendu un faible pour ces lignes ! merci Kala69)

 

golden arch kala69.jpg

Volti craint toujours les piqures de F(f)relon ; je suis toujours admiratif de son art du camouflage et du pseudonyme ; comment ne s'y perd-il pas ? Moi qui ai décidé d'avoir deux ou trois pseudo pour mes vagabondages sur la toile, si je n'en utilise pas un pendant plus de trois semaines, c'est le même problème que pour les codes PIN, PUK et cartes bancaires, je rame, je galère avant de retrouver le sésame .

Alzheimer, euh! rappelez moi votre prénom ?

Aloïs ! ok, mais ça ne me donne toujours pas mon code de carte épargne, je vais épargner encore quelque temps faute de pouvoir récupérer quelques euros épars .

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

 

           Mon cher ange, ce pauvre Carré [prétendu traducteur de l’Écossaise du prétendu « M. Hume »] se recommande à vos bontés. Fréron s’oppose à la représentation de sa pièce sous prétexte qu’on l’a, dit-il, appelé quelquefois Frelon. Quelle chicane ! Ne sera-t-il permis qu’à l’illustre Palissot de jouer d’honnêtes gens ? [dans sa pièce Les Philosophes, approuvée par Joly de Fleury qui a fait un réquisitoire contre l’Encyclopédie]

 café ou écossaise.jpg

 

           Jérôme Carré croit que si sa Requête à messieurs les Parisiens paraissait quelques jours avant l’Écossaise, messieurs les Parisiens seraient bien disposés en sa faveur.

 

 

           Avez-vous reçu un paquet du 9 juillet par M. Chauvelin ? Quelquefois messieurs des postes ouvrent et mettent au rebut.

 

 

Écossaise

 

Page 203, retranchez ôtez moi plutôt cette vie etc.

Mettez … vous triomphez de moi plus que si j’étais tombé sous vos coups.

 

 

           Voltaire

           13 juillet 1760. »

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Jean le Rond d’Alembert

 

 

           Mon très cher ami, mon très illustre philosophe, madame de Saint-Julien qui veut bien se charger de ma lettre, me fournit l’occasion et la liberté de vous écrire comme je pense.

 

 

           Vous sentez combien j’ai du être affligé et indigné de l’aventure des deux académiciens [Delille et Suard, élus à l’académie française, n’ont pas reçu l’agrément du roi]. Vous m’apprenez que celui qui devait être le soutien le plus intrépide de l’Académie en a voulu être le persécuteur [Richelieu, sans doute, doyen de l’Académie]. Le présent et le passé me font une égale peine ; je ne vois que cabales, petitesses et méchancetés. Je bénis tous les jours les causes secondes ou premières qui me retiennent dans ma retraite. Il est plus doux de faire ses moissons que des tracasseries, mais ma solitude ne m’empêchera pas d’être toujours uni avec les gens de bien, c’est-à-dire avec vos amis, à qui je vous supplie de me bien recommander.

 

 

           Votre chut est fort bon [V* publie : l’Essai sur les probabilités en fait de justice, Les systèmes, Les Cabales avec des notes instructives, Jean qui pleure et qui rit]; mais il n’est pas mal d’ordonner de la part de Dieu à tous ceux qui voudraient être persécuteurs, de rire et de se tenir tranquilles [dernier vers des Systèmes : « Imitez le bon Dieu qui n’en a fait que rire. »]. Je vois qu’en effet on cherche à persécuter tous les gens de lettres, excepté peut-être quelques charlatans heureux et quelques faquins sans aucun mérite. Il faut un terrible fonds de philosophie pour être insensible à tout cela.

Mais vous savez qu’ainsi va le monde.

 

 

           Ce qui se passe dans le Nord n’est pas plus agréable. Votre Dannemark a fourni une scène qui fait lever les épaules et qui fait frémir [Struensee, médecin du roi, amant de la reine, ministre réformateur et autoritaire a été accusé de complot contre le roi et exécuté le 28 avril]. J’aime encore mieux être Français que Danois, Suédois, Polonais, Russe, Prussien ou Turc ; mais je veux être Français solitaire, Français éloigné de Paris, Français suisse et libre.

 

 

           Je m’intéresse beaucoup à l’étrange procès de M. de Morangiés. Mes premières liaisons ont été avec sa famille. Je le crois excessivement imprudent. Je pense qu’il a voulu emprunter de l’argent très mal à propos, et au hasard de ne point payer ; que dans l’ivresse des ses illusions et d’une conduite assez mauvaise il a signé des billets [à Dujonquay « au profit de la Véron que Dujonquay lui disait être une associée de la compagnie des prêteurs. »] avant de recevoir l’argent . C’est une absurdité ; mais toute cette affaire est absurde comme bien d’autres. Si vous voyez M. de Rochefort, je vous prie de lui dire qu’il me faut beaucoup plus d’éclaircissements qu’on ne m’en a donné [le 1er août, il demandera directement à Rochefort d’Ally le mémoire de l’avocat Delille ; moyennant quoi « il pourrait bien paraître dans quelques jours une nouvelle édition des Probabilités extrêmement augmentées. »]. Les avocats se donnent tant de démentis, les faits qui devaient être éclaircis le sont si peu, les raisons plausibles que chaque partie allègue sont tellement accompagnées de mauvaises raisons qu’on est tenté de laisser tout là. Un traité de métaphysique n’est pas plus obscur, et j’aime autant les disputes de Malebranche et d’Arnaud que la querelle de Dujonquay. C’est partout le cas de dire

 

Tradidit mundum disputationi eorum.

[il a livré le monde à leurs disputes ; Ecclésiaste]

 

           J’en reviens toujours à conclure qu’il faut cultiver son jardin, et que Candide n’eût raison que sur la fin de sa vie. Pour vous, il me parait que vous avez raison dans la force de votre âge. Pour vous   , il me paraît que vous avez raison dans la force de votre âge. Portez-vous bien, mon cher philosophe, c’est là le grand point. Je m’affaiblis beaucoup ; et si je suis quelquefois Jean qui pleure et qui rit, j’ai bien peur d’être Jean qui radote ; mais je suis sûrement Jean qui vous aime.

 

 

           V.

           13è juillet 1772. »  

 

 

 

 

 

Elus de l'académie : Suard : http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.academie...

 

                      Delille : http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academici...

 

 

 

 

 

 

Demain, 14 juillet, pique-nique républicain dans le parc du château, plus exactement, dans le petit jardin clos (que connaît loveV), là où il y a quelques barbus autour d'une coupe ou cratère -je n'ai pas dit autour d'une chope- et deux superbes magnolias .

Je vais avoir le sentiment d'avoir une petite réception élyséenne campagnarde, sans remise de légion d'honneur .Le maire de Ferney apportera son petit panier de victuaille ? je le souhaite pour lui, sinon pas de miam-miam : la fourmi n'est pas prêteuse parait-il, si je me fie à l'attitude des banquiers locaux .... Bast...bec de gaz.jpg

 

 

 

 

 

 

Après avoir arboré la perruque XVIIIème, vive le bonnet phrygien !! Les aristocrates à la lanterne !! (Nous avons quelques lampadaires à becs de gaz disponibles )...

 

 

 

jean qui rit et qui pleure.jpg

Lire la suite

13/07/2009 | Lien permanent

Genève, qui fait pour deux millions de contrebande par an

http://www.deezer.com/listen-3715452  : Traficants !

http://www.tdg.ch/contrebande-frites-frontiere-franco-sui...

Juste pour vous mettre dans l'ambiance, je peux vous assurer que Genève doit, de nos jours, allègrement dépasser le chiffre indiqué par Volti . Et ce pour le plus grand bien des centres commerciaux et de leurs employés dans le pays de Gex .

Vive la contrebande !

Et je ne compte pas les quarante mille traficants potentiels que sont les travailleurs transfrontaliers . Une seule loi, parfaitement raisonnable : dépenser le moins possible pour en avoir le maximum .

Il existe, -et peut-être la Confédération helvétique leur élèvera-t-elle des statues !-, il existe, quand même, des Suisses qui dépensent en Suisse pour défendre l'économie suisse . Minorité qui a les moyens financiers de s'offrir la plus-value du niveau de vie helvète.

Genève , chanté par William Sheller :

http://www.deezer.com/listen-982876

La Suisse est bien gardée et respecte les quotas : 1 homme + 1 femme + 1 animal ,Rantanplan, arme imparable . Ne vous fiez pas à l'allure pépère de la voiture, nos voisins ont de bons mécanos (le plus souvent français ) qui font de bons moteurs gonflés .

 

gardes_fronti_re2.jpg

 

 

 

 

 

« A Monsieur le chevalier de Beauteville i


Ferney le 10 février [1767]

 

Monsieur, certainement j'irai rendre à Votre Excellence les visites dont elle m'a honoré ii, quand elle voulait mettre la paix chez des gens qui ne méritent pas d'avoir la paix .

M. le duc de Choiseul m'a donné à la vérité toutes les facilités possibles ; mais, quelques bontés qu'il aie, la gène et le fardeau retombent toujours sur nous . Quel pays que celui-ci ! Je n'ai pu trouver dans Paris une lettre de change sur Genève ; il faut faire venir l'argent par la poste . Les coches de Lyon et de Suisse n'arrivent plus , et je peux vous assurer qu'on trompe beaucoup M. le duc de Choiseul, si on lui écrit que les Genevois souffrent, il n'y a réellement que nous qui souffrons. On croit se venger d'eux et on nous accable . Si on voulait effectivement rendre la vengeance utile, il faudrait établir un port au pays de Gex, ouvrir une grande route avec la Franche-Comté, commercer directement de Lyon avec la Suisse par Versoix, attirer à soi tout le commerce de Genève, entretenir seulement un corps de garde perpétuel dans trois villages entre Genève et le pays de Gex ; cela coûterait beaucoup, mais Genève, qui fait pour deux millions de contrebande par an, serait anéantie dans peu d'années.

Pardonnez-moi la liberté que je prends en faveur de la confiance que vous m'avez inspirée, et de l'intérêt très réel que j'ai à tous ces mouvements.

La petite affaire de la sœur du brave Thurot iii est finie de la manière dont je l'aurais finie moi-même si j'avais été juge . Je n'en ai point importuné M. le duc de Choiseul ; j'ai la principale obligation de tout à M. le vice-chancelier.

Je vous conseille de jeter Les Scythes dans le feu, car je les ai bien changés, et je vais m'amuser à en faire une meilleure édition.

Permettez que M. le chevalier de Taulès iv trouve ici les assurances des sentiments que j'aurai pour lui toute ma vie.

J'ai l'honneur d'être, avec bien du respect, et la plus tendre reconnaissance de toutes vos bontés, monsieur, de Votre Excellence, le très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire. »

 

i Pierre de Buisson , chevalier de Beauteville, ambassadeur du roi de France , et médiateur, écrit au Conseil de Genève le 30 décembre 1766 : « le roy mon maître , instruit de la réjection du plan de conciliation qu'il avait approuvé,... m'ordonne de me retirer de cette ville et de me rendre à Soleure. »

 

ii En 1766 .

 

iii A propos de cette affaire , voir : http://www.leschroniquesdemichelb.com/2010/10/voltaire-co...

et lettre du 2 janvier 1767 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/02/j...

 

iv Secrétaire d'ambassade à Genève en 1766 : Jean Taulès .

Chercher Taulès dans : http://books.google.be/books?id=HPgMAAAAYAAJ&pg=PT724...

et page XI :

http://books.google.fr/books?id=UgNbAAAAQAAJ&dq=Jean%...¨s%20masque%20de%20fer&pg=PR11#v=onepage&q&f=false

 

 

 

Lire la suite

10/02/2011 | Lien permanent

Mandez-moi je vous prie, quel est le corps que vous méprisez le plus, je suis empêché à résoudre ce problème

... Si Voltaire hésitait , faute de preuves encore, de même j'hésite à savoir quel camp politique nous expose les plus méprisables candidats ou quels candidats s'imposent et prennent en otage leurs partis .

S'il est une seule chose à retenir de cette campagne présidentielle calamiteuse, c'est un moment de vraie  volonté de bien faire donnée par Alain Juppé ce jour . Il est regrettable que des élections primaires vaseuses en aient décidé autrement . E la nave va ! comme dit Fellini , en attendant le naufrage .

 

juppé .png

Alain Juppé ne laisse aucun doute sur son choix et respecte sa parole , lui .

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

A Ferney 29 mars 1762 1

Mon cher et grand philosophe, vous avez donc lu cet impertinent petit libelle 2 d'un impertinent petit prêtre 3 qui était venu souvent aux Délices et à qui nous avions daigné faire trop bonne chère . Le sot libelle de ce misérable était si méprisé, si inconnu à Genève que je ne vous en avais point parlé . Je viens de lire dans le Journal encyclopédique 4 un article où l'on fait l'honneur à ce croquant de relever son infamie . Vous voyez que les presbytériens ne valent pas mieux que les jésuites, et que ceux-ci ne sont pas plus dignes du carcan que les jansénistes .

Vous aviez fait à la ville de Genève un honneur qu’elle ne méritait pas . Je ne me suis vengé qu'en amusant ses citoyens . On joua Cassandre ces jours passés sur mon théâtre de Ferney, non le Cassandre que vous avez vu croquis 5, mais celui dont j'ai fait un tableau suivant votre goût . Les ministres n'ont pas osé y aller, mais ils y ont envoyé leurs filles . J'ai vu pleurer Genevois et Genevoises pendant cinq actes , et je n’ai jamais vu pièce si bien jouée, et puis un souper pour deux cents spectateurs, et puis le bal . C'est ainsi que je me suis vengé .

On venait de pendre un de leurs prédicants à Toulouse, cela les rendait plus doux, mais on vient de rouer un de leurs frères accusé d'avoir pendu son fils en haine de notre sainte religion pour laquelle ce bon père soupçonnait dans son fils un secret penchant . La ville de Toulouse, beaucoup plus sotte et plus fanatique que Genève, prit ce jeune pendu pour un martyr . On ne s'avisa pas d'examiner s'il s’était pendu lui-même, comme la chose est très vraisemblable . On l'enterra pompeusement dans la cathédrale, une partie du parlement assista pieds nus à la cérémonie, on invoqua le nouveau saint, après quoi la Chambre criminelle fit rouer le père à la pluralité de huit voix contre cinq . Ce jugement était d'autant plus chrétien qu'il n'y avait aucune preuve contre le roué . Ce roué était un bon bourgeois, bon père de famille, ayant cinq enfants en comptant le pendu . Il a pleuré son fils en mourant, il a protesté de son innocence sous les coups de barre . Il a cité le parlement au jugement de Dieu . Tous nos cantons hérétiques jettent les hauts cris, tous disent que nous somme une nation aussi barbare que frivole, qui sait rouer et qui ne sait pas combattre et qui passe de la Saint-Barthélémy à l’opéra-comique . Nous devenons l'horreur et le mépris de l'Europe . J'en suis fâché car nous étions faits pour être aimables .

Je vous promets de n'aller ni à Genève ni à Toulouse . On n'est bien que chez soi .

Pour l'amour de Dieu, rendez-moi aussi exécrable que vous le pourrez le fanatisme qui a fait pendre un fils par son père, ou qui a fait rouer un innocent par huit conseillers du roi .

Mandez-moi je vous prie, quel est le corps que vous méprisez le plus, je suis empêché à résoudre ce problème .

Interim vous savez combien je vous aime, estime et révère . »

2 Cet « impertinent petit libelle » était les Lettres critiques décrites dans la note ci-dessus . Il était en réalité l’œuvre de J.-J. Vernet, 1761 .

3 Pour V*, le « petit prêtre » était Robert Brown qui avait signé la préface ; c'est à lui qu'il continua d'attribuer l'ouvrage jusqu'à la troisième édition de 1766 ; voir Eugène Ritter : « Voltaire et le pasteur Brown », Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français, mars-avril 1904 : https://www.jstor.org/stable/i24286668

5 L'emploi de ce mot est récent en ce sens : il date seulement de 1752, d'après le Französisches etymologisches Wörterbuch de W. von Wartburg, 1946 .

 

Lire la suite

06/03/2017 | Lien permanent

je fais déjà tailler mes vignes et mes arbres. Je m'occupe à faire des basses-cours

 

bassecour1.jpg

Voltaire n'était pas un paysan d'opérette, un jardinier du dimanche, un traine binette . Il sait parfaitement , en temps et lieux, faire exécuter les travaux nécessaires pour avoir de bonnes récoltes .

 

bassecour2.jpg


Il mène les hommes de l'art afin de rendre son logis agréable pour lui et ses amis et parents ;  sans faire appel à Valérie Damidot, lui  !

bassecour3.jpg

 


 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, près de Genève, 8 mars [1755].

Mes Délices sont un tombeau, mon cher et respectable ami. Nous voilà, ma garde-malade et moi, sur les bords du lac de Genève et du Rhône; je mourrai du moins chez moi. Il est vrai qu'il serait assez agréable de vivre dans une maison charmante, commode, spacieuse, entourée de jardins délicieux mais j'y vivrai sans vous, mon cher ange, et c'est être véritablement exilé.
Notre établissement nous coûte beaucoup d'argent et beaucoup de peines. Je ne parle qu'à des maçons, à des charpentiers, à des jardiniers; je fais déjà tailler mes vignes et mes arbres. Je m'occupe à faire des basses-cours. Vous croirez, sur cet exposé, que j'ai abandonné votre Orphelin; ne me faites pas cette cruelle injustice. Vous aurez vos cinq magots chinois incessamment, et tout ce que je vous ai promis. J'ai travaillé autant que l'a permis ma déplorable santé. Si vous l'ordonnez, le tout partira à l'adresse de M. de Chauvelini, l'intendant des finances, à votre premier ordre. Si vous voulez me donner jusqu'à Pâques, j'aurai encore peut-être le temps de limer, et l'envie de vous plaire pourra m'inspirer. Je ne vous parlerai plus de Lambert,ii quoique sa négligence m'embarrasse; je ne vous parlerai que de Gengis; c'est Arlequin poli par l'amouriii. C'est plutôt le Cimon de Boccace iv et de La Fontaine v.

 


Chimon aima, puis devint honnête homme.
(La Courtisane amoureuse )


Voilà le sujet de la pièce. Vous aviez raison de découvrir cinq actes dans mes trois. Le germe y était reste à savoir si cette tragédie aura la sève et le montant d'Alzire; non assurément. J'y ai fait tout ce que le sujet et ma faiblesse comportent; mais ce n'est pas assez de faire bien, il faut être au goût du public il faut intéresser les passions de ses juges, remuer les cœurs, et les déchirer. Mes Tartares tuent tout, et j'ai peur qu'ils ne fassent pleurer personne. Laissons d'abord passer toutes les mauvaises pièces qui se présenteront ne nous pressons point, et tâchons que dans l'occasion on dise Cela est bien; et s'il était parmi nous, cela serait encore mieux.

In qua scribebat, barbara terra fuit. vi
(OVID., Taist., III, eleg. i, v. 18.)

Consolez-moi, mon cher ange, en m'apprenant que vous êtes heureux, vous et les vôtres. Je baise toujours le bout des ailes de tous les anges. »

 



 

i Jacques-Bernard de Chauvelin, intendant des finances et conseiller d'Etat, frère du marquis François-Claude de Chauvelin, et de l'abbé Henri-Philippe de Chauvelin.

Page 309 : http://books.google.fr/books?id=pmowAAAAYAAJ&pg=PA309&dq=Jacques-Bernard+de+Chauvelin&hl=fr&ei=r0XiTpqQC8iYhQerxo3bAQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=6&ved=0CF4Q6AEwBQ#v=onepage&q=Jacques-Bernard%20de%20Chauvelin&f=false

 

ii Imprimeur-éditeur qui a fait paraître une édition dénaturée des Œuvres de Voltaire .

 

 

 

 

 

Lire la suite

09/12/2011 | Lien permanent

le cri public nous autorise à nous rendre sévères, et à passer dorénavant par-dessus toute autre considération

... Auraient pu dire François Hollande, Ayrault et Vals réunis .

Et d'ajouter "Ah!  ça ira ! ça ira !..."

(NDLR -   La cédille prend ici toute sa valeur pour éviter, autant que possible, de retomber dans les excès de langage sarkoziens "Ah ! caïra! caïra !" que la faune délinquante de Marseille pourrait encore prendre comme une insulte et tabasser les forces de l'ordre, encore une fois)

le cridupeuple.jpg

 

 

« DE M. D'ALEMBERT.

A Paris, ce 13 décembre [1756].

Vous avez, mon cher et illustre maître, très-grande raison sur l'article Femme 1 et autres; mais ces articles ne sont pas de mon bail: ils n'entrent point dans la partie mathématique, dont je suis chargé, et je dois d'ailleurs à mon collègue 2 la justice de dire qu'il n'est pas toujours le maître ni de rejeter ni d'élaguer les articles qu'on lui présente. Cependant le cri public nous autorise à nous rendre sévères, et à passer dorénavant par-dessus toute autre considération; et je crois pouvoir vous promettre que le septième volume n'aura pas de pareils reproches à essuyer.
J'ai reçu les articles que vous m'avez envoyés, dont je vous remercie de tout mon cœur. Je vous ferai parvenir incessamment l'article Histoire contresigné. Nos libraires vous prient de vouloir bien leur adresser dorénavant vos paquets sous l'enveloppe de M. de Malesherbes, afin de leur en épargner le port, qui est assez considérable. Quelqu'un s'est chargé du mot Idée. Nous vous demandons l'article Imagination; qui peut mieux s'en acquitter que vous? Vous pouvez dire comme M. Guillaume 3 : Je le prouve par mon drap.
Le roi tient actuellement son lit de justice pour cette belle affaire du parlement et du clergé;
Et l'Église triomphe ou fuit en ce moment 4.
Tout Paris est dans l'attente de ce grand événement, qui me parait à moi bien petit en comparaison des grandes affaires de l'Europe. Les prêtres et les robins aux prises pour les sacrements vis-à-vis 5 les grands intérêts qui vont se traiter au parlement d'Angleterre, vis-à-vis la guerre de Bohême et de Saxe, tout cela me parait des coqs qui se battent vis-à-vis des armées en présence.
Personne ne croit ici que les vers contre le roi de Prusse 6 soient votre ouvrage, excepté les gens qui ont absolument résolu de croire que ces vers sont de vous, quand même ils seraient d'eux. J'ai vu aussi cette petite édition de la Pucelle; on prétend qu'elle est de l'auteur du Testament politique d'Albéroni 7; mais, comme on sait que cet auteur est votre ennemi, il me parait que cela ne fait pas grand effet. D'ailleurs les exemplaires en sont fort rares ici, et cela mourra, selon toutes les apparences, en naissant. Je vous exhorte cependant là-dessus au désaveu 8 le plus authentique, et je crois que le meilleur est de donner enfin vous-même une édition de la Pucelle que vous puissiez avouer. Adieu, mon cher et illustre maître; nous vous demandons toujours pour notre ouvrage vos secours et votre indulgence.
Mon collègue vous fait un million de compliments. Permettez que Mme Denis trouve ici les assurances de mon respect. Vous recevrez, au commencement de l'année prochaine, l'Encyclopédie. Quelques circonstances, qui ont obligé à réimprimer une partie du troisième volume, sont cause que vous ne l'avez pas dès à présent. Iterum vale, et nos ama. »

2 Diderot .

3 Dans l'Avocat Patelin, comédie de Brueys, acte III, scène Il.Page 69 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5675024b/f72.image

4 Bajazet, acte I, scène 2 page 21 : http://readerv4.numilog.com/?BookId=07AC0D69-71D3-4ECA-9A47-A22650F965DF&ExpCode=bnf&cr

« Et le sultan triomphe ou fuit en ce moment . »

5 C'est par ironie que ce mot est employé ici; voir : page 413 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113219/f415.image

8 Ce que fera V* dans ses lettres de décembre à Pierre Rousseau et du 26 mars 1757 à Thieriot .

 

Lire la suite

10/09/2012 | Lien permanent

Le grand point est que l'Etat ait la paix et que les particuliers aient justice

Note rédigée le 18 septembre 2011 pour parution le 12 septembre 2011.

Malgré ce titre très sérieux, méritant réflexion et approbation sans réserve pour son application, j'ai gardé dans cette lettre le sourire provoqué par l'évocation des "billets doux" , comme quelques-uns que vous trouverez ici :

http://blog.lepredeau.com/blog/tag/billets-doux/page/2/

billet-doux.jpg

 

 

 

« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine

à Paris

 

A Colmar , ce 12 septembre

 

Je fais les plus tendres compliments au frère 1 et à la sœur . Je sens qu'il est très triste d'avoir une si aimable famille, et d'en être séparé . Mme Denis fait ma consolation dans ma solitude et dans mes maladies . Plus elle est aimable, plus elle me fait sentir combien le charme de sa société redoublerait par celui de la vôtre .

 

La nouvelle la plus intéressante que le conseiller du grand conseil me mande est la démarche que son corps a faite . Je vous en fais mon compliment, mon cher abbé ; il sera difficile que l’ancien des jours 2, Boyer,3 résiste à une sollicitation si pressante pour lui, et si honorable pour vous 4. L'homme du monde pour la conservation de qui je fais actuellement le plus de vœux est l'évêque de Mirepoix .

 

Je suis bien aise que le parlement ait enregistré sa condamnation et sa grâce, sans demeurer d’accord des qualités . Le grand point est que l'Etat ait la paix et que les particuliers aient justice . Votre soeur, à qui le fils5 de Samuel Bernard s'est avisé de faire , en mourant, une petite banqueroute, est intéressé à voir le parlement reprendre ses fonctions . Il serait douloureux que la situation de mille familles demeurât incertaine parce que quelques fanatiques exigent des billets de confession de quelques sots . Il n'y a que des billets à ordre, ou au porteur, qui doivent être l'objet de la jurisprudence ; il faut se moquer de tous les autres, exceptés des billets doux.

 

Pour mon billet d'avoir une terre, ma chère nièce, j'espère l'acquitter si je vis .

 

Il y a quelque apparence que nous passerons, votre sœur et moi , l'hiver à Colmar . Ce n'est pas la peine d'aller chercher une solitude ailleurs . Le printemps prochain décidera de ma marche .

 

Je suis bien aise qu'on trouve au moins ce troisième tome, dont vous me parlez, passable et modéré : c'est tout ce qu'il est . Je ne l'ai donné que pour confondre l'imposture et l'ignorance, qui m'ont attribué les deux premiers . Il y a une extrême injustice à me rendre responsable de cet avorton informe dont les imprimeurs avides ont fait un monstre méconnaissable . Si jamais j'ai le temps de mettre en ordre tout ce grand ouvrage, on verra quelque chose de plus exact et de plus sérieux . C'est un beau plan ; mais l'exécution demande plus de santé et de secours que je n'en ai .

 

Votre vie est plus agréable que celle des gens qui s'occupent de la grâce, et des anciennes révolutions de ce bas monde . Le mieux est de vivre pour soi, pour son plaisir, et pour ses amis ; mais tout le monde ne peut pas faire ce mieux, et chacun est dirigé par son instinct et par son destin .

 

Vous ne me dites rien de votre fils ; je l'embrasse . Je fais mes compliments à tout ce que vous aimez .

 

Adieu, la sœur et le frère ; vous êtes charmants de ne pas oublier ceux qui sont au bord du Rhin . »


1 L'abbé Alexandre-Jean Mignot, conseiller au grand Conseil du roi .

2 Expression du prophète Daniel : chapitre VII verset 9 :  « Je regardai, pendant que l'on plaçait des trônes. Et l'ancien des jours s'assit. Son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête étaient comme de la laine pure; son trône était comme des flammes de feu, et les roues comme un feu ardent »

3 Boyer, ancien évêque de Mirepoix , ' « l'âne de Mirepoix » , ainsi que le moquait V*, car il signait ses lettres par An (cien) E(vêque) de Mirepoix . Voir page 373 : http://books.google.fr/books?id=mKMGAAAAQAAJ&pg=PA373...

4 Le grand Conseil, dont l'abbé Mignot était membre avait sollicité pour lui un bénéfice auprès de Boyer, ancien évêque de Mirepoix qui tenait alors la feuille des bénéfices . L'abbé Mignot eut , dans la suite , l'abbaye de Scellières en Champagne, où il fera inhumer V* en 1778 .

5 Samuel-Jacques Bernard , comte de Coubert, né en 1686, mort vers la fin de 1753 . Ce banqueroutier, beau-frère du président François-Matthieu Molé et beau-père du président Chtétien-Guillaume de Lamoignon (mort en 1759) fit perdre aussi une somme considérable à V*.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Samuel-Jacques_Bernard_(1686...)

Lire la suite

12/09/2011 | Lien permanent

Page : 258 259 260 261 262 263 264 265 266 267 268