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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Que dites-vous de moi qui vous commande des décorations tandis que Jean-Jacques proscrit la comédie ?

... Mais Jean-Jacques est incurablement fou et sot .

 

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

part mercredi

On parle d'une bataille entre mes Prussiens et mes Russes 1. Cela est très vraisemblable . Le roi de Prusse m’écrit du 18 juillet qu'il compte sur cette bataille . Nulle nouvelle de M. Thurot le corsaire 2 . Qu'on se batte ou non sur terre et sur mer voici toujours pour quinze mille livres de lettres de change, mon cher correspondant . J'ai vu Mirani . La muraille et la terrasse seront plus chères que je ne croyais attendu qu'il a enlevé au loin toutes les terres qu'il faudrait reporter . Monsieur le conseiller décidera de tout .

Je serais fort aise d'avoir dans l'occasion quatre aigrettes jaunes, quatre caparaçons jaunes, et rênes jaunes pour quatre chevaux, mais après avoir eu l'impudence de demander à M. Camp des décorations de mon théâtre de marionnettes, je n'ose plus rien demander . Que dites-vous de moi qui vous commande des décorations tandis que Jean-Jacques proscrit la comédie ?

J'embrasse toute la famille de tout mon cœur .

V.

7 août [1759] »

1 Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Minden

Nulle bataille n'a eu lieu à cette époque . Frédéric écrivait à V le 18 juillet 1759 :« L'homme à toque et à épée papales [Daun] est placé sur les confins de la Saxe et de la Bohème . Je me suis mis dans une position à tout sens avantageuse vis-à-vis de lui . Nous en sommes à Présent à ces coups d'échecs qui préparent la partie . … Je ne saurais vous dire encore à quoi ceci mènera . Les Russes sont pendus au croc . Dohn a dit : […] sta, ursus ; et l'ours s'est arrêté » . La duchesse de Saxe-Gotha à V*, le 6 août 1759 : « … ; le prince Ferdinand vient de remporter la victoire sur l'armée de France près de Minden prussien le premier de ce mois … le lendemain de cet événement l'armée des alliés a repris Minden et les Français se sont repliés sur Rindeln . Si cette bataille est décisive ou non c'est ce que j'ignore encore …. quelques généraux et quelques mille hommes ont été faits prisonniers, et quelques canons pris . » Sur l'issue de la bataille, voir la lettre du 14 août 1759 à la comtesse de Lutzelbourg : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1759-partie-14-118971134.html

2 Le corsaire François Thurot était parti en course avec des lettres patentes ; il devait remporter le seul succès français appréciable sur les iles britanniques en s'emparant de Carrickfergus près de Belfast et en s'y maintenant plusieurs jours en février 1760 .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Thurot

 

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05/09/2014 | Lien permanent

je vois qu'on ne fait rien sur terre , en enfer, et au ciel, que pour de l'argent

... Notre clairvoyant Voltaire apporte de l'eau au moulin de l'actualité Panama papers , sans accorder d'absolution cependant .

Dieu-fric , ta religion ne manque pas de pratiquants adorateurs : les ploutocrates !

  http://www.lemonde.fr/panama-papers/article/2016/04/06/pa...

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« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental

Ferney par Genève 27è avril 1761

J'envoie à mes anges , un morceau scientifique 1, en réponse à la généreuse lettre de M. le duc de La Vallière . Je crois que Thieriot fera imprimer tout cela pour l'édification du prochain ; mais si Thieriot n'a pas assez de crédit, je me mets toujours sous les ailes de mes anges . Je ne suis pas fâché de faire voir tout doucement, que le théâtre est plus ancien que la chaire, et qu'il vaut mieux .

Je ne sais qui a fait la consultation de Mlle Clairon à un avocat 2. Je ne connaissais pas l'anecdote du reposoir, et des mille écus ; je vois qu'on ne fait rien sur terre , en enfer, et au ciel, que pour de l'argent ; une religion qui veut attacher de l’infamie à Cinna, est elle-même ce qu'il y a de plus infâme ; il faut pourtant ne se pas mettre en colère ; mais comment lire sans se fâcher, le détestable style, du détestable avocat, qui a fait un mémoire inlisible 3?

On me mande qu'on n'entend pas un mot de ce que dit Lekain, qu'il étouffe de graisse, et que les autres acteurs, excepté 4 Mlle Clairon, font étouffer d'ennui ; cela est-il vrai ? J'en serais fâché pour Oreste ; daignez-vous toujours aimer cet Oreste ? Conservez au moins vos bontés, pour celui qui a purgé ce beau sujet des amours ridicules qui l'avaient défiguré .

J'ai peur que le congrès ne commence tard, et que la guerre ne dure longtemps .

M. de Chimènes achève de se ruiner à faire jouer son Don Carlos à Lyon, et moi à bâtir une église . Comme le monde est fait ! »

3 Sur inlisible, voir lettre du 5 décembre 1760 à JR Tronchin , V* utilise cette forme à plusieurs reprises, conformément à l'usage de l'époque .

4 Wagnière avait écrit exceptée , que V* a corrigé .

 

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06/04/2016 | Lien permanent

une conférence entre deux méchants hommes n'intéresse point

 Je ne sais si M. Woerth a reçu comme M. Ami Camp un paquet marqué en rouge "Paquet suspect", toujours est-il qu'il est soupçonné d'en avoir reçu un très discretement et fort bien garni, -arme de guerre politique-, d'une fort jolie somme.

En cette période faste pour le sport, en particulier le cyclisme, on va sans doute entendre encore des rumeurs de dopage, et bien des hommes politiques , -et pour être exceptionnellement gentil, je vais dire des partis politiques,- eux se dopent au pognon qui est l'EPO(-gnon) de l'élu en mal de reconnaissance .

J'ai comme l'impression que l'on joue à "je te tiens, tu me tiens  par la barbichette, le premier qui parlera aura une ... amnistie ?" Je m'attends à tout dans ce monde qui lie pouvoir et fric .

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De pas content à fâché, de fâché à "tu me gonfles", de "tu me gonfles" à "compte tes abattis" ... je sens que du poil va voler ! Vous pariez sur lequel ?

 Et dire qu'après ça, ils vont continuer à manger dans le même gamelle ( là je ne parle plus des chats ci-dessus, bien évidemment ! )

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Ferney le 6 juillet 1765



 

Voici, mes divins anges, ce qui est advenu. Votre paquet adressé à M. Camp et contresigné Chauvelin, arriva en son temps à Lyon à l'adresse de M. Camp. Les fermiers généraux des postes l'avaient arrêté et contresigné à Paris d'une autre façon en mettant en gros caractères sur l'enveloppe et avec une encre rouge Paquet suspect. M. Camp est toujours malade, M. Tronchin qui est à Lyon fut étonné du suspect en lettres rouges, il ouvrit le paquet. Les directeurs des postes disputèrent, ils exigèrent, je crois, un louis : enfin le paquet qui portait une sous-enveloppe à l'adresse de Wagnière, chez Souchay à Genève m'a été rendu aujourd'hui. La même chose à peu près m'était arrivée au sujet d'un très petit paquet, aussi contresigné Chauvelin, que vous m'aviez adressé il y a environ trois semaines. Ainsi vous voyez que les fermiers préfèrent le port aux conseillers d'État intendants des finances. Je pense donc que n'ayant à m'envoyer que des paquets honnêtes, le meilleur parti est de les mettre avec les dépêches pour le résident de Genève :vous voudrez bien m'informer du départ par une simple lettre par la poste, à Wagnière chez Souchay à Genève sans autre enveloppe.



 

J'étais curieux avec juste raison de savoir ce que contenait cette vieille demi-page [où V* parlait de l'Infâme ; cf. lettre du 22 mai]. Le mot l'Infâme a toujours signifié le jansénisme, secte dure et barbare, plus ennemie de l'autorité royale que le presbytérianisme ( et ce n'est pas peu dire ) et plus dangereuse que les jésuites. Si le Roi sait mon grimoire, il sait que je n'écris jamais qu'en loyal sujet à des sujets très loyaux.



 

Lekain est triste et moi aussi ; je lui conseille de venir chez moi en Suisse pour s'égayer [il y a un conflit à la Comédie française ; cf. lettre du 24 avril à Damilaville ]. Mlle Clairon viendra à Ferney,[elle a été enfermée à Fort-l'Evêque] j'y passerai quelques jours pour elle, et la tragédie que nous jouerons tous ensemble nous remettra de la gaieté dans le cœur [au marquis de Plessis-Villette, ce jour, il dit que Mme Denis après avoir demandé la salle « pour repasser son linge », « a rebâti le théâtre » . Mlle Clairon y jouera en août les rôles d'Aménaïde et d'Electre dans Tancrède et Oreste]. Ferney n'est point à moi, comme vous savez, il est à Mme Denis. J'ai le malheur de n'avoir rien en France et même nulle part, mais je vous remercie pour Mme Denis, vous et M. le duc de Praslin, comme si c'était pour moi-même; et jamais ses bontés et les vôtres ne sortiront de mon cœur . Je crois qu'il est très convenable que j'écrive à M. de Calonne ; je regarde sa commission de rapporteur comme un de vos bienfaits [dans l'affaire des dîmes que le curé de Ferney voulait faire payer à V*].



 

Je viens de vous dire, mes anges, que si Lekain fait bien, il viendra dans ma Suisse, mais je le prierai de rester au théâtre . On est donc revenu sur les six pendus?[Le Siège de Calais de Belloy, un des motifs du conflit à la Comédie Française, Lekain et Molé décampèrent plutôt que jouer cette pièce qu'on leur imposait] Je suis très aise pour l'auteur que l'illusion l'ait si bien et si longtemps servi. Le ridicule n'est que dans l'enthousiasme qui a pris pour une chose honorable à la nation, l'époque honteuse de trois batailles perdues coup sur coup et d'une province subjuguée : vous apprêtez trop à rire aux Anglais et j'en suis fâché.



 

Comme je ne reçois le manuscrit du petit prêtre qu'aujourd'hui [Octave et Le Triumvirat qu'il veut faire attribuer à un jeune prêtre] , vous ne pouvez recevoir la nouvelle leçon que dans quinze jours . Il est bon d'ailleurs d'accorder du temps au zèle de ce jeune homme . Il dit que la scène des deux tyrans ne fera jamais un bon effet, parce qu'une conférence entre deux méchants hommes n'intéresse point ; mais elle peut attacher par la grandeur de l'objet et par la vérité des idées, surtout si elle est bien dialoguée et bien écrite ; selon lui, c'est la scène de Julie errante dans les rochers de cette [île] triumvirale qui doit intéresser,[Ac; II sc. 4] mais il faut des actrices.



 

Je me mets sous les ailes de mes anges.



 

V. »

 

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Allez, maintenant je vous lâche la grappe ! (ce qui exclut les femmes du jeu , évidemment ).

 

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06/07/2010 | Lien permanent

nous devons au public des vérités et des instructions

... Dans toute autre bouche que celle de Voltaire ces paroles ne sont que du vent, de franches hypocrisies si j'ose dire . Nous en avons entendu suffisamment et pourtant nous allons en avaler jusqu'à plus soif dans l'année qui vient, ça va nous saouler , comme d'habitude, et comme d'habitude on n'a que le choix du moins mauvais, sans plus . Des vérités : peu, des instructions : prou .

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Des vérités : prou ; des instructions : peu , c'est mieux .

 

 

 

« A Charles Pinot Duclos

Ferney, 19 septembre 1761

Je vous demande en grâce, monsieur, de vouloir bien engager nos confrères à daigner lire les corrections, les explications, les nouveaux doutes que vous trouverez dans le commentaire de Cinna . Vous vous intéressez à cet ouvrage : je sais combien il est important que je ne hasarde rien sans vos avis . M. le duc de Villars est chez moi . Je ne connais personne qui ait fait une étude plus réfléchie du théâtre que lui . Il sent comme moi combien ces remords sont peu naturels et par conséquent peu touchants après que Cinna s'est affermi dans son crime, et dans une fourberie aussi réfléchie que lâche qui exclut tout remords . Il est persuadé avec moi que ces remords auraient produit un effet admirable, s'il les avait eus quand il doit les avoir, quand Auguste lui dit qu'il partagera l'empire avec lui et qu'il lui donne Émilie . Ah ! si dans ce moment-là même , Cinna avait paru troublé devant Auguste ! si Auguste ensuite se souvenant de cet embarras en eût tiré un des indices de la conspiration ! que de beautés vraies ! que de belles situations un sentiment si naturel eût fait naître !

Nous devons de l’encens à Corneille et assurément je lui en donne, mais nous devons au public des vérités et des instructions . Je vous demande en grâce de m'aider . Le fardeau est immense . Je ne peux le porter sans secours . Je vous importune beaucoup . Je vous importunerai encore davantage . Je vous demande la plus grande patience et les plus grandes bontés . L'Europe attend cet ouvrage, on souscrit en Allemagne et en Angleterre, l'impératrice de Russie pour deux cents exemplaires comme le roi . Je vous conjure de me mettre en état de répondre à des empressements si honorables . Présentez à l'Académie mes respects, ma reconnaissance et ma soumission et renvoyez-moi ce manuscrit , c'est la seule pièce que j'aie . »

 

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02/09/2016 | Lien permanent

Donnons la pièce incognito . Jouissons une fois de ce plaisir ; il est très amusant

 

Commencer par un Te deum :

http://www.youtube.com/watch?v=i23i0IS8m6U&feature=related

 http://www.youtube.com/watch?v=3O5ov3ABAAI&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=Z9SrQbNnr9w&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=rUPHqkloOnY&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=qUsPlHNPoYA&feature=related

 

Tout comme le Tancrède de Volti, j'ai commencé mon errance en ce monde un 22 avril, jour de neige, et vous vous doutez bien que n'étant pas Highlander, ce ne fût pas en 1759 de l'ère chrétienne . Là s'arrête le point commun, mon père ne se nommant pas François-Marie, non plus que ma mère Marie-Louise .

Quoique, quoique !

Tout bien réfléchi, certains jours (rares !) le terme de « vieux fou » peut aussi me convenir ! Et je ne revendique que le "fou", le "vieux" n'étant pas d'actualité, pour autant que je puisse en juger .

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

19 mai 1759

 

C'est aujourd'hui, mon cher ange, le 19 mai, et c'est le 22 avril qu'un vieux fou commença une tragédie, finie hier i. Vous sentez bien , mon divin ange, qu'elle est finie et qu'elle n'est pas faite, et que mes maçons, mes bœufs, mes moutons et les loups nommés fermiers-généraux contre lesquels je combats, et deux ou trois procès ii qui m'amusent, et des correspondants nécessaires ne me permettront pas de vous envoyer mon griffonnage l'ordinaire prochain iii. Mon cher ange, je vous avais bien dit que la liberté et l'honneur rendus à la scène française iv échauffaient ma vieille cervelle . Ce que vous verrez ne ressemble à rien et peut-être ne vaut rien . Mme Denis et moi-même nous avons pleuré . Mais nous sommes trop proches parents de la pièce, et il ne faut pas croire à nos larmes . Il faut faire pleurer mes anges, et leur faire battre des ailes . Vous aurez sur le théâtre des drapeaux portés en triomphe, des armes suspendues à des colonnes, des processions de guerriers, une pauvre fille excessivement tendre et résolue et encore plus malheureuse, le plus grand des hommes et le plus infortuné, un père au désespoir ; le 5è acte commence par un Te Deum et finit par un De Profundis . Il n'y a eu jamais sur aucun théâtre aucun personnage dans le goût de ceux que j'introduis, et cependant ils existent dans l’histoire, et leurs mœurs sont peintes avec vérité . Voila mon énigme ; n'en devinez pas le mot, et si vous le devinez , gardez moi le secret le plus inviolable . Conspirons, mais ne nous décelons pas . Donnons la pièce incognito . Jouissons une fois de ce plaisir ; il est très amusant, et d'ailleurs je crois le secret nécessaire . La mesure des vers v est aussi neuve au théâtre que le sujet . Mme Denis n'en a point été choquée ; au quatrième vers , elle s'y est accoutumée . Elle a trouvé ce genre plus naturel que l'ancien et quelquefois plus convenable au pathétique . Il met le comédien plus à son aise, j'entends le bon comédien . Avec tout cela nous pouvons être sifflés et il faut tâcher de ne l'être pas sous mon nom.

 

Gardez-vous bien d'être aussi empressé de faire voir mon monstre que je l'ai été à le former . Silence, anges, ou point de pièce .

 

Et ce n'est pas assez du silence, il faut jurer comme saint Pierre que vous ne me connaissez pas vi.

 

N b que dans notre petite drôlerie, nous n'avons ni rois, ni reines , ni princes, ni princesses, ni même gouverneur de toute la province, comme dit P. Corneille vii, et c'est encore un agrément .

 

Voyez, ô anges, quel pouvoir vous avez sur un Suisse .

 

V. »

 

 

ii Concernant ses terres .

iii Il l'enverra le 28 mai .

iv Désormais les spectateurs ne sont plus admis sur la scène ; voir lettre du 6 avril : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html

v En réalité la disposition des rimes : il y a des rimes croisées . En leur envoyant la pièce V* dit qu'il « a changé la mesure afin que ce maudit public ne me reconnût pas à ce qu'on appelle mon style » . Il propose de « faire donner (la pièce) par Lekain ou par M. de Lauraguais comme l'ouvrage d'un jeune inconnu » ; page 252 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f257.image.r=.langFR

vii Polyeucte . http://www.dr-belair.com/Languages/French/Corneille/Polyeucte.htm

 

Dédicace aux tyrans : finir par un De profundis ; oui, mais pas n'importe lequel !

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08/05/2011 | Lien permanent

A pack of rogues / Une bande de fripons

... Non ! non! affreux mal intentionnés, je ne parle pas des membres de l'ancien gouvernement, ni des nouveaux . L'histoire se chargera d'en estimer la valeur .

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« A Jean Vasserot de Châteauvieux 1

en sa maison

à Genève

A Tournay 30 [juillet 1759] au soir

Monsieur de Châteauvieux est trop bon 2. Betens me paraît un imbécile fût-il encore plus proche parent du général Betens . Les Choudens 3 sont étranges, le Pignier non moins étrange . Sur le conseil que je lui donnai de s'accommoder il alla porter son argent à Gex pour plaider . A pack of rogues,4 disent les Anglais .

La mère de Betens m'a fait pitié . Je voudrais secourir ce pauvre homme, mais je déclare aux Choudens que je n'en ferai rien .

A vous mon cher Cicéron je déclare que je ferai tout ce que je pourrai, mais je n'ai plus d'argent . J'ai tout dilapidé . Betens n'a pas trop bien géré . J'ai à me plaindre de lui . Cependant je ferai l'impossible pour le tirer de la geôle , il faut qu'il obtienne de Mme de La Bâtie sûreté pour ce que je pourrai prêter si je prête , que je ne sois plus aussi horriblement dupe que par le passé . Je vais de Tournay à Ferney, la tête me tourne de labourage, de sémature 5, et de fumier . Virgile avait raison de dire sordida rura 6. Tu causas acuis 7, mais la cause de Betens me parait désespérée . Il faut que vous soyez le plus humain des hommes, le plus compatissant pour descendre à tous ces détails . Je vous respecte et je vous embrasse .

V. »

2 Voir lettre du 14 août 1759 : « A Monsieur, Monsieur Vasserot, de Chateauvieux,

Mardi soir, arrivant aux Délices. Mon cher Cicéron, vous êtes compatissant. Pignier père est un ivrogne, Pignier fils un fripon, Betens un imbécile. Je ne parle point de Pasteur et Choudens, ce sont citoyens seigneurs que je respecte. L'argent pour la terre Choudens est tout prêt et déposé depuis longtemps. Il se trouve que j'ai déjà avancé à Pignier fils de l'argent sur son hypothèque. Nouvel embarras, nouvelle friponnerie de Pignier fils. Quant à la vente pure et simple que Choudens m'a faite d'un bien qui ne lui appartient pas, et qui lui est seulement engagé par Pasteur pour une somme très modique, n'est-ce pas une espèce de stellionat, ou pis? (ce bien qui n'est pas à lui est le seul bon champ de son domaine. Autre impaccio. Pour ce pauvre Betens, je le plains, mais quand je lui prêterai 4 375 fl[orins], unique somme qu'on puisse lui avancer avec apparence de sûreté, le tirera-t-on de la geôle? Je suis prêt de l'en tirer à ce prix, non que j'aie le moindre besoin de lui, car c'est un lambin qui ne m'était bon à rien, non plus qu'à lui-même, et un quart d'heure après que je le sus encagé je me pourvus d'un autre régisseur installé à Tournay. Mais je suis comme vous, j'ai compassion de ce pauvre diable. Indépendamment de tout ce tracas, j'ai une envie extrême d'avoir l'honneur de diner avec vous. V. » 

Le philosophe, ayant remis Choudens en état de cultiver son petit bien, se réserva cependant la faculté de vendre la terre pour se dédommager, précaution qui le fit accuser par M. de Brosses de l'avoir achetée « à vil prix ». Accordons à M. de Brosses qu'il devait être dur, pour le paysan, d'occuper à titre précaire une terre possédée librement par ses pères. Mais serait-il moins dur de mourir en prison? Et si Bétens, plus tard, fut expulsé de son domaine, ne devait-il pas s'en prendre à sa propre ingratitude? « Je n'ai pas voulu, dit Voltaire, être la dupe du bien que je lui ai fait. »

3 Propriétaire d’une terre avoisinante de Ferney acquise par Voltaire . Voir aussi : http://www.sothebys.com/fr/auctions/ecatalogue/lot.pdf.PF...

Faire recherche Choudens dans : https://archive.org/stream/voltaireseigneur00causuoft/vol...

4 Une bande de fripons .

5 Mot du patois genevois désignant ce qui est semé à un endroit donné .

6 Virgile, Bucoliques II, 28-29 : Sordida rura, Atque humiles habitare casas : Habiter de tristes campagnes et d'humbles maisons .

7 Toi, tu fourbis tes causes . Echo d'Horace ; Epîtres, I, iii, 23 .

 

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28/08/2014 | Lien permanent

nos idées ne dépendent pas plus de nous que notre digestion

 

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« A Théodore Tronchin

 

Lundi soir 20è mai 1765

 

Mon cher Esculape, vous êtes entouré de vos dévots et dévotes qui accourent dans votre temple d'Epidaure . Je mêle mes vœux aux leurs, mais je vous importune le moins que je peux . Je souffre sans me plaindre toutes les misères attachées à la décadence de mon âge, et à la faiblesse de ma constitution . La résignation vaut mieux que la prière .

 

Mme la duchesse d'Anville arrive . Je vous supplie de lui présenter ma lettre, et de faire valoir auprès d'elle tous les sentiments d'attachement et de respect que je lui conserverai tant que je serai en vie . Mon extrême faiblesse ne me permet pas d’aller à Genève . Si je pouvais y aller, ce serait assurément pour elle et pour vous .

 

Tachez d'avoir le temps de m'instruire en deux mots si Mme la duchesse de Châtillon vient dans votre temple . Toute ma petite famille vous encense avec moi, mon cher Esculape.

 

V.

 

J'apprends dans le moment, qu'un homme qui était chargé de deux grands ministères,1 va les quitter 2. Il restera toujours très grand seigneur . Je vous demande en grâce de me dire si vous croyez cette nouvelle . Je vous garderai le secret .

 

Il vient de m'arriver quelque chose de fort plaisant . Je vous ai écrit mon billet à plusieurs reprises . Je venais de me promener au soleil, la tête m'a tourné , j'ai été une demi-heure sans savoir ce que je faisais . Je me suis fait vomir un peu, j'avais pris de la casse le matin . Je me suis trouvé sans idée . J'ai voulu achever le dernier article de ma lettre et je n'ai pu en venir à bout . Mon pouls était fort élevé, j'avais une petite sueur, et ma vue était fort affaiblie .

 

Remarquez bien l'endroit de ma lettre que j'ai souligné ; j'avais mis deux mots qui ne signi[fi]aient rien du tout c'était Énolph, alnorph . Je voulais absolument continuer ma phrase, et je n'en pouvais venir à bout . J'ai pris le parti de me mettre dans mon lit, j'ai bu quelques gouttes d'eau fraiche . Enfin je suis revenu à moi, et j'ai été fort étonné de mon Énolph alnorph . Je l'ai fait effacer proprement, et j'ai mis quelque chose de raisonnable à la place ; mais ça n'a pas été sans peine . Cela me fait voir combien l'homme est peu de chose et que nos idées ne dépendent pas plus de nous que notre digestion . Mais il y a longtemps que j'en était convaincu .

 

Crescere sentimus pariterque senescer mentem. 3»


1 Expression soulignée dans le manuscrit, écrite sur des mots effacés ; voir fin de la lettre .

2 Le duc de Choiseul que la comtesse d'Esparbès de Lussan, qui voulait remplacer Mme de Pompadour, essaya en vain de faire disgrâcier .

3 Nous sentons bien que l'esprit croit avec le corps et partage sa vieillesse .

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20/05/2011 | Lien permanent

Il me faut les suffrages de ma nation pour mériter le vôtre

... Mise sous une forme interrogative, cette affirmation correspondrait tout à fait à une demande de parrainage pour un candidat aux présidentielles, raisonnant par l'absurde ( évidence : l'absurde étant monnaie courante pour la majorité des candidats ) : " Faut-il que j'obtienne les suffrages de ma nation pour obtenir le vôtre ?"

 

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« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

Au château de Ferney 15 mars ns. 1762 1

Monsieur, Je reçois la lettre dont vous m'honorez en date du 14/25 janvier . J'avais eu l'honneur d'écrire à Votre Excellence par la voie de M. le comte de Caunits qui eut la bonté de se charger de mon paquet . Je vous écrivis trois lettres 2 dès que je sus la triste nouvelle qui m'a fait verser des larmes . Je crois que des trois lettres vous en avez reçu deux . La troisième qui accompagnait un gros paquet a eu un sort funeste . Le maître de poste de Nuremberg à qui il était adressé m'a mandé que le courrier qui le portait a été assassiné par des inconnus qui ont pris l'argent dont il était chargé, un paquet destiné pour Vienne, et un autre pour la Suède . J'en rends compte à M. le comte de Caunits qui sans doute en est déjà informé .

Je vois monsieur par votre lettre que vous prenez un parti bien digne d'un philosophe, vous voulez vous berner à cultiver les lettres . Vous serez l'Anacharsis 3 moderne . Mais puisque vous avez une intention si sage et si noble , pourquoi ne feriez-vous pas comme Anacharsis ? pourquoi ne voyageriez-vous point ? Je parle un peu pour mon intérêt . Je me trouverais peut-être sur votre route , j'aurais le bonheur de vous voir et d'entretenir celui dont les lettres m'ont fait tant de plaisir . Il serait difficile qu'en passant d'Allemagne en France ou en Italie, vous ne vous trouvassiez pas à portée de mes ermitages . Je vous en ferais les honneurs de mon mieux et ce serait le cœur qui les ferait . Je suis trop vieux pour venir vous trouver . Vous êtes jeune et si votre santé est un peu altérée, ce voyage dans des climats plus doux que le vôtre la raffermirait . Je vois avec douleur que si la nature donne à vos compatriotes une constitution robuste elle leur accorde rarement une longue vie ; voyez à quel âge meurent tous vos souverains . Aucun n'atteint une heureuse vieillesse . Je souhaite que l'empereur régnant et dont vous faites un si bel éloge ait ce nombre de jours que je souhaitais à l'impératrice que je pleure 4. Il mérite de vivre longtemps, lui et son auguste épouse, puisqu'ils ne vivent que pour le bonheur des hommes .

Sans doute, monsieur, il vous attachent l'un et l'autre à Petersbourg ; et d'ailleurs je sens bien que vous ne voulez pas quitter une patrie qui vous aime, et que vous illustrez .

Si vous êtes toujours, monsieur, dans le dessein d'achever le monument auquel vous avez bien voulu que je travaillasse , je vous prierai de faire adresser les gros paquets à M. de Czernichev à Vienne qui les remettra à notre ambassadeur M. le comte du Châtelet 5. Il aura la bonté de me les faire parvenir 6 par le courrier qui passe par Strasbourg . J'en préviens M. le comte de Czernischew . Je suis obligé de prendre ces précautions .

Je suis charmé que vous daigniez monsieur accepter le témoignage public que je veux vous donner de ma très respectueuse et très tendre estime . Si le petit ouvrage dont il est question est reçu favorablement du public, je vous le présenterai avec plus de confiance . Il me faut les suffrages de ma nation pour mériter le vôtre . Votre Excellence sait combien je lui suis dévoué pour jamais .

Votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire .

J'ajoute que depuis trois mois Votre Excellence doit avoir reçu quatre paquets pour l'Histoire et huit lettres 7. »

1 A partir de la formule, la fin , omise dans l'édition de Kehl manque dans les éditions suivantes ; le post-scriptum est écrit dans la marge du bas de la quatrième page .

2 Aucune de ces trois lettres ne nous est parvenue .

4 De fait, Pierre III fut détrôné le 9 juillet et assassiné le 18 juillet 1762 .

6 Depuis par le courrier..., la phrase biffée sur la copie Beaumarchais manque dans les éditions .

 

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25/02/2017 | Lien permanent

Je crois avoir tout le droit de mon côté, ainsi que le pensent tous les chicaneurs

... Claude Guéant pense de même et confirme .

Je dois avouer (même sans être torturé) que je lui ai toujours trouvé une tête de faux jeton et de combinard , j'ai du mal à lui accorder la présomption d'innocence . Il me rappelle ces vendeurs de cartes postales ambulants qui arnaquent les gogos en vendant dix fois leur prix des chromos minables .

 130501-guean-toile-chimulus.jpg

 http://www.urtikan.net/dessin-du-jour/gueant-son-demi-million-et-ses-tableaux-flamands/

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL, envoyé de

Parme, etc.

rue de la Sourdière

à Paris
7è mars aux Délices
Mon divin ange, le malingre des Délices est au bout des facultés de son corps, de son âme, et de sa bourse. C'était un bon temps pour les gredins que celui de Chapelain, à qui la maison de Longueville donnait douze mille livres tournois annuellement pour sa Pucelle; ce qui faisait, ne vous déplaise, environ le double des honoraires d'un envoyé de Parme. La maison de Conti n'en use pas comme la maison de Longueville avec les auteurs de la Pucelle; apparemment que M. le comte de La Marche ne me regarde pas comme un gredin. J'ai pris la liberté de lui écrire directement, et de lui expliquer mes droits très-nettement ; et il m'a répondu très-honnêtement qu'il s'en tenait. à la proposition de M. l'abbé d'Espagnac. Si M. Bertin n'obtient pas une meilleure composition, je ne vois pas avec quoi on pourra mettre Luc 1 à la raison. Je crois avoir tout le droit de mon côté, ainsi que le pensent tous les chicaneurs.
Mais, après avoir chicané un an, j'aime encore mieux payer à monseigneur Paramont 2 neuf cent vingt livres que je ne lui dois pas, que de les dépenser en frais de procureurs et de juges; je suis bien las de tous ces frais. Le parlement de Dijon s'est avisé de faire pendre, ou à peu près, un pauvre diable de Suisse, pour me faire payer la procédure, en qualité de haut-justicier. Je suis tout ébahi d'être haut-justicier, et de faire pendre les Suisses en mon nom.
Le tripot est plus plaisant ; mais on a les sifflets et les Fréron à combattre. De quelque côté qu'on se tourne, ce monde est plein d'anicroches.
J'ai écrit à Laleu 3 de faire porter chez vous neuf cent vingt livres, pour achever le compte abominable de M. l'abbé d'Espagnac; mais, en même temps, je meurs de honte de vous donner toutes ces peines. Comment ferez-vous ? ce conseiller-clerc demeure à une lieue de chez vous ; aurez-vous la bonté de lui écrire un petit mot d'avis par un polisson ? voudrez-vous qu'il envoie le trésorier de Son Altesse sérénissime avec une belle quittance bien catégorique? ou bien opinerez-vous que cette quittance se fasse chez mon notaire ? Tout ce que je sais, c'est que vous êtes mon ange gardien de toutes façons, et que je suis un pauvre diable.
Je me suis ruiné en bâtiments à la Palladio, en terrasses, en pièces d'eau ; et les pièces de théâtre ne réparent rien 4. J'attends toujours, mon divin ange, que vous me disiez votre avis sur Spartacus.
Je suis actuellement avec Platon et Cicéron ; il ne me manque plus que l'abbé d'Olivet pour m'achever. Il y a loin de là au tripot; mais je suis toujours à vos ordres, et à ceux de Mme Scaliger, à qui je présente mes respects.

Votre créature V. »

1 Frédéric II.

2 Le comte de La Marche. Les éditeurs de Kehl et Beuchot avaient lu « monseigneur par amour et dominant », ce qui n'avait aucun sens. Nous avons déjà vu le comte de La Marche ainsi désigné, dans la lettre du 7 janvier 1759 à de Ruffey : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/01/28/temp-9ee06d05759e36b154a1b0ee4b13e6d4-5283220.html

3 Notaire de Voltaire.

4 Voltaire ne retirait aucun profit de la plupart de ses chefs-d'œuvre  dramatiques. (Clogenson.)

 

8 mars : journée de LA FEMME , rendez-vous avec elles au fil des siècles :

http://www.carnavalet.paris.fr/fr/activites/visite-conference-les-femmes-aux-xviiie-et-xixe-s-dans-les-collections-du-musee

 

Emilie du Châtelet, affectueusement surnommée Pompon-Newton par Voltaire, y fait bonne figure .

 

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08/03/2015 | Lien permanent

malgré toute sa raison elle est encore femme

... M'a dit Voltaire, parlant de Mam'zelle Wagnière .

C'est bien la connaitre que d'affirmer celà , raison et féminité, elle en est douée à la perfection, et je peux le confirmer à notre grand ami commun . La raison n'est pas un attribut purement masculin et on peut être "encore" et "toujours" femme sans perdre son bon sens . Longue et heureuse vie à elle .

 

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 Tête à tête

 

« A Charles-Jean-François Hénault

20è juin aux Délices par Genève

Mon illustre et respectable confrère, vos lettres peuvent contribuer à me rendre l'esprit prompt ; mais malgré Tronchin la chair est infirme ; je ne peux guère écrire . Souffrez que je dicte ; je dirai, je dicterai, j'imprimerai toujours que vous êtes le plus aimable homme du siècle ; mais il faudrait qu'il y eût bien des gens comme vous pour faire oublier toutes les sottises de nos jours ; on a besoin d'un Homère qui chante les combats des rats et des grenouilles . Est-il possible qu'on soit parvenu à débiter des satires contre des gens de lettres, dans le sanctuaire de lettres ! À faire jouer des comédies où l'on représente les plus honnêtes gens du monde, enseignant à voler dans la poche ! Il faut lever les mains au ciel pour qu’il lui plaise nous rendre notre argent, nos vaisseaux et autre vaisselle, mais il faut lever les épaules sur tout le reste ; je prends le parti de me moquer de tout, de rire de tout ; ce régime est très bon pour la santé, et j'espère qu’il me guérira . Je m'imagine que Mme du Deffand use de ma recette . Vous ne me parlez point d'elle dans la lettre dont vous m'avez honoré ; je vois bien que malgré toute sa raison elle est encore femme ; elle m'a fait des coquetteries, m'a agacé, m'a tourné la tête, et quand elle a été bien sûre de m'avoir inspiré une passion sérieuse, elle m'a laissé là ; vous êtes plus honnête qu'elle, monsieur, vous faites du moins quelques caresses à vos adorateurs ; je vous assure que j'en sens bien le prix . Nous autres philosophes retirés nous sommes bien plus sensibles que les gens du monde , notre cœur n'a point de distraction ; il est vrai que je me suis fait un chemin bien agréable, et que j'aime mes chaumières de plus en plus ; si la reine savait que je suis très bien avec mes curés, que je marie des filles, que je baptise des enfants 1, et que je me garde bien d'en faire, elle serait vraiment bien édifiée . Je suis tout juste le contraire de M. de Cobinzel 2 qui disait à l'impératrice : Je vous ai fait serment d'obéissance, mais non pas de chasteté .

Enfin , monsieur, je maintiens qu'il n'y a point de seigneur de paroisse, lequel remplisse mieux ses devoirs que moi ; le tout sans préjudice pour les belles-lettres , qui feront jusqu'au dernier moment le charme de ma vie , c'est-à-dire, le même effet que font sur moi vos bontés et votre souvenir ; Mme Denis unit ses sentiments aux miens ; je tiens qu'elle joue beaucoup mieux que la Champmeslé qui chantait, mais il faut avouer que la Champmeslé était plus belle .

Mille tendres respects et portez-vous bien.

V. »

1 Le 23 mai 1760,V* et Mme Denis signaient le registre des baptêmes à l'occasion de la naissance aux Délices d'un fils de Louis Faÿ et Marie-Thérèse Maton (état civil de Prégny) .

2 Le comte Johann Karl Philipp von Cobenzl éait un haut dignitaire de la cour de Vienne à qui V* avait eu recours par l'intermédiaire du libraire Varrentrapp pendant l'affaire de Francfort ; voir une lettre de ce dernier à Cobenzl : voir : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1925_num_4_2_6345

 

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24/06/2015 | Lien permanent

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