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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

je suis à peu près réduit à l'état d'Abélard, mais malheureusement pour moi je ne peux pas goûter la consolation de vous

... Ah ! qu'en termes galants ces choses là sont dites !

 heloise.jpg

 Comment savoir si c'est de l'Abélard ou du cochon ?

Subtil distingo , "à peu près" . Il y encore loin , j'espère avant de revêtir la robe de bure cachant les burettes .

Pour tout vous dire (en fait, non, je ne vous dirai jamais tout ) , j'ai hésité à mettre en titre "Jérusalem est une belle fille que le Seigneur a aimée dès qu'elle a eu du poil et des tétons ", car de nos jours Jérusalem a la grosse tête et pète de tous côtés, n'en déplaise aux Israeliens , autoproclamés maquereaux d'icelle .

 

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand

17 septembre [1759]

Il est vrai, madame, que vous êtes dans un couvent 1 comme Héloïse, et que vous avez eu comme elle un oncle chanoine ; il est vrai encore que je suis à peu près réduit à l'état d'Abélard, mais malheureusement pour moi je ne peux pas goûter la consolation de vous dire, c'est avec vous que j'ai perdu le peu que je regrette . Je peux seulement vous assurer que je vous ai toujours trouvée très supérieure à Héloïse, quoique vous ne soyez point aussi théologienne qu'elle . Je vous ai connu une imagination charmante, et une vérité dans l'esprit que j'ai rencontrée bien rarement ailleurs . Si je n'ai point eu l'honneur de vous écrire, c'est que ma retraite m'a fait penser qu'un homme qui avait renoncé à Paris ne devait pas se jouer à ce qu'il a connu dans Paris de plus aimable . J'ai été sensiblement affligé de votre état, et je vous jure qu'il n'a pas peu contribué à me persuader que le meilleur des mondes possibles ne vaut pas grand chose . Je crois avoir renoncé pour le reste de ma vie, à la plus extravagante des villes possibles . Ce n'est pas que j'aie la vanité de me croire plus sage que ses habitants, mais je ne puis regretter aucune des folies des autres, attendu que je suis trop occupé des miennes ; je me suis avisé de devenir un être entièrement libre . J'ai joint à mon petit ermitage des Délices, des terres sur la frontière de France, qui avaient autrefois le beau privilège de ne dépendre de personne . J'ai été assez heureux pour que le roi m'ait rendu tous ces privilèges malgré le Journal de Trévoux et les gazettes ecclésiastiques . J'ai eu l'insolence de faire bâtir un château dans le goût italien . J'ai fait dans un autre une salle de comédie ; j'ai trouvé de bons acteurs, et malgré tout cela je me suis aperçu à la fin que le plus grand plaisir consiste à être journellement et utilement occupé . Je vois que tous les poètes ont eu raison de faire l'éloge de la vie pastorale, que le bonheur attaché aux soins champêtres n’est point une chimère ; et je trouve même plus de plaisir à labourer , à semer, à planter, à recueillir, qu'à faire des tragédies, et à les jouer . Salomon avait bien raison de dire qu'il n'y a de bon que de vivre avec ce qu'on aime, se réjouir dans ses œuvres, et que tout le reste est vanité 2.

Plût à dieu, madame, que vous pussiez vivre comme moi, et que votre société charmante pût augmenter mon bonheur ! Vous voulez que je vous envoie les ouvrages auxquels je m'occupe quand je ne laboure ni ne sème . En vérité, madame, il n'y a pas moyen, tant je suis devenu hardi avec l'âge ; je ne peux plus écrire que ce que je pense, et je pense si librement qu'il n'y a guère d'apparence d'envoyer mes idées par la poste . Il y a pourtant un ouvrage honnête qui est actuellement sur le métier, c'est l'histoire de la création de deux mille lieues de pays par le czar Pierre . Je fais cette histoire sur les archives de Pétersbourg qu’on m'a envoyées ; mais je doute que cela soit aussi amusant que la vie de Charles XII, car Pierre n'était qu'un sage extraordinaire , et Charles un fou extraordinaire qui se battait, comme dom Quichotte, contre des moulins à vent . J'aurai assurément l'honneur de vous envoyer un des premiers exemplaires, mais je serai bien surpris si l'ouvrage est intéressant .

Non, madame, je n'aime des Anglais que leurs livres de philosophie, et quelques-unes de leurs poésies hardies ; et à l'égard du genre dont vous me parlez 3, je vous avouerai que je ne lis que l'Ancien Testament, trois ou quatre chants de Virgile, tout l'Arioste, une partie des Mille et une nuits ; et en fait de prose française, je relis sans cesse les Lettres provinciales . Ce n'est pas que les pièces nouvelles de nos jours, et les Poésies sacrées de M. Lefranc 4 n'aient leur mérite . On m'a parlé aussi d'un livre de son frère l'évêque, intitulé la réconciliation de l'esprit avec la religion,5 ou comme quelques-uns disent, La Réconciliation normande 6, mais on ne peut pas tout lire, et il faut bien se livrer à son goût . Je vous félicite, madame, vous et M. le président Hénault, de vivre souvent ensemble et de vous consoler tous deux des sottises de ce monde par les agréments délicieux de votre commerce : j'espère que vous jouirez longtemps tous deux de cette consolation . Vous avez été gourmands, et quand les gourmands sont devenus sobres, ils vivent cent ans . Si les évènements du temps sont le sujet de vos conversations elles ne doivent point tarir . Il ne laisse pas d'y avoir quelque plaisir à voir tous les jours une sottise nouvelle . C'est encore un avantage que j'ai dans le petit coin du monde que j’habite ; il n'y a point de pays où l'on soit instruit plus tôt de tout ce qui se passe dans l’Europe . Nous savons toujours les aventures d'Allemagne quatre jours avant vous . Le roi de Prusse me faisait l’honneur de m’écrire assez régulièrement avant que les Russes lui eussent donné sur les oreilles . Il n'a pas actuellement le temps d'écrire, je le crois très embarrassé, et à moins d'un prodige, il faudra qu'il soit un exemple des malheurs de l'ambition ; mais s'il succombe, il ne pourra pas au moins reprocher sa perte aux Français .

Adieu, madame, soyez heureuse autant que vous le pourrez . Conservez votre santé, continuez à faire le charme de la société, faites-vous lire les livres qui vous amusent . Vous ne pouvez lire l'Arioste dans sa langue, et, en cela je vous plains beaucoup ; mais croyez-moi faites vous lire la partie historique de l'Ancien Testament d'un bout à l'autre , vous verrez qu'il n'y a point de livre plus amusant 7. Je ne parle pas de l'édification qu'on en retire, je parle de la singularité des mœurs antiques , de la foule des événements, dont le moindre tient du prodige, de la naïveté du style, etc . N'oubliez pas les premiers chapitres d’Ézéchiel que personne ne lit, mais faites-vous surtout traduire le chapitre 16 qu'on n'a pas osé traduire fidèlement et vous verrez que Jérusalem est une belle fille que le Seigneur a aimée dès qu'elle a eu du poil et des tétons, qu’il a couché avec elle, qu'il l'a entretenue magnifiquement, que cependant elle a couché avec mille amants, et que même elle s'est souvent servie quand elle était seule, de …8 je n'ose pas dire quoi . Et au verset 20 du chapitre 23 il est dit qu'Oliban la bien-aimée après avoir tâté de mille amants a donné la préférence à ceux qui ont les talents d'un âne . Enfin cette naïveté que j'aime sur toutes choses, est incomparable . Il n’y a pas une page qui ne fournisse des réflexions pour un jour entier . Mme du Châtelet l'avait commenté d'un bout à l'autre . Si vous êtes assez heureuse pour prendre goût à ce livre, vous ne vous ennuierez jamais, et vous verrez qu'on ne peut rien vous envoyer qui en approche .

Ah madame, que le monde est bête ! et qu'il est doux d'être dehors ! mais il faudrait surtout le fuir avec vous . »

1 Elle avait loué un appartement dans le couvent de Saint-Joseph, rue Saint-Dominique .

2 Ecclésiaste, III, 12,22 , ...

3 Œuvres d’imagination et romans, comme le montre la suite, d'où l'ironie marquée concernant l'Ancien Testament

5 Jean-Georges Le Franc de Pompignan, La Dévotion réconciliée avec l'esprit, 1755 .Voir :http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Georges_Lefranc_de_Pompignan

et : http://books.google.fr/books?id=_m34xi0X8mAC&printsec...

6 La Réconciliation normande est une comédie de Dufresny, jouée et publiée en 1719 ; elle illustre l'expression qui désigne une fausse réconciliation, prélude à de nouvelles guerres .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Dufresny

et : http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/DUFRESNY_RECONC...

8 V* a commencé puis rayé , de godemich . Why not ? http://fr.wikipedia.org/wiki/Godemichet

 

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09/10/2014 | Lien permanent

Tout passe; la vertu reste voilà ce qui vous soutient

... Et un moment de honte est si vite passé que la presse people peut affirmer tout et n'importe quoi pour vendre sa paperasse illustrée :  Fanfoué et Julie sont dans un bateau, Fanfoué tombe à l'eau, qui reste au port ? Valérie ( à Dieu va't ! ).

Il serait quand même temps que la direction du pays  passe avant, et  au dessus de, la braguette, avec ou sans prostate .

 

malheurs de la vertu.jpeg

Il vaut mieux écouter Alex Décotte : http://www.rts.ch/la-1ere/

dans l'émission Détours du 10 janvier 2014 à 13h06:  http://download-audio.rts.ch/la-1ere/programmes/detours/2014/detours_20140110_full_detours_02252765-121b-4e05-973d-52121b1bbda8-128k.mp3

et faire un plus qu'agréable détour sur son site (un de ses sites ) : www.bourlingue.net

 Et puisque l'on évoque actuellement la censure, voyons un peu au jour le jour ce qu'elle dit ( ou fait taire ) , toujours avec Alex (je me demande comment il fait pour mettre à jour autant de pages ) : http://blog.voltairopolis.org/

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA

Aux Délices, près de Genève, 25 décembre 1758.

Madame, que je plains Votre Altesse sérénissime ! et qu'elle a besoin de toute la sérénité de sa belle âme! Quoi! sans cesse entre l'enclume et le marteau! Obligée de fournir son contingent pour le malheur de son pays, entourée d'États dévastés, et n'ayant que des pertes à faire dans une confusion où il n'y a rien à gagner pour elle! Où est le bel optimisme de Leibnitz ? Il est dans votre cœur, et n'est que là.

Le roi de Prusse me mande toujours qu'il est plus à plaindre que moi et il a très-grande raison. Je jouis de mes ermitages en repos, et il n'a des provinces qu'au prix du sang de mille infortunés. Au milieu des soins cruels qui doivent l'agiter sans cesse, il me paraît bien autrement touché de la mort de sa sœur que de celle de son frère 1. Votre Altesse sérénissime connaissait-elle Mme la margrave de Bareith? Elle avait beaucoup d'esprit et de talents; je lui étais très-attaché, et elle ne s'est pas démentie un moment à mon égard. Vos vertus, votre mérite, vos bontés, font ma consolation et mon soutien, après la perte d'une princesse à qui j'avais les plus grandes obligations.

Je la suivrai bientôt ; ma caducité et mes continuelles infirmités ne me permettent pas d'espérer de pouvoir encore me mettre à vos pieds. Quand je saurai que la tranquillité est revenue dans vos États, quand j'apprendrai que les horreurs de la guerre n'approchent plus de votre charmante cour, et que le vilain dieu Mars ne trouble plus le séjour des Grâces, alors je m'écrierai Tout est bien! avec la grande maîtresse des cœurs. Je présente mes vœux et mon respect à toute votre auguste famille. Le règne du cardinal de Bernis n'a pas duré longtemps. Tout passe; la vertu reste voilà ce qui vous soutient, madame. Je me mets à vos pieds avec le plus profond et le plus tendre respect .

V. »

1   Auguste Guillaume , frère cadet de Frédéric II, était mort à Oranienbourg cette même année 1758 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Auguste-Guillaume_de_Prusse_%281722-1758%29

 

 

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10/01/2014 | Lien permanent

On n'entend point, à cent lieues, le petit bruit des louanges, celui des sifflets est perçant, et porte au bout du monde

...  Qu'il me soit permis, ici, d'offrir mes louanges à LoveVoltaire en lui souhaitant un bon cinquième anniversaire pour la création de http://www.monsieurdevoltaire.com/ .

Mon "petit bruit", à cent lieues de vous, grâce au Net devrait porter au bout du monde avant que j'aie eu le temps de dire  "bravo et merci" . Nul sifflet, si ce n'est d'admiration, pour vous et Voltaire, surtout pour vous oserais-je avouer .

Coeur d'or , tempérament de feu, comme vous

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 Mille voeux de longue vie à Monsieur de Voltaire

 

« A Marie-Anne Fiquet du BOCCAGE.

Aux Délices, 3 septembre[1758] .

En revoyant, madame, mon petit ermitage, mon premier devoir est de vous remercier, vous et M. du Boccage, de l'honneur que vous avez bien voulu faire aux ermites. Je pourrais en concevoir bien de la vanité, je pourrais vous redire ici tout ce que vous avez entendu de Paris jusqu'à Rome mais vous devez être lasse de compliments. Permettez-moi seulement de vous dire que, malgré tous vos talents et tout votre mérite, je vous ai trouvée la femme du monde la plus simple, la plus aisée à vivre, la plus digne d'avoir des amis, quoique vous soyez très-faite pour avoir mieux. Si l'intérêt que j'ai toujours pris, madame, à vos succès et à votre gloire, pouvait me donner quelques droits à votre amitié, j'oserais vous la demander instamment. Il y a grande apparence que je finirai dans la retraite une vieillesse infirme mais ce sera pour moi une grande consolation de pouvoir compter sur la bienveillance d'une personne qui fait tant d'honneur à son siècle et à son sexe. Quel triste siècle, madame et que la disette des talents en tous genres est effrayante ! Je ne vois que des livres sur la guerre, et nous sommes battus partout; que des brochures sur la marine et sur le commerce, et notre commerce et notre marine s'anéantissent ; que de fades raisonneurs qui ont un peu d'esprit, et il n'y a pas un homme de génie. Notre siècle vit sur le crédit du siècle de Louis XIV. On parle, il est vrai, dans les pays étrangers, la langue que les Pascal, les Despréaux, les Bossuet, les Racine, les Molière, ont rendue universelle et c'est dans notre propre langue qu'on dit aujourd'hui dans l'Europe que les Français dégénèrent. S'il y a quelque homme de mérite en France, il est persécuté . Diderot, d'Alembert, n'y trouvent que des ennemis. Helvétius a fait, dit-on, un excellent ouvrage 1, et on s'efforce de le rendre criminel. Il faut, madame, que le petit nombre des sages ne s'expose pas à la méchanceté des fous il faut qu'ils vivent ensemble, et qu'ils fuient le public.

J'ai eu la faiblesse, madame, de laisser sortir de notre petit coin des Alpes cette Femme qui a raison. Si elle avait raison, elle n'aurait pas fait le voyage de Paris, c'est un amusement de société mais vous avez voulu la porter à M. d'Argental. J'ai été trop flatté de vos bontés pour résister à vos ordres mais il faudra que cette bagatelle, qui a servi à nous amuser, reste dans les mains de nos amis. Je suis las du triste métier de paraître en public, cela est pardonnable dans le temps des illusions, et ce temps est passé pour moi. J'aime les Muses pour elles-mêmes, comme Fénelon voulait qu'on aimât Dieu mais je redoute le public. Que revient-il de se commettre avec lui ? de l'embarras, des tracasseries de comédiens, des jalousies d'auteurs, des critiques, des calomnies. On n'entend point, à cent lieues, le petit bruit des louanges, celui des sifflets est perçant, et porte au bout du monde. Pourquoi troubler mon repos, que j'ai cherché, et que j'ai trouvé après tant d'orages ?

Vos bontés pour moi sont plus précieuses sans doute que toute la petite fumée de la vaine gloire dont il n'arrive pas un atome dans mon ermitage, j'y ai vu la vraie gloire, quand je vous y ai possédée je n'en veux pas d'autre.

Tous les habitants de notre retraite se joignent à moi, madame, pour vous dire combien vous êtes aimable. Conservez quelque bonté, je vous en conjure, pour le vieux Suisse Voltaire, à qui vous faites encore aimer la France, et qui est plein pour vous de respect, d'estime, et de tous les sentiments que vous méritez. »

1 De l'Esprit, 1758, in-4°. Le privilège accordé le 12 mai pour l'impression de ce livre avait été révoqué le 10 août. Voir : http://gallica.bnf.fr/dossiers/html/dossiers/Voltaire/D3/Stenger_VF.htm

 

 

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16/10/2013 | Lien permanent

la gloire qui s'achète par tant de peines est moins rare que le bonheur

 ... Avis à tous ceux qui choisissent l'une et perdent l'autre .

HEU -REUX

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« A Sophie-Frédérique-Wilhelmine de Prusse, margravine de Baireuth

Aux Délices près du lac de Genève 15 juillet 1757

Madame, Frère Voltaire sera toujours attaché à Votre Altesse royale . Elle me permettra de me joindre à tous ceux qui regrettent la reine sa mère 1 et qui souhaitent à sa plus digne fille la vie la plus longue et la plus heureuse . Il n'est pas, madame, une petite affaire d'être heureuse . Il est plus aisé encore de faire de grandes choses que d'avoir la paix de l'âme, et la gloire qui s'achète par tant de peines est moins rare que le bonheur .

Votre Altesse royale perd une mère, elle voit tous ses frères exposés aux plus grands dangers, elle voit le feu de la guerre allumé près de ses états . Les jours étaient plus doux madame , quand vous représentiez si bien Roxane sur le théâtre de votre palais et que j'avais l'honneur de balbutier Acomat 2, quand je m'habillais en Chinois, quand j'étais témoin des belles fêtes que vous donniez au roi votre frère .

J'étais alors très heureux . J'approchais tous les jours de Votre Altesse royale, je la voyais, je l'entendais, j'admirais tous ses talents et toutes ses grâces . Je ne sais pas ce qui arrivera, Madame, de toute cette cruelle guerre qui désole l'Allemagne . Mais je sais très bien qu'il n'y aura jamais rien de plus respectable, rien de plus aimable que madame la margrave de Bareith . Amis, ennemis en conviendront, cela est du nombre des principes dont tout le monde est d'accord . Je me flatte que sa santé est raffermie et qu'elle ne regrette point à présent les climats de la Provence et de l'Italie . Bareith doit être un séjour délicieux même dans le voisinage des batailles . Son chambellan voyageur 3 lui aura peut-être dit combien elle est adorée dans le petit ermitage sur les bords du lac Léman . Elle a des autels partout où l'on pense .

Que Votre Altesse royale, et Monseigneur le margrave daignent me conserver leurs bontés . Il y a quelques mois que Sa majesté le roi votre frère eut la bonté de m'écrire . Je n'ose prendre cette liberté avec lui qu'avec votre protection . Votre Altesse royale l'accordera toujours à frère Voltaire et daignera recevoir son profond respect . »

 

2 Le rôle d'Acomat dans Bajazet de Racine .http://fr.wikipedia.org/wiki/Bajazet

 

 

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22/11/2012 | Lien permanent

le vent du nord, mon respect pour les housards, et les beaux secours qu'un voyageur trouve en Pologne, ont détruit ma ch

... Brrrr !! Le vent du Ch'nord !

http://www.deezer.com/track/2297048 

... Re Brrr !! avec un housard de hasard :

http://www.deezer.com/track/14443736

...Au secours !! vive la fuite ! avec le plombier polonais, and Co ! http://www.challenges.fr/economie/20121011.CHA1911/l-education-nationale-va-t-elle-recruter-des-professeurs-roumains-dans-les-colleges-et-lycees.html

 

vent du ch nord1140.JPG

 

 

« A Madame Sophie-Frédérique-Wilhelmine de Prusse, margravine de Baireuth

A Monrion, 5 mars 1757.

Madame, que Votre Altesse royale daigne me conserver ses bontés; que Dieu la préserve des Russes, et moi chétif des glaces de Pétersbourg! J'ai été tenté, un jour qu'il faisait un beau soleil, d'aller voir, l'été prochain, cette capitale d'un empire nouveau dont on veut que j'écrive l'histoire. Je me disais: J'irai à Baireuth me mettre aux pieds de ma protectrice, j'aurai des passe-ports du roi son frère, que je devrai à la protection de sa bienfaisante sœur. Mais le vent du nord, mon respect pour les housards, et les beaux secours qu'un voyageur trouve en Pologne, ont détruit ma chimère, et je me suis réduit à jouer le bonhomme Lusignan dans Zaïre, devant une grave assemblée suisse. Notre troupe, en vérité, n'aurait pas été indigne de paraître devant Votre Altesse royale.
Il y a, madame, une fille d'esprit à Genève, qui chante à peu près comme MIle Astrua 1, et qui est surtout inimitable dans les opéras-buffa. Ce n'est pas qu'on joue des opéras à Genève on n'y chante que des psaumes. J'ai vu autrefois Votre Altesse royale dans le goût de s'attacher une personne d'esprit et à talents. Cette demoiselle, très-bien née, serait plus faite pour la cour de Baireuth que pour Genève. Mais il ne faut pas parler d'amusements quand tout se prépare pour une guerre si sérieuse. La cour de Versailles vient de créer huit maréchaux de France, et cinquante mille hommes défilent actuellement pour la Flandre. Du moins les maréchaux des logis sont déjà partis. Le roi votre frère sera à portée de faire de plus grandes choses qu'il n'en a fait encore. De là il retournera à la philosophie, pour laquelle il est né aussi bien que pour l'héroïsme, et il se souviendra d'un homme qui avait quitté pour lui sa patrie. Il ne sait pas combien j'étais attaché à sa personne. Votre chambellan 2, madame, qui revient d'Italie, sait qu'on peut vivre heureux dans ma petite retraite auprès de Genève, appelée les Délices; mais il sait aussi qu'un homme qui a fait sa cour à Votre Altesse royale ne peut vivre heureux ailleurs. Qu'elle me permette de faire mille vœux pour sa santé la nature lui a donné tout le reste. Mais à quoi servent la beauté, la grandeur, l'esprit et les grâces, quand le corps souffre ?
Que Son Altesse royale et monseigneur agréent le profond respect et les ferventes prières de
Frère Voltaire.3 »

1 Jeanne Astrua ou Astroa, née à Turin en 1725, cantatrice dont parle Collini dans Mon Séjour chez Voltaire ; elle mourra en 1758 . V* parle d'elle dans sa lettre du 22 août 1750 à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/22/l...

et du 26 décembre 1750 : page 217 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113533/f220.image....

et fin 1751 au comte Algarotti : page 326 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113533/f329.image....

2 Le marquis Alexandre d'Adhémar de Monteil de Brunier , ami de Voltaire, chambellan à partir de 1752 de la margravine de Bayreuth .

3 V* appelle la margravine « soeur Guillemette » .

 

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11/10/2012 | Lien permanent

Pourquoi donc les Francs, les Gaulois, ne marchent-ils pas?

... Eh ! oui, que diable !

Pourquoi ne pas marcher dès maintenant, s'y habituer en attendant la mirifique baisse des tarifs des carburants, annoncée, attendue, espérée, mais qui est comme la ligne d'horizon qui recule au fur et à mesure de notre avance !

 

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Faute de marcher en ce jour pluvieux, je furète sur le net, et j'évite les nouvelles trop sérieuses .

Euréka ! Ah ! qu'il est jouissif de suivre les aventures extraordinaires-ment médiocres des Amis de Sarko ! Ont-ils la prétention de tenir encore cinq ans en soutenant un petit gros (je ne sais pas pourquoi, mais je sens qu'il va devenir gros, un peu à la Maradonna quand il a arrêté le foot ) qui pense essentiellement à faire du fric, vite , vite et en abondance .  Voyez vous-même :  http://www.rue89.com/rue89-politique/2012/08/25/amis-de-nicolas-sarkozy-ce-que-vous-navez-pas-vu-la-tele-234834

 

 

« A Madame de Klinglin,comtesse de Lützelbourg.
Aux Délices, 9 novembre [1756].

Eh bien madame, est-il vrai que ces Russes, ces Tartares marchent ? Pourquoi donc les Francs, les Gaulois, ne marchent-ils pas? Est-il vrai que le primat de Pologne a dit à la diète que son roi était empêché, et que la diète s'est séparée sur-le-champ? Il faut avoir la tête tournée pour vouloir régner sur ces gens-là. On bafoue leur roi, on pille sa maison, on le fait prisonnier, on lui donne à manger par une chatière, et les Polonais vont boire chacun chez soi. M. le comte d'Estrées vous a-t-il donné quelques espérances de redresser tant de torts? Mon Dieu! que je m'intéresse à cette bagarre . Votre cœur et le mien ont pris parti. Je suis fâché d'être si loin du théàtre où cette grande tragédie se joue. On sèche en attendant des nouvelles. M. de Broglie 1 et M. de Valori 2 reviennent-ils? Le roi de Pologne est-il en sûreté? a-t-il un lit? est-il à Kœnigstein? est-il à Varsovie? Le comte de Brühl s'est-il sauvé? M. de Brown a-t-il livré un nouveau combat ? Tachez donc, madame, d'avoir des nouvelles d'Allemagne. Daignez m'en faire part. Il me paraît que Salomon-MANDRIN 3 est le maître en Saxe comme à Berlin. L'Angleterre fera des efforts pour lui. Le nord de l'Allemagne lui fournira des soldats. Il y aura deux cent mille hommes de part et d'autre. Cette belle affaire n'est pas prête à finir.
Que dites-vous de Salomon, qui, étant à Dresde, dans le palais du roi de Pologne, se montrait à la fenêtre, ayant à ses côtés deux gros ministres luthériens ? Le peuple criait Vivat! Ah ! le saint roi ! On m'a promis une singulière pièce 4; mais oserais-je vous l'envoyer ? On craint son ombre en pareil cas.
Il fait un vent du nord qui me tue. Calfeutrons-nous bien, madame; point de vent coulis. Mille tendres respects à vous, madame, et à votre amie. »

 

2 Le marquis de Valori, auquel fut adressée la lettre du 1er mai 1745, page 353 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411352q/f356.image.r=1717

3 Allusion aux chansons qui coururent les rues de Versailles et de Paris à cette époque, et dans lesquelles Frédéric était appelé Mandrin.

4 C'est la pièce de vers qui commence ainsi
0 Salomon du Nord, etc.

Voir tome X., page 557 , poésie 12 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113266/f559.image.r=o+salomon+du+nord

 

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31/08/2012 | Lien permanent

A l'égard de Fornication , je suis d'autant plus en droit d'approfondir cette matière que j'y suis malheureusement très-

 ... On sent le vécu !

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 Fleur de magniolia au château de Voltaire 2012

 

 

« A M. d'Alembert.

Aux Délices, près Genève, 9 décembre [1755].

Le célèbre M. Tronchin, qui guérit tout le monde hors moi, m'avait parlé des articles Goût1 et Génie 2; mais si on en a chargé d'autres, ces articles en vaudront mieux. Si personne n'a encore cette besogne, je tâcherai de la remplir. J'enverrai mes idées, et on les rectifiera comme on jugera à propos. Je me chargerais encore volontiers de l'article Histoire 3; et je crois que je pourrais fournir des choses assez curieuses sur cette partie, sans pourtant entrer dans des détails trop longs ou trop dangereux. Je demande si l'article Facile 4 (style) doit être restreint à la seule facilité du style, ou si on a entendu seulement qu'en traitant le mot Facile dans toute son étendue on n'oubliât pas le style facile.
Je demande le même éclaircissement sur Fausseté 5 (morale), Feu 6, Finesse 7, Faiblesse 8, Force 9 dans les ouvrages. Je demande si, en traitant l'article Français 10 sous l'acception du peuple, on ne doit pas aussi parler des autres significations de ce mot.
A l'égard de Fornication 11, je suis d'autant plus en droit d'approfondir cette matière que j'y suis malheureusement très-désintéressé.
Tant que j'aurai un souffle de vie, je suis au service des illustres auteurs de l'Encyclopédie. Je me tiendrai très-honoré de pouvoir contribuer, quoique faiblement, au plus grand et au plus beau monument de la nation et de la littérature. Je fais mes très- sincères compliments à tous ceux qui y travaillent. On m'a fort alarmé sur la santé de M. Rousseau 12 je voudrais bien en savoir des nouvelles.
A propos de l'article Fornication, il y a encore un autre f 13 qui a son mérite, mais je ne crois pas qu'il m'appartienne d'en parler.

Adieu, mon cher confrère; donnez-moi vos ordres. Je vous suis tendrement dévoué à plus d'un titre.

Le malingre V. »

1 L'article Gout, envoyé par Voltaire à l'Encyclopédie, est, depuis les éditions de Kehl, dans le Dictionnaire philosophique, où il forme la première section du mot Goût; voir tome XIX, page 270.

http://www.monsieurdevoltaire.com/article-dictionnaire-philosophique-g-comme-gout---partie-1-101344691.html

 

2 L'article Génie, dans l'Encyclopédie, n'est pas de Voltaire; voir tome XIX, page 245. http://www.monsieurdevoltaire.com/article-dictionnaire-philosophique-g-comme-genie-101445867.html

3 Voir la note, tome XIX, page 316.http://www.voltaire-integral.com/Html/19/histoire.htm

12 J.-J. Rousseau, avait éprouvé une rechute dans l'été de 1755. Il se porta bien dans l'automne, mais les approches de l'hiver lui étaient cruelles. (CL.)

13 Serait-ce celui qu'on trouve dans l'expression « aller se faire f..... » ?

 

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24/04/2012 | Lien permanent

L'acquisition auprès de Genève coûte très-cher; le tout me reviendra à cent mille francs de France

Ce fut cher en 1755, c'est hors de prix actuellement pour se loger , non seulement sur le terrritoire hélvétique, mais dans la zone française proche de la frontière .

Rien de changé entre le XVIIIè et le XXIè siècle ; il ne fait pas bon vivre auprès d'un peuple de banquiers , et dans une zone d'influence d'organisations internationales (ONU, BIT, CRI, ILO, OMS, CERN, ...) qui donnent des salaires immoraux à leurs fonctionnaires ; la plupart, comme on dit, se font des "couilles en or", et , oui mesdames, vous aussi !

Les propriétaires se gavent ; ceux qui "travaillent sur France " comme on dit, rament .

Et ce n'est pas un changement de locataire  l'Elysée qui va changer quoi que ce soit !

 

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« A M. de Brenles.

A Prangins, 18 février [1755]

Voici, mon cher monsieur, ce tome troisième dont vous me faites l'honneur de me parler; je vous envoie un exemplaire tel qu'il a été imprimé. J'y joins un autre exemplaire tel, à peu près, qu'il paraitra dans l'édition complète de l'Histoire générale. Je vous prie de donner à M. Polier i le volume relié, et de garder l'autre comme un manuscrit et une esquisse que mon amitié vous présente. Je mets dans le paquet une traduction de quelques poésies de M. Haller ii, que M. Polier avait bien voulu me prêter; pardonnez-moi cette liberté.

Croyez-moi donc à la fin, monsieur, et soyez très-sûr que, si le goût d'une Parisienne iii m'a fait acquérir la jolie maison et le beau jardin des Délices, et si ma mauvaise santé me rapproche de Genève pour être à portée du docteur Tronchin, je prends Monrion uniquement pour me rapprocher de vous. Monrion sera le séjour de la simplicité, de la philosophie et de l'amitié. L'acquisition auprès de Genève coûte très-cher; le tout me reviendra à cent mille francs de France avant que je puisse en jouir à mon aise. Je serai logé là aussi bien qu'un grand négociant de Genève, et je serai à Monrion comme un philosophe de Lausanne. Je vous jure encore une fois que je n'y vais que pour vous, et pour le petit nombre de personnes qui pensent comme vous. Si Mme Goll iv avait pu quitter Colmar assez tôt, j'aurais pris le domaine, et elle y aurait trouvé l'utile et l'agréable mais je me contenterai de la maison et des dépendances, et je regarde la chose comme faite. Ma détestable santé est le seul obstacle qui m'empêche de venir signer, sous vos yeux, un marché que vous seul m'avez fait faire. Nous présentons, ma nièce et moi, nos obéissances très-humbles à Mme de Brenles.

 

 

 

V. »

 

iAntoine-Noé de Polier de Bottens : http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine-No%C3%A9_de_Polier_d... . Par la suite, pour l'Encyclopédie , il écrira un article Liturgie, qui sera amendé par V*, et Messie, de même .

 

ii Albrecht von Haller : savant physiologiste, et poète bernois de langue allemande, qui aura des relations tendues avec V* ; Haller plein de réservessur les idées et écritsde V* : « Je ne lui ai jamais cédé d'un pas sur ce qui affecte la religion, les moeurs et la patrie . »

http://books.google.com/books?id=fVGQCu3jGxQC&pg=PR3&...

http://www.haller.unibe.ch/f/images.php

 

iiiMarie-Louise Denis, sa nièce et compagne .

 

ivVeuve depuis décembre 1754, elle avait logé V* à Colmar .

 

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03/12/2011 | Lien permanent

comme la vieillesse est timide, et que tout me fait peur , j'ai grand peur en effet

Note rédigée le 30 août 2011 pour parution le 10 octobre 2010

http://www.deezer.com/listen-2296905 : Brel, what else ?

timide-517240.jpg

AMNEVILLE (57360), France - Octobre 2009 © Fabrice NEWEL

 http://www.deezer.com/listen-4274084  : Timides anonymes, de Renan Luce .

Et, Quand j'ai peur de tout : http://www.deezer.com/listen-4621437

...

J'ai peur de tout : http://www.deezer.com/listen-1582385



 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

10è octobre 1777

 

Je vous ai envoyé, mon cher ange, les cinq anciens petits pâtés 1, avec une lettre douloureuse ; le tout sous l'enveloppe de M. de Vaines, le 3 octobre . Et comme la vieillesse est timide, et que tout me fait peur , j'ai grand peur en effet que vous n'ayez rien reçu, attendu qu'on m'a informé que M. de Vaines n'était plus administrateur des postes ; je me souviens d'une autre sottise que j'ai faite . J'ai mis dans ma lettre : M. le duc d'Aumont au lieu de : M. le maréchal de Duras 2. Ce n'est pas ma seule bévue , il y en a bien d'autres dans ce que je vous ai envoyé . L'impossibilité de les corriger est ce qui me désespère . Vous aurez cinq autres pâtés de Constantinople 3, si Dieu me prête vie, mais ceux-là sont beaucoup plus difficiles à cuire . Réchauffez les premiers, vous n'aurez les derniers qu'à la fin de l'hiver où nous allons entrer . Je ne tombe point en jeunesse, je tombe réellement en enfance . Ayez pitié de moi, mais êtes-vous capable de vous remuer bien vivement pour votre ancienne créature qui a tant besoin de vous, et qui se met à l'ombre de vos ailes ?

 

V.

 

Je fais mille remerciements à votre très aimable secrétaire . Je vois que le caractère de son âme l'emporte encore sur celui de son écriture . Je lui demande sa protection auprès de vous . »

 

2 M. le maréchal de Duras , premier gentilhomme de la chambre « d'année » était celui à qui il fallait présenter la pièce .

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10/10/2010 | Lien permanent

qu'il prie Dieu avec elle mardi, qu'il couche avec elle mercredi ; et puis il entrera à l'Académie tant qu'il voudra, et

Autre programme sympa pour un mardi :

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Après mardi, c'est : http://www.deezer.com/listen-960449 

 Que faire ?

Danser ?

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Ou plutôt :

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En tout cas, Volti connaissait bien l'usage de la promotion canapé, sinon pour lui-même, du moins pour ses amis. Ah ! quels conseils réalistes !

 

 

 

« A Louise-Florence Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

et au

baron Frédéric Melchior von Grimm


 

[vers le 10 août1760]


 

 

Il faut qu'il entre [Diderot, à l'Académie fançaise], mon adorable philosophe, qu'il entre, qu'il entre, vous dis-je. Contrains-les d'entrer [évangile de Luc].


 

Notre cher Habacuc [ = prophête = Grimm qui écrivit le Petit prophête de Boemischbroda], du courage, je vous en prie. La chose vous paraît impossible ? Je vous [ai] déjà dit que c'est une raison pour l'entreprendre. Nous réussirons ; croyez-moi. Ce sera un beau triomphe. Mais que Diderot nous aide et qu'il 'aille pas s'amuser à griffonner du papier dans un temps où il doit agir. Il n'a qu'une chose à faire mais il faut qu'il la fasse. C'est de chercher à séduire quelque illustre sot ou sotte, quelque fanatique sans avoir d'autre but que de lui plaire. Il a trois mois pour adoucir les dévots. C'est plus qu'il ne faut . Qu'on l'introduise chez madame … ou madame … ou madame, lundi, qu'il prie Dieu avec elle mardi, qu'il couche avec elle mercredi ; et puis il entrera à l'Académie tant qu'il voudra, et quand il voudra.


 

Comptez qu'on est très bien disposé à l'Académie. Je recommande surtout le secret . Que Diderot ait seulement une dévote dans sa manche ou ailleurs ; et je réponds du succès. On s'est déjà ameuté sur mes pressantes sollicitations. Travaillez sous terre tous tant que vous êtes. Ne perdez pas un moment, ne négligez rien. Vous porterez à l'Infâme un coup mortel. Et je vous donne ma parole d'honneur de venir à l'Académie le jour de l'élection. Je suis vieux. Je veux mourir au lit d'honneur.


 

Ma belle philosophe sait-elle que je fais bâtir une église ? Oui une église d'ordre dorique à Ferney ? Ô Habacuc, criez sur les toits cette nouvelle consolante. Si Diderot veut y venir dire la messe je la servirai.


 

Ma chère philosophe, voici une autre histoire, une autre négociation. N'est-ce pas M. Faventine qui a le département du domaine [fermier général des droits du domaine]? M. d'Epinay ne peut-il pas quand il rencontrera ce terrible Faventine au conseil des fermes, lui dire : Monsieur, ne savez-vous rien de nouveau sur le pays de Gex ? ne vous a-t-on rien dit touchant certains arrangements avec le Roi [les privilèges seigneuriaux attachés à la terre de Tournay], n'a-t-il rien transpiré ? Alors M. Faventine dira oui ou non ; et ce oui ou ce non, vos belles mains me l'écriront.


 

Mais qu'il entre, qu'il entre, qu'il entre à l'Académie. J'ai cela dans la tête, voyez-vous ! Ma belle philosophe, je vous ai dans mon cœur. Il est vieux mon cœur, mais il rajeunit quand il pense à vous. Tronchin dit que vous avez de gros tétons [&]. Qu'il entre, vous dis-je, et détruisons l'Infâme. Tel est mon avis et qu'on ruine Carthage, disait Caton, qui n'était pas si vieux que moi.


 

Ô belle philosophe ! Ô Habacuc ! je vous salue en Belzébuth.


 

V. »

&Théodore Tronchin par qui elle s'est faite soigner à Genève.

J.-J. Rousseau dit dans les Confessions : « ...elle était fort maigre, fort blanche, de la gorge comme sur ma main. »

Elle aurait été enceinte.

Ce qui vaudrait cette allusion de V* ?

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10/08/2010 | Lien permanent

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