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19/02/2012

J'ai mis le bonnet de la Liberté sur ma tête mais je l'ôte honnêtement à de jolis esclaves que j'aime

A propos de liberté lisez ceci , qui est facilement actualisable : http://books.google.fr/books?id=qjEUAAAAQAAJ&pg=PA19&...

 En chanson révolutionnaire :   http://www.youtube.com/watch?v=VTpsAA-0kO8

 En image : http://nababuloscope.over-blog.com/5-categorie-131730.html

Libert-Bonnet03-copie-1.jpg

 

Inspiré par Volti et le paraphrasant :

"Liberté ! liberté ! Ton trône est en ces lieux élyséens,

 ...

 Mais l'ouvrier à pied, rampant dans l'esclavage ,

Te regarde , soupire, vote et meurt dans la douleur."

James, à tous les électeurs de tous bords .

 

 

« A M. de BRENLES.

Aux Délices, 6 juillet [1755]

M. de Bochat est bien heureux; il y a plaisir à être mort, quand on a son tombeau couvert de vos fleurs. J'ai lu, monsieur, avec un plaisir extrême cet Éloge1, qui fait le vôtre. Vous trouvez donc que je suis trop poli avec ma patrie. Il n'y avait pas moyen de reprocher des fers à des esclaves si gais, qui dansent avec leurs chaînes2. J'ai mis le bonnet de la Liberté 3 sur ma tête mais je l'ôte honnêtement à de jolis esclaves que j'aime. Eh bien ! mon cher philosophe, vous voulez donc aussi vous mêler d'être malade, et vous avez en accident ce que j'ai en habitude. Guérissez vite; pour moi, je ne guérirai jamais; je suis né pour souffrir. Votre amitié et un peu de casse me soulagent.
J'ai chez moi M. Bertrand4, de Berne, et je m'en vante. M. le banneret Freudenreich5 me paraît un homme bien estimable; mais mes maladies ne me permettent pas de jouir de leur société autant que je le voudrais. Je ne sais si j'aurai la force d'aller jusqu'à Berne6; mais vous me donnerez celle d'aller à Monrion.
On dit que les douze chants dont vous m'avez parlé sont une rapsodie abominable7. Ce n'est point là, Dieu merci, mon ouvrage il est en vingt chants, et il y a vingt ans que j'avais oublié cette triste plaisanterie, qui me fait aujourd'hui bien de la peine.
Vale, amice.

V. »

1 Éloge historique de M. Charles-Guillaume Loys de Bochat (né à Lausanne en 1695, mort en 1754); Lausanne, 1755, in-8°. http://books.google.fr/books?id=G_Y_AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

2 Allusion à quelques vers de l’Épître sur le lac de Genève, dans lesquels Voltaire parlait des bourgeois de Paris rampant dans l'esclavage. « Liberté  ! liberté ! Ton trône est en ces lieux … / Mais le bourgeois à pied, rampant dans l'esclavage , / Te regarde , soupire et meurt dans la douleur. » : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-34308349.html

4 Élie Bertrand : pasteur ; http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lie_Bertrand

6 Il ira en 1756 .

7 La Pucelle dans la version frauduleuse et scabreuse éditée au grand dam de V* .

18/02/2012

il vaut mieux se faire désirer que de se jeter à la tête

http://www.youtube.com/watch?v=fVKI9M5MgKY

Est-ce ce que pensait le président candidat , se faire prier comme une star ?

"Allez, viens, on t'aime, on n'aime que toi, on te veux, on t'adore , on te soutient ! Tu es le meilleur ! "

Et in petto : "nos revenus en dépendent" ; "tiens bon encore cinq ans , Carla a besoin pouponner aux frais de l'Etat ".

Voir : http://player.canalplus.fr/#/592930     (en particulier à partir de 5'30")

 Et ceci qui remue un sentiment aigre en moi !

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«  A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 6 juillet [1755]

Mon cher ange, gardez-vous de penser que le quatrième et le cinquième magot soient supportables; ils ne sont ni bien cuits ni bien peints. L'Orphelin était trop oublié 1. Zamti, qui avait joué un rôle principal dans les premiers actes, ne paraissait plus qu'à la fin de la pièce; on ne s'intéressait plus à lui, et alors la proposition que sa femme lui fait de deux coups de poignard, un pour lui et un autre pour elle, ne pouvant faire un effet tragique, en faisait un ridicule. En un mot, ces deux derniers actes n'étaient ni assez pleins, ni assez forts, ni assez bien écrits. Mme Denis et moi nous n'étions point du tout contents. Nous espérons enfin que vous le serez. Il faut commencer par vous plaire pour plaire au public. Je vais vous envoyer la pièce. Elle ne sera peut-être pas trop bien transcrite, mais elle sera lisible. Le roi de Prusse m'a repris un de mes petits clercs pour en faire son copiste; c'était un jeune homme de Potsdam 2. J'ai rendu à César ce qui appartient à César, et il ne me reste plus qu'un scribe 3 qui a bien de la besogne en vers et en prose. Ce n'est pas une petite entreprise pour un malade de corriger tous ses ouvrages, et de faire cinq actes chinois. Mais, mon cher ange, quel temps prendrez-vous pour faire jouer la pièce? Pour moi, je vous avoue que mon idée est de laisser passer tous ceux qui se présentent, et surtout de ne rien disputer à M. de Châteaubrun 4. Il ne faut pas que deux vieillards se battent à qui donnera une tragédie, et il vaut mieux se faire désirer que de se jeter à la tête. J'imagine qu'il faudrait laisser l'hiver à ceux qui veulent être joués l'hiver. En ce cas, il faudrait attendre Pâques prochain, ou jouer à présent nos Chinois. Il y aurait un avantage pour moi à les donner à présent. Ce serait d'en faire la galanterie à Mme de Pompadour, pour le voyage de Fontainebleau. Il ne m'importe pas que l'Orphelin ait beaucoup de représentations. J'en laisse tout le profit aux comédiens et au libraire, et je ne me réserve que l'espérance de ne pas déplaire. Si cette pièce avait le même succès qu'Alzire 5, à qui Mme Denis la compare, elle servirait de contre-poison à cette héroïne d'Orléans,6 qui peut paraître au premier jour; elle disposerait les esprits en ma faveur. Voilà surtout l'effet le plus favorable que j'en peux attendre. Je crois donc, dans cette idée, que le temps qui précède le voyage de Fontainebleau est celui qu'il faut prendre mais je soumets toutes mes idées aux vôtres. J'envoie l'ouvrage sous l'enveloppe de M. de Chauvelin7. Je vous prie, mon divin ange, de le donner à M. le maréchal de Richelieu. Qu'il le fasse transcrire, s'il veut, pour lui et pour Mme de Pompadour, si cela peut les amuser.
J'ai cru devoir envoyer à Thieriot, en qualité de trompette8, cet autre ancien ouvrage dont nous avons tant parlé. J'aime bien mieux qu'il coure habillé d'un peu de gaze que dans une vilaine nudité et tout estropié. On le trouve ici très joli, très-gai, et point scandaleux. On dit que les Contes de La Fontaine sont cent fois moins honnêtes. Il y a bien de la poésie, bien de la plaisanterie, et, quand on rit, on ne se fâche point; surtout nulle personnalité. Enfin on sait qu'il y a trente ans que cette plaisanterie court le monde. La seule chose désagréable qu'il y aurait à craindre, ce serait la liberté que bien des gens se sont donnée de remplir les lacunes comme ils ont pu, et d'y fourrer beaucoup de sottises qu'ils ont ajoutées aux miennes.
Mon cher ange, je suis bien bon de songer à tout cela. Tout le monde me dit ici que je dois jouir en paix de mon charmant ermitage; il est bien nommé les Délices,; mais il n'y a point de délices si loin de vous. Mille tendres respects à tous les anges. »

 

 

3 Le jeune Jean-Louis Wagnière qu'il a engagé au château de Prangins a environ quinze ans . http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Louis_Wagni%C3%A8re

4 Jean-Baptiste Vivien de Châteaubrun : reçu à l'Académie française le 5 mai précédent, après avoir donné une tragédie de Philoctète en cinq actes (1er mars 1755). Il avait écrit Mahomet II , empereur des Turcs qui fut joué le 13 novembre 1714.

8 Thieriot rapportait volontiers toutes les nouvelles parisiennes à V* et à Paris les nouvelles que V* voulait faire circuler .

 

tous les sentiments que vous doivent toutes les femmes qui sentent et qui pensent

 les-filles-pensent-que.jpg

 

 

 

«  A M. le maréchal duc de RICHELIEU

 

[juillet 1755]

 

 

La voulez-vous, la voulez-vous pour vous amuser, monseigneur ? Quoi ? qui ? la Pucelle, la Pucelle .Vous en avez trouvé un petit nombre dans le cours de votre aimable vie. Je vous l'enverrai par la voie que vous ordonnerez. J'en ai une copie en quinze chants, mais fort exacte, quoique griffonnée. Vous la ferez transcrire, vous m'honorerez d'une place dans votre bibliothèque. Vous l'aurez plus complète et plus finie que personne, et cela ne laissera pas d'égayer votre belle imagination. C'est le vrai bréviaire de mon héros.
L'Orphelin de la Chine n'est pas si gai; je l'envoie à M. d'Argental, pour qu'il le soumette à vos lumières. Je voudrais vous faire ma cour en vers et en prose, quand vous êtes de loisir. Mme Denis vous assure de tous les sentiments que vous doivent toutes les femmes qui sentent et qui pensent et moi, je vous renouvelle, pour toute ma vie, le plus tendre et le plus respectueux attachement. »

 

 

 

 

 

 

 

15/02/2012

je ne sais pas trop comment je peux suffire à toutes les sottises que j'ai entreprises

 

 

 

 

« A madame de FONTAINE,

à Paris.

Aux Délices, 2 juillet [1755]

Je vous écris, ma très-chère nièce, en faisant clouer au chevet de mon lit votre portrait et celui de votre fils. En vérité, voilà trois chefs-d'œuvre de votre façon qui me sont bien chers, vous, le petit d'Hornoy 1, et son pastel. Vous ne pouviez faire ni un plus joli enfant ni un plus joli portrait. Le vôtre est parfaitement ressemblant. Vous êtes un excellent peintre 2, et vous me consolez bien du portrait détestable que nous avions de vous. Je vous remercie bien tendrement de tous vos beaux ouvrages. Quand viendrez-vous donc voir les lieux que vous avez déjà embellis? Dieu merci, les vaches vous sont plus favorables que les ânesses 3. Pour moi, j'ai un âne qui me fait bien de la peine 4; car mon âne tient un grand rang dans l'ouvrage que vous savez, et on lui a fait de terribles oreilles dans les maudites copies qui courent. Je vous enverrai certainement la véritable leçon, et vous en ferez tout ce qu'il vous plaira. Je vous enverrai aussi notre Orphelin de la Chine5. Mais, en vérité, nous n'avons guère le temps de nous reconnaître, et je ne sais pas trop comment je peux suffire à toutes les sottises que j'ai entreprises. Il s'en faut bien que j'aie la santé que M. Tronchin6 me donne si libéralement. Il s'imagine que quiconque a eu le bonheur de le voir et de lui parler doit se bien porter, il est comme les magiciens, qui croyaient guérir avec des paroles. Il a raison, car personne ne parle mieux que lui, et n'a plus d'esprit; mais je ne m'en porte pas mieux.
A propos, Thieriot a douze chants de ce que vous savez, demandez-les-lui sur-le-champ. Faites-les copier; cela vous amusera, vous et votre frère7, quand il sera las de lire son bréviaire et de rapporter des procès. Je voudrais bien que mon abbaye fût aussi sur les bords de la Seine8; mais j'ai bien l'air d'avoir planté le piquet pour jamais sur les bords du lac de Genève. Les malades ne se transportent guère, à moins que ce ne soit aux eaux de Plombières, lorsque vous irez 9. »

1 Alexandre-Marie-François-de-Paule de Dompierre d'Hornoy, né à Abbeville le 23 juillet 1742, conseiller au parlement en 1763, président en 1780; mort en janvier 1828. La terre d'Hornoy est à huit lieues d'Amiens. Son frère ainé est mort en bas age .

3 Elle est en mauvaise santé, et a pris du lait d'ânesse sans succès ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/02/11/je-ne-serai-que-damne-cela-est-injuste-car-je-le-suis-un-peu.html

4 Le fameux chant de l'âne de La Pucelle dont des versions scabreuses circulent : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-pucelle-d-orleans-chant-vingtieme-86569397.html

7 L'abbé Mignot qui est aussi conseiller au Parlement .

8 L'abbaye de Scellières, dont l'abbé Mignot a obtenu le bénéfice, et où Voltaire fut inhumé en 1778, était située dans la commune de Romilly-sur-Seine.

9 Les deux alinéas qui, dans Beuchot, sont à la fin de cette lettre forment une lettre à part. Voyez au 23 août 1755

 

14/02/2012

dans la lune. J'ai déjà un peu l'air d'y avoir fait un tour

A tous ceux qui ont de la peine : 

http://www.deezer.com/music/track/5187869

depuis crozet sans lune1573.JPG

Au loin, la terre et les humains

 

 

 

« A M. THIERIOT

A Genève, 30 juin [1755]

Il y a un paquet pour vous, mon ancien ami, chez M. Bouret 1. En récompense, instruisez-moi un peu de l'état de notre littérature, de ce qu'on dit de par le monde, et pardonnez au laconisme d'un malade qui a cinq magots de la Chine 2 à polir. Je crois que si j'ai encore un sujet de tragédie à traiter, il faudra que je le prenne dans la lune. J'ai déjà un peu l'air d'y avoir fait un tour.
En attendant, le malingre vous embrasse. »

 

1 Bourel Étienne-Michel (1710-1777), financier, trésorier général de la Maison du roi (1738), fermier général (1743)

 

dissiper cette malheureuse séduction, et ce nuage qui fait voir trouble quand on regarde les enfants qu'on vient de faire

http://www.youtube.com/watch?v=ZJD3NHDKEu4 

Je vous invite à faire connaissance de mon petit copain le merle qui bequète les restes de cotelettes que j'ai données aux chiens et aux chats baladeurs . Il chantera dans quelques semaines .

merle aux cotelettes1506.JPG

Mon amie LoveV est plus printanière .

 http://www.deezer.com/music/track/13139959

 

 

 « A M. le comte d'ARGENTAL.

23 juin [1755]

Mon très-cher ange, j'ai reçu toutes vos lettres à la Chine. Je suis enfoncé dans le pays où vous m'avez envoyé. Je recuis vos magots1, et vous les aurez incessamment. Soyez bien sûr que cette porcelaine-là est bien difficile à faire. La fin du quatrième acte et le commencement du cinquième étaient intolérables, et beaucoup de choses manquaient aux trois autres. Il est bon d'avoir abandonné entièrement son ouvrage pendant quelques mois; c'est la seule manière de dissiper cette malheureuse séduction, et ce nuage qui fait voir trouble quand on regarde les enfants qu'on vient de faire. Je ne vous réponds pas d'avoir substitué des beautés aux défauts qui m'ont frappé, je ne vous réponds que de mon envie de vous plaire, et de l'ardeur avec laquelle j'ai travaillé. Vous verrez si mes maçons d'un côté, et de sèches histoires de l'autre, m'ont encore laissé quelques faibles étincelles d'un talent que tout doit avoir détruit. Ce que vous me dites de Mahomet2 m'engage à vous parler d'Oreste3. Croiriez-vous que c'est la pièce dont les gens de lettres sont le plus contents dans les pays étrangers? Relisez-la, je vous en prie, et voyez si on ne pourrait pas la faire rejouer. Votre crédit, mon cher ange, pourrait-il s'étendre jusque-là ? Je sais que les comédiens sont gens un peu difficiles mais enfin, s'ils veulent que je fasse quelque chose pour eux, ne feront-ils rien pour moi ? J'ai chez moi actuellement le fils de Fierville4. Il y a de quoi faire un excellent comédien et, s'il ne veut pas jouer tous les mots, il jouera très-bien. Il y a de la figure, de l'intelligence, du sentiment, surtout de la voix, et un amour prodigieux pour ce malheureux métier si méprisé et si difficile. Je vous prie, mon cher ange, de m'écrire par M. Tronchin, banquier à Lyon. Je vous conjure de ne pas imaginer que je songe à ce que vous savez 5; on n'y songe que trop pour moi. Ce Grasset a apporté un exemplaire de Paris. Un magistrat de Lausanne l'a vu, l'a lu, et me l'a mandé. L’Allemagne est pleine de copies. Vous savez qu'il y en a dans Paris. Vous n'ignorez pas que M. le duc de La Vallière en a marchandé une. Il n'y a point, encore une fois, de libraire qui ne s'attende à l'imprimer, et peut-être actuellement ce coquin de Grasset fait-il mettre sous presse la copie infâme et détestable qu'il a apportée. Je ne me fie point du tout à ses serments. J'ai sujet de tout craindre. En vérité, je me remercie de pouvoir travailler à notre Orphelin, dans des circonstances aussi cruelles, mais vous m'aimez, vous me consolez il n'y a rien que vous ne fassiez de moi. Mme Denis vous fait mille tendres compliments. Elle mérite le petit mot par lequel j'ai terminé mon lac 6.
Adieu, mon cher ange mes respects à toute la société angélique. »

 

1 L’Orphelin de la Chine .

4 Fierville père débuta à la Comédie française, le 18 mai 1733, dans le rôle de Palamède, de l'Électre de Crébillon; il fut reçu en 1734. Congédié le 24 janvier 1741, avec une pension, il joua ensuite en province il remplissait les rôles de paysan.

5 A publier La Pucelle .

6 Il rend hommage à la liberté et plus spécialement à l'amitié de Marie-Louise Denis, sa nièce et compagne : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-34308349.html