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15/07/2010

Je m'étonne que, parmi tant de démonstrations alambiquées de l'existence de Dieu, on ne se soit pas avisé d'apporter le plaisir en preuve.

 Pour la première fois depuis la période révolutionnaire, et celle de Voltaire qui la précéda,hier, un feu d'artifice a été tiré depuis le parc du château de Voltaire .

Très beaux feux accompagnés -et soulignant- de la musique de Rameau et le livret de Volti écrits pour la Princesse de Navarre .

http://www.youtube.com/watch?v=9tvN6KwMSCI&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=HBex8q0XSrw&NR=1

http://www.youtube.com/watch?v=wuoFMFIFqqM&feature=related

http://www.youtube.com/watch?v=qDbgTWtPrLc&feature=related

 

Plusieurs milliers de personnes ont donc franchi les grilles et profité du spectacle, non sans avoir, pour beaucoup, profité des frites et grilllades diverses, d'un petit orchestre très dynamique et de l'illumination de la façade du château.

Ah! j'allais oublier !

Temps superbe qui aurait fait baver d'envie le président (comment quel président ? le grand N.S. bien évidemment, qui se prend parfois pour l'autre N.S., Notre Seigneur ...) s'il n'avait pas eu le nez creux en annulant la garden party élyséenne.

Ici, les invités payaient leur nourriture et leur boisson ! Et ne cherchaient pas à se montrer devant la caméra .

 

Révolutionnaire !

"quand le prince enrichit ses sujets, il faut bien que leurs taxes augmentent.": petit détail, juste pour donner du coeur au ventre à ceux qui partent en vacances, une "mesurette" démesurée d'augmentations programmées pour les tax payers que nous sommes .Nous ne sommes plus au siècle de Voltaire, où philosophiquement il admettait de payer plus en gagnant plus ; de nos jours payons d'abord pour enrichir le(s) prince(s), et tâchons de nous enrichir, en nous serrant la ceinture.

Amusez-vous bien quand même ...

 

 

« A Frédéric, prince héritier de Prusse


 

[Vers le 15 juillet 1738]

Monseigneur,


 

Quand j'ai reçu le nouveau bienfait dont Votre Altesse Royale m'a honoré,[le 17 juin, Frédéric a envoyé en même temps que des réflexions métaphysiques, ses Considérations sur l'état présent du corps politique de l'Europe, et « un meuble » pour le cabinet de Mme du Châtelet] j'ai songé aussitôt à lui payer quelques nouveaux tributs. Car quand le prince enrichit ses sujets, il faut bien que leurs taxes augmentent . Mais, Monseigneur , je ne pourrai jamais vous rendre ce que je dois à vos bontés. Le dernier fruit de votre loisir est l'ouvrage d'un vrai sage, qui est fort au-dessus des philosophes ; votre esprit sait d'autant mieux douter qu'il sait mieux approfondir. Rien n'est plus vrai, Monseigneur, que nous sommes dans ce monde sous la direction d'une puissance aussi invisible que forte, à peu près comme des poulets qu'on a mis en mue pour un certain temps, pour les mettre à la broche ensuite, et qui ne comprendront jamais par quel caprice le cuisinier les fait ainsi encager ; je parie que si ces poulets raisonnent, et font un système sur leur cage, aucun ne devinera que c'est pour être mangés qu'on les a mis là. Votre Altesse Royale se moque avec raison des animaux à deux pieds qui pensent savoir tout ; il n'y a qu'un bonnet d'âne à mettre sur la tette d'un savant qui croit savoir bien ce que c'est que la dureté, la cohérence, le ressort, l'électricité, ce qui produit les germes, les sentiments, la faim, ce qui fait digérer, enfin qui croit connaitre la matière, et qui pis est l'esprit ; il y a certainement des connaissances accordées à l'homme ; nous savons mesurer, calculer, peser jusqu'à un certain point. Les vérités géométriques sont indubitables, et c'est déjà beaucoup ; nous savons à n'en pouvoir douter, que la lune est beaucoup plus petite que la terre, que les planètes font leur cours suivant une proportion réglée, qu'il ne saurait y avoir moins de trente millions de lieues de trois mille pas d'ici au soleil ; nous prédisons les éclipses, etc. Aller plus loin est un peu hardi, et le dessous des cartes n'est pas fait pour être aperçu. J'imagine les philosophes à systèmes comme des voyageurs curieux, qui auraient pris les dimensions du sérail du Grand Turc, qui seraient même entrés dans quelques appartements, et qui prétendraient sur cela deviner combien de fois Sa Hautesse a embrassé sa sultane favorite, ou son icoglan,[un page du Grand seigneur] la nuit précédente.



 

Mais, Monseigneur, pour un prince allemand, qui doit protéger le système de Copernic, Votre Altesse Royale me paraît bien sceptique ; c'est céder un de vos États pour l'amour de la paix ; ce sont des choses, s'il vous plait, qu'on ne fait qu'à la dernière extrémité ; je mets le système planétaire de Copernic, moi, petit Français, au rang des vérités géométriques, et je ne crois point que la montagne de Malabar puisse jamais le détruire.[le 17 juin, Frédéric écrit : « … tous ces systèmes (des « philosophes ») ont un degré de probabilité, cependant ils secontredisent tous. Les Malabares ont calculé les révolutions des globes célestes sur le principe que le soleil tournait autour d'une grande montagne de leur pays, et ils ont calculé juste. »]



 

J'honore fort messieurs du Malabar, mais je les crois de pauvres physiciens . Les Chinois, auprès de qui les Malabares sont à peine des hommes, sont de fort mauvais astronomes . Le plus médiocre jésuite est un aigle chez eux ; le tribunal des mathématiques de la Chine, avec toutes ses révérences et sa barbe en pointe, est un misérable collège d'ignorants, qui prédisent la pluie et le beau temps, et qui ne savent pas seulement calculer juste une éclipse ; mais je veux que les barbares du Malabar aient une montagne en pain de sucre, qui leur tient lieu de gnomon [= cadran solaire] . Il est certain que leur montagne leur servira très bien à leur faire connaître les équinoxes, les solstices, le lever et le coucher du soleil et des étoiles, les différences des heures, les aspects des planètes, les phases de la lune ; une boule au bout d'un bâton nous fera les mêmes effets en rase campagne, et le système de Copernic n'en souffrira pas.



 

Je prends la liberté d'envoyer à Votre Altesse Royale mon système du plaisir [cinquième Discours sur l'homme]; je ne suis point sceptique sur cette matière, car depuis que je suis à Cirey, et que Votre Altesse Royale m'honore de ses bontés, je crois le plaisir démontré.



 

Je m'étonne que, parmi tant de démonstrations alambiquées de l'existence de Dieu, on ne se soit pas avisé d'apporter le plaisir en preuve. Car , physiquement parlant, le plaisir est divin, et je tiens que tout homme qui boit de bon vin de Tokay, qui embrasse une jolie femme, qui, en un mot, a des sensations agréables, doit reconnaître un être suprême et bienfaisant ; voilà pourquoi les anciens ont fait des dieux de toutes les passions ; mais comme toutes les passions nous sont données pour notre bien-être, je tiens qu'elles prouvent l'unité d'un Dieu car elles prouvent l'unité de dessein. Votre Altesse Royale permet-elle que je consacre cette épître à celui que Dieu a fait pour rendre heureux les hommes,[le Discours comporte une adresse au « Grand prince, esprit sublime, heureux présent du ciel » (= Frédéric) que V* modifiera après la mésaventure de Francfort] à celui dont les bontés font mon bonheur et ma gloire ? Mme du Châtelet partage mes sentiments. Je suis avec un profond respect et un dévouement sans bornes,



 

Monseigneur, etc . »

 

 

14/07/2010

si on se divise, si on a de petites faiblesses, on est perdu

 

 

 

« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay


 

14 juillet [1760] aux Délices


 

Voici ma réponse, madame, à une lettre très injuste adressée à notre cher docteur et qu'il vient de m'envoyer. Je vous en fais tenir copie ; comptez que c'est la loi et les prophètes.


 

Je sais mieux que personne ce qui se passe à Paris et à Versailles, au sujet des philosophes ; si on se divise, si on a de petites faiblesses, on est perdu. L'Infâme et les infâmes triompheront. Les philosophes seraient-ils assez bêtes pour tomber dans le piège qu'on leur tend ? soyez le lien qui doit unir ces pauvres persécutés.


 

Jean-Jacques aurait pu servir dans la guerre, mais la tête lui a tourné absolument. Il vient de m'écrire une lettre dans laquelle il me dit que j'ai perdu Genève [lettre de JJR à V* du 17 juin 1760, reproduite dans les Confessions]. En me parlant de Grimm, il l'appelle un Allemand nommé Grimm. Il dit que je suis cause qu'il sera jeté à la voirie quand il mourra, tandis que moi je serai enterré honorablement.


 

Que voulez-vous que je vous dise, Madame ? il est déjà mort ; mais recommandez aux vivants d'être dans la plus grande union .


 

Je me fais anathème pour l'amour des persécutés, mais il faut qu'ils soient plus adroits qu'ils ne sont ; l'impertinence contre Mme de Robecq, la sottise de lui avoir envoyé La Vision,[de l'abbé Morellet ; cf. lettres des 25 avril, 10 juin et 9 juillet] la barbarie de lui avoir appris qu'elle était frappée à mort, sont un coup terrible qu'on a bien de la peine à guérir ; on le guérira pourtant et je ne désespère de rien si on peut s'entendre. Je me mets à vos pieds, ma belle philosophe. »

 

 

12/07/2010

L'ouvrage peut devenir nécessaire aux étrangers qui apprennent notre langue par règles et aux Français qui ne la savent que par routine

 

 

 

«  A Charles Pinot Duclos


 

Au château de Ferney, 12 juillet 1761.


 

J'apprends, Monsieur, par votre signature, que vous êtes à Paris. Le projet que vous avez approuvé trouve bien de la faveur [Édition critique de Corneille, qu'il a demandé à l'Académie d'entreprendre, ayant chez lui Marie-Françoise Corneille qu'il veut doter]. Le Roi daigne permettre que son nom soit à la tête des souscripteurs pour deux cents exemplaires, plusieurs personnes ont souscrit pour dix, pour douze, pour quinze. Je ne ferai imprimer le programme que quand j'aurai un assez grand nombre de noms illustres. Ne pourriez-vous pas, vous, Monsieur, qui êtes le premier moteur de cette bonne œuvre honorable pour la nation, et peut-être utile, me faire savoir pour combien souscriront nos académiciens, de rore coeli et pinguedine terrae ?[=de la rosée du ciel et de la graisse de la terre]


 

L'ouvrage peut devenir nécessaire aux étrangers qui apprennent notre langue par règles et aux Français qui ne la savent que par routine. J'ai déjà ébauché Médée, Le Cid, Cinna, j'ai commencé entièrement les Horaces. Je m'instruis en relisant ces chefs-d'œuvre mais je m'instruis trop tard.


 

Mon commentarium perpetuum [= commentaire au fil du texte] est attaché sur de petits papiers, avec ce qu'on appelle mal à propos pain enchanté,[= « pain enchanté » ou « pain à chanter » (la messe) = pain à cacheter] à la fin de chaque page. Je me suis servi du seul tome que j'ai recouvré dans ce pays barbare d'une petite édition que fit faire Corneille [à Duclos, il dira le 14 septembre qu'il veut continuer sur l'édition de 1664 ; dans sa bibliothèque on a trouvé les éditions de 1638, 1664, 1723,1747 … cf. lettre à Duclos du 14 septembre] dans laquelle il inséra toutes ses imitations de Guillain de Castro, de Lucain, et de Sénèque.


 

Si l'Académie l'agrée, si cela vous amuse, je vous enverrai le commentaire des Horaces tout griffonné qu'il est . L'Académie décidera de mes réflexions et vous aurez la bonté de me renvoyer au plus tôt cet exemplaire unique.


 

Ma nièce, celle de Corneille, et moi, nous vous remercions de l'intérêt que vous prenez à cette affaire et de tous vos soins généreux.


 

V. »

10/07/2010

J'ai toujours été persuadé qu'il faut mépriser les critiques, mais que c'est un devoir de réfuter la calomnie

 Y-a-t'il "critique" dans ce monde politique français (qui fait bien rire mes voisins Suisses ! ) ?

Y-a-t'il "calomnie" de la part d'un monde journalistique "pourri" ?

Relais par un monde politique dit d'opposition, critique et calomnieux , des chacals, qui hurlent pour détourner l'attention de leurs propres (ou plutot malpropres ) manoeuvres.

De pourri, pour l'instant je ne vois pas de trace dans le travail des journalistes . Ce sont eux qui ont le plus à perdre dans cette détestable affaire Woerth-Bettencourt-Sarkozy- ...etc.

Un journaliste convaincu de calomnie risque sa place, donc son gagne- pain .

L'homme politique ne risque que sa rétrogradation, mise sur la touche, puis grâce au copinage retrouve un travail tranquille, bien payé, avec une retraite imméritée et conséquente . Mais il est vrai que c'est dur de tomber du cocotier quand on oublie que c'est de là haut qu'on montre le mieux son cul !... Mais il est vrai que c'est dur de se faire attrapper la main dans le pot de confiture et d'assurer que c'est la main d'un autre .

J'ai bien noté : "je vous mets au défit de trouver une quelconque preuve matérielle ..." .

Moi, je vous mets au défit de prouver votre innocence avec des preuves matérielles .

 

 

 

«  A Etienne-Noël Damilaville



 

11 juillet 1767



 

Il est très certain, mon cher ami, que les protestants de Guyenne sont accusés d'avoir voulu assassiner plusieurs curés, et qu'il y a près de deux cents personnes en prison à Bordeaux pour cette fatale aventure[*] qui a retardé l'arrivée de M. le maréchal de Richelieu à Paris. C'est dans ces circonstances odieuses que l'infâme La Beaumelle m'a fait écrire des lettres anonymes [**]. J'ai été forcé d'envoyer aux ministres le mémoire ci-joint [intitulé Mémoire présenté au ministère ou Mémoire pour être mis à la tête d'une nouvelle édition qu'on prépare du Siècle de Louis XIV (1767)]. C'est du moins une consolation pour moi d'avoir à défendre la mémoire de Louis XIV et l'honneur de la famille royale en prenant la juste défense de moi-même contre un scélérat audacieux, aussi ignorant qu'insensé [***]. J'ai toujours été persuadé qu'il faut mépriser les critiques, mais que c'est un devoir de réfuter la calomnie. Au reste j'ai mauvaise opinion de l'affaire des Sirven. Je doute toujours qu'on fasse un passe-droit au parlement de Toulouse [= qu'ôte l'affaire Sirven au parlement de Toulouse] en faveur des protestants, tandis qu'ils se rendent si coupables, ou du moins si suspects. Tout cela est fort triste ; les philosophes ont besoin de constance.



 

On dit qu'il n'y a point de M. Mercier, que c'est un nom supposé [il s'agit de L'Homme sauvage, de J.-G.-B. Pfeil, « histoire traduite par M.(Louis-Sébastien) Mercier » , 1767; cf. lettre du 19 juin à d'Alembert]. Cela est-il vrai ? »

 

 

*V* écrit à Richelieu, qui est gouverneur de Guyenne, et celui-ci répond le 1er août : « Comme vous dites que tout est bien, vous ne pouvez vous dispenser de dire la même chose dans (l') occasion … des protestants de St Foy accusés d'avoir composé une troupe de cent personnes pour aller causer avec le curé qui n'aimant pas la conversation sauta par la fenêtre et se sauva, le parlement informé, et je puis assurer … que ce parlement ne pense point du tout comme celui de Toulouse pour las protestants, mais s'il voyait quelque chose qui ne fût pas si bien … il pourrait être fort brutal. »


 


 


 

**A Damilaville le 4 juillet : « J'ai reçu quatre-vingt-quatorze (lettres anonymes) de la même écriture, et je les ai toutes brûlées . Enfin j'en ai reçu une quatre-vingt-quinzième qui ne peut être écrite que par La Beaumelle … ou par quelqu'un à qui il l'aura dictée puisque dans cette lettre il n'est question que de La Beaumelle même. »

Ce dernier écrira au marquis de Gudanes, commandant du pays de Foix, qu'il n'a «  pas plus de part à ces lettres que le Grand Turc », qu' « il y a longtemps que la guerre est ouverte entre Voltaire et (lui) et (que) si (il) étai(t) d'humeur à l'attaquer, (il) n'aurait que faire de prendre le masque de l'anonyme », il soupçonne même V* d'avoir « fabriqué lui-même celle qu'il a envoyée à M. le comte de Saint-Florentin ».


 


 

***Vraisemblablement à Saint Florentin, dans le billet d'accompagnement du 8 juillet, V* « implore protection » du ministre « contre la calomnie et contre les lettres anonymes », présente sa « requête en forme de mémoire » , car « il s'agit des plus horribles noirceurs imputées à la famille royale » (notamment dans une réédition qu'il évoque de son Siècle de Louis XIV annoté par La Beaumelle) et il « supplie d'imposer silence à La Beaumelle » dont il donne l'adresse.

Il énumère quelques unes de ces « noirceurs » à son éditeur Lacombe, le 7 août : « On sait bien à Paris que Louis XIV n'a point empoisonné le marquis de Louvois ; que le dauphin, père du roi, ne s'est point entendu avec les ennemis pour faire prendre Lille ; que monsieur le duc, père de M. le prince de Condé d'aujourd'hui, n'a point fait assassiner M. Vergier ... »

09/07/2010

Il me paraît absurde de m'attribuer un ouvrage ... mais la calomnie n'y regarde pas de si près.

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert


 

9 de juillet [1769]


 

Mon cher philosophe, je vous envoie la copie d'une lettre que je suis obligé d'écrire à l'auteur du Mercure [*]. Je vois que cette Histoire du Parlement qu'on m'impute, est la suite de ce petit écrit qui parut, il y a dix-huit mois, sous le nom du marquis de Bélestat [cf. lettre du 20 septembre à Mme du Deffand, où il dit que les deux derniers chapitres de l'Histoire du parlement sont du même style que l'Examen ...], et qui fit tant de peine au président Hénault [**]. C'est le même style ; mais je ne dois accuser personne, je dois me borner à me justifier . Il me paraît absurde de m'attribuer un ouvrage dans lequel il a deux ou trois morceaux qui ne peuvent être tirés que d'un greffe poudreux, où je n'ai assurément pas mis le pied ; mais la calomnie n'y regarde pas de si près.


 

Je vous demande en grâce d'employer toute votre éloquence et tous vos amis pour détruire un bruit encore plus dangereux que ridicule [***]. Ma pauvre santé n'avait pas besoin de cette secousse. Je me recommande à votre amitié.


 

J'attends M. de Schomberg [qui fut chambellan du duc d'Orléans et inspecteur général de la cavalerie]. Il voyage comme Ulysse qui va voir les ombres. Mon ombre vous embrasse de tout son cœur. »

 

 

*Cette lettre publiée par V* dans le Mercure reparle de l'Examen de la nouvelle histoire de Henri IV … par M. le marquis de B*** (Bélestat), et signale des erreurs historiques ; V* se dit surtout choqué par « l'extrême injustice avec laquelle on y censure l'ouvrage de M. le président Hénault » et 'l'injustice encore plus absurde » qu'on lui avait faite en lui attribuant cet Examen. On renouvelait cette injustice en lui attribuant l'Histoire du parlement : « pour composer un livre utile sur cet objet il faut avoir fouillé pendant une année entière au moins dans les registres ... » or il est « absent de France depuis plus de vingt années... uniquement occupé à d'autres objets. »


 


 

**Mme du Deffand, le 29 septembre 1768, dit à V* qui avait signalé à Hénault ce qu'on disait de son ouvrage dans l'Examen … :  « heureusement qu'il n'en a pas été fort troublé. » Cf lettres du 18 septembre, 26 octobre, 21 décembre 1768 et 13 janvier et 3 février 1769.



 

***Le 23 juin, Dupan écrivait : « Le livre où il est mal parlé du roi est intitulé l'Histoire des parlements … C'est une chose inconcevable que Voltaire ose attaquer le roi comme il l'a fait dans un chapitre de ce livre. »

V* dans une lettre à la duchesse de Choiseul, le 18 septembre, reniera particulièrement ces passages : « … comment croira-t-on que j'ai dit que le roi « donna » des pensions à tous les conseillers qui jugèrent Damiens, tandis qu'il est de notoriété publique qu'il n'en donna qu'aux deux rapporteurs ? … comment aurais-je dit qu'on « fit un procès à Damiens » et qu'on « perpétra » son supplice ? Tout cela est absurde, et aussi impertinent que mal écrit ».

08/07/2010

Il est bon que ceux qui sont nés pour être les soutiens du pouvoir absolu voient les républiques.

 

 

 

« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

[à Madame de La Live d'Epinay, rue Nicaise, place du Carrousel à Paris]


 

8è juillet 1774


 

Quoi ! Ma philosophe a été comme moi sur la frontière du néant et je ne l'ai pas rencontrée ! Je n'ai point su qu'elle fût malade : je ne doute pas que son ancien ami Esculape Tronchin ne lui ait donné dans ce temps funeste des preuves de son amitié pour elle , et de son pouvoir sur la nature. Si cela est, je l'en révérerai davantage, quoiqu'il m'ait traité un peu rigoureusement.[i]


 

Mes misérables quatre-vingts ans sont les très humbles serviteurs de vos étouffements et de vos enflures, et sans ces quatre-vingts je pourrais bien venir me mettre à côté de votre chaise-longue.


 

J'ai reçu, il y a longtemps, des nouvelles d'un de vos philosophes datées du pôle arctique, mais rien de l'autre qui est encore en Hollande [Grimm et Diderot]. Je ne sais pas actuellement où est M. Grimm ; on dit qu'il voyage avec MM. De Romanzof [Roumiantsev]. Il devrait bien leur faire prendre la route de Genève. Il est bon que ceux qui sont nés pour être les soutiens du pouvoir absolu voient les républiques.


 

J'admire le Roi de s'être rendu à la raison, et d'avoir bravé les cris du préjugé et de la sottise.ii Cela me donne grande opinion du siècle de Louis XVI. S'il continue, il ne sera plus question du siècle de Louis XV . Je l'estime trop pour croire qu'il puisse faire tous les changements dont on nous menace [pense-t-il au retour de l'ancien parlement ? cf. lettre à d'Argental du 18 juin]. Il me semble qu'il est né prudent et ferme. Il sera donc un grand et bon roi. Heureux ceux qui ont vingt ans comme lui et qui goûteront longtemps les douceurs de son règne ! Non moins heureux ceux qui sont auprès de votre chaise longue ! Je suis fixé sur le bord du lac, et c'est de ma barque à Charon que je vous souhaite du fond de mon cœur la vie la plus longue et la plus heureuse. Agréez, Madame, mes très tendres respects.


 

V. »

iAllusions à Théodore Tronchin :

-qui réagit dans l'affaire de « l'âme atroce de Calvin » et de l'article « Genève » de l'Encyclopédie ;

-une indiscrétion possible en 1766, concernant le projet d'établissement à Clèves d'une colonie philosophique cf. lettre de 4 août 1766 à Damilaville:

-au bruit que T. Tronchin répandait en 1767 sue la part prise par V* dans la « guerre civile » de Genève et la manière dont ce dernier le desservit auprès du roi (cf. lettre du 3 avril 1767 à Florian) et auprès de Choiseul;

-à la mésentente de 1768 après qu'il eût circulé dans Paris une copie de La Guerre civile de Genève, dans laquelle Th. Tronchin se trouve raillé (cf. lettre du 1er mars 1768 à Mme Denis et du 6 mars à d'Alembert).



ii Le 26 juin : à Cramer et à Ribote-Charron : « … les protestants de la Gascogne ayant fait une assemblée extraordinaire dans laquelle ils ont prié Dieu pour la guérison de Louis XV et ensuite pour la prospérité de Louis XVI , Montillet,archevêque d'Auch, a écrit au roi une grande lettre dans laquelle il lui a remontré que ces prières étaient contre les lois du royaume, et qu'on ne pouvait punir trop sévèrement une telle prévarication. Le roi a demandé quelles étaient ces lois . On lui a répondu que c'étaient d'anciens édits donnés dans des temps difficiles, qu'ils n'étaient plus d'usage et qu'ils dormaient. Le roi a répondu qu'il ne fallait pas les éveiller, et s'est fait inoculer le moment d'après. » Louis XVI fut inoculé (variole) le 18 juin.

Il n'y a de bas que les expressions populaires, et les idées du peuple grossier




 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

Conseiller d'honneur du parlement, rue Saint -Honoré à Paris



A Cirey ce 11 juillet [1744]





Le convalescent fait partir aujourd'hui sous enveloppe de M. de La Reynière le plus énorme paquet dont jamais vous ayez été excédé. C'est mes anges, toute la pièce avec ses divertissements [La Princesse de Navarre, composée en l'honneur du mariage du dauphin avec l'infante d'Espagne], telle à peu près que je suis capable de la faire. Je ne vous demande pas d'en être aussi contents que Mme du Châtelet et M. le président Hénault, mais je vous demande de l'envoyer à M. le duc de Richelieu,[V* dit que c'est Richelieu qui lui a demandé ce divertissement , et il en suivra de près le travail, ainsi que les d'Argental, d'où de nombreuses discussions et remaniements que l'on suit ua fil des lettres depuis le mois d'avril] et d'en paraître contents.



Je souhaiterais pour le bien de votre âme que vous voulussiez faire grâce à Sancette dont vous m'avez paru d'abord si mécontents. Tenez-moi quelque compte d'avoir mis au théâtre un personnage neuf dans l'année 1744, et d'avoir dans ce personnage comique mis de l'intérêt et de la sensibilité. Comment avez-vous pu jamais imaginer que le bas pût se glisser dans ce rôle ? Comment est-ce que la naïveté d'une jeune personne ignorante, et à qui le nom seul de la cour tourne la tête, peut tomber dans le bas ? Ne voulez-vous pas distinguer le bas du familier et le naïf de l'un et de l'autre ?



Il n'y a de bas que les expressions populaires, et les idées du peuple grossier. Un Jodelet est bas , parce que c'est un valet, ou un vil bouffon à gages.



Morillo est d'une nécessité absolue. Il est le père de sa fille, une fois, et on ne peut se passer de lui. Or s'il faut qu'il paraisse, je ne vois pas qu'il puisse se montrer sous un autre caractère, à moins de faire une pièce nouvelle.



Je pourrai ajouter quelques airs aux divertissements et sutout à la fin ; mais dans le cours de la pièce je me vois perdu si on souffre des divertissements trop longs. Je maintiens que la pièce est intéressante et ces divertissements n'étant point des intermèdes mais incorporés au sujet, et faisant partie des scènes, ne doivent être que d'une longueur qui ne refroidisse pas l'intérêt.



Enfin vous pouvez, je cois, envoyer le tout à M. de Richelieu, et préparer son esprit à être content. S'il l'est ne pourrait-on pas alors lui faire entendre que cette musique continuellement entrelacée avec la déclamation des comédiens est un nouveau genre pour lequel les grands échafaudages de symphonie ne sont point du tout propres ? Ne pourrait-on pas lui faire entendre qu'on peut réserver Rameau pour un ouvrage tout en musique ? Vous me direz ce que vous en pensez et je me conformerai à vos idées .



Que de peines vous avez avec moi ! et que d'importunités de ma part ! En voici bien d'un autre . Vous souvenez-vous avec quels serments réitérés ce fripon de Prault vous promis de ne pas débiter l'infâme édition [Recueil de pièces fugitives en prose et en vers, Prault, 1740 (1739), saisi en novembre 1739; cf. lettre à Feydeau de Marville du 22 octobre] qu'il a fait faire à Trévoux ? M. Pallu [Bertrand-René Pallu, intendant à Lyon] me mande qu'elle est publique à Lyon. Je le supplie de la faire séquestrer, mais je vous demande en grâce d'envoyer chercher ce misérable et lui dire que ma famille est très résolue à lui faire un procès criminel, s'il ne prend pas le parti de faire lui-même ses diligences pour supprimer cette oeuvre d'iniquité. Il a assurément grand tort , et on ne peut se conduire avec plus d'imprudence et de mauvaise foi. Je travaillais à lui procurer une édition complète et purgée de toutes les sottises qu'il a mises sur mon compte dans son indigne recueil ; et c'est pendant que je travaille pour lui qu'il me joue un si vilain tour. Il ne sent pas qu'il y perd, que son édition se vendrait mieux et ne serait point étouffée par d'autres si elle était bonne.



Mais presque tous les libraires sont ignorants et fripons ; ils entendent leurs intérêts aussi mal qu'ils les aiment avec fureur. La mauvaise foi de Prault me fait d'autant plus de peine que je me flattais que cette même édition corrigée selon mes vues serait celle dont je serais le plus content. Vous allez trouver ma douleur trop forte, mais vous n'êtes pas père. Pardonnez aux entrailles paternelles, vous qui êtes le parrain et le protecteur de presque tous mes enfants [= ses oeuvres, bien entendu]; adieu mon cher et respectable ami, Mme du Châtelet vous dit toujours des choses bien tendres, car comment ne pas vous aimer tendrement ? Mille tendres respects à tous les anges.

V.



Permettez que le bavard dise encore un petit mot de la Princesse de Navarre et du Duc de Foix. Il m'est devenu important que cette drogue soit jouée, bonne ou mauvaise. Elle n'est pas faite pour l'impression, elle produira un spectacle très brillant et très varié, elle vaut bien La Princesse d'Elide [de Molière, composée en 1664 pour les fêtes de Versailles] et c'est tout ce qu'il faut pour le courtisan. Mais c'est aussi ce qu'il me faut, cette bagatelle est la seule ressource qui me reste, ne vous déplaise, après la démission de M. Amelot [le 26 avril], pour obtenir quelque marque de bonté qu'on me doit pour des bagatelles d'un autre espèce dans lesquelles je n'ai pas laissé de rendre service [sa mission diplomatique en Prusse; cf. lettre à Amelot le 7 avril]. Entrez donc un peu, mon cher ange, dans ma situation, et songez plutôt ici à votre ami qu'à l'auteur et au solide qu'à la réputation. Je ferai pourtant de mon lmieux pour ne pas perdre celle-ci.

V.

Autre bavarderie. Je suis pourtant toujours pour cet arbre chargé de trophées dont les rameaux se réunissent. Est-ce encore ce coquin de M. LE CHEVALIER ROY [Pierre-Charles Roy, chevalier de Saint-Michel] qui m'a volé cette idée ? Je viens de lire Nérée [Nirée, entrée ajoutée au Ballet de la paix de Roy]. Je ne sais si je ne me trompe, mais cela ne me parait écrit ni naturellement ni correctement, ces deux choses manquant font détestablement [cf. Les femmes savantes de Molière]. J'en demande pardon à M. LE CHEVALIER. »