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09/09/2010

Cela est tout à fait jésuitique ; c'est un tissu de sottises et d'injures : le tout pour la plus grande gloire de Dieu.

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« A Etienne-Noël Damilaville

 

[9 septembre 1762]

 

Ah, ah, mon frère, on croit que je veux immoler Corneille sur l'autel que je lui dresse ! Il est vrai que je respecte la vérité beaucoup plus que Pierre, mais lisez et renvoyez-moi ces cahiers, après les avoir fait lire à frère Platon [i].

 

J'attends la prophétie d'Élie de Beaumont qui fera condamner les juges iniques comme l'autre Élie fit condamner les prêtres de Baal. Nous prions mon cher frère de dire au second Élie que cent mille hommes le loueront , le béniront, et le remercieront.

 

Nous envoyons au cher frère la belle lettre de J.-J. Rousseau au cuistre de Môtiers-Travers [ii] : on peut juger de la conduite noble et conséquente de ce J.-J. Ne trouvez-vous pas que voilà une belle fin ? Je mourrai avec le chagrin d'avoir vu la philosophie trahie par les philosophes et des hommes qui pouvaient éclairer le monde s'ils avaient été réunis. Mais mon cher frère, malgré la trahison de Judas les apôtres persévérèrent.

 

On cherche à connaître quel est l'auteur d'un libelle, intitulé : Les Erreurs de Voltaire, imprimé à Avignon [iii]. On prétend que c'est un jésuite ; son livre contient en effet beaucoup d'erreurs, mais ce sont les siennes . Cela est tout à fait jésuitique ; c'est un tissu de sottises et d'injures : le tout pour la plus grande gloire de Dieu. Il est bon de lui donner sur les oreilles . M. Diderot est prié de savoir le nom du porteur d'oreilles.

 

Les farceurs de Paris joueront Le Droit du seigneur quand ils voudront, mais ils n'auront Cassandre que quand ils auront satisfait à ce devoir.

 

Je désire chrétiennement que le testament du curé [iv] se multiplie comme les cinq pains [v], et nourrisse les âmes de quatre à cinq mille hommes ; car j'ai plus que jamais l'Infâme en horreur, et j'aime plus que jamais mon frère. »

 

i= Diderot, à propos des Commentaires sur Corneille.

ii Lettre du 24 août adressée à Frédéric-Guillaume de Montmolin, ministre à Môtiers.

iii Les Erreurs de M. de Voltaire sur les faits historiques, dogmatiques ... , 1762, par le jésuite Nonnotte qui en signait pas. V* a déjà répondu à l'imprimeur (qui lui avait offert le 30 avril de lui vendre son édition) par une lettre ironique datée du 17 mai 1762 et publiée dans le Journal encyclopédique du 15 juin 1762 sous le titre « Réponse de M. de Voltaire au sieur Fez, libraire d'Avignon ».

iv Extrait des sentiments de Jean Meslier ...; cf. lettre du 10 février à d'Alembert.

v Les cinq pains des Évangiles.

08/09/2010

soyez très persuadés qu'on écrit toujours très mal ce qu'on écrit à contrecœur.

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

5è septembre 1777

 

Messieurs du comité de Syracuse [i], vous me prenez trop à votre avantage . Je ne suis guère en état dans le chaos de mes affaires, dans la multiplicité de mes années et de mes maladies, et dans l'affaiblissement total de mes fibres pensantes, [de] remplir sitôt la tâche très difficile que vous me donnez. Vous avez le commandement, mais pour que j'exécute vos ordres, il faut que vous ayez la bonté de m'ôter une trentaine d'années, et de me donner de nouveaux talents. Vous devez sentir qu'il n'est pas aisé de bien dire ce qu'on ne voulait pas dire, et de changer tout d'un coup la figure et l'attitude d'une statue qu'on a jetée en moule. J'avais voulu peindre un stoïcien, et vous me proposez de la changer contre un sybarite, ou du moins contre un Grec élevé à la française, et accoutumé sur le théâtre de Paris à parler de son amour à son inutile confident, et à lui marquer la tendre crainte qu'il a de déplaire à sa chère maîtresse en lui faisant sa déclaration amoureuse. Ces fadeurs n'ont pu jamais être embellies que par Racine . Il est le seul qui ait pu faire passer des églogues sur le théâtre à la faveur de son style enchanteur. Mais j'ai bien peur que ce qui devient chez lui une beauté ne fût insupportable chez quiconque n'aurait pas l'avantage de s'exprimer comme lui.

 

Voudriez-vous qu'un héros sauvage et philosophe combattit son amour, comme Titus combat le sien ? voudriez-vous même qu'il songeât s'il est amoureux ? ou bien voudriez-vous que ce philosophe fils d'un potier devenu roi craignît de déroger en aimant la fille d'un vieux capitaine de dragons ? ou bien craindrait-il de donner un mauvais exemple à son frère ? Quels scrupules aurait-il à combattre ? Il est beau de voir un homme lutter contre sa passion quand cette passion est criminelle et funeste, mais hors de là le combat est ridicule, il est d'un froid insoutenable.

 

Quand on a jeté sa statue en moule, il faut l'embellir, la polir avec le burin, mais il ne faut pas vouloir faire d'un Satyre un Apollon. Chaque chose doit rester dans son caractère, sans quoi tout est perdu. De plus, soyez très persuadés qu'on écrit toujours très mal ce qu'on écrit à contrecœur.

 

L'ouvrage n'a pas sans doute le mérite continu dont il a besoin pour obtenir un jour un succès véritable, succès si rare, et qui dépend de mille circonstances étrangères. Il faut beaucoup de travail et de loisir ; il faut surtout de la santé et des moments heureux ; mais dans l'état où je suis je n'ai que l'envie de vous plaire.

 

En vérité je me meurs. J'ai bien peur de ne pouvoir pas achever la petite besogne que vous commenciez à favoriser.

 

Je me meurs, mon cher ange.

 

V. »

 

i C. à d. , vous qui discutez des mérites d'

 

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Agathocle, qui se passe à Syracuse.

07/09/2010

Je bois du vin modérément, et je trouve fort étranges les gens qui mangent sans boire

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A écouter sans modération :

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Et dédicace à ce vigneron, Volti lui-même, qui ne mentait pas sur sa production  : http://www.deezer.com/listen-1566455

 

 

 

« A Henri-Jean-Baptiste Fabry de Moncault, comte d'Autrey

[i]

6è septembre 1765

 

Ce n'est donc plus le temps, Monsieur, où les Pythagore voyageaient pour aller enseigner les pauvres Indiens [ii]; vous préférez votre campagne à mes masures. Soyez bien persuadé que je mourrai très affligé de ne vous avoir point vu. J'ai eu l'honneur de passer quelque temps de ma vie avec madame votre mère dont vous avez tout l'esprit avec beaucoup plus de philosophie.

 

Si j'avais pu vous posséder cet automne, vous auriez trouvé chez moi un philosophe [iii]qui vous aurait tenu tête, et qui mérite de se battre avec vous. Pour moi, je vous aurais écoutés l'un et l'autre, et je ne me serais point battu. J'aurais tâché seulement de vous faire une bonne chère, plus simple que délicate. Il y a des nourritures fort anciennes et fort bonnes, dont tous les sages de l'Antiquité se sont toujours bien trouvés. Vous les aimez, et j'en mangerais volontiers avec vous. Mais j'avoue que mon estomac ne s'accommode point de la nouvelle cuisine. Je ne peux souffrir un ris de veau qui nage dans une sauce salée, laquelle s'élève quinze lignes au dessus de ce petit ris de veau. Je ne puis manger d'un hachis composé de coq d'Inde, de lièvre, et de lapin qu'on veut me faire prendre pour une seule viande. Je n'aime ni le pigeon à la crapaudine, ni le pain qui n'a pas de croûte. Je bois du vin modérément, et je trouve fort étranges les gens qui mangent sans boire, et qui ne savent pas même ce qu'ils mangent.

 

Je ne vous dissimulerai pas même que je n'aime point du tout qu'on se parle à l'oreille quand on est à table, et qu'on se dise ce qu'on a fait hier, à son voisin qui ne s'en soucie guère ou qui en abuse. Je ne désapprouve pas qu'on dise bénédicité ; mais je souhaite qu'on s'en tienne là, parce que si on va plus loin on ne s'entend plus ; l'assemblée devient cohue, et on dispute à chaque service.

 

Quant aux cuisiniers, je ne saurais supporter l'essence de jambon, ni l'excès des morilles, des champignons, de poivre et de muscade, avec lesquels ils déguisent des mets très sains en eux-même, et que je ne voudrais pas seulement qu'on lardât.

 

Il y a des gens qui vous mettent sur la table un grand surtout où il est défendu de toucher. Cela m'a paru très incivil, on ne doit servir un plat à son hôte que pour qu'il en mange ; et il est fort injuste de se brouiller avec lui parce qu'il aura entamé un cédrat qu'on lui aura présenté. Et puis quand on s'est brouillé pour un cédrat il faut se raccommoder et faire une paix plâtrée, souvent pire que l'inimitié déclarée.

 

Je veux que le pain soit cuit au four, et jamais dans un privé. Vous auriez des figues au fruit, mais dans la saison.

 

Un souper sans apprêts, tel que je le propose, fait espérer un sommeil fort doux et fort plein, qui ne sera troublé par aucun songe désagréable.

 

Voilà, Monsieur, comme je désirerais d'avoir l'honneur de manger avec vous. Je suis un peu malade à présent, je n'ai pas grand appétit mais vous m'en donneriez, et vous me feriez trouver plus de goût à mes simples aliments.

 

Mme Denis est très sensible à l'honneur de votre souvenir. Elle est entièrement à mon régime. C'est d'ailleurs une fort bonne actrice ; vous en auriez été content dans une assez mauvaise pièce à la grecque, intitulée Oreste, et vous l'auriez écoutée avec plaisir, même à côté de Mlle Clairon.

 

Conservez-moi au moins vos bontés si vous me refusez votre présence réelle.

 

V. »

i Auteur du Pyrrhonien raisonnable ; cf.lettres des 15 et 23 mars 1765 à Damilaville : « Je doute que le Pyrrhonien raisonnable fasse une grande fortune, quoique l'auteur ait beaucoup d'esprit. »

ii Cf. l'Aventure indienne de V* ,1764.

iii Damilaville.

 

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06/09/2010

Quoique je ne lise jamais les journaux

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Sarclo, Sarcloret, ce genre de Suisse qui me plait : http://www.deezer.com/listen-5573946

 

Parfois je me demande si la seule information exacte d'un journal n'est pas la date !

Ce qui est essentiel, n'est-il pas ? http://www.deezer.com/listen-2715607 parole de Philéas Fogg !

 

 

 « A Isaac Le Fort

 

Au Chêne à Lausanne 6 septembre [1757]

 

Monsieur,

 

Je vous renouvelle mes remerciements de la bonté que vous avez eue de me communiquer les Mémoires concernant monsieur votre oncle, le célèbre général Le Fort [i]. J'en ai tiré tout ce qui peut servir à sa gloire et à celle de votre famille, et j'ai déjà envoyé à Pétersbourg une partie de l'ouvrage [ii].

 

Uniquement occupé de cette entreprise dans laquelle votre nom est si fort intéressé, permettez que je m'adresse à vous comme au doyen du consistoire pour vous prier de vouloir bien détourner tout ce qui pourrait retarder le travail auquel je me suis consacré.

 

J'ai appris que quelques personnes avaient fait imprimer dans un Mercure de Neuchâtel une dissertation en forme de lettre sur un point historique du XVIè siècle [iii]. Je n'ai point lu cette dissertation. J'apprends aussi que quelques pasteurs de Suisse répondent à cet écrit [iv]. Je n'entre en aucune manière dans cette dispute critique et historique. Elle est absolument étrangère aux travaux que l'impératrice de Russie a daigné me prescrire, et que le nom de Le Fort me rend si chers.

 

Je sais que ces petites disputes ont pris leur origine dans je ne sais quelle lettre qu'on a imprimée sous mon nom dans le Mercure de France du mois de mars ou d'avril [v].

 

Quoique je ne lise jamais les journaux, cependant on m'a fait voir cette lettre il y a deux mois. Je n'y ai retrouvé ni mes expressions, ni mes sentiments sur bien des articles [vi]. Cette lettre a été très infidèlement copiée et on m'en a fait même des excuses de Paris [vii].

 

Au reste, Monsieur, je vous prie de vouloir bien communiquer cette lettre à votre illustre Compagnie ainsi que ma vénération pour vous et pour elle.

 

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux

Monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur.

 

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi,

de l'Académie française. »

i C'étaient des manuscrits que V* utilisait pour l'Histoire de l'Empire de Russie.

ii Huit chapitres le 7 août ; cf. lettre à Schouvalov.

iii C'est la Lettre à M. de Voltaire à Lausanne , non signée mais certainement de Jacob Vernet, datée de Genève le 30 mai 1757, publiée dans le Journal helvétique de Neuchâtel de juin ; elle concerne la controverse sur Calvin et Servet.

iv Dans le même journal en août le pasteur Bertrand a fait une réponse ; V* le remerciera le 9 en ajoutant que Polier de Bottens en « méditait » une « de son côté ».

v Sa lettre à Thiriot datée du 26 mars et imprimée en mai : en fait lettre du 20 mai: « Ce n'est pas une petite preuve du progrès de la raison humaine qu'on ait imprimé à Genève, dans mon Essai sur l'Histoire, avec l'approbation publique, que Calvin avait une âme atroce aussi bien qu'un esprit éclairé. Le meurtre de Servet paraît aujourd'hui abominable ».

vi C'est ce qu'il a écrit à Élie Bertrand le 4 septembre et à Jacob Vernes le 15 mai, ajoutant : «  Comment aurais-je pu écrire que j'ai fait imprimer ici dans mon Histoire que Calvin avait une âme atroce puisque cela ne se trouve pas dans mon Histoire ? » C'est vrai, cette expression n'est pas employée dans l'Histoire (éd. 1756) mais V* y blâme très vertement Calvin d'avoir fait brûler Servet, parle de sa « dureté », de sa « haine théologique, la plus implacable de toutes les haines », de sa « barbarie ». A Jacob Vernes le 13 janvier : « ...Servet était un sot, et Calvin un barbare. »

vii Cf. lettre à Thiriot du 20 mai où il fait à peu près cette demande.

05/09/2010

24 [août], jour de la St-Barthélémy ...Je ne sais par quelle fatalité singulière j'ai la fièvre tous les ans ce jour-là.

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Beethoven, je t'aime au même titre que Volti .

Beethoven ce n'est quand même pas qu'un chien baveux, idole made in USA !

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

5è septembre 1774

 

Mon cher ange, je suis toujours inquiet de la santé de Mme d'Argental, et de M. de Pont-de-Veyle. Je vois par votre lettre du 23 auguste que ni vous , ni le Grand Référendaire [i] n'êtes pas devins, quelque esprit que vous ayez tous deux. Vous ne vous doutiez ni l'un, ni l'autre du compliment qu'on devait lui faire le lendemain 24, jour de la St-Barthélémy [ii].

 

Je ne sais par quelle fatalité singulière j'ai la fièvre tous les ans ce jour-là.

 

Je crois bien qu'on n'a pas beaucoup parlé de la Lettre du théologien [iii] dans tout le fracas des nouveaux changements qu'on fait de tous côtés. Le bourdonnement des guêpes ne fait pas grand bruit au milieu des coups de tonnerre. Il est ridicule d'attribuer cette Lettre à un Allemand nommé Paw qui a écrit dans un style obscur et entortillé des conjectures hasardées sur les Américains et sur les Chinois [iv]. Vous savez que c'est l'abbé Duvernet qui a tenu la plume, et qui sont ceux qui l'ont dirigée [v]. Ils m'ont pris pour leur bouc émissaire, et ils m'ont couronné de fleurs pour me sacrifier. Pour comble de douleur vous sentez que je ne puis les nommer et qu'il a fallu encore les ménager quand je leur ai fait des reproches qu'ils méritaient [vi]. Rien n'est plus triste, à mon sens, que d'être assassiné par ses amis, et d'être obligé de se taire.

 

Madame du Deffand me mande qu'elle vous voit quelquefois. Je vous prie de lui faire connaitre la vérité ; elle sait la répandre et la rendre piquante.

 

Je me garderai bien de traîner mon cadavre à Paris, parmi les factions qui le divisent. Je laisse à mes deux neveux de l'ancien et du nouveau parlement [vii] le soin de débrouiller le chaos. Je crois savoir qu'on veut créer une nouvelle compagnie, composée des deux autres, et que ce projet n'est guère exécutable. J'entrevois qu'il ne serait ni honnête, ni utile de sacrifier ceux qui ont servi le Roi à ceux qui l'ont bravé [viii]. J'aperçois de tous côtés des embarras et des dangers, mais les choses s'arrangent presque toujours d'une manière que personne n'avait prévue ; et rien de ce qui était vraisemblable n'arrive. Qui aurait imaginé la paix des Turcs et de ma Catau si prochaine !

 

M. Turgot passa quinze jours aux Délices il y a plusieurs années [ix]; mais M. Bertin y vint aussi [x], et ne m'a servi de rien. Si j'avais quelques jours de vie encore à espérer j'attendrais beaucoup de M. Turgot, non que je lui redemande l'argent que l'abbé Terray m'a pris dans ma poche [xi], mais j'espère sa protection pour les gens qui pensent, parce qu'il est lui-même excellent penseur. Il a été élevé pour être prêtre, et il connaît trop bien les prêtres pour être leur dupe ou leur ami. Toutefois Antoine se ligua avec Lépide qui était grand pontife, sot et fripon.

 

On me mande que le pontife Beaumont est exilé à Conflans . Je crois bien qu'il est à Conflans pour radouber sa vessie [xii], mais exilé j'en doute. Je doute aussi que M. le duc de La Vrillière se soit enfin défait de sa charge de facteur des lettres de cachet [xiii].

 

Il y a quelque temps que M. le maréchal de Richelieu m'envoya un mémoire qui me parait une lettre circulaire sur l'étrange procédé de sa folle cousine, très indigne petite-fille de Mme de Sévigné [xiv]. Je le crois plus affligé des aventures de la cour [xv] que de celles de Mme de St-Vincent.

 

Je vous trouve bien heureux d'être plein de sécurité au milieu de tant d'orages, et d'être un tranquille ambassadeur de famille [xvi]. Je voudrais seulement que Parme fût un État plus considérable.

 

Ecrivez-moi, je vous en prie, non pas comme ambassadeur, mais comme ami, soit par Mme Lobreau, soit par Mme de Sauvigny, soit par Bacon, substitut du procureur général, qui demeure à un ancien hôtel de Richelieu, place Royale.

 

Je crois que l'hippopotame Quez-à co [xvii] ne se charge plus des lettres de personne. On dit qu'un abbé Aubert est chargé de l'histoire appelée Gazette [xviii], attendu qu'il fait des fables.

 

Je vous embrasse, mon cher ange, de mes mains maigres, et je soupire après des nouvelles de vos malades.

 

V. »

i Maupéou.

ii Maupéou et ses collègues a été congédié le 24 août ; Maupéou a refusé de démissionner de sa charge de chancelier.

iii « Ouvrage aussi dangereux qu'admirable » de Condorcet que V* ne voulait pas se voir attribuer ; cf. lettre du 17 août.

iv Les Recherches philosophiques sur les Américains ou mémoires intéressants pour servir à l'histoire de l'espèce humaine, 1768-1769 et Recherches philosophiques sur les Égyptiens et les Chinois, 1773

v A De Lisle, le 17 novembre : « Le fond de cette brochure ... est d'un abbé Duvernet qui ne sait pas ce que c'est qu'un triangle. Il a été revu , corrigé et augmenté par M. de Condorcet qui le sait très bien, et qui a un génie supérieur. »

vi A Condorcet le 20 aout : « En un mot, je ne suis pas l'auteur de la Lettre du théologien ; je ne dois pas passer pour l'être ; et je suis bien sûr que vous et vos amis vous me rendrez cette justice ... J'attends mon repos de la vérité et de votre amitié. »

vii De l'ancien : d'Hornoy, du nouveau : Mignot.

viii A savoir, le nouveau parlement (de Maupéou) à l'ancien ; cf. lettre à d'Argental du 24 novembre.

ix En 1760.

x En 1755.

xi Turgot était devenu contrôleur général des Finances.

xii Christophe de Beaumont, archevêque de Paris , venait effectivement de se faire opérer et conserva ses fonctions.

xiii Il ne se défit pas en 1774 de sa charge de ministre de la maison du roi.

xiv Procès de Richelieu avec sa cousine Mme de St-Vincent qui aurait fait de faux billets à ordre au nom de Richelieu ; cf. lettre à d'Argental du 24 novembre 1774.

xv Depuis la mort de Louis XV, Richelieu est en disgrâce relative.

xvi Ambassadeur du duc de Parme qui est parent du roi de France (petit-fils de Louis XV).

xvii Marin que Beaumarchais appelait « animal marin », « hippopotame » dans les Mémoires Goësmann et dans l'Addition au supplément du mémoire (cf. lettre du 17 janvier 1774 à d'Argental). Dans son Quatrième mémoire, il le représentait allant à Versailles dans un carrosse portant pour armoiries une Renommée et l'Europe, le « tout embrassé d'une soutanelle doublée de gazettes, et surmontée d'un bonnet carré, avec cette légende à la houppe : Quez-à co ? Marin. »

xviii La Gazette de l'histoire « donne l'histoire de l'Europe deux fois par semaine » , la direction a été retirée à Marin ; cf. lettre du 31 mai 1773 à Vasselier.

quand vous voudrez des commentaires cornéliens , vous n'avez qu'à tinter

 Tinter, sonner, il est question de cloches si je ne me trompe . Les agiter peut amener des surprises ...

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Volti répondra-t-il si on le sonne ? Peut-être non ? http://www.deezer.com/listen-270712

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

 

5 septembre [1761]

 

Mes divins anges, quand vous voudrez des commentaires cornéliens [i], vous n'avez qu'à tinter. Monsieur de la Marche qui arrive ne m'empêchera pas de travailler. Je l'ai trouvé en très bonne santé. Il est gai ; il ne parait pas qu'il ait jamais souffert . Nous avons commencé par parler de vous. Et j'interromps le torrent de nos paroles pour vous le mander.

 

Est-il possible que vous ne m'ayez pas mandé le ministère de monsieur le comte de Choiseul [ii], et que je l'apprenne par le public ? Ah ! mes anges que je suis fâché contre vous !

 

Toute votre cour de Parme souscrit pour notre Corneille, votre prince [iii] pour trente exemplaire, M. Dutillot [iv], M. le comte de Rochechouart [v] souscrivent. La liste sera belle. Je voudrais savoir comment vous avez trouvé la lettre à mon cicéronien Olivet [vi]. Vous doutiez-vous que le germe d'Andromaque fût dans Pertharite [vii]? Il y a des choses curieuses à dire sur les pièces les plus délaissées . L'ouvrage devient immense. Mais malgré cela j'espère qu'il sera très utile. Il fera dix volumes in-4°, ou treize in-8°. N'importe, je travaillerai toujours et les Cramer s'arrangeront comme ils pourront et comme ils voudront.

 

Y a-t-il quelque nouvelle du Droit du Seigneur ? M. Legouz [viii] vous enverra une plaisante préface [ix].

 

Mes anges, je baise le bout de vos ailes.

 

V. »

 

i Cf lettres des 10 avril et 12 juillet à Duclos.

ii Choiseul-Praslin ; V* a cru « sur la foi des gazettes » qu'il était devenu secrétaire d'État ; nouvelle prématurée, Choiseul-Praslin devint chargé des Affaires étrangères le 15 octobre.

iii D'Argental représente à Paris le duc de Parme Philippe.

iv Premier ministre de Parme.

v Ambassadeur de France à Parme.

vi La lettre datée du 20 août et imprimée entre autres dans le Journal encyclopédique du 1er octobre 1761. elle traite de questions littéraires et linguistiques concernant les Commentaires sur Corneille.

vii Il indiquera à Cideville, le 23 septembre, après avoir signalé les points communs entre les deux pièces : « Racine a tiré tout son or du fumier de Pertharite, et personne ne s'en était douté. »

viii Legouz ou Legoust ou Le Goût : encore un des pseudonymes de V*, auteur du Droit du seigneur ; « il y a un Legouz à Dijon, parent de M. de La Marche » ; Legouz existait réellement.

ix V* compte « enjoliver cette petite drôlerie par une préface en l'honneur des cacouacs qui sera un peu ferme » ; pour cacouacs, nom donné aux philosophes, voir lettre à d'Alembert du 8 janvier 1758.

l'auteur se moque également des prêtres ... plus on rend ces gens-là ridicules, plus on mérite du genre humain

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http://www.deezer.com/listen-5820509 : Ah ! Ah ! on rit déjà moins !

Orgueil des prêtres ? Rêve d'humains : "Que les mortels servent de modèle à Dieu"  . Volti plus modestement dit "Dieu nous a créé à son image et nous le lui avons bien rendu !"  : http://www.deezer.com/listen-2829102

 

 

 

« A Charles Bordes


5è septembre 1760 aux Délices


Jérôme Carré [i] est très flatté, Monsieur, de tout le bien que vous lui dites de M. Friport, et de L'Écossaise. Si vous voulez faire un petit pèlerinage vers le 18 septembre, vous trouverez à Tournay sur un théâtre de marionnettes [ii] deux ou trois acteurs qui valent bien ceux de Lyon, et surtout une actrice qui ne cède, je crois, à aucune de Paris ; vous verrez si le népotisme m'aveugle ; je ne suis pas si bon père que bon oncle; j'abandonne mes enfants [iii], mais je soutiens que ma nièce joue la comédie on ne peut pas mieux.


Il faut que vous me fassiez un petit plaisir ; un libraire nommé Rigolet, a imprimé à Lyon une petite brochure dans laquelle l'auteur se moque également des prêtres de Juda et des prêtres de Baal [iv] ; c'est toujours bien fait, plus on rend ces gens-là ridicules, plus on mérite du genre humain ; mais l'ouvrage est médiocre, et j'en suis fâché ; ce n'est pas assez de compiler, compiler [v], et d'écrire, d'écrire en faveur des philosophes ; tous ces ragoûts qu'on présente au public se gâtent en deux jours s'ils ne sont pas salés ; ce qu'il y a d'assez désagréable, c'est que Rigolet s'est avisé d'intituler sa feuille Dialogues chrétiens par M. V... imprimés à Genève.


Le second dialogue désigne un prêtre de Genève nommé Vernet auquel on reproche une demi-douzaine de friponneries [vi]; vous me rendriez un vrai service si vous pouviez savoir de Rigolet d'où il tient ces dialogues si chrétiens ; j'ai un très grand intérêt de le savoir. Si Rigolet vous confie son secret, soyez sûr que je ne vous compromettrai pas ; s'il ne veut point vous le dire, il le dira peut-être au lieutenant de police [vii] qui est votre ami. Je vous demande en grâce d'employer tout votre savoir-faire, tout votre esprit, toute votre amitié, pour contenter ma louable curiosité [viii]. Je vous embrasse de tout mon cœur ; Mme Denis vous en fait autant.


L'Ermite V. »

i Prétendu traducteur du prétendu auteur de l'Écossaise = V* ; « M. Friport » personnage de la pièce.

ii Allusion aux petites dimensions du théâtre de Tournay, et résurgence du travail de composition du Pot pourri qu'il a commencé et où la religion catholique est assimilée à un spectacle de marionnettes. Cf. Lettre du 24 octobre 1759 où il décrit la représentation de Tancrède chez lui : « Le théâtre de Polichinelle est bien petit ..., mais nous y tînmes neuf ... »

iii Ses œuvres.

iv Le 10 septembre il écrira au lieutenant de police Laffrusse que dans « ce libelle » imprimé à Lyon et « envoyé à un nommé Bardin, libraire genevois » « l'église de Lyon et celle de Genève sont également insultées. »

v Expression du Pauvre Diable.

vi Vernet avait entre autres écrit contre V* une lettre datée du 30 mai 1757, publiée dans le Journal helvétique de juin 1757 et reproduite dans La guerre littéraire en 1759 ; il y attaquait ce que V* avait dit explicitement dans une lettre à Thiriot datée du 26 mars 1757, publiée dans le Mercure de mai, et moins explicitement dans le chapitre 134 de l'Histoire -sur « l'âme atroce » de Calvin- qui avait fait brûler Servet et sur l'approbation que ces propos avait recueillie à Genève. Sur ces polémiques, voir lettres des 20 mai, 19 août, 6 septembre 1757 ; 27 décembre 1758 ; 7 et 10 février 1759.

Dans une lettre à d'Alembert du 29 décembre, V* proférait d'autres accusations contre Vernet : « ce Vernet convaincu d'avoir volé des manuscrits, convaincu d'avoir supposé une lettre de feu Giannone, Vernet qui fit imprimer à Genève les deux détestables premiers tomes de cette prétendue Histoire universelle » (en 1754, les deux volumes de l'édition Néaulme de 1753, reniés par V*, censés avoir été corrigés par Vernet), « Vernet qui reçut trois livres par feuille du libraire. »

vii Christophe de Laffrusse de Seynas, à qui V* écrira le 10 .

viii V* proposera même qu'on brûle la brochure à Genève, mais les Dialogues chrétiens ou Préservatif contre l'Encyclopédie sont actuellement publiés dans ses Œuvres.