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20/09/2010

Tout ce que je vous dis là est toujours comme tout le reste, soumis à la destinée, qui est fort accoutumée à se jouer de nos projets.

 

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« A Marie-Louise Denis

rue Bergère, vis-à-vis l'hôtel des Menus à Paris

 

20è septembre 1769

 

Ma chère amie,

 

Si Mme d'Erlach vous fait des offres convenables [i] je crois que vous devez les accepter. En ce cas, vous viendriez chez vous [ii] à la fin d'octobre, ou si vous l'aimiez mieux, je viendrais vous prendre à Lyon, et je vous conduirais avec armes et bagages à Toulouse, où les hivers sont très tempérés, et vous reviendriez au printemps dans votre belle habitation.

 

Vous croyez bien que je ne vous proposerais pas Toulouse si je n'étais sûr d'y être très bien reçu. Le parlement y est devenu protecteur des Sirven et ne cherche qu'à expier l'horreur du jugement des Calas [iii]. Je ne sais comment cela s'est fait, mais on compte mon suffrage pour quelque chose dans cette ville [iv]. J'ai mandé que je ferais ce voyage en qualité de malade, et que je ne rendrais aucune visite [v]. Je vivrais comme je vis , dans la plus grande solitude ; à cela près que les souscripteurs qui ont établi le théâtre viendraient me consulter quelquefois. Je leur ferais des chœurs pour orner la fin des tragédies. Ils ont de belles voix, et on a exécuté les chœurs d'Athalie avec beaucoup de succès ; c'est ce que vous pourriez savoir de Lekain qui en revient.[vi]

 

Tout ce que je vous dis là est toujours comme tout le reste, soumis à la destinée, qui est fort accoutumée à se jouer de nos projets.

 

Je doute beaucoup que je puisse profiter des idées de Mme Le Long [vii]. Je pourrais bien me transporter languissant à Toulouse, et y vivre à ma fantaisie. Mais le bruyant de Mme Le Long m'effraierait et ne me conviendrait pas. Le troisième parti qui est de rester où je suis serait peut-être le meilleur ; il n'y a que ces maudites neiges qui s'y opposent. Ma mauvaise santé serait toujours une excuse valable auprès de Mme Le Long, et je serais dispensé de profiter de ses bontés en lui témoignant ma reconnaissance, et en l'assurant que je viendrai dès que je le pourrai. Je prendrais d'ailleurs le prétexte d'aller aux eaux en allant en Languedoc. Quelque chose qui arrive je ne ferai rien sans voir reçu de vos nouvelles, et je vous laisse maîtresse de tout.

 

M. de Bourcet vient de faire tracer l'enceinte de Versoix ; on a fixé le prix de tous les terrains dont on s'empare. La ville sera plus grande et plus belle que Genève. Vous savez que le port avance, et qu'on bâtit une frégate où il y aura du canon. M. le duc de Choiseul réussit dans toutes ses entreprises ; le pays de Gex deviendrait charmant sans ces affreux hivers qui rendent la vie insupportable et qui l'abrègent.

 

J'envoie la première partie [viii] de ce que vous demandez à M. Lefevre [ix].

 

Je vous embrasse bien tendrement. »

 

 

 

 

 

i Mme Denis désire louer la maison qu'elle veut quitter.

ii Ferney, qui a été acquis par V* au nom de Mme Denis et qu'il lui a donné.

iii Le même jour, à l'abbé Audra : « Je partirai probablement dès que je serai certain d'être bien reçu, et de n'avoir rien à craindre des vieux restes du fanatisme » ... « si on rend une justice complète » aux Sirven.

iv Cf. lettre à d'Alembert du 13 janvier 1769 et un passage d'une lettre de l'abbé Audra du 2 novembre 1768.

v Ce qu'il dit ce même jour à l'abbé Audra.

vi Cf. lettre à d'Argental du 16 septembre.

vii Selon le code employé par V* et sa nièce : Mme du Barry.

viii Le 11 septembre elle signala n'avoir reçu que le second tome de l'Histoire du parlement et demanda le premier.

ix Selon le code de V* : Marin.

 

 

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Le reste du jour est nécessairement donné aux processions des curieux qui viennent de Lyon , de Genève, de Savoie, de Suisse et même de Paris. Il vient presque tous les jours sept ou huit personnes dîner chez moi

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

Aux Délices 20 septembre [1756]

 

Mon divin ange, après des chinoises vous voulez des Africaines [i], mais il y aurait beaucoup à travailler pour rendre les côtes de Tunis et d'Alger dignes du pays de Confucius. Vous vous imaginez peut-être que dans mes Délices je jouis de tout le loisir nécessaire pour recueillir ma pauvre âme. Je n'ai pas un moment à moi. La longue maladie de Mme de Fontaine et mes souffrances prennent au moins la moitié de la journée. Le reste du jour est nécessairement donné aux processions des curieux qui viennent de Lyon , de Genève, de Savoie, de Suisse et même de Paris. Il vient presque tous les jours sept ou huit personnes dîner chez moi. Voyez le temps qui me reste pour les tragédies. Cependant si vous voulez avoir l'Africaine telle qu'elle est à peu près, en changeant les noms [ii], je pourrais bien vous l'envoyer et vous jugeriez si elle est plus présentable que le Botoniate [iii]. Il faudrait, je crois, changer les noms pour ne pas révolter les Dumesnil et les Gaussin [iv], mais il faudrait encore plus changer les choses.

 

Le roi de Prusse est plus expéditif que moi, il se propose de tout finir au mois d'octobre, de forcer l'auguste Marie-Thérèse de retirer ses troupes ; de faire signe à l'autocratrice de toutes les Russies de ne pas faire avancer ses Russes ; et de retourner faire jouer à Berlin un opéra qu'il a déjà commencé [v]. Ses soldats en ce cas reviendront gros et gras de la Saxe où ils ont bu et mangé comme des affamés.

 

Mon cher ange, qu'elle est donc votre idée avec le vainqueur de Mahon ?[vi] Il faut d'abord que ces frères Cramer impriment les sottises de l'univers en sept volumes [vii], et ces sottises pourront encore scandaliser bien des sots. Il faut en attendant que je reste dans ma très jolie, très paisible et très libre retraite. M. le comte de Gramont qui est ici à la suite de Tronchin [viii], disait hier en voyant ma terrasse, mes jardins, mes entours, qu'il ne concevait pas comment on en pouvait sortir. Je n'en sortirais, mon divin ange, que pour venir passer quelques mois d'hiver auprès de vous. Je n'ai pas un pouce de terre en France. J'ai fait des dépenses immenses à mes ermitages sur les bords de mon lac. Je suis dans un âge et d'une santé à ne plus me transplanter. Je vous répète que je ne regrette que vous, mon cher et respectable ami. Les deux nièces vous font les plus tendres compliments.

 

Les frères Cramer ont fait une haute sottise d'envoyer des lettres circulaires sans m'en donner avis. Je leur ai lavé leur tête genevoise.

 

Adieu,mes respects à tous les anges.

 

V.

 

Par quelle rage opiniâtre persistez-vous à m'écrire

toujours sous le couvert de Tronchin botoniate [ix] à Genève ? Si vous ne me jugez pas digne de recevoir des lettres en droiture, adressez du moins au Tronchin banquier de Lyon qui se fait rembourser des ports. Mais pourquoi pas aux Délices ? »

 

 

i Zulime après L'Orphelin de la Chine.

ii Provisoirement Zulime va devenir Fanime.

iii Les Commènes de François Tronchin.

iv Les actrices qui ont joué la pièce en 1740.

v Mérope ; cf. lettre du 7 février.

vi Richelieu ; cf. lettre du 14 juin 1756 . D'Argental et surtout Richelieu essayaient de faire revenir V* en France, sans doute à Paris; cf. lettre du 10 octobre.

vii L'Essai sur les moeurs.

viii Théodore Tronchin, le médecin.

ix François Tronchin, auteur des Commènes.

19/09/2010

Ne croyez point , madame, aux impertinentes gazettes

 http://www.deezer.com/listen-2239578

 

 

 

« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

 

[vers le 19 septembre 1750]

 

Ne croyez point , madame, aux impertinentes gazettes de Berlin et pardonnez à la barbarie qui m'attribue je ne sais quelles chansons.[1]

 

Voulez-vous honorer donc de votre présence une répétition que nous faisons aujourd'hui vers les quatre heures en habits pontificaux sur le théâtre dans l'appartement de Mme la princesse Amélie [2]. Venez et comptez sur mon respectueux empressement à vous plaire. »

1 Cf. lettre à d'Argental du 21 septembre.

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/09/21/d...

 

2 Rome sauvée fut jouée chez la soeur du roi le 27 septembre, mais il y eut une « répétition » au château le 19 septembre, ce qui a permis de dater cette lettre.

18/09/2010

Dîtes-moi pourquoi depuis Bossuet et Fléchier nous n'avons point eu de bonne oraison funèbre ? Est-ce la faute des morts ou des vivants ?

 http://www.deezer.com/listen-7199241

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

18 septembre 1768

 

 

Il y a un Tronchin [i], mon cher ange, qui, lassé des tracasseries de son pays, va voyager à Paris et à Londres, et qui n'est pas indigne de vous. Il a souhaité passionnément de vous être présenté, et je vous le présente. Il doit vous remettre deux paquets qu'on lui a donné pour vous. Je crois qu'ils sont destinés à cette pauvre sœur d'un brave marin tué en Irlande [ii], laquelle fît comme vous savez un petit voyage sur terre presque aussi funeste que celui de son frère sur mer. Apparemment qu'on a voulu la dédommager un peu de ses pertes, et qu'on a cru qu'avec votre protection elle pourrait continuer plus heureusement son petit commerce. Je crois qu'il y a un des deux paquets venu d'Italie, car l'adresse est en italien [iii]. L'autre est avec une surenveloppe à M. le duc de Praslin.

 

Pour le paquet du petit Desmahis [iv], je le crois venu à bon port ; il fût adressé il y a quinze jours à l'abbé Arnaud, et je vous en donnai l'avis par une lettre particulière.

 

Je crois notre pauvre père Thoulier, dit l'abbé d'Olivet, mort actuellement, car par mes dernières lettres il était à l'agonie. Je crois qu'il avait 84 ans. Tâchez d'aller par-delà, vous et Mme d'Argental, quoique après tout la vieillesse ne soit pas une chose aussi plaisante que le dit Cicéron .

 

Vous devez avoir actuellement Lekain à vos ordres. C'est à vous à voir si vous lui donnerez le commandement du fort d'Apamée [v], et si vous croyez qu'on puisse tenir bon dans cette citadelle contre les sifflets. Je me flatte, après tout, que les plus dangereux ennemis d'Apamée seraient ceux qui vous ont pris il y a cent ans Castro et Ronciglione [vi]; mais supposé qu'ils dressassent quelque batterie, n'auriez-vous pas des alliés qui combattraient pour vous ? Je m'en flatte beaucoup, mais je ne suis nullement au fait de la politique présente, je m'en remets entièrement à votre sagesse et à votre bonne volonté.

 

Je n'ai point vu le chef-d'œuvre d'éloquence de l'évêque du Puy [vii]. Je sais seulement que les bâillements se faisaient entendre à une lieue à la ronde.

 

Dîtes-moi pourquoi depuis Bossuet et Fléchier nous n'avons point eu de bonne oraison funèbre ?est-ce la faute des morts ou des vivants ?les pièces qui pêchent par le sujet et par le style sont d'ordinaire sifflées .

 

 

Auriez-vous lu un Examen de l'Histoire de Henri IV écrite par un Bury ?[viii] Cet Examen fait une grande fortune, parce qu'il est extrêmement audacieux et que si le temps passé y est un peu loué, ce n'est qu'aux dépens du temps présent. Mais il y a une petite remarque à faire, c'est qu'il y a beaucoup plus d'erreurs dans cet Examen que dans l'Histoire de Henri IV. Il y a deux hommes bien maltraités dans cet Examen, l'un est le président Hénault en le nommant [ix], et l'autre que je n'ose nommer [x]. Le peu de personnes qui ont fait venir cet Examen à Paris en paraissent enthousiasmées. Mais si elles savaient avec quelle impudence l'auteur a menti, elles rabattraient de leurs louanges.

 

Adieu, mon cher ange, adieu la consolation de ma très languissante vieillesse.

 

N. B. - Vous sentez bien que la crème des fromages [xi] qu'on envoie à la sœur du marin est pour vous.

 

V. »

i Jacob Tronchin, qui a démissionné de ses fonctions politiques à Genève, qui veut racheter Ferney ; cf. lettre du 8 mars 1768 à Mme Denis.

ii La femme du libraire Lejeune, envoyée à V* par d'Argental, qui avait été arrêtée à son retour en décembre 1766 avec une cargaison de livres défendus, dont 80 exemplaires du Recueil nécessaire de V* ; cf. lettre à d'Argental du 2 janvier 1767 .

iii Peut-être un ouvrage qu'il prétend traduit de l'italien Les Droits des hommes... Cf. lettre du 9 septembre à Chabanon.

iv Sa tragédie Les Guèbres, qu'il attribue alors à feu Desmahis.

v Où se déroulent Les Guèbres.

vi Les fidèles du pape qui ont pris ces places au duc de Parme (dont d'Argental est l'envoyé à Paris) ; V* parle de cette « usurpation » dans Les Droits des hommes et les Usurpations des autres (ou des papes ), comme il l'écrit le 9 septembre à Chabanon.

vii Oraison funèbre de la reine par Lefranc de Pompignan.

viii Il s'agit de Histoire de la vie de Henri IV, roi de France et de Navarre, 1765 d'Édouard Bury, et Examen de la nouvelle histoire de Henri IV de M. de Bury , 1768, que V* attribue à La Beaumelle.

ix Le 13 septembre, V* cite au président Hénault le passage de la page 30 où il est traité de « guide peu sûr, abréviateur infidèle, hasardeux dans ses anecdotes, trop court sur les grands évènements pour être lu avec utilité, trop long sur les minuties pour être lu sans ennui, trop attentif à ramasser tout ce qui est étranger à son sujet ... pour obtenir une grâce ... sur les négligences de son style, sur ses omissions des faits importants, sur la confusion qui règne dans ses dates ... »

x Le roi !

V* a cité le passage incriminé au président Hénault : « Voici comment il parle du roi ... page 24 :'' ... le petit fils de Scha Abas [le roi] fut bercé pendant sept ans par des femmes, ... ensuite il fut bercé pendant huit ans par des hommes ; ... on l'accoutuma de bonne heure à s'adorer lui-même...; tout ce qui l'environnait avait ordre de lui épargner le pénible soin d'agir, de penser, de vouloir...'' » Cf. lettre du 26 octobre à Mme Denis.

xi Il s'agit des brochures évoquées au début .

avoir abusé de sa place pour ôter la liberté aux gens de lettres, et pour persécuter un honnête homme qui n'avait d'autre crime que de n'être pas de son avis

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« A la Bibliothèque raisonnée [i]

 

Voici l'exacte vérité qu'on demande. M. Moreau Maupertuis, dans une brochure intitulée Essai de cosmologie, prétendit que la seule preuve de l'existence de Dieu est AR + nRB [ii], qui doit être un minimum : voyez page 52 de son recueil in-4° [iii]. Il affirme que dans tous les cas possibles l'action est toujours un minimum, ce qui est démonté faux ; et il dit avoir découvert cette loi du minimum, ce qui n'est pas moins faux.

 

M. Koenig ainsi que d'autres mathématiciens, a écrit contre cette assertion étrange, et il a cité entre autres choses un fragment d'une lettre de Leibnitz, où ce grand homme disait avoir remarqué que dans les modifications du mouvement l'action devient ordinairement un maximum ou un minimum.

 

 M. Moreau Maupertuis crut qu'en produisant ce fragment , on voulait lui enlever la gloire de sa prétendue découverte, quoique Leibnitz eût dit précisément le contraire de ce qu'il avance. Il força quelques membres pensionnaires de l'académie de Berlin [iv], qui dépendent de lui, de sommer M. Koenig de produire l'original de la lettre de Leibnitz ; et l'original ne se trouvant plus, il fit rendre par les mêmes membres un jugement qui déclare M. Koenig coupable d'avoir attenté à la gloire du sieur Moreau Maupertuis, en supposant une fausse lettre.

 

Depuis ce jugement aussi incompétent qu'injuste, et qui déshonorait M. Koenig, professeur en Hollande, et bibliothécaire de S.A.S. Madame la princesse d'Orange, le sieur Moreau Maupertuis écrivit et fit écrire à cette princesse, pour l'engager à faire supprimer par son autorité les réponses que M. Koenig pourrait faire. Son Altesse Sérénissime a été indignée d'une persécution si insolente, et M. Koenig s'est justifié pleinement non seulement en faisant voir que ce qui appartient à M. de Maupertuis dans sa théorie est faux, et qu'il n'y a que ce qui appartient à Leibnitz et à d'autres qui soit vrai ; mais il a donné la lettre tout entière de Leibnitz avec deux autres de ce philosophe. Toutes ces lettres sont du même style, il n'est pas possible de s'y méprendre, et il n'y a personne qui ne convienne qu'elles sont de Leibnitz. Ainsi le sieur Moreau Maupertuis a été convaincu à la face de l'Europe savante non seulement de plagiat , et d'erreur, mais d'avoir abusé de sa place pour ôter la liberté aux gens de lettres, et pour persécuter un honnête homme qui n'avait d'autre crime que de n'être pas de son avis . Plusieurs membres de l'Académie de Berlin ont protesté contre une conduite si criante, et quitteraient l'Académie que le sieur Maupertuis tyrannise et déshonore, s'ils ne craignaient de déplaire au roi qui en est le protecteur.[v

 

A Berlin le 18 septembre 1752»

 

i « Réponse d'un académicien de Berlin à un académicien de Paris », Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savants de l'Europe, juillet-septembre 1752 .Cette réponse parut anonymement ; on l'attribua à de Joncourt ; le roi avait prié V* de ne rien écrire contre Maupertuis, président de l'Académie de Berlin (lettre de la comtesse de Bentinck à sa mère 13 février 1753)

ii Maupertuis utilise cette formule m.AR + n.RB dans cet essai publié en 1750.

iii Les Œuvres de M. de Maupertuis, 1752.

iv Dans une lettre à d'Argens, V* met en cause Euler et Merian.

v Dans sa prétendue lettre à Mme Denis datée du 24 juillet, V* raconte déjà toute l'affaire, ce qui forme une des raisons pour laquelle on la considère comme réécrite.

17/09/2010

plus on a voulu l'avilir, et plus j'ai voulu l'élever.

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet , comtesse d'Argental

 

17 septembre 1765

 

Mes divins anges, je vois bien que je ne connaissais pas encore ce public inconstant que je croyais connaitre. Je ne me doutais pas qu'il dût approuver avec tant de transports ce qu'il avait condamné avec tant de mépris [i]. Vous souvenez-vous qu'autrefois lorsque Vendôme disait à la dernière scène : Es-tu content Coucy ? Les plaisants répondaient : Couci-couci ? J'ai retrouvé ici dans mes paperasses deux tragédies d'Adélaïde ; elles sont toutes deux fort différentes, et probablement la troisième qu'on a jouée à la Comédie diffère beaucoup des deux autres. Je fais toujours mon thème en plusieurs façons. Il est à croire que Lekain fera imprimer à son profit cette Adélaïde qu'on vient de représenter ; mais je pense qu'il conviendrait qu'il m'envoyât une copie bien exacte, afin qu'en la conférant avec les autres je pusse en faire un ouvrage supportable à la lecture, et dont le succès fût indépendant du mérite des acteurs. C'est sur quoi je vous demande vos bons offices auprès de Lekain, car je vous demande toujours des grâces.

 

A l'égard des Roués [ii], j'attends toujours votre paquet et vos ordres ; le petit jésuite a sa préface toute prête, mais il dit qu'il ne faut pas s'attendre à de grands mouvements de passion dans un triumvir, et que cette pièce est plus faite pour des lecteurs qui réfléchissent que pour les spectateurs qu'il faut animer. Il sait de plus que le pardon d'Octave à Pompée ne peut jamais faire l'effet du pardon d'Auguste à Cinna, parce que Pompée a raison et que Cinna a tort, et surtout parce que ceux qui sont venus les premiers ne laissent point de place à ceux qui viennent les seconds.

 

Je sais bien que j'ai été un peu trop loin avec Mlle Clairon,[iii] mais j'ai cru qu'il fallait un tel baume sur les blessures qu'elle avait reçues au Fort-l'Evêque [iv]. Elle m'a paru d'ailleurs aussi changée dans ses mœurs que dans son talent ; et plus on a voulu l'avilir, et plus j'ai voulu l'élever.

 

J'espère qu'on me pardonnera un peu d'enthousiasme pour les beaux-arts. J'en ai dans l'amitié, j'en ai dans la reconnaissance.

 

Je vous fais, mes divins anges, les plus sincères remerciements de la bonté que vous avez eue de me procurer des éclaircissements de la part de M. de Sainte-Foix [v]. Je n'ose l'en remercier lui même, de peur de l'engager à une réponse qui lui ferait perdre un temps précieux ; mais je me flatte que quand vous le verrez vous voudrez bien l'assurer des sentiments que je lui dois. Je me doutais bien que ce M. de Barrau [vi] était un homme nécessaire au ministère par ses connaissances.

 

Je soupçonne que la place de résident à Genève [vii] est actuellement donnée in petto, par M. le duc de Praslin. Je ne vous avais proposé M. Astier [viii] qu'en supposant que M. le duc de Praslin le favoriserait, mais je ne serai pas assez effronté pour demander à M. le duc de Choiseul qu'il force la main au ministre des Affaires étrangères ; je dois être modeste dans mes sollicitations, et tout ce que j'ose demander actuellement pour M. Fabry, maire de la ville de Gex, c'est que je puisse l'assurer de votre protection. »

 

 

i Adélaïde du Guesclin avait été reprise le 9 septembre et Thiriot, le 10, parlait de « triomphe ».

ii Octave ou le Triumvirat, prétendu écrit d' « un petit jésuite ».

iii Dans l'Épître à Mlle Clairon.

http://www.monsieurdevoltaire.com/article-35893010.html

 

iv Sur le conflit à la Comédie française et l'emprisonnement de Mlle Clairon, cf. les lettres du 24 avril à Damilaville et 6 juillet aux d'Argental.

v Le 23 août il a chargé les d'Argental de demander à Sainte-Foix ( en poste aux Affaires étrangères) « s'il y a eu un traitement et des honneurs affectés à cette place, et si Jean-Jacques Rousseau en a joui lorsqu'il accompagna M. de Montagu dans son ambassade à Venise » en 1743-1744. La polémique avec Rousseau sur ce point va s'envenimer ; cf. lettre du 7 novembre 1766.

vi Barrau-Taulès qui avait fait d'intéressantes remarques sur Le Siècle de Louis XIV et qui allait venir à Genève avec l'envoyé de France, de Beauteville.

vii Montpéroux est mort le 7 septembre.

viii V* dès le 23 août recommandait aux d'Argental « M. Astier, commissaire de la marine en Hollande, c'est un philosophe et de plus un homme très sage et très aimable. »

16/09/2010

une galanterie que le roi m'a faite, ou plutôt à lui ; il a voulu que je l'admirasse dans sa gloire .

Note rédigée le 23 août 2011 pour parution le 16 octobre 2010 .

http://www.youtube.com/watch?v=fNabASQ1N5k

gloire soleil.jpg 

 

« A Pierre-Louis Moreau de Maupertuis

membre de toutes les académies de l'Europe

chez M. Moreau de Maupertuis

rue Sainte Anne à Paris

 

A Brunswik 16 octobre 1743

 

J'ai reçu dans mes courses la lettre où mon cher aplatisseur de ce globe 1 daigne se souvenir de moi avec tant d'amitié . Est-il possible que je ne vous aurai jamais vu que comme un météore toujours brillant et toujours fuyant de moi ? n'aurai-je pas la consolation de vous embrasser à Paris ? J'ai fait tous vos compliments à vos amis de Berlin, c'est-à-dire toute la cour, et particulièrement à M. de Valori, vous êtes là comme ailleurs aimé et regretté ; on m'a mené à l'académie de Berlin, où le médecin Eller a fait des expériences par lesquelles il fait croire qu'il change l'eau en air élastique . Mais j'ai été encore plus frappé de l'opéra de Titus 2, qui est un chef-d’œuvre de musique . C'est, sans vanité, une galanterie que le roi m'a faite, ou plutôt à lui ; il a voulu que je l'admirasse dans sa gloire . Sa salle d'opéra est la plus belle de l'Europe . Charlottembourg est un séjour délicieux, Frédéric en fait les honneurs et le roi n'en sait rien . Le roi n'a pas encore fait tout ce qu'il voulait . Mais sa cour, quand il veut bien avoir une cour, respire la magnificence et le plaisir . On vit à Potsdam comme dans le château d'un seigneur français qui a de l'esprit, en dépit du grand bataillon des gardes, qui me paraît le plus terrible bataillon de ce monde . Jordan ressemble toujours à Ragotin 3, mais c'est Ragotin bon garçon et discret avec seize cents écus d'Allemagne de pension . D'Argens est chambellan avec une clé d'or à sa poche, et cent louis dedans payés par mois . Chazot, ce Chazot que vous avez vu maudissant la destinée doit la bénir ; il est major, et a un gros escadron qui lui vaut environ seize mille livres au moins par an . Il l'a bien mérité, ayant sauvé le bagage du roi à la dernière bataille 4. Je pourrais dans ma sphère pacifique jouir aussi des bontés du roi de Prusse, mais vous savez qu'une plus grande souveraine nommée Mme du Châtelet me rappelle à Paris . Je suis comme ces Grecs qui renonçaient à la cour du grand roi pour venir être honnis par le peuple d'Athènes .

 

J'ai passé quelques jours à Bareith . Son Altesse Royale m'a bien parlé de vous 5. Bareith est une retraite délicieuse où on jouit de tout ce qu’une cour a d'agréable sans les incommodités de la grandeur . Brunswik où je suis a une autre espèce de charmes . C'est un voyage céleste où je passe de planète en planète pour revoir enfin ce tumultueux Paris où je serai très malheureux si je ne vois pas l'unique Maupertuis que j'admire et que j'aime pour toute ma vie .

 

V. »


2 Tito Vespasiano, ovvero la Clemenza di Tito, musique de J. A .de Hasse, livret de Metastasio . Dans ses Mémoires, V* écrira qu'il était « mis en musique par le roi lui-même aidé de son compositeur »

http://www.youtube.com/watch?v=fNabASQ1N5k

4 A Chotusitz .

5 Wilhelmine, sœur de Frédéric II, margravine de Bayreuth.