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05/09/2010

Votre pédant en points et virgules, et votre disciple en philosophie et en morale, a profité de vos leçons

 Point et virgule : http://www.deezer.com/listen-845481

Et une Virgule qui sonne comme des points de suspension : http://www.deezer.com/listen-2845649, ça peut (dé)plaire , ...

 

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

A Potsdam, 5 septembre [1752]

Sire,

 

Votre pédant en points et virgules, et votre disciple en philosophie et en morale, a profité de vos leçons, et met à vos pieds La Religion naturelle [i], la seule digne d'un être pensant. Vous trouverez l'ouvrage plus fort, et plus selon vos vues [ii]. J'ai suivi vos conseils, il en faut à quiconque écrit. Heureux qui peut en avoir de tels que les vôtres.

 

Si vos bataillons et vos escadrons vous laissent quelque loisir, je supplie Votre Majesté de daigner lire avec attention cet ouvrage qui est en partie l'exposition de vos idées, et en partie celle des exemples que vous donnez au monde. Il serait à souhaiter que ces opinions se répandissent de plus en plus sur la terre. Mais combien d'hommes ne méritent pas d'être éclairés !

 

Je joins à ce paquet ce qu'on vient d'imprimer en Hollande [iii]. Votre Majesté sera peut-être bien aise de relire l'Éloge de La Mettrie. Cet éloge est plus philosophique que tout ce que ce fou de philosophe avait jamais écrit [iv]. Les grâces et la légèreté du style de cet éloge y parent continuellement la raison. Il n'en est pas de même de la pesante lettre de Haller, qui a la sottise de prendre sérieusement une plaisanterie. La réponse grave de Maupertuis n'était pas ce qu'il fallait [v]. C'était bien le cas d'imiter Suift, qui persuadait à l'astrologue Partrige qu'il était mort [vi]. Persuader à un vieux médecin qu'il avait fait des leçons au bordel eût été une plaisanterie à faire mourir de rire.

 

Nous attendrons tranquillement Votre Majesté à Potsdam . Qu'irais-je faire à Berlin ? Ce n'est pas pour Berlin que je suis venu quoique ce soit une fort jolie ville, c'est uniquement pour vous. Je souffre mes maux aussi gaiement que je peux. D'Argens s'amuse et engraisse. Arius de Prades est un très aimable hérésiarque [vii]. Nous vivons ensemble en louant Dieu et Votre Majesté, et en sifflant la Sorbonne . Nous avons de beaux projets pour l'avancement de la raison humaine [viii]. Mais un plus beau projet, c'est Gustave Vaza [ix]. Il n'y a pas moyen d'y penser en Silésie, mais je me flatte qu'à Potsdam vous ne résisterez pas à la grâce efficace qui vous a inspiré ce bon mouvement. Ce sujet est admirable et digne de votre génie unique et universel.

 

Je me mets à vos pieds.

 

 

V. »

i V* l'envoie aussi à la margravine qui fera des observations. L'ouvrage ne sera publié qu'en 1756.

ii Ce poème avait paru trop dévot à Frédéric et V* s'en défendit . Le matérialisme cynique de La Mettrie plaisait davantage au roi et il fit son Éloge .

iii V* avait demandé à la comtesse de Bentinck le 11 et le 25 août de lui faire avoir « l'éloge de La Mettrie avec des remarques et quelques autres pièces curieuses » qu'on a imprimé en Hollande. C'est L'Éloge du sieur de La Mettrie ... avec le catalogue de ses ouvrages et deux lettres . L'Éloge est de Frédéric, les deux lettres sont de Haller à Maupertuis du 10 novembre 1751 qui répond le 25 novembre.

iv La Mettrie a publié, entre autres, L'Homme machine en 1748, L'Anti-Sénèque ou le souverain bien en 1750, L'Art de jouir en 1751, Le Petit Homme à grande queue en 1751.

v La Mettrie, sceptique, avait dédié en termes amicaux son Homme machine au pieux Haller qui avait protesté courtoisement en disant qu'il ne le connaissait pas. Alors, dans l'Art de jouir et dans Le Petit homme, La Mettrie avait parlé de prétendues grivoiseries du sérieux Haller, qui adressa une très digne lettre de protestation à Maupertuis . Celui-ci répondit que ces « plaisanteries » n'avaient pu nuire à Haller.

vi Swift écrivit en 1709 l'Account of the death of mr Partidge the almanach-maker.

vii Cf. lettre à d'Alembert du 9 septembre.

Hérésiarque, hérésie : http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9r%C3%A9siarque

viii Début du Dictionnaire philosophique ? L'article Abraham sera envoyé au roi vers octobre.

ix Au cours d'un souper, Frédéric aurait conté « l'histoire de Gustave Vasa avec une éloquence si animée » que V* lui demanda de la conter en vers.

Hué et persécuté je serais tombé malade et on m'aurait demandé un billet de confession. J'ai pris le parti de renoncer à tous ces agréments,

 

 

 

 

« A César-Gabriel de Choiseul, comte de Choiseul, duc de Praslin

 

A Potsdam 5 septembre [1752]

 

Vos bontés constantes me sont bien plus précieuses, Monsieur, que l'enthousiasme passager d'un public [i] presque toujours égaré qui condamne à tort et à travers, juge de tout et n'examine rien, dresse des statues et les brise pour vous en casser la tête. C'est à vous plaire que je mets ma gloire.

 

Je n'aime de signal [ii] que celui auquel je reviendrai voir mes amis. A l'égard de celui de Lisois [iii], je pense qu'à la reprise on pourrait hasarder ce qu'il a été très prudent de ne pas risquer aux premières représentations.

 

Ce n'est point le héros du Nord qui m'empêche à présent de venir vous faire ma cour. C'est Louis XIV. Une nouvelle édition qu'on ne peut faire que sous mes yeux m'occupera encore six semaines pour le moins. J'ai eu de bons matériaux que je mets en oeuvre [iv]. J'ai tiré de mon absence tout le parti que je pouvais. Je suis assez comme qui vous savez. Mon royaume n'est pas de ce monde. Si j'étais resté à Paris, on aurait sifflé Rome [v] et Le Duc de Foix, la Sorbonne eût condamné Le Siècle de Louis XIV, on m'aurait déféré au procureur général pour avoir dit que le parlement fit force sottises du temps de la Fronde. Hué et persécuté je serais tombé malade et on m'aurait demandé un billet de confession. J'ai pris le parti de renoncer à tous ces agréments, de me contenter des bontés d'un grand Roi, de la société d'un grand homme, et de la plus grande liberté dont on puisse jouir dans la plus petite retraite du monde. Pendant ce temps là j'ai donné le temps à ceux qui me persécutaient à Paris de consumer leur mauvaise volonté devenue impuissante. Il y a des temps où il faut qu'un pauvre diable d'homme de lettres qui a le malheur d'avoir de la réputation succombe ou s'enfuie.

 

Si jamais ma mauvaise santé, qui me rendra bientôt inutile au roi de Prusse, me forçait de revenir m'établir en France, j'aimerais bien mieux y jouer un rôle d'un malade ignoré que d'un homme de lettres connu. Vos bontés et celles de vos amis y feraient ma principale consolation. Je me flatte que votre santé est rétablie. Pour moi je suis devenu bien vieux. Mon imagination et moi nous sommes décrépis. Il n'en est pas ainsi du sentiment. Celui qui m'attache à vous et à vos amis n'a rien perdu de sa force. Il est aussi vif qu'inviolable.

 

J'envoie une nouvelle fournée de Rome sauvée. Je ne sais si à la reprise la gravité romaine plaira à la galanterie parisienne [vi].

 

Mille tendre respects.

 

V. »

i Succès d'Amélie ou le duc de Foix le 17 août à la Comédie française.

ii Allusion au coup de canon que l'on entend dans Adélaïde du Guesclin et dont il n'est plus question dans Amélie ou le duc de Foix.

iii Le personnage de Lisois remplace dans Amélie celui de Coucy qui figurait dans Adélaïde.

iv Cf. lettre à Thibouville du 15 avril 1752.

v Rome sauvée créée à la Comédie française le 24 février 1752, jouée onze fois à Paris en 1752.

vi La pièce sera reprise à Fontainebleau le 30 octobre 1752.

04/09/2010

Je ne sais, Monsieur, si après avoir déclaré la guerre à l'Angleterre , je pourrai faire ma paix avec elle

D'après Nino, c'est le roi d'Angleterre qui a commencé :  http://www.deezer.com/listen-2456530

Arm(é)e spéciale : http://www.deezer.com/listen-289350

au 31 du mois d aout.jpg

 

Et ça va mal finir pour eux : http://www.deezer.com/listen-294544

 

 Et dire qu'avec des hommes comme ce doux et fort Bourvil, il n'y aurait pas de guerres : http://www.deezer.com/listen-3377095

 

http://www.buffon.cnrs.fr/correspondance/corr_buffon_affi...  : homme avec qui il fallait compter, ce Jean de Vaines .

 

 « A Jean de Vaines

 

4è septembre 1776

 

Je ne sais, Monsieur, si après avoir déclaré la guerre à l'Angleterre [i], je pourrai faire ma paix avec elle. Je n'ai point de Canada à lui donner, ni de Compagnie des Indes à lui sacrifier ; mais je ne lui demanderai pas pardon d'avoir soutenu les beautés de Corneille et de Racine contre Gilles et Pierrot . Et je ne crois pas que l'ambassadeur d'Angleterre demande au roi de France la suppression de ma déclaration de guerre.

 

Je n'ai pu encore trouver à Genève le petit Commentaire historique [ii] dont vous me parlez. Il a été imprimé à Lausanne, et je crois que c'est Panckoucke qui en a toute l'édition. Je crois pourtant que j'en pourrai trouver incessamment.

 

Je suis actuellement bien malade et je ne sors pas de mon lit.

 

Permettez moi de mettre sous votre enveloppe un petit mot pour M. d'Alembert.

 

Je vous supplie aussi de bien vouloir faire parvenir ce paquet au s[ieu]r Moureau libraire, quai de Gesvres. »

i Allusion à sa Lettre à l'Académie contre Le Tourneur, panégyriste de Shakespeare ; cf. lettres des 19 juillet, 30 juillet et 27 août à d'Argental et 13 août à d'Alembert.

ii Commentaire historique sur les oeuvres de l'auteur de la Henriade que V* présente à Richelieu : « ... fait par un homme sage, d'après toutes les pièces justificatives qui sont encore entre ses mains ». On l'attribue souvent à Jean-Louis Wagnière (secrétaire de V*), dirigé par V* lui-même.

Moultou, le 4 novembre, dit : « ... l'ouvrage est de M. de Morsan » , (frère de Mme de Sauvigny qui a vécu quelques annnées à Ferney), mais dont « le patron lui a fourni ... les anecdotes et le style... »

 

 http://www.deezer.com/listen-1041132 : un France - Angleterre mémorable !

Fin de programme : http://www.deezer.com/listen-302312

 

Ce quelque chose était une petite fille qui est venue au monde sur le champ. On l'a mise sur un livre de géométrie qui s'est trouvé là

Voisenon_1.jpghttp://fr.wikipedia.org/wiki/Claude-Henri_de_Fus%C3%A9e_d...

http://www.deezer.com/listen-2149544

C'est quand même quelque chose que cette naissance qui a ému plus Volti que la maman . Couchée sur un livre de géométrie, pour qu'elle ait la bosse des maths ? Ni la mère, ni l'enfant ne survivront, seul survivront le chagrin, -un peu,- et l'estime, -toujours ,-  de Volti .

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Kek choz' é moi :  http://www.deezer.com/listen-606423

 http://www.deezer.com/listen-2508117  : mais nous n'avons pas, ici, "passé le temps d'être amis" dis-je .

Juliette, et sa poésie et son ton, qui apporte quelque chose :  http://www.deezer.com/listen-2440180

 

 

 

« A Claude-Henri de Fuzée de Voisenon

 

A Lunéville, 4 septembre [1749]

 

Mon cher abbé greluchon [i] saura que Mme du Châtelet étant , cette nuit à son secrétaire, selon sa louable coutume, a dit : Mais je sens quelque chose ! Ce quelque chose était une petite fille qui est venue au monde sur le champ. On l'a mise sur un livre de géométrie qui s'est trouvé là, et la mère est allée se coucher . Moi, qui , dans les derniers temps de sa grossesse, ne savait que faire, je me suis mis à faire un enfant tout seul ; j'ai accouché en huit jours de Catilina. C'est une plaisanterie de la nature, qui a voulu que je fisse , en une semaine, ce que Crébillon avait été trente ans à faire. Je suis émerveillé des couches de Mme du Châtelet, et épouvanté des miennes.

 

Je ne sais si Mme du Châtelet m'imitera, si elle sera grosse encore ; mais , pour moi, dès que j'ai été délivré de Catilina, j'ai eu une nouvelle grossesse, et j'ai fait sur-le-champ Electre [ii]. Me voilà avec la charge de raccommodeur de moules [iii] dans la maison de Crébillon.

 

Il y a vingt ans que je suis indigné de voir le plus beau sujet de l'Antiquité avili par un misérable amour, par une partie carrée, et par des vers ostrogoths. L'injustice cruelle qu'on a faite à Cicéron ne m'a pas moins affligé. En un mot, j'ai cru que ma vocation m'appelait à venger Cicéron et Sophocle, Rome et la Grèce, des attentats d'un barbare. Et vous , que faites-vous ? Mille respects, je vous en prie, à Mme de Voisenon. »

i Voisenon est le confident de Mme du Châtelet ; un greluchon est un amant de cœur.

ii Le 12 août il envoie Catilina à d'Argental et le 1er septembre il en est « à l'ébauche du cinquième acte d'Electre ».

iii = ouvrages « moulés » = imprimés par Crébillon.

 

En douceur, encore quelque chose :  http://www.deezer.com/listen-2714559

Liste des choses à faire ! mais plus guimauve que ça à chanter, tu meurs ! :  http://www.deezer.com/listen-1184691

 

03/09/2010

Est-il bien vrai qu'on ose vous persécuter dans le temps même que vous êtes comblé de gloire

Bien des arrivées au pouvoir sont ainsi :

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Et puis , on se croit paré pour l'hiver :

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On relativise :

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On y croit encore :

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Et ça finit comme ça , dans le meilleur des cas :

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Et plutôt comme ceci :

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gloire le jour.jpg

 

 

 

 

 

« A Jean-François de La Harpe

 

3è septembre 1775

 

Je vous prie , mon cher ami, de me dire par la même voie dont on veut bien que je me serve, s'il est vrai qu'un de nos académiciens indignes [i] ait eu la lâcheté de vous dénoncer comme coupable, d'avoir extrait et embelli je ne sais quelle petite Diatribe [ii], toute à l'honneur d'un ministre qui fait déjà le bonheur de la France [iii], et qui mettra bientôt la dernière main à l'ouvrage de ce bonheur.

 

Est-il bien vrai qu'on ait ôté sa place à l'approbateur du Mercure ?[iv]

 

Est-il bien vrai qu'on ose vous persécuter dans le temps même que vous êtes comblé de gloire [v], et que vous faites la gloire de la nation ? Mettez-moi au fait, je vous prie, de toute l'infamie des Welches. Faites-moi parvenir le plus tôt que vous pourrez vos trois couronnes. Je meurs d'envie de vous lire, ne pouvant vous embrasser.

 

V. »

i L'avocat général Séguier.

ii La Harpe avait publié dans le Mercure d'août un compte-rendu et à cette occasion une partie de la Diatribe à l'auteur des Éphémérides (sur le commerce des blés) de V* cf. lettre à Moultou du 29 août . Le 7 septembre , le Parlement condamne le Mercure et le censeur Louvel. La Diatribe avait été condamnée le 19 août par le Conseil à la demande de l'Assemblée du clergé.

iii Turgot qui avait établi la liberté de commerce des grains.

iv Louvel fut remplacé par Sancy.

v La Harpe vient de remporter le prix de poésie et le prix d'éloquence de l'Académie française pour 1775, avec Conseils à un jeune poète et l'Éloge de Nicolas de Catinat, maréchal de France, et sa pièce Menzikoff devait être représentée à Fontainebleau devant la Cour en novembre.

Plus on est vieux et malade, plus il faut rire. La décrépitude est trop triste.

http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definitio...

http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/citations...

http://fr.wikisource.org/wiki/Trait%C3%A9_d%E2%80%99%C3%A...

 

Très documenté, remarquable  : MESURES ANCIENNES :

http://www.genefourneau.com/mesures.html

 

fleureau-demi-setier.jpg

 

 

"Nous autres qui connaissons le prix du blé,...", et mes attaches paysannes me permettent de voir de près ce qui revient aux petits producteurs : des clopinettes !

Rien à voir avec les céréaliers, les gros, ceux qui restent à la maison près de l'ordinateur, qui envoient des paperasses sans nombre pour toucher des subventions coquettes . Et ils se plaignent ! Les délais pour avoir le dernier Range Rover ou la Porsche Cayenne, c'est vrai, sont trop longs !

Sans rire, ils se mettent la tête sur le billot auprès des banques en faisant la course à la productivité, donc matériel énorme et hors de prix et traitements phytosanitaires et insecticides à tout-va ! Je ne les plains pas .Ils sont victimes de leurs excès, un jour viendra où ils comprendont . Peut-être !... Le fameux bon sens paysan qui est père d'un bon nombre de couillonnades n'est pas mort . Dommage ,dites-vous ?

Chantons encore :

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« A Suzanne Necker

 

3è septembre 1773, à Ferney

 

Madame

 

Je ne connais pas plus l'auteur modeste et couronné de l'Éloge de Colbert [i], que je ne connais l'auteur téméraire et honni des Fragments sur l'Inde [ii]. Je me doute seulement que le sage qui a remporté le prix de l'Académie, mériterait peut-être de succéder au grand homme qu'il a si bien loué. Son principal mérite à mes yeux jusqu'à présent , était d'avoir rendu justice au vôtre. Je ne connaissais pas ses grands talents, et la raison en est que je n'avais eu presque jamais l'honneur de le voir.

 

Je lui sais bien bon gré d'avoir un peu prêché les économistes et les athées. Il y a sous le gouvernement de Dieu du bien et du mal, comme il y en avait en France sous l'administration de Jean-Baptiste ; mais cela n'empêche pas qu'on ne doive adorer Dieu, et estimer beaucoup Jean-Baptiste Colbert [iii].

 

Nous autres qui connaissons le prix du blé, et qui le payons encore trente francs le setier, après la récolte la plus abondante , nous savons que Jean-Baptiste était très avisé de tenir continuellement la main à l'exportation, et nous ne l'appelons point un esprit mercantile comme messieurs les économistes l'ont nommé.

 

Quand à feu la Compagnie des Indes [iv], je vois, Madame, que je me suis mépris. Nous avons quelques Genevois et moi, envoyé un vaisseau à Bengale [v]. Vous me faites trembler pour notre entreprise. Mais dans les derniers temps de la Compagnie, on ne tremblait pas, on pleurait. Pour moi, je rirai encore si les cinquante-neuf personnes qui sont sur notre vaisseau mangent tout notre argent et se moquent de nous, comme il y a très grande apparence. Plus on est vieux et malade, plus il faut rire. La décrépitude est trop triste.

 

Nous présentons, Mme Denis et moi, nos très humbles respects à monsieur et à madame Necker, et c'est du fond de notre cœur.

 

V. »


i Jacques Necker : Eloge de Jean-Baptiste Colbert, discours qui a remporté le prix de l'Académie française ne 1773 ,1773.

ii Voltaire ; cf. lettre à Marin du 12 juin 1773.

iii A Mme du Deffand, le 1er novembre : « ... c'était un ouvrage qu'on ne pouuvait faire qu'avec de l'arithmétique . Aussi est-ce un excellent banquier qui a remporté le prix. J'avoue que je ne saurais souffrir qu'un homme qui a porté un habit de drap de Vanrobais ou de velours de Lyon, qui a des bas de soie à ses jambes, un diamant à son doigt, et une montre à répétition dans sa poche, dise du mal de Jean-Baptiste Colbert à qui on doit tout cela. La mode est aujourd'hui de mépriser Colbert et Louis XIV . Cette mode passera ... »

iv Le 13 août, un arrêt du Conseil a suspendu le privilège de la Compagnie des Indes.

v L'Hercule .

 

 

Bien des années auparavant, en 1709,le colégien François-Marie a connu ceci : 

http://telematinduweb.skynetblogs.be/archive/2008/01/28/l...

 

je baise mille fois vos beaux tétons et vos belles fesses...Voilà de plaisants discours, ... pour un malade !

"Je ne songe qu'à profiter du peu de temps qui me reste pour travailler et pour vous aimer"

... Belle déclaration d'amour !

 

Demondemidi.jpg

 


Volti connait le démon de midi, -Marie-Louise, pour ne rien vous cacher-,  et lui rend hommage sans fard et sans hypocrisie, quoique en toute discrétion aux yeux du monde .

 

 

 

« A Mme Denis

 

A Strasbourg 3 septembre [1753]

 

Je reçois, ma chère enfant, votre lettre du 27 août qui m'est probablement renvoyée par M. Gayot. Je vous prie dorénavant de m'écrire sous le couvert de M. Defresnay, directeur général des postes, ou sous le nom de M. Darsin [i]. Les lettres me seront rendues sur-le-champ, soit sous le nom de Darsin soit sous l'enveloppe de M. Defresnay. M. Gayot est à Plombières. Je ne doute pas que vous ne lui ayez écrit pour le remercier de tous ses soins. J'ai toujours votre boîte [ii]. J'attends une occasion. Je suis à la campagne. Je n'ai point osé aller au gouvernement [iii] sans billet. J'attends celui de M. Bernard que vous m'avez promis. Venons à nos affaires. Vous ne me parlez point de votre santé. Elle est donc bonne. C'est là ma première affaire et je ne suis malheureux qu'à moitié.

 

Mon cœur est pénétré de tout ce que vous faites. Je n'ai point dans mes tragédies d'héroïne comme vous. Moi, ne vous point aimer ! Mon enfant, je vous adorerai jusqu'au tombeau. Je vous aime tant que je n'irai point dans ce château où il y a un tiers qui vous aime aussi [iv]; je deviens jaloux à mesure que je m'affaiblis, ma chère enfant. Je voudrais être le seul qui eût le bonheur de vous foutre, et je voudrais à présent n'avoir jamais eu que vos faveurs, et n'avoir déchargé qu'avec vous . Je bande en vous écrivant, et je baise mille fois vos beaux tétons et vos belles fesses. Eh! Bien, direz-vous que je ne vous aime pas ! Pagnon [v] serait bien étonné s'il lisait cela. Voilà de plaisants discours, dirait-il pour un malade ! Mais c'est un malade à qui vous rendez la vie par-ci par-là.

 

Je ne suis pas si content de l'imbécile abbé Godin [vi] que de vous . A qui en veut-il ? pourquoi plutôt dans un endroit que dans un autre ? Le plat homme ! Les deux grelots [vii] de Frémont [viii] me plaisent beaucoup, ils feront d'ailleurs enrager Lemeri et Le Sec [ix].

 

En attendant voici ce que je vais faire . J'ai achevé à peu près mon histoire de l'empire [x]. Je tâcherai de la faire imprimer à Strasbourg. J'y aurai pour la perfectionner un secours que je n'aurais point ailleurs. M. Sheffling [xi], le meilleur professeur d'histoire, est à Strasbourg. Il est mon ami, il me vient voir tous les jours dans mon ermitage. Il m'aidera. Je suis bien loin de me promener dans l'Alsace et dans la Lorraine. Je ne songe qu'à profiter du peu de temps qui me reste pour travailler et pour vous aimer. Un moment perdu me parait un siècle. Dieu merci je n'ai rendu aucune visite pas même à l'intendant. Il est venu souvent chez moi. Je renvoie mon monde sans façon en qualité de malade. Travailler et penser à vous, voila ma vie. Au nom de notre amitié, ma chère enfant, peignez-moi à tout le monde comme mourant, vous ne mentirez guère, car je ne vis que quand votre idée me ressuscite.

 

Envoyez-moi, je vous prie la malle aux papiers par le premier roulier à l'adresse de M. Defresnay et ne manquez pas d'y mettre toutes mes lettres. J'ai une besogne en tête que vous m'avez conseillée, qui est nécessaire, et que je veux faire en forme de lettres. Je tâcherai de rendre la chose sage, agréable, plaisante ; et quoique mesurée je vous promets qu'elle couvrira d'opprobre dans la postérité ceux qui vous ont fait traîner par des soldats [xii] et qui prétendent à la gloire parce qu'ils ont été heureux. Je rappellerai dans ces lettres beaucoup de faits qui seront d'ailleurs attestés par les originaux qui sont dans mes papiers [xiii]. Soyez sûre que ce recueil sera un jour plus intéressant que celui de Rousseau [xiv]. Je vous remettrai le tout fidèlement et vous le garderez comme mon testament, après quoi je mourrai content. Pourriez-vous mettre dans le coffre six assiettes et six couverts d'argent , cela peut servir quoique je ne sois pas un homme à tenir table sans vous, comme vous le faites si gaiement. Je ne soupe plus, vous ne dînez plus. Vola la plus grande de mes afflictions.

 

Je vous avoue que j'ai été bien affligé que vous ayez envoyé à Francfort la révocation de votre procuration [xv]. Elle est arrivée précisément dans le temps qu'on allait rendre l'argent. Votre résiliation a tout gâté. On s'est prévalu de l'apparence de notre mésintelligence. C'est cent louis de perdu à la suite de beaucoup d'autres. Vous vous êtes trop pressée de croire vos pauvres Parisiens qui croient connaître l'Allemagne. C'est moi qui la connais. J'ai eu plusieurs conférences tête à tête avec l'Électeur palatin. Je vous réponds que j'étais mieux à Mayence, à Manheim, à Gotha que partout ailleurs. Je vous dirais d'autres choses qui vous émerveilleraient, mais je ne veux songer à présent qu'à vous, à mon histoire de l'empire, à ces lettres, et Dieu sait si après je ne ferai pas une tragédie. J'ai un sujet admirable [xvi], et le diable me bat. Laissez-moi faire et que je vive.

 

Ce fou de Maupertuis n'a donc pas imprimé l'apologie de ses géants et de l'art d'exalter son âme ?[xvii] Ce fou devient un sot . L'amour-propre et l'eau-de-vie l'ont abruti. Adieu, aimez-moi pour que je vive, mais parlez toujours de moi comme d'un mourant . Ce coquin de Cernin [xviii] écrivait à sa sœur : Il fait le malade à Francfort, et sa nièce fait semblant de le secourir en l'épuisant. Je vous recommande Du Billon [xix] dans vos moments de loisir.

 

Je crois qu'il est de la plus grande importance que vous fassiez envoyer au roi de Prusse par milord Maréchal la lettre où je traite comme il faut l'impertinent auteur de la satire contre le roi de Prusse [xx]. Voici des vers qu'on m'envoie [xxi], ils méritent d'être connus. Adieu ma chère enfant.

 

V.

 

Ne dîtes à personne que je vais faire imprimer une histoire d'Allemagne. »


i Darsin ou d'Arcin, encore un des pseudonymes de V*.

ii Sa tabatière.

iii   A la résidence du gouverneur ; il avait demandé à Mme Denis le 17 août de « parler à Bernard (= Pierre-Joseph Bernard, dit Gentil-Bernard), et de voir si M. le maréchal de Coigny voudrait permettre qu'(il) loge(ât) à Strasbourg dans son hôtel »

iv Chez Cideville, en Normandie ; le 22, lettre explicite :  « Vous renoncez donc à la Normandie. Votre état (=grossesse) l'exige et les sentiments de Cideville l'auraient exigé. »

Par contre, le 11 novembre à Cideville : « On dit que votre campagne est charmante, mais vous en faites le plus grand agrément. Je ne me console pas de n'y pouvoir aller. »

v Pseudonyme de Franz Varrentrapp, imprimeur à Francfort ? Ou Paignon, parent de Mme Denis ?

vi Est-ce Louis XV, comme il le désignait dans d'autres lettres.

vii Terme utilisé par V* pour désigner des distinctions .

viii D'Argenson.

ix Frédéric et Maupertuis.

x Annales de l'Empire.

xi Johann Daniel Schoepflin.

xii   A Francfort ; cf. lettres du 20 juin et 8 juillet 1753.

xiii Il s'agit de réécrire les lettres adressées de Prusse à sa nièce et en faire un recueil vengeur à publier après sa mort (comme prévu aussi pour ses Mémoires) ; il reviendra à plusieurs reprises sur ce projet, réclamant à chaque fois les papiers qu'elle hésite à envoyer. Cf. lettre du 20 décembre.

xiv Jean-Baptiste Rousseau : Lettres sur différents sujets ; cf. lettre à Mme Denis du 12 août 1749.

xv 25 juillet.

xvi  L'Orphelin de la Chine ; il lui reprochera d'avoir « parlé des Chinois » le 18 septembre.

xvii Dans la Diatribe du Docteur Akakia : Maupertuis a « imaginé de connaître la nature de l'âme par le moyen de l'opium et en disséquant des têtes de géants ... » ; « avec de l'opium et des rêves, il modifie l'âme » ; « il espère qu'un peu plus de chaleur et d'exaltation dans l'imagination pourra servir à montrer l'avenir... »

xviii Frédéric, qui écrivait en réalité à sa sœur Wilhelmine le 7 juillet : « J'ai vu la lettre de Voltaire et de la Denis ... Vous ne sauriez croire ... jusqu'à quel point ces gens jouent la comédie ; toutes ces convulsions, ces maladies, ces désespoirs, tout cela n'est qu'un jeu... »

xix   Est-ce encore Frédéric comme dans d'autres lettres ?

xx   V* attribue cette satire à La Beaumelle : Idée de la personne, de la manière de vivre et de la Cour du Roi de Prusse, juin 1752 ; elle vient d'être publiée suivie de deux textes authentiques de V* qui craint donc qu'on ne croie « que tout est de lui » (lettre du 27 août 1753), d'où urgence à fustiger l'auteur de la satire et faire transmettre ce mot à Frédéric.

xxi   Vers envoyés par Sébastien Dupont à V* en août 1753.