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08/04/2011

c'est quelque chose d'avoir fait cinq actes sans amour, quand on est français

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 Volti dit dans cette lettre " Dans quel pays de singes et de tigres êtes-vous !", et ce n'est pas alors un compliment pour la France . Et il a raison . En 1761, oui, en 2011, oui encore, je crois .

La photo qui précède devrait inciter tous les humains à effacer la barrière de ce qu'on nomme races .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

Aux Délices 1er avril [1761]

 

A peine avais-je fait partir mes doléances 1 qu'une lettre de mes anges du 25 mars est venue me consoler et m'encourager . Sur le champ la rage du tripot m'a repris . J'ai déniché un vieil Oreste ; et presto, presto , j'ai fait des points d'aiguille à la reconnaissance d'Oreste et d'Electre, et à la mort de Clytemnestre ; puis étant de sang-froid j'ai écrit la pancarte du privilège, et la requête aux comédiens pour les rôles 2. Et j'envoie le tout à mes chers anges, félicitant mon respectable ami de la guérison de ses deux yeux qui vont mieux que mes deux oreilles . M. d'Argental voit ; et moi je n'entends guère . Surdité annonce décadence . Mais la main va et griffonne .

 

Vous saurez que M. de Lauraguais a fait aussi son Oreste 3, et qu'il est juste qu'il soit joué sur le théâtre qu'il a embelli 4, mais il permet que je passe avant, pour lui faire bientôt place . Sa folie d'être représenté n'est pas une folie nécessaire ; et la mienne l'est . On a eu l'injustice de me reprocher d'avoir traité le même sujet que Crébillon mon maître 5, comme si Euripide n'avait pas fait son Electre après celle de Sophocle . Euripide ne réussit pas comme Sophocle, mais il fut joué ; on ne lui fit pas un crime d'avoir travaillé sur le même sujet, on ne voulut pas le perdre auprès de madame de Pompadour . Mon Pammène ne vaut pas le Palamède de Crébillon . Mais peut-être ma Clytemnestre vaut mieux que la sienne, et c'est quelque chose d'avoir fait cinq actes sans amour, quand on est français . Si Mlle Dumesnil s'imagine que Clytemnestre n'est pas le premier rôle, elle se trompe . Mais il faut que Mlle Clairon soit persuadée que le premier est Electre . Je mets le tout à l'ombre de vos ailes . Signalez vos bontés et vos crédits . Je sais bien qu'on est tombé rudement sur Jean-Jacques 6. Mais ce petit valet de Diogène méritait encore pis . M. de Chimènes et moi nous sommes pire que Bertrand et Raton 7. Je suis le Bertrand . Raton tire mes marrons du feu . Il a amené d'ailleurs avec lui une espèce de secrétaire qui ayant transcrit l’Épître sur l'agriculture 8 se hâta de l'envoyer, avant que mes paquets fussent faits . J'en ai grondé Raton . Vous devez avoir les prémices .

 

Je vous demande en grâce de vouloir bien m'envoyer Tancrède et l'Appel sous l'enveloppe de M. de Courteilles .

 

M. le duc de La Vallière , tout grave auteur qu'il est, m'a donc trompé 9. Voila de la pâture pour les Fréron. Heureusement je connais des sermons tout aussi ridicules que le recueil des Facéties . Et j'en ferai usage pour l'édification du prochain . Pour l'amour de Dieu dites-moi ce que vous pensez de la paix . Pour moi je ne l'attends pas si tôt .

 

Est-il bien vrai que l'abbé Coyer soit exilé 10 et que son approbateur soit en prison ? et pourquoi ? qu'a-t-on donc vu ou voulu voir dans l'Histoire de Dobiesky qui puisse mériter cette sévérité ? S'agit-il de religion ? La fureur du fanatisme a-t-elle put être portée jusqu'à trouver partout des prétextes de persécution ? Que diront nos pauvres philosophes ! Dans quel pays de singes et de tigres êtes-vous ! Mes chers anges, que ne pouvez-vous être les anges exterminateurs des sots ! »

 

1  V* pense sans doute à sa lettre du 19 mars où il se plaint de ne pas avoir vu arriver Lekain, de ne pas avoir eu l'édition de Tancrède et de l'Appel aux nations que celui-ci devait lui apporter, où il se plaint de l'indiscrétion de Prault . Voir page 206 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800358/f212.image.r=.langFR

et Appel à toutes les nations de l'Europe : http://www.voltaire-integral.com/Html/24/33_Appel_a_toutes.html

2  Cette « requête » datée du 30 mars demande « de vouloir bien se prêter aux arrangements des rôles que M. Lekain leur présentera de sa part ... »

3  En réalité la tragédie du comte de Lauraguais et de Clinchamps de Malfilâtre était en réalité intitulée Clitemnestre ; elle ne fut pas représentée ; elle était dédiée à V*. Louis-Léon de Brancas , duc de Lauraguais : http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-L%C3%A9on_de_Brancas

Jacques Clinchamps de Malfilâtre :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Clinchamps_de_Malfil%C3%A2tre

4  Le comte avait débarrassé la scène des spectateurs en offrant une grosse somme aux comédiens ; voir lettre du 6 avril : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html

 

5  En 1708 a été jouée pour la première fois une Electre de Crébillon. « Crébillon mon maître » pourrait être une allusion à l'emploi de cette expression dans l’Épître dédicatoire de Tancrède .

6  Dans ses Lettres sur la Nouvelle Héloïse, de V*, mais signées par Ximènes .

Page 117 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80022x/f122.image.r...

7  Fable de La Fontaine : Le singe et le chat .

8  De d'Alembert .

9  La Vallière avait trouvé une anecdote obscène dans les Orationes seu sermones ou Sermones festivi (1515) de Codrus (pseudonyme de Antonio Urceo) et l'avait envoyé à V* comme appartenant aux « sermons du révérend père Codret » . V* utilisa l'information sans la vérifier dans l'Appel aux nations ..., comme exemple de l’obscénité des prédicateurs . Le duc reconnait dans une lettre du 9 avril 1761, dont il autorise la publication, que c'est lui qui a induit V* en erreur .

Antonio Urceo : http://xavier.hubaut.info/paillardes/gaudeamus.htm

10  Par une lettre d'Helvétius, V* a appris la nouvelle qui est exacte ; l'abbé Coyer a été exilé pour son Histoire de Jean Sobieski, roi de Pologne, pour raisons politiques ; l'approbateur était Charles-Georges Doucet , dit Coqueley de Chaussepierre .

http://books.google.fr/books?id=joc2AAAAMAAJ&printsec=frontcover&dq=Histoire+de+Jean+Sobieski,+roi+de+Pologne&source=bl&ots=U9_hRmaBB8&sig=s2N1cwo9T1G7ZvqVEyCEdjPxzrQ&hl=fr&ei=ziWeTZzLGciHhQfAq_msBA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CBkQ6AEwAA#v=onepage&q&f=false


 

07/04/2011

Vous m'avez mis au désespoir sans pouvoir affaiblir mes sentiments

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« A Marie-Louise Denis

 

6è avril 1768

 

Je reçois, ma chère nièce, les deux procurations, et je réponds tout malade et tout faible que je suis à votre lettre du 1er avril . J'avais à cette date même envoyé à M. Damilaville un gros paquet concernant vos affaires . Il était adressé à M. d'Hornoy . Il y avait une lettre de huit pages pour vous et une autre pour M. de Laleu 1. Je lui ai adressé depuis un nouveau paquet pour le baron de Thun, ministre du duc de Virtemberg . Cette lettre était pour le convaincre et vous aussi que le bruit qu'il a fait courir que son maître m'a payé est très faux . Car quoique l'on ait pris des arrangements pour me payer à l'avenir en commençant au mois de juillet prochain, cependant on n'a pas seulement liquidé le compte de ce qui m'est dû jusqu'à présent . Cette lettre à M. de Thun devait vous faire voir qu'on vous trompe, et que je ne vous trompe jamais . J'ai aussi envoyé à M. d'Hornoy un mémoire qui regarde M. de Brosses 2, et je vous demandais un papier que ce P. de Brosses prétend vous avoir fait remettre il y a plusieurs années par M. Fargès . Ce papier est très important . De Brosses prétend qu'il contient un désistement formel d'une clause infâme qu'il avait glissée dans son contrat, clause par laquelle tous mes effets sans exception devaient lui appartenir, clause subreptice et punissable par les lois . On l'obligerait à se défaire de sa charge si cette infamie était publique . Je me plaignais que vous m'eussiez fait si longtemps un mystère du désistement qu'il prétend vous avoir donné ; et je m'en plains encore . Je priais dans toutes mes lettres M. d'Hornoy d'arranger mes revenus avec M. de Laleu, et de presser un procureur nommé Pinon du Coudray de vous faire payer une somme assez considérable qui doit rentrer au mois où nous sommes . Tous ces paquets ne contenaient que des arrangements pour vous faire toucher exactement votre pension de vingt mille livres indépendamment de M. de Richelieu et de la succession de la princesse de Guise . Vous auriez vu que je n'étais occupé que de vos intérêts et que je rendais à toute ma famille un compte très exact de ma situation .

 

La lettre de huit pages que je vous ai écrite vous marquait à la vérité ma juste douleur sur l'humeur cruelle que vous eûtes avec moi plusieurs jours de suite et à table 3. J'en étais ulcéré, et ma plaie saigne encore, mais le triste état où vous m'avez mis ne m'empêchera jamais de rendre ce que je dois à une si longue et si intime amitié . Il vous échappe quelquefois des traits qui percent le cœur et malheureusement vous me portez dans votre lettre du 25 mars un coup mortel qui n'est point un mouvement d'humeur, et qui n'est que trop réfléchi : je veux quand je verrai le duc de Choiseul pouvoir lui dire que je vous dois tout . Sentez-vous bien ce qu'un tel discours a d’outrageant pour un homme qui assurément ne va pas avec vous, et n'ira jamais au-delà de ses devoirs pour plaire à d'autres qu'à vous seule ? Vous ne doutez pas de l'effet qu'un tel sentiment de votre part a dû faire sur mon cœur profondément blessé . Il est à croire que nous ne nous reverrons jamais, et que je mourrai loin de vous dans ma retraite où je vais m'ensevelir . Mais assurément je ne justifierai pas les défiances outrageantes dont vous avez fait rougir mon amitié . Vous m'avez mis au désespoir sans pouvoir affaiblir mes sentiments .

 

La tracasserie entre Maton et Adam 4 doit vous paraître assez frivole et aussi méprisable qu'à moi . Maton est sensible : elle s'était imaginé très mal à propos qu’Adam insultait à son départ . Adam est un imbécile étourdi qui s'est cru accusé . Il n'a nulle mesure dans l'esprit mais il a le cœur très bon et il ne m'a jamais parlé de vous qu'avec attendrissement . Il faut oublier ces sujets chimériques de chagrin et même les sujets trop réels de ma douleur . Songez à mon âge, à ma faiblesse à mes maladies, pardonnons-nous l'un et l'autre . Les paquets de d'Hornoy vous seront renvoyés . Vous y verrez encore une fois combien j'ai été blessé, combien je vous aime et à quel point j'ai porté mes désirs de vous rendre heureuse . Il ne faut pas que l'humeur gâte ce que l'amitié fait sentir de consolation . »

 

1 Notaire à Paris . Voir lettre du 30 mars , page 86 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80039n/f91.image.r=.langFR

2 Le président de Brosses à qui il a acheté le comté de Tournay-Pregny-Chambésy, et avec qui il a été en procès ; voir lettres de 1761 .

3 Le 4 avril, il écrivait à ses neveux Florian , page 91 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80039n/f96.image.r=...

:

« Vous voyez les tristes effets de l'humeur . Vous savez combien Mme Denis en a montré quelquefois avec nous . Rappelez-vous la scène qu'essuya M. de Florian . Elle m'en a fait éprouver une non moins cruelle ... Je suis persuadé que la cause secrète de ces violences ... était son aversion naturelle pour la vie de la campagne ... »

et à Damilaville le 11 avril : « (La Harpe) avait persuadé Mme Denis de son innocence . Elle me sut très mauvais gré de lui faire perdre dans Mme de La Harpe une complaisante qui pouvait l'amuser pendant l'hiver . C'est à ce sujet que Mme Denis m'a traité bien cruellement ... »

Voir aussi la lettre à Mme Denis du 8 mars 1768 : http://www.monsieurdevoltaire.com/ext/http://voltaireathome.hautetfort.com/

4 La femme de chambre de Mme Denis et le père Adam .

 

 

06/04/2011

Est-ce l'infâme amour-propre dont on ne se défait jamais bien ?

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« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental

 

A Ferney par Genève 6 avril {1759]

 

Mon divin ange, je ne sais par où commencer pour vous répondre sur tous les articles de votre lettre et sur toutes vos bontés . Je cède d'abord aux mouvements du plus noble zèle en apprenant que les blancs-poudrés et les talons rouges ne se mêleront plus avec les Auguste et les Cléopâtre 1. Si cela est, le théâtre de Paris va changer de face . Les tragédies ne seront plus des conversations au bout desquelles on apprendra pour la bienséance tragique qu'il y a eu un peu de sang répandu . On voudra de la pompe, du spectacle, du fracas . J'ai toujours insisté sur ce point trop négligé parmi nous, et puisque enfin on met la réforme dans nos troupes je sens que je pourrai encore servir, non pour aucun ministre, mais pour mes anges ; et si M. le duc de Choiseul est un des anges, il prendra part de ma dernière campagne . Les Fanime sont un peu à l'eau de rose : vous aurez quelque chose de plus fort 2. Mais il faut du secret et du temps 3. Je vous avoue qu'il ne serait pas mal de consoler et d'encourager ma languissante vieillesse en faisant jouer Rome sauvée et Oreste . Est-ce l'infâme amour-propre dont on ne se défait jamais bien ? Est-ce confiance en quelques pédants étrangers, amateurs passionnés de ces deux drames, qui me fait désirer de les voir reparaitre ? Vous savez que votre inconstante ville de Paris m'a tantôt honni tantôt flatté, qu'il y a des temps malheureux, des temps heureux, et peut-être voici le bon temps .

 

 

A vous seul ce qui suit

 

Il y a deux mois que ce fripon de roi de Prusse m'écrit tous les huit jours . Il veut absolument que j'imprime cette ode pour sa sœur que j'aimais véritablement et qu'il fait semblant de regretter . A la bonne heure . Je l'imprimerai et même avec un peu de prose et remarquez que ni dans les vers ni dans la prose ce fripon de héros n'est point loué du tout . Remarquez encore que le tout sera daté du 18 février 4. Ce dix-huit février est très important . Et pourquoi ? Me direz-vous . C'est à cause du 22 mars . Et que fait ce 22 mars ? C'est que le 22 mars le résident de France était chez moi 5. Motus . Chut . Il arrive un gros paquet de Frédéric . Chacun est empressé, chacun ouvre les yeux . Il était très visible que le paquet avait été ouvert sur la route et recacheté, il  venait de Breslau . Il contenait une lettre tendre par laquelle il m'offrait toujours cette clef qui n'ouvre rien, ce cordon qui sied si mal à un homme de lettres 6, vingt mille francs de pension dont je n'ai que faire, et son amitié dont je suis désabusé . Il aurait mieux fait de réparer à l'image de la margrave les indignes outrages faits à ma nièce 7 plus déshonorants pour lui que sensibles pour elle . Après cette lettre venait l'oraison funèbre d'un maître cordonnier 8 dans laquelle il se moque assez plaisamment de quelques rois ses confrères, puis une grande épître en vers dignes d'un bel esprit de café, puis une ode au prince Henri, et enfin une autre ode au prince Ferdinand de Brunswik, intitulée La Fuite des Français . Jusque là tout va bien . Il a raison de se moquer de nous . Mais il y a deux strophes contre le roi, et contre les siens, mais deux strophes terribles, qui respirent la plus violente haine, le plus cruel mépris, les plus sensibles outrages 9. Nous restons confondus ma nièce, le résident et moi . Malheureusement ces deux strophes sont ce qu'il a fait de moins mauvais en sa vie ; on sait que mon métier a été de corriger ses œuvres ; on craint qu'on ne m'impute d'avoir mis une virgule à cet écrit . Le roi de Prusse donne toujours trois ou quatre copies de ce qu'il fait . Le résident qui est sûr que le paquet a été décacheté n'hésite pas, il conclut avec ma nièce et avec moi qu'il faut l'envoyer à M. le duc de Choiseul avec la lettre de Frédéric le grand et le fou, et avec la réponse que je lui fais, réponse par laquelle je lui déclare que je n’accepte aucune de ses faveurs ; le résident envoie le tout .

 

Voila, mon très cher ange, à quel point nous en sommes . J'ai écrit de mon côté à M. le duc de Choiseul 10, car je mourais de peur d'avoir reçu le paquet . Comment donner dans ces circonstances l'éloge de la sœur quand je suis sûr qu'on déteste le frère et qu'on a raison de le détester ? Souvenez-vous donc des dates du 18 février, et du 22 mars afin que je ne sois pas pendu comme Pangloss . Les vers contre le roi, contre ce qu'il aime, contre la nation sont si offensants, si humiliants que M. le duc de Choiseul ne les aura pas montrés . Mais il aura sans doute averti le roi des sentiments du marquis de Brandebourg, et peut-être même de mes refus . Ce dernier point me plairait beaucoup et me pourrait même servir un jour, si je vais faire un tour à Paris à quatre-vingts ans. 11»

 

 

1 Les petits-maîtres ne seront plus admis sur la scène de la Comédie Française, ceci à partir du 13 avril 1759, le comte de Lauraguais ayant offer tune grosse somme pour dédommager les Comédiens . Le Comte, incité par ses amis Lekain, sociétaire actif de la Comédie Française, et Voltaire, loue les sièges et banquettes placés sur le plateau. Ensuite, il les fait démonter, ce qui permet les grands décors en perspective des tragédies et l’ameublement des comédies de plus en plus réalistes .

2 Tancrède . V* a pensé à utiliser l'espace libéré sur scène : « ... que je fus aise quand j'appris que le théâtre était purgé de blsncs-poudrés, coiffés au rhinocéros et à l'oiseau royal ! Je riais aux anges en tapissant la scène de boucliers et de gonfanons » écrira-t-il à la comtesse d'Argental le 18 juin : page 260 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f265.image.r=tome+37.langFR

et lettre du 19 mai : page 248 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f253.image.r=tome+37.langFR

3 Il dira que sa pièce, malgré ses 66 ans, a été écrite en trois semaines comme autrefois Zaïre ; voir lettre du 19 mai .

4 V* a envoyé son Ode sur la perte que l'Allemagne a faite de Son Altesse Royale Mme la margrave de Bareith au margrave avec un billet daté du 17 février 1759 ; voir page 218, lettre à Frédéric-Guillaume : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f223.image.r=.langFR

Frédéric lui avait demandé de la composer le 23 janvier .

Voir page 208 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f213.image.r=tome+37.langFR

5 Dans ses Mémoires, V* dira qu'il a appelé le résident , M. de Montpéroux . Sur le manuscrit, 22 semble ajouté après coup .

6 La clef de chambellan et le cordon de l'Ordre du mérite prussien . On ne trouve pas ces offres précises dans les lettres de Frédéric ; on y verrait peut-être une réponse à une demande de V*.

7 Allusion renouvelée aux avanies de Francfort, où elle avait été « trainée dans le ruisseau » jusqu'à la prison ... en 1753 ; voir lettres du 20 juin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/21/nous-avons-douze-soldats-aux-portes-de-nos-chambres.html

et 8 juillet 1753 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/07/08/b69f85f3f4bb3d0eb001b2c5347a626a.html

8 Deux lettres du roi sont amalgamées ici, celle à laquelle répond V* le 22 mars (voir lettre ci-dessus) et celle du 2 mars (de Breslau) à laquelle il répond le 27 et qui contient les fameux vers : page 223 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f228.image.r=.langFR

9 Extrait de ces strophes , citées dans ses Mémoires par V* : « Je vois leur vil assemblage / Aussi vaillant au pillage / Que lâche dans les combats / ... Quoi votre faible monarque , / Jouet de La Pomadour , / Flétri par plus d'une marque / Des opprobres de l'amour ... / Au hasard remêt les rênes / De son empire aux abois / ... ».

10 Ministre des Affaires étrangères de puis 1758 ; V* a pour habitude d'écrire : Choiseuil .

11 Cela va lui permettre surtout d'obtenir de Choiseul le brevet des droits seigneuriaux sur Ferney .

05/04/2011

J'ai toujours un petit malheur, c'est que les choses les plus innocentes que j'écris sont presque toujours défigurées, falsifiées, et deviennent de petits poignards dont on veut me percer

 

 http://www.deezer.com/listen-9931164   Pas terrible, me direz-vous ! Je suis entièrement d'accord . N'est pas Chopin qui veut ....

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 Allons, encore un petit coup ... de poignard dans les oreilles :  http://www.deezer.com/listen-7847026

 Et pour vous achever, si vous fuyez, un Coup de poignard dans le dos (c'est lâche ! oui, mais il ne fallait pas fuir devant le danger ! ) : http://www.deezer.com/listen-8766629

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

5è avril 1776

 

Mon cher ange, ce vieux bonhomme vous fatigue de vers et de prose . J'ai toujours un petit malheur, c'est que les choses les plus innocentes que j'écris sont presque toujours défigurées, falsifiées, et deviennent de petits poignards dont on veut me percer . Je vous soumets la véritable lettre que j'ai écrite au roi de Prusse en dernier lieu 1, et dont malheureusement il a couru des copies très informes . S'il vous prend fantaisie de mettre cette copie véritable dans des mains sures qui puissent en faire un usage agréable, je vous serai très obligé . On connaitra deux choses, la manière dont je suis avec ce singulier monarque, et la manière dont je pense sur le temps présent . Qui sait si ces deux choses bien connues ne pourraient pas m'enhardir à faire quelque jour un petit tour à l'ombre des ailes de mon cher ange ? Il serait fort plaisant, à mon gré, que je vinsse dans ma quatre-vingt-troisième année vous embrasser en poste à la barbe des Pasquier et des Séguier 2. Il me semble que le maréchal de Richelieu n'a pas été traité bien favorablement dans la cour des pairs 3. J'ai bien peur que les neveux de Mme de Saint-Vincent, et le major, et les autres qui ont été emprisonnés à sa réquisition, et à ses risques, périls, et fortune , ne demandent de gros dommages, et de grandes réparations . Voilà une triste aventure . Le vainqueur de Mahon et de tant de belles femmes finit désagréablement sa carrière . Heureux qui sait rester en paix chez soi !

 

Serait-il bien vrai , mon cher ange, que l'auteur du Portier des Chartreux fût l'auteur du discours qu'a prononcé M. d'Aligre 4? Ce portier n'aurait-il pas mieux fait de s'en tenir à la règle de Saint Bruno qui ordonne le silence ? »

 

1 Lettre du 2 avril où V* fait l'éloge de Louis XVI et du gouvernement, et dont un passage est cité dans sa lettre du 23 mars à Vasselier :                  http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/03/29/il-etait-a-craindre-que-le-peuple-ne-se-revoltat-parce-qu-on.html

2 Dont les réquisitoires ont entrainé des condamnations par le parlement .

Pasquier : dans l'affaire du chevalier de La Barre, Voltaire est clairement visé durant le procès par le rapport du conseiller Pasquier qui appelle l’autodafé du « Dictionnaire philosophique » mais aussi l’éradication de son auteur « que Dieu demande en sacrifice ».

Antoine-louis Séguier : http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine-Louis_S%C3%A9guier

3 La cour des pairs avait libéré Mme de Saint-Vincent, accusée d'avoir fait de faux billets au nom de Richelieu, et avait ordonné un nouvel examen du dossier ;                                                           voir lettres à d'Argental du 5 septembre 1774 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/05/2...

et                                                                                                                                              24 novembre 1774 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/23/vous-verrez-ce-que-peut-encore-un-jeune-homme-de-quatre-ving.html

 

4 Le 25 mars, V* a écrit dans les mêmes termes à De Lisle qui a noté sur le manuscrit : « M. d'Aligre (premier président) prononça, au lit de justice pour l'abolissement des corvées, un discours (contre les édits) composé, disait-on, par un avocat nommé Gervaise, auteur du livre infâme intitulé Le Portier des Chartreux. »

Marquis Etienne-François d'Aligre : voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_Fran%C3%A7ois_d...                              et :                                                                                                             http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_des_Vaux...

Jean-Charles Gervaise de La Touche : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Charles_Gervaise_de_Lat...                                                                                                   et :                                                                http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Portier_des_Chartreux

 

 

04/04/2011

Il me semble que c'est une chose assez aisée de faire retarder les affaires ; voilà de toutes les grâces la plus facile à obtenir

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Ce titre est choisi en pensant très fortement à Mme Lagarde, ministre d'Etat en mauvais état, au bronzage inoxydable, copie conforme de ceux de Nanard le bienheureux  et Jacques Séguela, grands menteurs devant l'Eternel . Elle a écrit :  La politique est-elle esclave de la finance ?, (avec Jean-Paul Fitoussi), et moi je reponds et écris : "oui", et vous n'êtes pas un exemple pour changer cet état de choses .

Ah ! qu'il est aisé de disposer de l'argent du citoyen pour le mettre au Tapie .

Madame, vous croyez vous à une table de poker ? Pour faire tapis, il faut être crédible . Et moi, je ne vous crois pas . Vos menaces sont du bluff .

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Vos menaces ne sont qu'une censure déguisée du voile de la légalité .

La censure :  http://www.deezer.com/listen-2148317

 

PS . (oui, je sais, vu le contexte, que vient faire le PS ici ? ):Message aux résistants : " Le peuple, ici le peuple : Lallouette vole de ses propres ailes, je répète, Lallouette vole de ses propres ailes "

 

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« A Jean Dumas d'Aigueberre 1

 

J'ai été bien malade, mon cher ami, j'ai fait parler à M. de La Houssaye 2 comme vous me l'avez ordonné . Il me semble que c'est une chose assez aisée de faire retarder les affaires ; voilà de toutes les grâces la plus facile à obtenir . Je n'ai point vu M. l'abbé Berth, qui devait m’expliquer tant de choses , je ne sais où le déterrer . Si vous me mandez sa demeure, j'irai chez lui . Vous savez si j'ai de l'empressement à vous obéir . Notre Mérope n'est pas encore imprimée . Je doute qu'elle réussisse à la lecture autant qu'à la représentation . Ce n'est point moi qui ai fait la pièce, c'est Mlle Dumesnil . Que dites-vous d'une actrice qui fait pleurer le parterre pendant deux actes de suite ? Le public a pris un peu le change, il a mis sur mon compte une partie du plaisir extrême que lui ont fait les acteurs et la séduction a été au point que je n’ai pu paraître à la comédie qu'on ne m’ait battu des mains 3. Cette faveur populaire m'a un peu consolé de la petite persécution que j'ai essuyée de M. l'évêque de Mirepoix 4. L’Académie, le roi et le public m'avaient désigné pour avoir l'honneur de succéder à M. le cardinal de Fleury, parmi les quarante . Mais M. de Mirepoix n'a pas voulu, et il a enfin trouvé après deux mois et demi un évêque 5 pour remplir la place qu'on me destinait . Je crois qu'il convient à un profane comme moi de renoncer pour jamais à l'Académie, et de m'en tenir au bontés du public, mais il y a encore quelque chose de plus précieux que cette bienveillance peut-être passagère, c'est l'amitié constante d'un cœur comme le vôtre .

 

Les lettres sont ici plus persécutées que favorisées . On vient de mettre à la Bastille l'abbé Lenglet pour avoir publié des Mémoires déjà connus qui servent de supplément à l'Histoire de M. de Thou 6; il a rendu un très grand service aux bons citoyens, et aux amateurs des recherches sur l'histoire, il méritait des récompenses, et on l'emprisonne à l'âge de soixante et huit ans .

 

Insere nunc Meliboee piros ! pone ordine vitis 7.

 

Mme du Châtelet vous fait mille compliments ; elle marie sa fille, comme je crois vous l'avoir mandé, à M. le duc de Montenero, Napolitain au grand nez, à la taille courte, à la face maigre et noire, à la poitrine enfoncée ; il est ici et va vous enlever une Française aux joues rebondies . Vale et me ama .

 

V.

 

A Paris ce 4 avril 1743. »

 

Jean du Mas d'AIGUEBERRE [1692 - 1755,Toulouse]. Cet auteur était conseiller au parlement de Toulouse, il a fait trois pièces de théâtre, qui sont les Trois spectacles ; le Prince de Noisy, et Colinette. Il donna la première en 1729, et est mort au mois de juillet 1755, à Toulouse.

Intendant des finances .

3   La pièce avait été jouée le 20 février 1743 ; Barbier a fait le récit du succès de V* .

4   Boyer qui a fait obstacle à son élection à l'Académie ; de même que Languet de Gergy, archevêque de Sens et aussi Maurepas .

5   Paul-Albert de Luynes, évêque de Bayeux élu à l'unanimité le 22 mars 1743, et reçu le 16 mai .

6   Lenglet du Fresnoy ; Mémoires servant d'éclaircissement et de preuves à l'Histoire de M. de Thou . Tome 6è, ou Supplément ..., 1743 .

http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Lenglet_Du_Fresnoy

7   Greffe maintenant, Mélibée, des poiriers ! aligne des vignes .

03/04/2011

quoique enfin j'eusse bien des choses à vous dire sur tout cela

Et bien, je ne dirai rien, n'en pensant pas moins, comme vous le savez !

 

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« A Jean de Vaines

 

3è avril 1776

 

Je n'interromprai point aujourd'hui, Monsieur, vos occupations pour vous écrire deux pages, quoique je sois encore tout plein des édits 1, des remontrances, des pères de la patrie 2, et de la chanson qui court les rues :

ô les fichus pères, ô guai !

ô les fichus pères ! 3

quoique je vienne de lire les Mémoires de Sully, et que je ne fasse nulle comparaison entre Sully second 4, et Sully premier ; quoique enfin j'eusse bien des choses à vous dire sur tout cela .

 

Permettez-moi, Monsieur, de mettre dans votre paquet cette lettre pour M. le marquis de Condorcet.

 

Conservez toujours vos bontés pour le vieux malade .

 

V. »

 

2 Il s'agit des membres du parlement qui avaient fait des remontrances en particulier sur l'abolition des corvées ; il avait fallu la tenue d'un lit de justice, le 12 mars, pour faire enregistrer les édits de Turgot .

3 Ecouter : http://www.youtube.com/watch?v=2j50oU6cy1w ,en corrigeant la date 1776 et non 1784 .

4 Turgot.

Voir la lettre à Dupont de Nemours du même jour : page 193 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80042j/f198.image.r=45.langFR

 

02/04/2011

Il faut punir les insolents : mordieu .

 

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 http://www.deezer.com/listen-2714538

 

 

« A Gabriel Cramer

 

[vers le 1er avril 1760]

 

Lécluze est arrivé ; il est fort drôle 1. Il n'y a qu'une faute au Quand 2. Il faut punir les insolents : mordieu . Jeanne est prête 3. Il y a seulement trois ou quatre pompons qui manquent . Pierre 4 attendra, tant mieux . »

 

1 Louis Lécluze de Tilloy qui est ainsi présenté par V* le 5 avril : « Il était le meilleur acteur de l'Opéra-Comique ; on a assassiné son fils à Bâle . Cela n'empêche pas le père de donner tous les jours à table des espèces de parades à mourir de rire ... Il représente la nation, elle rit de ses pertes. »

http://gatinais.histoire.pagesperso-orange.fr/LEcluse.htm

3 La Pucelle ; le 2 avril, V* envoie deux chants à d'Argental .

http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre957.html#page_1