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15/04/2011

je vous prie de me faire canoniser au plus vite : cela ne coûtera que cent mille écus

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L'amour vache ?

Auréoles sans taches :

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« A Frédéric II, roi de Prusse

 

A Ferney, 27 avril [1770]

 

Sire,

Quand vous étiez malade je l'étais bien aussi, et je faisais même tout comme vous de la prose et des vers, à cela près que mes vers et ma prose ne valaient pas grand-chose ; je conclus que j’étais fait pour vivre et mourir auprès de vous, et qu’il y a eu du malentendu si cela n'est pas arrivé .

 

Me voila capucin pendant que vous êtes jésuite i, c'est encore une raison de plus qui devait me retenir à Berlin ; cependant on dit que frère Ganganelli a condamné mes œuvres ii, ou du moins celles que les libraires vendent sous mon nom .

 

Je vais écrire à Sa Sainteté que je suis très bon catholique, et que je prends Votre Majesté pour mon répondant .

 

Je ne renonce point du tout à mon auréole ; et comme je suis près de mourir d'une fluxion de poitrine, je vous prie de me faire canoniser au plus vite : cela ne coûtera que cent mille écus iii; c'est marché donné .

 

Pour vous, Sire, quand il faudra vous canoniser, on s’adressera à Marc-Aurèle . Vos Dialogues iv sont tout à fait dans son goût comme dans ses principes : je ne sais rien de plus utile . Vous avez trouvé le secret d'être le défenseur, le législateur, l'historien et le précepteur de votre royaume ; tout cela est pourtant vrai ; je défie qu'on en dise autant de Moustapha . Vous devriez bien vous arranger pour attraper quelques dépouilles de ce gros cochon : ce serait rendre service au genre humain .

 

Pendant que l'empire russe et l'empire ottoman se choquent avec un fracas qui retentit jusqu'aux deux bouts du monde, la petite république de Genève est toujours sous les armes ; mon manoir est rempli d'émigrants qui s'y réfugient v. La ville de Jean Calvin n'est pas édifiante pour le moment présent .

 

Je n'ai jamais vu tant de neige et tant de sottises . Je ne verrai bientôt rien de tout cela, car je me meurs .

 

Daignez recevoir la bénédiction de frère François et m'envoyer celle de saint Ignace .

 

Restez un héros sur la terre, et n'abandonnez pas absolument la mémoire d'un homme dont l'âme a toujours été aux pieds de la vôtre . »

 

i Le 6 avril, Frédéric lui écrit : « ... j'apprends que les capucins vous ont choisi pour leur protecteur .. je ne vous le cède pas car les jésuites m'ont pris pour le leur, et si je les soutiens chez moi, St Ignace et St Xavier n'ont qu'à trembler que je ne fourre dans leur niche que St Voltaire et St Frédéric » .

V* dit dans le Précis du siècle de Louis XV que Frédéric a accueilli les jésuites chassés des autres pays parce qu'il les jugeait utiles à l'enseignement des belles lettres et qu'il était assez puissant pour ne pas les redouter . Voir fin du chapitre XXXIII : http://www.voltaire-integral.com/Html/15/12PRECFI.html#i39

ii Dans un bref daté du 1er mars 1770 .

iii Voir sa Canonisation de Saint Cucufin . http://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_Cucufin

Page 255 et suivantes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5781462p/f268.image...

iv Dialogue de morale à l'usage de la jeune noblesse, envoyé le 6 avril à V* . Voir page 158 : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-201476&...

14/04/2011

j'ai toujours détesté et méprisé des monstres noirs et insolents, ennemis de la raison et du roi

A tous ceux que certains mariages princiers à venir intéressent et qui se demandent pourquoi ceux-là ont choisi de  s'unir, Volti donne cette réponse ( à mettre au pluriel) : "Ce mariage-là n'est pas tout à fait selon les canons, mais il est selon la nature dont les lois sont plus anciennes que le concile de Trente . "

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

1er avril 1772

 

Mon cher ange a sans doute reçu la lettre écrite au quinque i, et je ne puis rien ajouter au verbiage de M. du Roncel ii. Vraiment je vous enverrai tant de neuvièmes iii que vous voudrez, mais comment, et par où ? Les clameurs commencent à s'élever iv, et il y a des personnes qui n'osent pas voyager . Si vous ne trouvez pas une voie, vous qui habitez la superbe ville de Paris, comment voulez-vous que j'en trouve, moi qui suis chez les antipodes dans un désert entouré de précipices ?

 

Vous m'avez ôté un poids de quatre cents livres qui pesait sur mon cœur, en me disant que M. d'Albe v avait toujours de la bonté pour moi . Mais ce n'est pas assez, et je mourrai certainement d'une apoplexie foudroyante s'il n'est pas persuadé de mon inviolable attachement, et de la reconnaissance la plus vive que ce cœur oppressé lui conserve . L'idée qu'il en peut douter me désespère . Je l'aime comme je l'ai toujours aimé vi, et autant que j'ai toujours détesté et méprisé des monstres noirs et insolents, ennemis de la raison et du roi vii.

 

Florian viii qui pleurait ma nièce, et qui est venu chez moi toujours pleurant, a trouvé dans la maison une petite calviniste assez aimable et au bout de quinze jours il est allé se faire marier vers le lac de Constance par un ministre luthérien ix. Ce mariage-là n'est pas tout à fait selon les canons, mais il est selon la nature dont les lois sont plus anciennes que le concile de Trente .

 

Est-il vrai que M. le duc de La Vrillière se retire ? J'en serais fâché x, il m'a témoigné en dernier lieu les plus grandes bontés . Ayez celle de me mander si vous voyez déjà des arbres verts aux Tuileries, des fenêtres de votre palais . Je me mets de ma chaumière au bout des ailes de mes anges, avec effusion de cœur . »

 

i V*, dans des lettres précédentes parlait d'un quatuor d'experts en théâtre : les d'Argental, Thibouville et sans doute Chauvelin ; s'y ajoute alors Praslin (exilé à Praslin) ou Pont-de-Veyle, frère de d'Argental.

ii Le « jeune avocat du Roncel », auteur prétendu des Lois de Minos . http://www.voltaire-integral.com/Html/07/04MINOS.html

iii Les tomes IX des Questions sur l'Encyclopédie .

iv Le 26 mars, le Consistoire de Genève a décidé de prendre des mesures contre la publication des Questions sur l'Encyclopédie .

v Indication codée pour le duc de Choiseul .

vi Sur ses relations avec Choiseul depuis sa disgrâce, voir lettres aux d'Argental, à la duchesse de Choiseul, à Mme du Deffand, à La Ponce depuis janvier 1771.

Sur les « doutes » des Choiseul, voir le passage d'une lettre de la duchesse cité dans une note de la lettre à de La Ponce de mars 1771 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/10/un-moment-a-tout-detruit-nous-n-avons-a-present-qu-une-persp.html

vii L'ancien parlement de Paris ; V* approuvant la réforme Maupéou, ce qu'admettent difficilement les Choiseul et leurs alliés .

viii Second mari de Marie-Elisabeth de Fontaine, nièce de V*, morte récemment .

ix Florian épousa Mme Rilliet, divorcée d'un huguenot, huguenote . V* le 28 janvier, avait écrit au cardinal de Bernis pour lui faire demander une permission au pape : il promettait la conversion de la jeune femme ... après la mariage ; la requête ne fut pas agréée .Voir page 402 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80040v/f407.image.r=.langFR

x V* lui avait demandé de protéger sa colonie de Ferney et la fondation de Versoix comme l'avait fait Choiseul ; La Vrillière avait alors accepté .

 

 

 

13/04/2011

Le plus grand malheur qui puisse arriver à un honnête homme est d'être soupçonné

"il n’y a  que le diable qui ne pardonne point"

http://www.deezer.com/listen-7413237   Comprenne qui peut !

diable musulman 1664_001947.jpgCe qui ne m'étonne pas du tout !

Combien sont des diables pour leurs semblables ?

Quand je lis des énormités pareilles à celle qui figure ci-dessus , je suis partagé entre le rire et une énorme frustration , celle de ne pas donner un énorme électrochoc du pauvre (coup de pied occulte !! ) à ceux qui croient  de telles coïonneries .

Le messager de Dieu, - selon Jaber (qui le tient du fils de la concierge du cousin de la tante à Jules ! )-  a l'air d'avoir été assez intime avec le chef des  diables pour avoir été à sa table, et assez mauvais invité pour critiquer celui qui le recevait . D'abord ce n'est pas beau de rapporter ! Na !!

Mouslim (La Purée pour les intimes) , fidèle d'entre les fidèles, intégriste parmi les intégristes, borné et crédule, intolérant, peut donc devenir manchot, à condition que ce soit du bras gauche . Sinon, la privation du bras droit le condamne inexorablement à la mort de faim et soif . Dommage ?! Ou pas ?

Continuez, chers frères musulmans, à vivre dans la crainte de déplaire à Mohamed ,- susdit scribe de Dieu,- la peur au ventre et le front à terre . Il aurait été plus simple, -mais la simplicité peut-elle exister  dans une quelconque religion-, d'avouer que traditionnellement une grande part des habitants de ce monde , y compris arabe, se torche traditionnellement les fesses avec les doigts de la main gauche, d'où, pour question de salubrité, la prescription de l'usage de la main droite seule pour s'alimenter .

Dieu vous garde, s'il le veut bien encore !

Je ne vous envierai jamais, et au diable votre paradis qu'on ne gagne que par l'esclavage de la pensée et du corps .

Ecoutez attentivement cet homme aimant et aimable, Charles Trenet , qui sera mal vu par l'Eglise apostolique et romaine (et qui serait peut-être lapidé en monde musulman ? ) ! il chante et ne condamne pas ! il chante : "Pardon" :  http://www.deezer.com/listen-3588621   et aussi : "Je n'irai pas à Notre Dame" : http://www.deezer.com/listen-3588619

Moi, roumi de base, je garde l'usage de tous mes membres pour tout ce que Dieu a prévu dès l'origine, sans distinguo de latéralité ; in medio stat virtus .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

 

1er avril 1768

 

Mon cher ami, je reçois votre lettre du 26 mars. Votre sensibilité me pénètre. L'aventure de La Harpe a des suites bien désagréables . Malheur à la célébrité ! On a mis contre lui et contre moi dans la Gazette d'Utrecht un article abominable i. Cela est fait par quelques-uns de ces polissons de Paris qui sont aux gages des gazetiers étrangers , et qui leur fournissent des calomnies contre les particuliers , ne sachant pas un mot des affaires publiques . On dit dans cette Gazette d’Utrecht du 11 mars que La Harpe m'a volé Le Catéchumène et l'a fait imprimer . C'est là une des moindres douceurs de cet article . Je suis tous les jours en butte aux plus affreuses calomnies . Vous savez bien de qui est ce Catéchumène ii. C'est un ouvrage très médiocre dans lequel il y a quelques plaisanteries ; c'est une viande au gros sel . Peut-on supporter un voyageur qui est étonné de voir un temple, et qui est tout surpris que ce temple ait des portes qu'on ouvre et qu'on ferme ? Cependant on ose m'attribuer cent ouvrages dans ce goût, et enfin je puis en être la victime .

 

Le baron d'Holbach fait venir tous ces rogatons de Hollande . On ne manque pas chez lui de me les imputer et ces bruits courent dans tout Paris . Vous allez quelquefois dans sa maison ; je me recommande à vous, et je vous supplie de détourner les coups qu'on m'y porte .

 

Le correspondant qui m'a fait votre éloge iii, dont vous êtes si content, ne serait pas lui-même en état de me sauver si l'imposture m'attaquait avec des armes contre lesquelles il n'y a point de bouclier .

 

Vous me mandâtes il y a près d'un mois qu'on avait dit que chez le baron d'Holbach ma lettre à mon neveu sur La Harpe avait été lue devant vingt personnes . Il est vrai qu'on l'a dit, mais il est vrai aussi que jamais cette lettre n'y a été lue .

 

Comptez que le public ne fait que mentir . Comptez encore qu'il n'y a pas un mot de vrai dans la prétendue histoire de L’Honnête criminel, puisque Favre lui-même m'a écrit, m'a envoyé le procès-verbal, m'a prié d'envoyer un placet à M. le comte de Beauvau et qu'assurément je suis plus instruit que personne de cette affaire iv. Comptez que je sais très bien ce qui se passe . Comptez surtout qu'on est très irrité contre ces misérables brochures dont on est inondé . Le plus grand malheur qui puisse arriver à un honnête homme est d'être soupçonné et que les seuls soupçons peuvent conduire aux extrémités les plus funestes .

 

La Harpe m'a fait bien du mal v, mais il m'en a demandé pardon ; il m'a tout avoué avec componction ; il n’y a  que le diable qui ne pardonne point . J'ai dû le gronder, mais je ne dois point le laisser en proie aux outrages qu'on lui fait dans les gazettes vi.

 

Adieu, mon très cher ami, la vertu et votre amitié me consolent de tout .

 

Je ne vois pas ce que la calomnie peut m'imputer sur Mme Denis . Je lui donne vingt mille francs de pension . Je lui en ai assuré trente-cinq mille . La petite Corneille a eu plus de quarante mille écus en mariage . Si on vend Ferney, tout le prix de la terre sera pour Mme Denis . J'ai donné à mes autres parents tout ce que j'ai pu . J'en suis fâché pour la calomnie . »

 

i Dans une « Nouvelle de Paris » , datée du 11 mars, parue dans la Gazette du 18 ; V* protestera dans Le Mercure de France et La Harpe dans L'Avant-Coureur .

ii Le Catéchumène, 1768, n'est effectivement pas de V*, mais sans doute de Charles Borde .

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1230116.r=.langFR

iii Sans doute le duc de Choiseul .

iv En transmettant aux éditeurs de Kehl une lettre de V* du 11 avril,

voir page 95 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80039n/f100.image.r=.langFR

Fenouillot de Falbaire n'écrira pas la même chose à propos de l'histoire « du jeune Fabre »;

et voir lettre du 2 mars 1768 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/02/i...

v Voir lettres depuis le 1er mars 1768 à Mme Denis, Damilaville, à d'Alembert .

vi Le 31 mars, V* écrit au Mercure de France : « On articule dans cette gazette (d'Utrecht) des procédés avec moi dans le séjour qu'il (La Harpe) a fait à Ferney . La vérité m'oblige de déclarer que ces bruits sont sans aucun fondement et que tout l'article est calomnieux d'un bout à l'autre ... »

12/04/2011

Le plaisir du secret, de l'incognito, de la surprise est quelque chose

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http://doctorgurgul.deviantart.com/art/Droit-de-Seigneur-...

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

Aux Délices 12 avril 1760

 

Mon divin ange, je suis bien faible, je vieillis beaucoup ; mais il faut aimer le tripot i jusqu'au dernier moment . Voici une pièce de Jodelle ajustée par un petit Hurtaud ii que je vous envoie ; mais vous comprenez bien que je ne vous l'envoie pas, et que jamais on ne doit savoir que vous vous êtes mêlé de favoriser ce petit Hurtaud . Je pense que cela vaut mieux que de donner ces chevaliers iii qui malheureusement passent pour être de moi . Le plaisir du secret, de l'incognito, de la surprise est quelque chose . Vous savez ce que c'était que le droit du seigneur . Je ne l'ai pas dans mes terres, et il ne me servirait à rien . Il me parait que ce petit Hurtaud a traité la chose avec décence . J'ai seulement remarqué dans la pièce le mot sacrement . J'ignore si ce droit divin peut passer dans une comédie sans encourir l'excommunication majeure . Je ne suis pas assez hardi pour corriger les vers d'Hurtaud, mais on peut bien mettre votre engagement au lieu de votre sacrement iv; c'est, je crois, au premier acte autant qu'il peut m'en souvenir .

 

Mettrez-vous M. le duc de Ch. v dans la confidence ? Je le crois à présent plus occupé des Anglais que de ce qui se passait sous Henri second ?

 

Mon cher ange, nous parlerons une autre fois des chevaliers . Je crois que monsieur votre frère vi a raison de ne pas trop aimer Médime ou Fanime . Mais comment va la santé de Mme Scaliger vii? Voila le point essentiel .

 

Mon divin ange, vous êtes pour moi le démon de Socrate . Mais son démon se bornait à le retenir, et vous m'inspirez .

 

V. »

 

i = Le théâtre.

ii C'est Le Droit du seigneur, de V* ; ce droit est bien sûr le « droit de cuissage » ou « jus primae noctis ».

iii Tancrède.

iv Ac. I, sc. 1 : sur les deux manuscrits qui portent l'Approbation officielle, « sacrement » est remplacé par « engagement » au dessus de la ligne, mais toutes les éditions portent « sacrement ».

LE BAILLIF.

Oui; mais Colette à votre sacrement(13),
Mons Mathurin, peut mettre empêchement...

Voir note 13 : http://www.voltaire-integral.com/Html/06/01LEDROI.htm

v Le duc de Choiseul .

vi M. Pont de Veyle .

vii La comtesse d'Argental .

11/04/2011

j'ai été occupé à éviter deux choses qui me poursuivaient dans Paris : les sifflets et la mort

 A celui qui a "échappé  à deux maladies mortelles " :  L'Immortalita :   http://www.deezer.com/listen-209290

 

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« A Frédéric II, roi de Prusse

 

A Paris, le premier d'avril [1778]

 

Sire,

Le gentilhomme français qui rendra cette lettre à Votre Majesté, et qui passe pour être digne de paraître devant elle, pourra vous dire que si je n'ai pas eu l'honneur de vous écrire depuis longtemps, c'est que j'ai été occupé à éviter deux choses qui me poursuivaient dans Paris : les sifflets et la mort .

 

Il est plaisant qu'à quatre-vingt-quatre ans j'aie échappé à deux maladies mortelles . Voila ce que c'est que de vous être consacré : je me suis renommé de vous, et j'ai été sauvé .

 

J'ai vu avec surprise et avec une satisfaction bien douce , à la représentation d'une tragédie nouvelle i, que le public qui regardait, il y a trente ans, Constantin et Théodose comme les modèles des princes et même des saints, a applaudi avec des transports inouïs à des vers qui disent que Constantin et Théodose n'ont été que des tyrans superstitieux ii. J'ai vu vingt preuves pareilles du progrès que la philosophie a fait enfin dans toutes les conditions . Je ne désespérerais pas de faire prononcer dans un mois le panégyrique de l'empereur Julien ; et assurément si les Parisiens se souviennent qu'il a rendu chez eux la justice comme Caton, et qu'il a combattu pour eux comme César, ils lui doivent une éternelle reconnaissance .

 

Il est donc vrai, Sire, qu'à la fin les hommes s'éclairent, et que ceux qui se croient payés pour les aveugler ne sont pas toujours les maîtres de leur crever les yeux ! Grâces en soient rendues à Votre Majesté ! Vous avez vaincu les préjugés comme vos autres ennemis ; vous jouissez de vos établissements en tout genre . Vous êtes le vainqueur de la superstition, ainsi que le soutien de la liberté germanique .

 

Vivez plus longtemps que moi, pour affermir tous les empires que vous avez fondés . Puisse Fédéric le Grand être Fédéric immortel !

 

Daignez agréer le profond respect et l'inviolable attachement de

 

Voltaire . »

 

i  Voir le billet à Octavie Durey de Meynières, du 31 mars 1778, à propos d'Irène ;

ii   Irène, IV, 6 .


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10/04/2011

la langue et le goût, deux choses assez inconstantes dans ma volage patrie

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http://www.deezer.com/listen-6832214

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http://www.deezer.com/listen-231579 : petite leçon de français par nos cousins canadiens . Avec cet accent que je supporte encore chez les hommes, mais qui, pour moi, est un remède à l'amour chez les femmes .

http://www.deezer.com/listen-209933 : suite de la leçon, la logique (?) de notre langue .

 

 

 

« A Charles Pinot Duclos 1

 

De Ferney 10 avril [1761]

 

Je vous assure , Monsieur, que vous me faites grand plaisir en m'apprenant que l'Académie va rendre à la France et à l'Europe le service de publier un recueil de nos auteurs classiques avec des notes qui fixeront la langue et le goût, deux choses assez inconstantes dans ma volage patrie . Il me semble que Mlle Corneille 2 aurait droit de me bouder si je ne retenais pas le grand Corneille pour ma part . Je demande donc à l'Académie la permission de prendre cette tâche en cas que personne ne s'en soit emparé .

 

Le dessein de l'Académie est-il d'imprimer tous les ouvrages de chaque auteur classique ? Faudra-t-il des notes sur Agésilas et sur Attila, comme sur Cinna et sur Rodogune ? Voulez-vous avoir la bonté de m'instruire des intentions de la compagnie ? Exige-t-elle une critique raisonnée ? Veut-elle qu'on fasse sentir le bon, le médiocre, et le mauvais, qu'on remarque ce qui était autrefois d'usage et ce qui ne l'est plus, qu'on distingue les licences des fautes ? Et ne propose -t-elle pas un petit modèle auquel il faudra se conformer ? L'ouvrage est-il pressé ? Combien de temps me donnez-vous ?

 

Puisqu'on veut bien placer ma maigre figure 3 sous le visage rebondi de M. le cardinal de Bernis, j'aurai l'honneur de vous envoyer incessamment ma petite tête en perruque naissante 4. L'original aurait bien voulu venir se présenter lui-même et renouveler à l'Académie son attachement et son respect, mais les laboureurs, les vignerons, et les jardiniers, me font la loi, e nitido fit rusticus 5. Comptez cependant que dans le fond de mon cœur, je sais très bien qu'il vaut mieux vous entendre que de planter des mûriers blancs 6. »

 

1Duclos, secrétaire perpétuel de l'Académie française : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Pinot_Duclos

2 Qu'il a recueillie : voir lettre du 19 novembre 1760 à Thieriot : http://www.monsieurdevoltaire.com/ext/http://voltaireatho...

, 15 janvier 1761 à Dumolard-Bert : http://www.monsieurdevoltaire.com/ext/http://voltaireatho...

, 2 février aux d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/ext/http://voltaireatho...

, 18 février à Thieriot et Damilaville : http://www.monsieurdevoltaire.com/ext/http://voltaireatho...

3 Il a été question à plusieurs reprises de ce portrait ; V semble l'avoir fait faire par Jean-Etienne Liotard, peintre genevois, et envoyé à Paris ; voir lettre à d'Argental du 24 mai 1758 : http://www.monsieurdevoltaire.com/ext/http://voltaireatho...

4 Perruque qui imite les « cheveux naissants », c'est-à-dire flottants ou frisés en long .

5 De brillant citadin il devient campagnard .

6 Pour l'élevage des vers à soie .

09/04/2011

Nous avons plus besoin de charrues que de montres

tous nos cultivateurs seront bientôt des horlogers employés par Genève " : ou des fonctionnaires internationaux ! Le pays de Gex, que Volti ne pourrait reconnaitre, voit ses terres agricoles fondre comme neige au four, et depuis plus de cinquante ans est un vivier de travailleurs transfrontaliers . Nul arrêt ne peut être promulgué pour empècher cette évolution . Comme me l'a dit avec humour un jeune paysan (quarante ans !) : "vous verrez, dans quelques années il y aura des bus de touristes pour voir les derniers paysans, comme on va voir les Indiens dans leurs réserves aux USA !"

Nous n'en viendrons pas aux extrémités envisagées par Volti et Fabry .

Qui va nous nourrir ? Rolex, l'ONU, l'UBS ?

 

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 http://www.deezer.com/listen-3371778

 

 

« A Jean-François Dufour de Villeneuve 1


A Ferney 10 avril 1764

 

Monsieur,

Il y a longtemps qu'on m'avait remis ce mémoire 2 pour vous être présenté dans un voyage que je devais faire à Dijon . Les maladies dont je suis accablé ne m'ayant pas permis de vous faire ma cour , je remplis au moins les vœux de notre petite province en vous adressant ses supplications ; il n'est que trop vrai que l'abus dont on se plaint est très préjudiciable, et que tous nos cultivateurs seront bientôt des horlogers employés par Genève . Nous avons plus besoin de charrues que de montres ; et c'est ici le cas où le nécessaire doit l'emporter sur le superflu . Pour moi, Monsieur, je me borne uniquement à espérer votre protection pour notre pauvre petit pays . Je ne doute pas que si vous voulez bien représenter au Conseil l'état où nous sommes vous en fassiez rendre un arrêt qui défende aux paysans de quitter la culture des terres pour servir les horlogers de Genève . Nous attendons tout de votre sagesse et de votre bienveillance .

 

J'ai l'honneur d'être avec beaucoup de respect

Monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

 

Voltaire »

 

1   Lieutenant civil au Châtelet de Paris, maître des requêtes .         Page 158 : http://books.google.fr/books?id=uG9BAAAAcAAJ&pg=PA158...

2   La « requête des états du pays de Gex pour faire défense aux habitants du pays de quitter la culture des terres » . V* avait invité Louis-Gaspard Fabry, maire et subdélégué de Gex à venir mettre au point le mémoire avec lui .