19/09/2013
La plus grande difficulté de ce travail consistera à le rendre intéressant pour toutes les nations
... Concernant les écrits de Voltaire, je n'ai point de soucis quant à leur intérêt pour toutes les nations . Pour mes quelques reflexions, considérez-les comme des amuse-gueules dont on peut se passer, mais qui m'obligent malgré tout à ne pas rester spectateur inerte et tenter de rebondir du XVIIIè siècle à nos jours , la pensée voltairienne bravant les siècles, elle n'a pas une ride .
Ouvrez l'oeil, mais pas seulement ...
Cultivez la curiosité
« A Son Excellence Monsieur le comte Ivan Ivanovitch SCHOUVALOW
chambellan de Sa Majesté impériale
lieutenant général etc. etc.
à Petersbourg.
A Schwessingen, maison de plaisance de monseigneur l'électeur palatin, 17 juillet 1758.
Monsieur, j'ai reçu, en passant à Strasbourg, le paquet dont vous m'avez honoré, par le courrier de Vienne 1. J'ai lu toutes vos remarques et toutes vos instructions. Je suis confirmé dans l'opinion que vous étiez plus capable que personne au monde d'écrire l'histoire de Pierre le Grand. Je ne serai que votre secrétaire, et c'est ce que je voulais être.
La plus grande difficulté de ce travail consistera à le rendre intéressant pour toutes les nations c'est là le grand point. Pourquoi tout le monde lit-il l'histoire d'Alexandre, et pourquoi celle de Gengis-kan, qui fut un plus grand conquérant, trouve-t-elle si peu de lecteurs?
J'ai toujours pensé que l'histoire demande le même art que la tragédie, une exposition, un nœud, un dénoûment, et qu'il est nécessaire de présenter tellement toutes les figures du tableau qu'elles fassent valoir le principal personnage sans affecter jamais l'envie de le faire valoir. C'est dans ce principe que j'écrirai et que vous dicterez.
Si ma mauvaise santé et les circonstances présentes le permettaient, j'entreprendrais le voyage de Pétersbourg, je travaillerais sous vos yeux, et j'avancerais plus en trois mois que je ne ferai en une année loin de vous; mais les peines que vous voulez bien prendre suppléeront à ce voyage.
Ce que j'ai eu l'honneur d'envoyer à Votre Excellence n'est qu'une première et légère esquisse du grand tableau dont vous me fournissez l'ordonnance.
Je vois, par vos Mémoires, que le baron de Stralemheim 2 qui nous a donné de meilleures notions de la Russie qu'aucun étranger, s'est pourtant trompé dans plusieurs endroits. Je vois que vous relevez aussi quelques méprises dans lesquelles est tombé M. le général Le Fort 3 lui-même, dont la famille m'a communiqué les Mémoires manuscrits. Vous contredites surtout un manuscrit très-précieux 4, que j'ai depuis plusieurs années, de la main d'un ministre public 5 qui résida longtemps à la cour de Pierre le Grand. Il dit bien des choses que je dois omettre, parce qu'elles ne sont pas à la gloire de ce monarque, et qu'heureusement elles sont inutiles pour le grand objet que nous nous proposons. Cet objet est de peindre la création des arts, des mœurs, des lois, de la discipline militaire, du commerce, de la marine, de la police, etc., et non de divulguer ou des faiblesses ou des duretés qui ne sont que trop vraies. Il ne faut pas avoir la lâcheté de les désavouer, mais la prudence de n'en point parler, parce que je dois, ce me semble, imiter Tite-Live, qui traite les grands objets, et non Suétone, qui ne raconte que la vie privée.
J'ajouterai qu'il y a des opinions publiques qu'il est bien difficile de combattre. Par exemple, Charles XII avait en effet une valeur personnelle dont aucun prince n'approche. Cette valeur, qui aurait été admirable dans un grenadier, était peut-être un défaut dans un roi.
M. le maréchal de Schwerin 6, et d'autres généraux qui servirent sous lui, m'ont dit que, quand il avait arrangé le plan général d'un combat, il leur laissait tous les détails; qu'il leur disait « Faites donc vite; toutes ces minuties dureront-elles encore longtemps ? » et il partait le premier, à la tête de ses Drabans 7, se faisait un plaisir de frapper et de tuer, et paraissait ensuite, après la bataille, d'un aussi grand sang-froid que s'il fut sorti de table.
Voilà, monsieur, ce que les hommes de tous les temps et de tous les pays appellent un héros ; mais c'est le vulgaire de tous les temps et de tous les pays qui donne ce nom à la soif du carnage. Un roi soldat est appelé un héros; un monarque dont la valeur est plus réglée et moins éblouissante, un monarque législateur, fondateur et guerrier, est le véritable grand homme, et le grand homme est au-dessus du héros. Je crois donc que vous serez content quand je ferai cette distinction. Permettez-moi de soumettre à vos lumières une observation plus importante. Olearius 8, et, depuis, le comte de Carlisle 9, ambassadeur à Moscou, regardent la Russie comme un pays où presque tout était encore à faire. Leurs témoignages sont respectables, et, si on les contredisait en assurant que la Russie connaissait dès lors les commodités de la vie on diminuerait la gloire de Pierre Ier, à qui on doit presque tous les arts il n'y aurait plus alors de création. Il se peut que quelques seigneurs aient vécu avec splendeur, du temps du comte de Carlisle mais il s'agit d'une nation entière, et non de quelques boïards. Il faut que l'opulence soit générale, il faut que les commodités de la vie se trouvent dans tous les ordres de l'État, sans quoi une nation n'est point encore formée, et la société n'a point reçu son dernier degré de perfection.
Il est peu important que l'on ait porté un manteau par-dessus une soutane cependant, par pure curiosité, je désire savoir pourquoi, dans toutes les estampes de la relation d'Olearius, les habits de cérémonie sont toujours un manteau par-dessus la soutane, retroussé avec une agrafe. Je ne peux m'empêcher de regarder cet habillement ancien comme très-noble.
Quant au mot tsar, je désirerais savoir dans quelle année fut écrite la Bible slavone 10, où il est question du tsar David et du tsar Salomon. J'ai plus de penchant à croire que tsar ou thsar vient de sha 11 que de césar; mais tout cela n'est d'aucune conséquence.
Le grand objet est de donner une idée précise et imposante de tous les établissements faits par Pierre Ier, et des obstacles qu'il a surmontés car il n'y a jamais eu de grandes choses sans de grandes difficultés.
J'avoue que je ne vois, dans sa guerre contre Charles XII, d'autre cause que celle de sa convenance, et que je ne conçois pas pourquoi il voulait attaquer la Suède vers la mer Baltique, dans le temps que son premier dessein était de s'établir sur la mer Noire. Il y a souvent dans l'histoire des problèmes bien difficiles à résoudre.
J'attendrai, monsieur, les nouvelles instructions dont vous voudrez bien m'honorer, sur les campagnes de Pierre le Grand, sur la paix avec la Suède, sur le procès de son fils, sur sa mort, sur la manière dont on a soutenu les grands établissements qu'il a commencés, et sur tout ce qui peut contribuer à la gloire de votre empire. Le gouvernement de l'impératrice régnante est ce qui me paraît le plus glorieux, puisque c'est de tous les gouvernements le plus humain.
J'ai l'honneur d'être toujours avec tous les sentiments que je vous dois
monsieur
de Votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire.
Je vous demande pardon de ne pas écrire de ma main . Je suis obligé de dicter étant un peu malade . J'attendrai vos ordres aux Délices près de Genève . 12»
1Des documents accompagnés d'une lettre du 2-13 juin 1758 : « […] je vous envoie quelques matériaux pour l'histoire de la Russie . J'y joins aussi les notes que j'ai pris la liberté de faire sur le commencement de votre ouvrage ; il s'était glissé quelques erreurs dans ce beau morceau […] mais ces erreurs ne sont pas les vôtres […] l'on doit les attribuer à l'inexactitude des mémoires dans lesquels vous avez puisé . Ceux que j'ai l'honneur de vous adresser à présent ont l'avantage de la vérité […] vous y trouverez des tables chronologiques, des dénombrements , des calculs V Je travaille à présent à faire traduire les campagnes par terre de Pierre le Grand V Les débuts ont été un peu difficiles . Si par la suite il vous naissait quelques doutes faites-moi la grâce de me les communiquer. »
2 Ou plus exactement Strahlenberg ; voir lettre du 7 août 1757 à Schouvalov : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/07/n-peut-encore-parler-de-quelques-faiblesses-d-un-grand-homme.html
3 Sur Le Fort, voir lettre du 6 septembre 1757 à Isaac Le Fort : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/06/quoique-je-ne-lise-jamais-les-journaux.html
4 Ce manuscrit envoyé par Frédéric II à V* ,( voir lettre de Frédéric II du 13 novembre 1737 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411350z/f346.image....) semble avoir contenu les mémoires de Vockerodt et de Suhm ; une copie de l'ouvrage de Suhm se trouvait à la bibliothèque de Sans Souci ; les mémoires de Vockerodt parurent en traduction française dans les Œuvres posthumes du roi de Prusse, 1789, et l'original fut publié sous le titre « Erörterungen einiger Fragen, die unter Peters I. Regierung in Russland vorgegangenen Veränderungen betreffend » dans les Zeitgenössuische Berichte zur Geschichte Russlands ; 1872.
5 C'était sans doute de Printzen voir : page 343 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411350z/f346.image
et 413. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411350z/f446.image.r=printzen
8 Le livre d'Adamus Olearius ( = Adam Olschläger ) parut en allemand à Schlesswig en 1647 sous le titre Offt begehrte Beschreibung der newen orientalischen Reise et en traduction française, en 1636 sous le titre Voyages faits en Moscovie, Tartarie et Perse par le sieur Adam Olearius .
9 Charles Howard, premier comte de Carlisle, ambassadeur extraordinaire en Russie, Suède et Danemark , de 1663 à 1664 .
12 La fin de lettre depuis humble et … ne figure pas sur la minute olographe qui contient en post scriptum : « Un grand avantage dans l'histoire de Russie est qu'il n'y a point de querelles avec les papes . Ces misérables disputes qui ont avili l'Occident ont été inconnues chez les Russes. »
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18/09/2013
Vous vous ferez des amis nouveaux et c'est un agrément de plus dans votre vie
... Pour autant que vous laissiez tomber Fesse de bouc pour parler plutôt à vos voisins . Je suis d'ailleurs assez heureux de lire que des chercheurs ont constaté que les accros du réseau dit social sont moins bien dans leur peau que le reste de la population qui sait encore parler (et non pas seulement écrire des fadaises ) .
« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour,
Genève
A Schwessingen près de Manheim [17 juillet 1758]
Je n'arrivai qu'hier, mon cher baron, chez son Altesse Électorale . J'y trouvai des lettres de Gotha , on doit vous avoir écrit le 4 juillet 1, et je suis persuadé que vous avez mis dans cette affaire toutes les facilités et la promptitude qui vous sont naturelles . Vous vous ferez des amis nouveaux et c'est un agrément de plus dans votre vie . Je vous supplie de m'instruire de ce que vous aurez fait, vous n'aurez qu'à m'écrire à Manheim . On dit que M. de Contades 2 cherche à donner bataille dans l'inter-règne pour être maréchal de France . On marche de tous côtés et de tous côtés il y aura des malheureux . Ne m'oubliez pas je vous en prie auprès du gr[and] docteur et de ses ouailles Mme d'Epinay et Mme d'Albertas 3, et surtout présentez mes obéissances à toute votre famille, et nommément à l'appétissante 4…
V. le contraire d'appétissant »
1 Voir lettre du 16 juillet à la duchesse de Saxe-Gotha : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/16/s-il-y-avait-quelque-nouvelle-favorable-au-genre-humain-j-au.html
2 Le duc de Clermont avait été renvoyé et remplacé, après son grave échec à Crefeld , par Louis-Georges Érasme de Contades . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Krefeld
et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Georges_%C3%89rasme_de_Contades
3 Parmi les dévotes (on appelait ainsi les nombreuses clientes du docteur) du docteur Théodore Tronchin, il faut citer madame d'AIbertas, femme du président de la Grand'Chambre d'Aix en Provence, qui passa plusieurs saisons à Genève. Voir pages 151-152 : http://www.archive.org/stream/lavieintimedevol00pereuoft/lavieintimedevol00pereuoft_djvu.txt
4 La fille de Labat , Jeanne-Louise, ainsi qu'il ressort de la lettre du 16 octobre 1758 au baron ; elle épousa Jean-Armand Tronchin en 1771 . Voir : http://w3public.ville-ge.ch/bge/odyssee.nsf/Attachments/tronchin_famille_IIframeset.htm/$file/tronchin_famille_IIframeset.htm?OpenElement
et : http://gw.geneanet.org/phcoste?lang=fr;p=jean+armand;n=tronchin
et : http://gw.geneanet.org/phcoste?lang=fr;pz=philippe;nz=coste;ocz=1;p=jeanne+louise;n=labat
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17/09/2013
Petersbourg est donc la patrie des esprits prématurés
... Mais, chers lecteurs, oubliez vite, si ce n'est déjà fait (et c'est un signe de bonne santé mentale) la récente prestation des représentants des soi-disant pays les plus importants de notre globe lors d'un G (comme Guignols) quelque chose . D'esprits prématurés , point , des attardés , à foison .
Le XXIè siècle ne peut pas se targuer d'être meilleur que le XVIIIè en tout, ça se saurait et on vivrait plus agréablement .
17 juillet [1758], Schwetzingen
[…] Nous avons ici un jeune Russe de seize ans, il voyage tout seul, sans gouverneur, sans précepteur, avec ses domestiques et il servirait de précepteur et de gouverneur à nos seigneurs de vingt ans . C'était le neveu du grand chancelier 2. Il parle français comme s'il était né à Versailles .[…] Petersbourg est donc la patrie des esprits prématurés […] J'ai reçu ici sa visite . Nous eûmes hier Ninette à la cour,3 après demain nous aurons Mahomet mais cette troupe ne vaut pas la nôtre […]"
1 Extraits tirés du catalogue de la vente Cornuau (Paris 21 février 1736) ; voir lettre du 2 juillet 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/11/une-belle-terre-a-gouverner-est-une-chose-tres-amusante-5163.html
2 Fedor Pavlovitch Veselovsky s'était installé à Genève avec son frère Avram qui avait été impliqué dans l'affaire du prince héritier Alexis ; il s'était présenté à V* par une lettre du 16 février 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/10/08/quel-ouvrage-plus-digne-de-vous-et-quelle-plume-plus-digne-d.html
3 Le Caprice amoureux ou Ninette à la cour de Charles-Simon Favart, avait été représenté pour le première fois et publié en 1756 . Voir : http://books.google.fr/books?id=TzIUAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
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16/09/2013
nous sommes dans un temps de jalousies et d'ombrages
... Mais n'en est-il pas ainsi depuis la nuit des temps, depuis bien avant Copé et Fillon, Valérie et Ségolène, Coca et Pepsi, IBM et Pompompompom, et même avant Cro Magnon quand Caïn tua Abel ?
« A Claude-Etienne DARGET.
A Schwetzingen, près Manheim, 17 juillet [1758].
Mon ancien ami, mon ancien camarade de Potsdam, me voilà confondu. J'ai été obligé de faire un petit voyage à la cour de monseigneur l'électeur palatin, à qui j'ai les plus grandes obligations. On voyage quelquefois chez les princes par intérêt. J'ai fait cent trente lieues par reconnaissance, et c'est un grand effort d'avoir quitté pour quelques jours mes petites Délices, où ma famille est rassemblée. Adressez, je vous prie, à ces Délices votre réponse sur ce qui me confond si terriblement. Le voici je répondis , le 8 janvier, à une de vos lettres 1. Vous m'aviez écrit avec confiance, et je vous écrivis de même. On m'apporte le Journal encyclopédique de Liège (mois de juillet), et j'y trouve ma lettre tout du long 2. Quel démon vous a dérobé cette lettre, qui, assurément, n'était pas faite pour être rendue publique ? J'ai grand'peur qu'elle ne fasse un très-mauvais effet. A qui donc en avez-vous laissé prendre copie? Pourquoi est-elle imprimée? Quel est l'auteur du Journal encyclopédique 3? Instruisez-moi de tout. Mettez un peu de baume sur la blessure que vous m'avez faite, et continuez-moi votre amitié. Elle a toujours été prudente, et je me flatte qu'elle empêchera que la publication de cette lettre n'ait des suites désagréables pour moi.
Vous savez, mon ancien ami, que nous sommes dans un temps de jalousies et d'ombrages. Il serait bien triste que mon repos fût troublé par une lettre que je vous ai écrite dans l'effusion de mon cœur. Ce cœur est toujours à vous; il est toujours français, et ne cessera d'aimer ses anciens amis. Je suis persuadé que vous irez au-devant de tout ce qui pourrait me faire de la peine. Rassurez et aimez votre compagnon de Potsdam, votre bon Suisse
V.
Écrivez-moi, je vous prie, aux Délices, où je retournerai bientôt. »
1 Voir la lettre du 8 janvier 1758 à Darget : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/01/07/la-renommee-ne-sait-souvent-ce-qu-elle-dit.html
2 Voir page 14 : http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/11497/1/encyclopedisme.pdf
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15/09/2013
S'il y avait quelque nouvelle favorable au genre humain, j'aurais l'honneur de la mander . Mais on ne doit s'attendre qu'à du carnage
... Une nouvelle favorable, comme par exemple celle-ci : http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20130912.OBS6824/albert-jacquard-qu-est-ce-que-cela-veut-dire-l-intelligence.html
Le carnage attendra !... un peu ! seulement un peu, misère .
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
A Shwessing 16 juillet [1758]
Je n'arrive que dans ce moment à Shwessingen, maison de plaisance de Mgr l’Électeur palatin, ayant été longtemps malade en chemin . Je trouve la lettre du 4 juillet 1 dont m'honore votre Altesse Sérénissime . Je commence par lui souhaiter d'abord et à toute son auguste famille une neutralité tranquille qui la mette à l'abri des dévastations cruelles que l'Allemagne éprouve . Je ne vois partout que des malheurs et Dieu sait quand ils finiront . Les misères publiques sont cimentées de sang et tous les partis ont des larmes à répandre .
J'ose assurer monsieur le duc que c'est un coup du hasard que j'aie trouvé ce M. Labat après avoir frappé en vain à trente portes . Je pense, madame, qu'il en coutera moins à Vos Altesses Sérénissimes en traitant par un de vos ministres avec ce Genevois que si vous aviez emprunté à Berne, et que tout sera plus prompt et plus facile . Car Berne ne prête aux princes qu'avec la garantie de leurs États ce qui entraine toujours des longueurs et des frais , et j'imagine que Labat fera toucher de l'argent sur une simple lettre d'un de vos ministres . Cette insolence que j'ai eue, madame, de me faire caution, est entre Labat et moi, mais n'exige assurément aucun billet de la part de Vos Altesses Sérénissimes ; Labat n'a pas l'honneur de les connaître, c'est un négociant chargé de famille qui veut prendre ses suretés . Mais moi, madame, je vous suis attaché depuis longtemps . Je connais votre cœur et votre manière de penser généreuse , la bonté de votre belle âme ne voudra pas m'offenser par un billet . Les sentiments dont elle daigne m'honorer sont le meilleur des billets .
Je me flatte que sa santé est actuellement meilleure . Je crains bien que les désastres publics ne l'aient altérée . Prions Dieu qu'il rende bientôt à l'Allemagne la paix dont elle a besoin . On s'attend encore à des batailles de tous cotés . S'il y avait quelque nouvelle favorable au genre humain, j'aurais l'honneur de la mander . Mais on ne doit s'attendre qu'à du carnage . Que dit de tout cela la grande maîtresse des cœurs ? Je crois qu'elle gémit . Autant le fait le bon Suisse V. qui se met aux pieds de Vos Altesses Sérénissimes avec le plus profond respect .
V.
P.S.- Si jamais Vos Altesses Sérénissimes avaient quelque chose à faire dire au ministre des affaires étrangères en France, je les supplie de me charger de leurs ordres, en cas qu'elles n'aient point de ministre à Paris . Je m'en acquitterai avec le zèle qu'elles me connaissent . M. l'abbé de Bernis qui m'honore de ses bontés est un des plus aimables hommes de l'Europe . »
1 « Que ne puis-je vous exprimer, monsieur, à quel point je suis sensible aux soins et peines que vous vous êtes donnés pour nous procurer la somme de cinquante mille florins de l'empire : nous reconnaissons avec satisfaction les démarches que vous avez faites à cet égard comme l'effet certain de votre amitié […] Notre ministre M. de Keller écrira aujourd'hui au sieur Labat au nom du duc pour l'avertir que le duc accepte l'offre de la somme en question à six pour cent d'intérêts […] Bien loin d'être surpris ou fâchés nous sommes très flattés monsieur de ce que vous voulez nous servir de caution […] » . Au sujet du prêt voir aussi la lettre du 22 juin 1758 à Labat : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/01/il-faut-brievete-et-clarte-bonsoir-5153854.html
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14/09/2013
Je suppose que vous avez pris toutes les précautions nécessaires pour que tout votre monde soit couché, alimenté, désaltéré
... Lors de la réunion des Brescoudos au Cap d'Agde : http://www.herault-tribune.com/articles/18140/un-dernier-harley-luia-pour-les-brescoudos-2013-avec-le-pere-guy-gilbert/
J'ai une affection particulière, moi catholique en peau de lapin, pour le père Guy Gilbert qui est homme de bonne volonté et de parole, que j'ai lu lors de ma vie étudiante, que j'ai rencontré bien des années plus tard et qui reste un exemple de vie engagée .
Un prêtre et les frères humains qu'il aime et qui l'aiment
« A Charlotte-Sophie von Altenbourg, comtesse Bentinck
Je vous écrit au hasard, madame, ce petit billet en courant, accoutumez vous à la simplicité helvétique . Je suppose que vous faites à mon ermitage des Délices l'honneur d'y loger en passant . Je suppose que vous avez pris toutes les précautions nécessaires pour que tout votre monde soit couché, alimenté, désaltéré à Montriond . Vous savez qu'il n'y a que trois lits , et très peu de meubles .
Vous avez trois jeunes gens qui étudient . Il y a un collège à Lausanne . Si vous voulez les mettre en pension dans la ville, il y a un marchand très honnête homme nommé Obousier qui peut les loger et les nourrir à bon compte , et qui d'ailleurs fournira toute votre maison comme il fournit la mienne . Il y a un premier pasteur de la ville nommé M. Polier de Bottens, homme actif et officieux qui doit avoir été à Montriond et qui vous rendra tous les services qui dépendent de lui .
Pour mes nièces et pour moi, vous jugez bien que nous serons entièrement à vos ordres quand nous serons à Lausanne . Le point principal est que vous soyez à votre aise à Montriond . Si vous vous y trouvez bien, vous y resterez . Sinon vous trouverez aisément quelque chose de mieux . C'est toujours un fort bon entrepôt . Vous pouvez avoir aisément six chambres de maître et loger dans des galetas toute la livrée . Nous y avons été six maîtres et vingt domestiques sans être incommodés .
A l'égard de la société de Lausanne vous y songerez quand vous serez établie . Il faut commencer par être bien chez soi . Je me faisais un plaisir extrême de vous accompagner à Montriond, de vous y voir établie, de vous y servir . Vous ne l'avez pas voulu . Vous m'avez fait un mystère de votre arrivée . Vous m'avez privé d'un bonheur sur lequel je comptais . Je ne cesserai de vous le reprocher et d'être à vos ordres .
V. »
1 Morat ou Murten est une cité pittoresque située à environ 53 km de Berne sur la route de Lausanne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Morat
Le même jour J.-J. Rousseau écrit à Vernes depuis Montmorency : « J'ai sous presse un petit écrit sur l'article Genève de M. d'Alembert . Le conseil qu'il nous donne d'établir une comédie m'a paru pernicieux , il a réveillé mon zèle et m'a d'autant plus indigné que j'ai vu clairement qu'il ne se faisait pas un scrupule de faire sa cour à M. de Voltaire à os dépens . Voilà les auteurs et les philosophes ! Toujours pour motif quelque intérêt particulier, et toujours le bien public pour prétexte . »
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13/09/2013
Vous amusez-vous tous tant que vous êtes ?
... Quand vous avez bu plus que de raison ?
Tentative de réponse :
http://lci.tf1.fr/science/boire-fait-il-se-sentir-beau-un...
« A Marie-Louise Denis et Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine
13 juillet [1758], Strasbourg
[…] Je crois le roi de Prusse aussi embarrassé à présent qu'il l'était l'année passée au même mois de juillet . Il a fait mourir son frère de chagrin 1, il pourrait bien mourir de même […] Adieu ma chère enfant, écrivez-moi à la cour de Manheim où je serai le moins que je pourrai . Madame de Fontaine, je vous plains bien, il y a quinze jours que vous n'avez pu monter à cheval . Avez-vous pu aller à la comédie par ce temps abominable ? [...] M. de Florian lit-il les guerres de Grenade en espagnol ? Vous amusez-vous tous tant que vous êtes ? [...] »
1 Voir lettre du 29 juin 1758 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/07/quoiqu-une-lettre-d-un-vieux-suisse-ne-doive-guere-etre-lue.html
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