11/02/2015
Mais comment finira tout ceci ? Vaincra-t-il tous ses ennemis
... Voilà ce que je me demande au vu et au su des réactions hostiles envers Manuel Valls, et des intolérables tirs contre la police . Marseillais, réveillez-vous , jusqu'à quand allez vous taire ce que vous savez de ces criminels, jusqu'à quand ferez vous leur jeu, je vous le dis, je vous considère , à ce stade, comme complices . Le pastis prend un gout de shit, bullshit exactement .
I hate bullshit !
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, 9 février [1760].
Madame, que ne dois-je point à la coquette infidèle 1 et à Alzire ! Elles m'ont valu, de la part de Votre Altesse sérénissime, des lettres dont je fais plus de cas que de la coquetterie et des tragédies. Je m'imagine que votre auguste et charmante famille a fait bien de l'honneur à l'Amérique. Il faut donc à présent chercher son plaisir dans un nouveau monde; l'ancien ne fournit aujourd'hui que des spectacles d'horreur trop vrais et trop réels pour s'en amuser.
Il est bien singulier que les Poésies du philosophe de Sans-Souci paraissent précisément dans ce temps-ci. Je ne sais pas comment les ministres de la confession d'Augsbourg et ceux de Genève prendront une certaine épître au maréchal Keith, dans laquelle le roi philosophe assure que l'âme est très-mortelle, et ces petits vers :
Allez, lâches chrétiens, etc.
Cependant le roi de Prusse ne paraît pas être à la tête d'une armée d'épicuriens; il paraît plutôt suivi de soldats stoïciens, tant il les a accoutumés à braver les peines de cette vie, apparemment dans l'espérance d'une meilleure. Quoi qu'il en soit, il faut absolument avoir cent mille braves gens à son service quand on écrit de telles choses. Le roi de Prusse est hardi l'épée et la plume à la main. Mais comment finira tout ceci ? Vaincra-t-il tous ses ennemis, et Autrichiens, et Russes, et théologiens ?
Maupertuis aurait résolu ce problème, car il prétendait qu'on pouvait prédire l'avenir en exaltant son âme. Il a apparemment laissé son secret aux deux capucins entre lesquels il est mort à Bâle.
Madame, je n'exalte point mon âme ; mais je la sens très- tourmentée de la douleur de n'être pas à vos pieds.
L'espérance console ce pauvre Suisse V. »
1 Frédéric II. Voir la lettre du 26 janvier 1760 à la duchesse : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/26/j-aurai-toujours-beaucoup-de-respect-pour-les-belles-et-tout.html
La duchesse de Saxe-Gotha avait répondu spirituellement à V* qu'elle se serait prise pour la coquette dont il parlait si elle ne venait pas de célébrer son cinquantième anniversaire, lettre du 7 février 1760 .
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10/02/2015
ceux qui font la guerre pendant que les autres font l'amour mériteraient quelque petite distinction
... Petite la distinction, toute petite !
Gun power / Flower power
Choisis ton camp camarade !
« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de LUTZELBOURG.
Aux Délices 9 février [1760]
La santé, madame, la santé ! Voilà donc tout ce qui nous restait, et nous ne l'avons pas ! Vous avez été malade, l'hiver m'a tué ; Silhouette m'a ruiné. Il faut que je reprenne un peu de vie pour aller passer quelques jours auprès de vous, cet été, à l'île Jard.
Monsieur votre fils se battra sans doute alors contre les Anglais et contre le prince Ferdinand, et j'en suis fâché.
On vend dans toute l'Europe les Poëshies du roi de Prusse, dans lesquelles il dit que l'âme est mortelle, et que les chrétiens sont des faquins. Apparemment qu'à Rosbach nos Français étaient
de bons chrétiens, et ont cru leur âme immortelle. Ils n'ont pas voulu perdre un si beau trésor et hasarder d'être damnés. Ils ont pardonné au roi de Prusse en bons chrétiens, et ont sauvé leurs âmes.
Que deviendra tout ceci, madame? Maupertuis le savait. Il avait prétendu qu'on pouvait aisément voir l'avenir en exaltant son âme. Il a laissé ce beau secret aux deux capucins entre lesquels il a remis son âme mortelle ou immortelle. Pour nos fortunes, elles sont très-mortelles, et Silhouette leur a fait une blessure incurable.
J'ai grand'peur que monsieur votre fils ne soit pas payé de sa pension. Cependant ceux qui font la guerre pendant que les autres font l'amour mériteraient quelque petite distinction. Je veux vous parler de tout cela à l'île Jard, madame, avant que mon âme subisse le destin dont le roi de Prusse la menace.
Vivez tant que vous pourrez ; je suis à vos pieds pour ma vie. »
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09/02/2015
J'ai peur qu'on ne subsiste aujourd'hui que par un crédit précaire que le premier malheur anéantira
... Et je dirais même plus :"ou le gouvernement de France avait besoin des impôts [...] , ou non . Si besoin avait comment peut-on faire sans ces secours ? Sinon , pourquoi avoir effarouché la nation par ces impôts !"
Voltaire, mon bon ami, notre époque républicaine n'a pas apporté plus de réponse raisonnable que ton XVIIIè siècle royaliste . Tu as eu un Bertin, nous avons un Sapin qui entend bien nous faire savoir de quel bois il se chauffe afin qu'on sache de quel bois il est fait .
Cendres à venir, et carême plus long que le ramadan .
« A Jean-Robert Tronchin
8 [février 1760] aux Délices
J'ai reçu, monsieur, vos deux lettres de Paris du 2 février . Ce sont pour moi deux nouveaux sujets de remerciement . L'affaire des sbires de Saconnex est une affaire assez grave . Ces brigands désolent le pays de Gex et molestent beaucoup celui de Genève que je regarde comme le mien . L’insolence et le délit de ces malheureux est aujourd’hui assez bien constaté puisque le receveur et le contrôleur du bureau sont venus l'un après l'autre me signer un désaveu de leur entreprise , et un aveu de leur malversation . Ils confessent qu'il y a eu un procès-verbal antidaté . C'est un crime de faux qu'ils avouent . J'ai envoyé leurs déclarations en original aux fermiers généraux . Mais comme il n'est point de mal dont on ne puisse tirer un bien j'ai représenté aux fermiers généraux l'état du pays, l’inutilité de leurs brigades de 81 coquins pour ne rien garder . Enfin je leur propose cent mille écus de concert avec notre ami Labat pour opérer la délivrance de cette petite province qui ne leur rapporte rien du tout . On forme une compagnie qui achètera le sel des fermiers généraux et qui le fera distribuer dans le pays . Les mesures sont prises par le subdélégué de Gex, syndic de la province ; l'intendant approuve le projet . Notre baron de Grandcour donne 150 000 livres . L'intérêt sera de 10 à 12 pour cent pendant trente ans . C'est un marché auquel tout le monde gagne . Il ne s'agit plus que de faire venir un fermier général sur les lieux pour conclure et signer . Mais je ne crois les affaires faites que quand elles sont finies et non pas quand elles sont commencées .
Je connais l'homme dont vous avez la bonté de me parler 1 . Il est vrai qu'il eut l'adresse de faire glisser dans le contrat que tout ce qui se trouverait dans le château à ma mort lui appartiendrait . Mais il n'y trouvera que les murailles . Je suis actuellement en marché d'acheter à perpétuité sa terre que j'avais achetée ad vitam . Il n'est pas encore bien sûr que ce marché s'exécute .
Ce qui paraît plus certain c'est qu'on fera la campagne, c'est que les Anglais envoient 12 mille hommes en Allemagne et couvrent les mers de vaisseaux . Voici un dilemme dont je ne peux sortir, ou le gouvernement de France avait besoin des impôts mis par le prédécesseur de M. Bertin , ou non . Si besoin avait comment peut-on faire sans ces secours ? Sinon , pourquoi avoir effarouché la nation par ces impôts !
J'ai peur qu'on ne subsiste aujourd'hui que par un crédit précaire que le premier malheur anéantira .
Votre très humble obéissant serviteur .
V.
de tout mon cœur . »
1 Le président De Brosses .
Voir ici le projet de vente écrit par celui-ci :
« PROJET DE VENTE DE TOURNAY A PERPÉTUITÉ
10 janvier .
Il y a parole entre MM. de Brosses et de Voltaire pour la vente de la terre de Tournay, aux conditions ci-après, qui seront rédigées entre eux par écrit, au moins sous signature privée, d'ici au premier février prochain, passé lequel temps il demeurera libre à chacune des parties contractantes de retirer sa parole si elle juge à propos de le faire.
La terre de Tournay sera vendue par M. de Brosses à M. de Voltaire pour lui ou son compagnon nommable, telle qu'elle se comporte et qu'il en a actuellement la jouissance viagère par traité fait entre eux le onze décembre mil sept cent cinquante-huit, ensemble tous les meubles, effets et bestiaux compris audit traité et les fruits pendants par racines ;
Pour le prix de cent dix mille livres, savoir cent mille livres pour le prix de la terre, et dix mille livres pour le prix des meubles, effets, bestiaux et fruits pendants ;
En outre et par-dessus la somme de trente-cinq mille livres déjà reçue par M. de Brosses, lors dudit traité du 11 décembre 1758.
De laquelle somme de cent dix mille livres M. de Voltaire payera cinquante mille livres trois mois après la signature des présentes conventions, sans intérêt pour ces trois mois, et avec intérêt au denier vingt en cas de retard ; et du restant il constituera une rente rachetable avec intérêts au denier vingt depuis le jour de ladite convention jusqu'au remboursement dudit capital, sans retenue de dixième, ni de vingtième, la terre étant reconnue de l'ancien dénombrement; lequel remboursement M. de Voltaire pourra faire en plusieurs payements, et ne sera fait qu'en espèces d'or et d'argent, ou en lettres de change payables de cette manière, et en avertissant trois mois d'avance.
Il sera passé acte par-devant notaire de ladite vente sitôt que M. de Voltaire se sera accommodé pour les lods et ventes, et aura obtenu la confirmation des privilèges attachés à la terre *. En attendant, il en sera fait entre les parties un acte de main privée au jour dit.
M. de Voltaire payera, outre le prix ci-dessus, à Mme de Brosses vingt- cinq louis d'or en signant les présentes conventions pour la chaîne du marché.
Le présent écrit, contenant la parole de M. de Brosses, sera remis à M. de Voltaire, qui lui en donnera un pareil. Ce dix janvier mil sept cent soixante.
BROSSES. »
* Ces mots et ceux imprimés en italique ci-dessus sont ajoutés de la main de Voltaire à un projet de vente antérieurement dressé entre lui et Girod, du reste littéralement conforme à celui-ci, mais non signé. (Note du premier éditeur.)
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08/02/2015
Le sel, le blé, sont de pauvres objets. Il y a des peuples qui n'ont ni pain ni sel
... Et dire qu'il y a près de trois cent journalistes pour nous informer sur le déroulement du procès de Dirty Silly Keutard and Co, j'en suis écoeuré au delà de tout . Qui peut encore se pencher sur cette poubelle médiatique et politique sans vomir ? Sales types, sale fric, infos de merde !
Et pendant ce temps il est des frères humains qui crèvent de faim et soif dans l'oubli , Voltaire ne les oubliait pas, lui .
« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'ÉPINAY (Mme de La Live d'Epinay
près de la place Vendôme
à Paris
Quand il s'agit de son pain, ma chère et respectable philosophe, on oublie tout le reste, hors vous, -- à qui je songerais en mourant de faim. J'envoie aux fermiers généraux les déclarations du contrôleur et du receveur, qui avouent leur prévarication, le crime de faux dans le procès-verbal, et toutes les horreurs que nous avons essuyées. Je rends compte de la scélératesse de ces employés, que j'ai vus moi-même faire la contrebande.
Je fais voir que le pays de Gex est à charge aux fermes du roi ; je propose les moyens de faire le bien des fermes générales et de la province. Je demande que M. d'Épinay ait la bonté de venir traiter avec nous 1. Si vous pouvez, madame, obtenir qu'il y vienne, et l'accompagner, la province sera, comme moi, à vos pieds. Le sel, le blé, sont de pauvres objets. Il y a des peuples qui n'ont ni pain ni sel. Mais quand on vous a vue, il faut mourir ou vous revoir.
Et la paix ! et la guerre ! et Luc , et la Compagnie des Indes, je me moque de tout cela, madame ; il faut que vous reveniez.
V.
6 février 1760 »
1 Voir lettre du 30 janvier 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/02/03/aujourd-hui-je-ne-suis-plus-que-citoyen-d-un-pays-malheureux-5551087.html
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07/02/2015
Je me faisais d'autant plus de plaisir de célébrer votre nation et votre ministère dans l'Histoire de Pierre le Grand que l'un et l'autre sont cruellement outragés
... Voila ce qu'on ne peut absolument pas dire à (Rase-)Poutine sans être pris illico et justement pour le dernier des lèche-culs, et, à ce propos notre François Hollande national ne s'est pas abaissé à ça . Poutine , tout comme Pierre le Grand, me semble lui aussi tout à fait capable de faire assassiner le fils qui s'oppose à lui , et ce fils malheureux est l'Ukraine . Nul Voltaire, si tant est qu'il en puisse exister encore un, ne viendra glorifier Poutine ni la Russie expansionniste .
« A Ivan Ivanovitch SCHOUVALOV
Aux Délices, 5 février 1760. 1
Monsieur, c'est pour dire à Votre Excellence les mêmes choses que je lui disais dans ma dernière lettre, écrite il y a huit jours, et adressée par Vienne, sous l'enveloppe de M. le comte de Kaiserling 2, conseiller aulique ; c'est pour vous renouveler mon étonnement et mon affliction de n'avoir aucune nouvelle des paquets envoyés depuis plus de quatre mois 3. L'un était un ballot à votre adresse dépêché par M. de Soltikof, actuellement à Genève , l'autre un paquet qui contenait le premier volume de l'Histoire de Pierre le Grand 4. Je vous ai confié mes craintes sur ces deux paquets dans ma lettre adressée à M. de Kaiserling . Je ne peux cependant imaginer que les paquets aient été interceptés 5. Il me semble que les chemins sont libres par la voie de Vienne, et que vos troupes victorieuses assurent la liberté des courriers par la Pologne. Mon plus grand chagrin est que ce retardement de l'arrivée des deux paquets envoyés à M. de Kaiserling, pour Votre Excellence, retarde les travaux que j'avais entrepris pour vous plaire.
Je me faisais d'autant plus de plaisir de célébrer votre nation et votre ministère dans l'Histoire de Pierre le Grand que l'un et l'autre sont cruellement outragés dans le nouveau livre dont j'ai eu l'honneur de vous parler en ma dernière lettre envoyée par la voie de Vienne.
Quoi qu'il arrive, j'attendrai vos ordres avec le plus grand empressement de leur obéir.
J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux
Monsieur
de Votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Sur l'original, Schouvalov a porté : « Reçu le 14/25 mars 1760 »
2 Cette lettre écrite vers le 28 janvier ne nous est pas parvenue .
3 Voir la lettre du 6 octobre 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/25/la-vie-est-bien-courte-et-tout-ouvrage-est-bien-long-5475952.html
4 Voir lettre du 22 novembre 1759 à Schouvalov : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/30/je-vois-bien-que-le-lieu-ou-il-est-a-present-est-pour-lui-un-5500553.html
5 Voir lettre du 1er avril 1760 à Schouvalov : page 341 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f355.image.r=3940
01:49 | Lien permanent | Commentaires (0)
06/02/2015
Il ne peut s'opposer au vœu de la province, et à l'intérêt du roi
... Fut-il un de ceux-ci : http://www.deezer.com/track/63071312?utm_source=deezer&utm_content=track-63071312&utm_term=12320003_1423261178&utm_medium=web
Gilbert Garcin - L'égoïste
Pour ceux qui sont Voltaire/Charlie, je recommande cette vidéo : http://pluzz.francetv.fr/videos/entree_libre_saison4_,116743196.html
« A Louis-Gaspard Fabry, maire
et subdélégué
à Gex
4 février 1760
L'ami Labat a cinquante mille écus à votre service, mon cher monsieur ; une autre personne en a cent mille, tout ce qu'on demande c'est un emprunt de la province, avec un acte, de profit et de perte également partagés, il ne s'agit donc plus que de faire savoir aux fermiers généraux qu'on souhaite traiter avec eux, et M. d'Epinay viendra traiter avec les pleins pouvoirs . À l'égard du consentement de monsieur l'intendant c'est une formalité qui n'est pas difficile . Il ne peut s'opposer au vœu de la province, et à l'intérêt du roi, vous le ferez aisément entrer dans vos sentiments .
Quand à l’absurde insolence de l'horloger Croze, et de Sédillot son 1, nous espérons qu'elle sera réprimée . Cet homme a toujours dans la tête que le blé ne m'appartient pas . Cependant nous le mangeons à présent . Qui pourrait d'ailleurs m'empêcher d'avoir acheté du blé de Brillon dans ma terre ? cet horloger est-il inquisiteur ? et ses calomnies, ses outrages, son procès-verbal convaincu de faux ? ne méritaient-ils pas punition ?
Je suis résolu à m'adresser au roi et à demander réparation d'honneur mais je me flatte que monsieur l'intendant ne me réduira pas à cette nécessité .
Adieu monsieur, je compte sur vos bontés et j'espère que j'aurai le bonheur de réussir dans la petite affaire que vous avez bien voulu me confier .
Je suis à vous entièrement pour ma vie .
Votre très humble obéissant serviteur
V. »
1 D'après une note de la copie, c'est ici la fin de la première page du manuscrit . V* aura oublié un mot tel que complice .
A propos de l'affaire de saconnex, voir lettre du 26 janvier 1760 à Fabry : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/31/il-y-a-dans-toute-cette-indigne-affaire-une-envie-marquee-de-5548494.html
23:13 | Lien permanent | Commentaires (0)
Corrigeons, limons, rabotons, polissons . Vilain travail, et travaille vilain !
... Aurait pu tweetter/dire/écrire M. Macron avec un peu de réflexion ! Bon , je dis Macron mais lui et combien d'autres nous dévoilent des projets de lois tirés par les cheveux, ni faits ni à faire, à mettre au panier -(ce qui arrive en fait plus souvent -heureusement- qu'à son tour ) . On aimerait voir du travail d'orfèvres, on n'a que des colliers de nouilles ; merci pour les cadeaux !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
Aux Délices, 2er février 1760. 1
Mon divin ange, j'ai reconnu au moins cinq cents de mes enfants dans la famille royale de Prusse 2. Nous verrons ce que diront les dévots de l'épître sur la mort au maréchal Keit 3, et de ce petit paragraphe honnête : Allez, lâches chrétiens 4. Maître Joly de Fleury assemblera-t-il les chambres pour faire brûler le roi de Prusse? Je ne crois pas qu'il l'ose, car, après tout, deux ou trois Rosbachs mèneraient l'auteur à Paris, et maître Joly passerait mal son temps. Il faut avouer que c'est dommage qu'un roi si philosophe, si savant, si bon général, soit un ami perfide, un cœur ingrat, un mauvais parent, un mauvais maître, un détestable voisin, un allié infidèle, un homme né pour le malheur du genre humain, qui écrit sur la morale avec un esprit faux, et qui agit avec un cœur gangrené. Je lui ai enseigné du moins à écrire. Vous savez comme il m'a récompensé. Ce qui me console, c'est que M. le duc de Choiseul est ( révérence parler ), une bien aimable créature; c'est que son esprit est juste et son cœur noble 5.
Vous êtes instruit, à ce que je crois, des vers abominables que Luc 6 avait faits contre le roi. Vous verrez à la fin du poème de la guerre 7 l'antidote de ce poison; c'est un éloge de Louis XV, qui est à peu près de ma façon 8. Mais Louis XV n'en saura rien; il aimera mieux être loué du roi de Prusse que de moi.
Je vois, indépendamment de tous ces vers, que nous ferons une campagne. Savez-vous que les Anglais envoient une flotte à la Martinique, une dans la mer Baltique, une à Pondichéry? Et c'est surtout pour mon Pondichéry que je tremble ; si on le prend, je demanderai une pension sur le Mercure.
Ce Marmontel est un vilain homme ; quoi, il a travaillé à cette infâme rapsodie. Les sorciers qui invoquent le diable avec des passages de l'Écriture ne sont pas si coupables, à beaucoup près, qu'un homme qui fait servir les plus beaux vers de Corneille à une méchanceté si plate, si basse et si atroce. Le misérable n'est pas assez puni 9.
Il faut que je vous confie, mon cher ange, que j'ai envoyé la chevalerie à M. le duc de Villars, avec une critique sanglante que j'avais faite de ma pièce. Il m'a répondu qu'il trouvait la critique mauvaise et la pièce bonne, qu'il l'avait lue trois fois, qu'il y avait toujours pleuré. Il m'a renvoyé mon Tancrède, et m'a juré qu'il n'en avait point tiré de copie. Cela m'encourage un peu.
J'étais bien timide et bien dégoûté ; je ne dis pas que j'aie un courage de téméraire, mais ma peur est diminuée. Vous aurez incessamment Zulime replâtrée et Tancrède raboté.
Je songe actuellement à mon pain. Vous savez que je n'ai acheté des terres au pays de Gex que pour avoir du pain. Or il y a une armée d'alguazils, ennemis du genre humain, entre Ferney, Tournay et les Délices. Il faut livrer bataille pour faire venir dans ma maison les blés et l'avoine de mes champs. J'ai actuellement un procès par devant le frère 10 de maître Joly pour mon blé, mes chevaux, mes bœufs, qu'un très-insolent commis a saisis contre tout droit et raison. J'ai écrit au contrôleur général, aux fermiers généraux, à l'intendant, au subdélégué. Franchement, il est horrible de ne pouvoir manger en paix le blé qu'on a semé.
Je n'ose, dans la crise des affaires publiques, écrire à M. le duc de Choiseul. Je ne l'ai que trop importuné, et je crains de fatiguer ses bontés en le conjurant d'interposer son crédit. Je crois qu'il n'y a que la France au monde où il ne soit pas permis de jouir de ses moissons.
Mon cher ange, je me suis ruiné à acheter, à cultiver, à embellir des terres ; et tout ce que j'en retire, c'est de la difficulté et un procès pour manger mon pain. Il faut avoir plus de patience que je n'en ai pour soutenir une telle vexation. Je suis au bout de ma patience.
J'abuse de la vôtre par cette longue lettre ; mais lisez encore, si vous en avez le courage. Voici, puisque vous voulez bien le permettre, une lettre pour M. l'abbé d'Espagnac. On se trompe dans sa propre cause ; je n'ose assurer que ma demande soit juste, mais j'avoue qu'elle me le paraît. Il ne me manque plus qu'un procès pour les terres qui m'ont ruiné, et voilà la pièce finie. Était-ce pour cela que j'avais cherché la paix entre le mont Jura et les Alpes ? Allons, courage ! Comment se porte Mme d'ArgentaI depuis le dégel? Je me mets à ses pieds, mon divin ange.
V.
J'ajoute à mon épître que le duc de Villars, en pleurant, trouve des vers faibles. --allons, cherchons-les, nous les trouverons bien. Corrigeons, limons, rabotons, polissons . Vilain travail, et travaille vilain ! »
1 V* avait daté du 1, changé en 2, mais les petites lettres sont restées .
2 C'est-à-dire cinq cents vers de V* dans les Poésies du philosophe de Sans- Souci. (Georges Avenel) . Cette œuvre est citée dans la lettre à Darget du 7 janvier 1760 ; comme cette publication comprend L’Art de la guerre où figurent déjà trois cents vers de notre auteur, cette estimation est modeste .
3 Voir lettre du 27 mars 1759 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/13/le-president-vient-d-avoir-a-bale-un-proces-avec-une-fille-qui-voulait-etre.html
4 Épître au maréchal Keith, imitation du livre III de Lucrèce sur les vaines terreurs de la mort et les frayeurs d'une autre vie , elle ne fut pas publiée dans l'édition dite « Au Donjon du Château » , mais dans l'édition de Potsdam on peut lire ce passage :
Allez , lâches chrétiens. Que les feux éternels
Empêchent d'assouvir vos désirs criminels,
Vos austères vertus n'en ont que l'apparence .
Dans les Poésies diverses, « chrétiens » a été changé en « humains ».
5 Voir lettre de Choiseul citée dans la lettre à la duchesse de Saxe-Gotha du 26 janvier 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/26/j-aurai-toujours-beaucoup-de-respect-pour-les-belles-et-tout.html
6 Voyez les Mémoires de Voltaire et la lettre au comte d'Argental du 6 avril 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html
7Voltaire a d'abord écrit , puis rayé gloire .
8 Le passage suivant semble être entièrement l’œuvre de Frédéric II, ce qui est assez curieux :
Voyez à Fontenoy Louis dont l'âme
Douce dans ses succès soulage les vaincus,
C'est un dieu bienfaisant dont ils sont secourus […].
9 L'auteur de la parodie de la grande scène de Cinna, Bay de Cury, perdit, pour cette farce, l'intendance des Menus-Plaisirs, et Marmontel, à qui on l'avait d'abord attribuée, le privilège du Mercure; voyez tome XXXVII. page 33.
Voir lettre du 4 janvier 1760 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html
10 Intendant de Bourgogne.
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