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04/10/2025

Une adorable indifférente, Faisant du bien pour son plaisir

... Par altruisme, pur altruisme je vous assure, je serais satisfait de connaitre une charmante personne comme cela .

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

30 avril 1770 1

Dixain contre votre grand-maman

Oui, j’ai tort si je vous ai dit

Qu’elle n’était qu’une volage,

Fière du brillant avantage

De sa beauté, de son esprit,

Et se moquant de l’esclavage

De tous ceux qu’elle assujettit.

Cette image est trop révoltante ;

Je crois qu’on peut la définir

Une adorable indifférente,

Faisant du bien pour son plaisir. »

 

1 Copie par Wyatt ; éd. Kehl qui place cette pièce après le premier alinéa de la lettre datée du 5 mai et que Mme Du Deffand se réfère à ces vers dès le 8 mai . Voir : https://www.monsieurdevoltaire.com/2015/12/correspondance-annee-1770-partie-13.html

Vejanus se cache à la campagne, après avoir suspendu au jambage de la porte les armes d'Hercule

... C'est tout à fait vous M. Lecornu , encore en pleine réflexion et tractations, ou me trompè-je ?

 

« A Louis de Laus de Boissy

Ferney 28 avril 1770

Monsieur,

Anacréon chantait et dansait, Platon raisonnait ou déraisonnait dans le beau pays de la Grèce, et moi je suis entouré de quarante lieues de neiges, à la fin d’avril, entre les Savoyards et les Suisses ; et tant que les neiges sont sur la terre, je suis privé de la vue. Pardonnez-moi si, dans cet état, je ne réponds qu’en prose à vos très jolis vers 1. Je sens tout leur mérite ; mais vous me prenez trop à votre avantage . Ce n’est pas le cas où

Nardi parvus onix eliciet cadum. 2

.........................................................
…................................Vejanius, armis
Herculis ad postem fixis, latet abditus agro. 3

Vous daignez me chercher dans la solitude où je suis enseveli pour me récompenser de mes travaux passés . Je ne puis que vous offrir de sincères et d’inutiles remerciements des fleurs que vous jetez sur le bord de mon tombeau. J’ai perdu la voix ; mais si elle me revient, ce sera pour vous dire combien je suis sensible aux bontés dont vous m’honorez.

J'ai l'honneur d'être etc . »

1 Laus de Boissy a envoyé ces vers à V* dans une lettre de trois pages en prose et en vers qui, après avoir passé chez Charavay le 19 mars 1860 a apparemment disparu . Il est l'auteur du Secrétaire du Parnasse , ou recueil de nouvelles pièces en vers et en prose, dédié à « M. Arouet de Voltaire, comte de Ferney » appellation contre laquelle V* protestera dans sa lettre du 7 décembre 1770 .

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_de_Laus_de_Boissy

et : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/467-ma-laus-de-boissy

2 Horace, Odes, IV, xii, v. 17 . Un petit vase d'onyx plein de nard fera sortir une jarre (de vin ) .

3 Horace, Épîtres, I, i, V. 4-5 . Vejanus se cache à la campagne, après avoir suspendu au jambage de la porte les armes d'Hercule .

Cet honneur est bien grand, tous l’ont su mériter

... Telle sera la réponse - flatteuse - de M. Lecornu quand on lui demandera pourquoi il a choisi ceux qui vont gouverner avec lui .

  

 

« A Jean-François Marmontel

27 avril 1770

Au sujet près, mon cher ami, jamais les gens de lettres, dans aucun pays, n’ont imaginé rien de plus noble. Les douze apôtres n’ont pas eu ce courage. Les douze personnes 1 à qui cette étrange idée à passé par la tête sont dignes chacune de ce qu’elles veulent me donner.

Cet honneur est bien grand, tous l’ont su mériter.
Mais douze monuments et douze statuaires !
Ce serait un peu trop d’affaires.
Ils ont dit « Choisissons, pour nous représenter,
Celui qui d’entre nous donna les étrivières
Le plus fort et le plus longtemps
Aux Grizels, aux Frérons, aux cuistres, aux pédants ;
C’est notre prête-nom, c’est lui qui dans la troupe
Combattit en enfant perdu ;
C’est notre vieux soldat, au service assidu :
Faisons son effigie avant qu’à notre insu
La friponne Atropos lui coupe
Le fil mal renoué dont on le tient pourvu ;
On croira, quand on l’aura vu,
Que de nous tous on voit le groupe.
D’ailleurs, si nous l’aimons, certe il nous le rend bien.
Vite, qu’on nous l’ébauche ; allons, Pigal, dépêche ;
Figure à ton plaisir ce très mauvais chrétien ;
Mais en secret nous craignons bien
Qu’un bon chrétien ne t’en empêche. »

Vous m’allez dire que ces petits versiculets familiers ne valent rien . Je le sais tout comme vous ; mais j’ai la poitrine attaquée, je n’en puis plus ; et je vous conseille de mettre l’inscription : À Voltaire mourant , comme je le mande à M. d’Alembert.

Ce qui me rend un peu de vie, mais pas pour longtemps, c'est que Mlle Clairon va reparaître 2. Hélas ! Je ne la verrai pas. Je suis privé des joies de ce monde .

Bonsoir, mon très cher confrère.

Frère François. »

1 Selon la Correspondance littéraire, IX, 15, elles étaient dix sept .

03/10/2025

Vous avez trouvé le secret d’être le défenseur, le législateur, l’historien, et le précepteur de votre royaume

... Et c'est bien là la principale critique des opposants à Emmanuel Macron Ier qui n'admettent pas autant de qualités [sic] à notre président . Tant pis . Qu'ils patientent encore quelques mois pour tenter de faire mieux que lui ; ça leur fera tout drôle de n'avoir qu'une majorité relative; on sent déjà du 49-3 en leur réserve .

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

À Ferney, 27 avril [1770] 1

Sire,

Quand vous étiez malade, je l’étais bien aussi, et je faisais même tout comme vous de la prose et des vers, à cela près que mes vers et ma prose ne valaient pas grand -chose ; je conclus que j’étais fait pour vivre et mourir auprès de vous, et qu’il y a eu malentendu si cela n’est pas arrivé.

Me voilà capucin pendant que vous êtes jésuite ; c’est encore une raison de plus qui devait me retenir à Berlin ; cependant on dit que frère Ganganelli a condamné mes œuvres 2, ou du moins celles que les libraires vendent sous mon nom.

Je vais écrire à Sa Sainteté que je suis un très bon catholique, et que je prends Votre Majesté pour mon répondant.

Je ne renonce point du tout à mon auréole ; et comme je suis près de mourir d’une fluxion de poitrine, je vous prie de me faire canoniser au plus vite : cela ne coûtera que cent mille écus ; c’est marché donné.

Pour vous, sire, quand il faudra vous canoniser, on s’adressera à Marc-Aurèle. Vos Dialogues 3 sont tout à fait dans son goût comme dans ses principes ; je ne sais rien de plus utile. Vous avez trouvé le secret d’être le défenseur, le législateur, l’historien, et le précepteur de votre royaume ; tout cela est pourtant vrai : je défie qu’on en dise autant de Moustapha. Vous devriez bien vous arranger pour attraper quelques dépouilles de ce gros cochon : ce serait rendre service au genre humain.

Pendant que l’empire russe et l’empire ottoman se choquent avec un fracas qui retentit jusqu’aux deux bouts du monde, la petite république de Genève est toujours sous les armes ; mon manoir est rempli d’émigrants qui s’y réfugient. La ville de Jean Calvin n’est pas édifiante pour le moment présent.

Je n’ai jamais vu tant de neige et tant de sottises. Je ne verrai bientôt rien de tout cela, car je me meurs.

Daignez recevoir la bénédiction de frère François, et m’envoyer celle de saint Ignace.

Restez un héros sur la terre, et n’abandonnez pas absolument la mémoire d’un homme dont l’âme a toujours été aux pieds de la vôtre. »

1 Ed. Kehl . Charrot semble faire preuve d'hypercritique en soutenant que cette lettre est composée d'extraits des lettres du 4 mai et du 8 juin 1770 . La présente lettre ne répond pas à celle du 24 mai 1770 de Frédéric . Elle répond à celle du 6 avril 1770 :

« Potsdam 6 avril 1770


De Chaulieu l’épicurien
Je n’eus point en don le génie ;
Mais la goutte qui me retient
Sur mon grabat à l’agonie,
Vient par sa généalogie
De la même dont fut atteint
Cet aimable Sybaritain.
Je vois que par détail il faut quitter la vie
Ou plus tôt ou plus tard ; les ressorts sont usés :
L’un ne digère plus, l’autre a les yeux blessés ;
De sourds et de perclus la gente moribonde
Transportent en ballots par bonne occasion
Leur gros bagage en l’autre monde,
Jusqu’à la dissolution
Qui rassemble le tout dans le séjour immonde.
Pour moi, je sens déjà crouler le bâtiment,
Mes pieds estropiés perdent leur mouvement ;
Couvert de mes débris, je me fais une fête
Que de maux conjurés l’implacable tempête,
Par hasard jusqu’en ce moment,
Ait encore épargné ma tête.

Mes maux m’ont empêché de répondre à votre charmante lettre. Les sons de votre lyre se sont fait entendre dans le Tartare, où j’étais à la gêne ; ils ont fléchi les tyrans qui m’opprimaient ; ils m’ont rendu à la vie, comme autrefois Orphée sut délivrer Eurydice. Le premier usage que je fais de ma convalescence est de remercier l’Orphée ou l’Apollon qui me l’a procurée, et de lui envoyer en tribut une faible production de malade. J’attends le retour de mes forces pour vous en dire davantage, en implorant la nature pour qu’elle conserve la seule colonne du Parnasse qui nous reste, et ce bras armé du foudre de la raison, qui a écrasé la superstition et le fanatisme.

« Potsdam ce 6 avril 1770

« A propos j'apprends que les capucins vous ont choisi pour leur protecteur et que vous devenez père Pediculoso . Je ne vous le cède pas car les jésuites « mont pris pour le leur et si je les soutiens chez moi saint Ignace et saint Xavier n'ont qu'à trembler que je ne fourre dans leur niche que saint Voltaire et saint Frédéric.

« Frédéric. »

Du reste la minute de la lettre du 8 juin 1770 nous est parvenue, on la verra plus tard .

2 Effectivement , dans un bref daté du 1er mars 1770 ; voir baron Ludwig von Pastor , Geschichte der Päpste , 1932, X, II, 320.

3 On trouve dans les Œuvres posthumes de Frédéric II trois dialogues. Les interlocuteurs sont, pour le premier, le prince Eugène, Marlborough et le prince de Lichtenstein ; pour le second, le duc de Choiseul, Struensée et Socrate. Le troisième est le dialogue intitulé Marc-Aurèle et un Récollet : il est de Voltaire ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome23.djvu/489

Les Œuvres primitives de Frédéric contiennent un Dialogue de morale à l’usage de la jeune noblesse ; et c’est de celui-ci que parle ici Voltaire.

Voir lettre du même jour à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/10/01/il-y-a-beaucoup-de-turpitude-dans-toute-cette-affaire.html

02/10/2025

il y a beaucoup de turpitude dans toute cette affaire

... Sarkozy, fait comme un rat, donne des coups de dents à tous les barreaux, et ainsi s'attire les foudres d'un des plus résistants, celui des avocats "Le Barreau":

https://www.leparisien.fr/faits-divers/nicolas-sarkozy-condamne-une-vingtaine-davocats-deposent-une-plainte-contre-lancien-president-01-10-2025-OSEUXYFQHFBC3OIU6MJU2OZUQM.php

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert de

l'Académie française, et de l'Académie

des sciences etc. vis-à-vis Bellechasse

rue Saint-Dominique faubourg Saint-Germain

à Paris

27è avril à Versoix pour Ferney 1

Il n’y a pas d’apparence, mon cher philosophe, mon cher ami, que ce soit à Voltaire vivant 2 ; ce sera à Voltaire mourant, car je n’en puis plus ; et depuis quelques jours je sens que je suis au bout de mon écheveau.

Je me regarde, dans votre entreprise illustre, comme votre prête-nom. On veut dresser un monument contre le fanatisme, contre la persécution . C’était vous, c’était Diderot qu’il fallait mettre là . Je me tiens pierre d’attente.

N’allez pas, au reste, y mettre une barbe de capucin : car, tout capucin que je suis, je n’en porte point la barbe.

Il ne serait pas mal que Frédéric se mit au rang des souscripteurs cela épargnerait de l’argent à des gens de lettres trop généreux qui n’en ont guère. Il me doit cette réparation, et vous êtes le seul qui soyez à portée de lui proposer cette bonne œuvre philosophique 3. Il vous a envoyé sans doute le petit ouvrage qu’il a composé en dernier lieu 4, dans le goût de Marc-Aurèle , pendant qu’il avait la goutte . Cela sent encore plus son Frédéric que son Marc-Aurèle.

Je vous suis très obligé de l’article de M. Duclos. Je vous supplie de l’en bien remercier . Il est clair, par ce nom même d’Audouard, qui est actuellement en fuite, qu’il y a beaucoup de turpitude dans toute cette affaire. On m’assure 5 que Fréron jouait alors le rôle d’espion à Rennes, et qu’il l’est à Paris . Voilà la source cachée de la protection qu’il obtient.

L’anecdote de la chaîne  dont maître Aliboron tenait le bout, est curieuse, et tout à fait digne de ceux qui protègent ce maraud. Il est plaisant que Panckoucke  ait l’honneur d’être lié avec vous et avec M. Diderot après avoir imprimé tant de sottises atroces contre vous deux dans les ordures de ce folliculaire. Il a eu même la bêtise d’imaginer d’en faire une édition nouvelle par souscriptions . L’excès de ce ridicule l’a couvert de honte. J’ai peur que ce pauvre Panckoucke ne fasse une mauvaise fin.

Il est vrai que les feuilles de maître Aliboron eurent d’abord un cours prodigieux, et furent l’école de tous les petits provinciaux ; mais cela est tombé au fond de la bourbe du fleuve de l’oubli avec les ouvrages extravagants de Jean-Jacques, qui vaut pourtant beaucoup mieux que lui.

Adieu, mon digne et illustre ami ; et si mon mal de poitrine augmente, adieu pour toujours. »

1 Original ; cachet »SE » au-dessus de « 23 » (en rouge, deux fois ) , E en *au-dessus de P.D., une lettre illisible au dessus de 2 6e Lv contresignée Marin ; éd. Kehl ; Renouard qui donne pour la première fois les paragraphes 5, 6 et 7 . Sur l'original , la partie de l'adresse qui suit etc. est d'une autre main .

2 Voltaire parle de sa statue (voir lettre du même jour à Marmontel : https://www.monsieurdevoltaire.com/2015/12/correspondance-annee-1770-partie-13.html ) ; mais s’il rappelle ici l’expression d’une lettre de d’Alembert, cette lettre manque. Mais on connaît par la Correspondance littéraire (IX, 16) le texte proposé d'abord pour l'inscription : « A Voltaire vivant, par les gens de lettres ses compatriotes « .

3 D’Alembert fit effectivement la proposition et Frédéric II souscrivit pour la somme considérable de deux cents louis d'or, soit 4000 francs de l'époque .

4 Le Dialogue de morale à l’usage de la jeune noblesse, envoyé en même temps que la lettre du 6 avril 1770 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7849

5 Toujours par la lettre reproduite à propos de la lettre du 18 mars 1770 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/08/31/m-6560967.html

01/10/2025

savez-vous bien qu’il y a un proverbe qui dit que les taupes servent d’exemple ? exemplum ut talpa... L’éloignement entre les gens qui pensent est horrible

... A vous de jouer .

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

25è avril 1770

Vous voulez être taupe, madame savez-vous bien qu’il y a un proverbe qui dit que les taupes servent d’exemple ? exemplum ut talpa 1. Il est vrai que nous avons, vous et moi, quelque ressemblance avec ces animaux, qui passent pour aveugles. Je suis toujours de la confrérie, tant que les neiges couvrent nos montagnes je ne vois guère plus qu’une taupe ; et d’ailleurs j’irai bientôt dans leur royaume, en regrettant fort peu celui-ci, mais en vous regrettant beaucoup.

Vous avez deviné très-juste, madame, en devinant que M. l’abbé Terray m’a pris six fois plus qu’à vous ; mais c’est à ma famille qu’il a fait cette galanterie car il m’a pris tout le bien libre dont je pouvais disposer, et je ferai probablement, en mourant, banqueroute comme un évêque.

Vous voulez avoir cette prétendue encyclopédie qui n’en est point une . C’est un ouvrage malheureusement fort sage (à ce que je crois), mais fort ennuyeux (à ce que j’affirme). Je serai mort avant qu’il soit imprimé, attendu que, de mes deux libraires, l’un est devenu magistrat et ambassadeur, l’autre monte la garde continuellement, en qualité de major, dans le tripot de Genève, qu’on appelle République. Cependant, madame, afin que vous ne m’accusiez pas de négligence, voici trois feuilles qui me tombent sous la main. Faites-vous lire seulement les articles « Adam » 2 et « Adultère » 3. Notre premier père est toujours intéressant, et adultère est toujours quelque chose de piquant. Vous pourriez aussi vous faire lire l’article « Adorer » 4, parce qu’il y a réellement une chanson composée par Jésus-Christ qui est fort curieuse. Ce n’est point une plaisanterie, la chose est très vraie et vous verrez même que c’est une chanson à danser, et qu’on dansait alors dans toutes les cérémonies religieuses.

Quand vous vous serez amusée ou ennuyée de ces trois rogatons, n’oubliez pas, je vous prie, de gronder horriblement votre grand’maman. Elle m’a comblé de grâces, elle m’a fait capucin ; elle a fait capitaine d’artillerie un homme 5 que j’ai pris la liberté de lui recommander sans le connaître ; elle a donné une pension à un médecin 6 que je ne connais pas davantage, et que je ne consulte jamais ; et ce qui est le plus essentiel, elle m’a écrit des lettres charmantes ; mais elle est devenue une cruelle, une perfide qui m’abandonne dans ma plus grande détresse, dans une affaire très importante, dans une manufacture que j’ai établie, et que j’ai mise sous sa protection. C’est la plus belle entreprise qu’on ait faite dans le mont Jura depuis qu’il existe ; cela est bien au-dessus de ma manufacture de soie. Je sers l’État, je donne au roi de nouveaux sujets, je fournis de l’argent même à M. l’abbé Terray ; et on ne me fait pas le moindre remerciement ; on ne répond point à mes lettres ; on se moque de moi, et le mari de Mme Gargantua s’en moque tout le premier . Voilà comme sont faites les puissances de ce monde. Je sais bien qu’elles ont d’autres affaires que celles du mont Jura ; mais on peut faire écrire un mot, consoler, encourager un pauvre homme.

Enfin, madame, grondez votre grand’maman si vous pouvez ; mais on dit qu’il est impossible d’en avoir le courage.

Portez-vous bien, madame ; ayez du moins cette consolation. Qu’importent mon attachement inviolable et mon respect du mont Jura à Saint-Joseph ? L’éloignement entre les gens qui pensent est horrible.

Frère François. »

1 Exemplum ut talpa est une expression qui vient des anciennes grammaires latines ( Despaulères) . Elle signifie : Par exemple, la taupe, et s'employait pour donner des exemples de mots féminins comme talpa , la taupe , etc. Elle était passée en proverbe plaisant pour souligner la rencontre inattendue d'un mot et d'une situation ; ainsi dans une pièce de l'ancien Théâtre-Italien dont la référence nous échappe, comme l'actrice jouant Colombine, enceinte, parle du danger pour les filles de la fréquentation des hommes, son partenaire lui réplique par ce mot d'exemplum ut talpa .

Vous verrez le succès de vos travaux

... C'est un voeu que je fais particulièrement pour les chercheurs du monde médical et les soignants : OCTOBRE ROSE begins !

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« A François de Caire

Commandant à Versoix

etc . etc.

à Versoix

[vers le 25 avril 1770] 1

Tout ira bien, monsieur, malgré la dureté du temps . Le ministre prend Versoix à cœur comme vous-même, et le roi est très favorablement disposé . L'affaire des artistes logés dans les maisons de l'ancien dénombrement 2 n'a été qu'un effet de la pitié de M. le duc de Choiseul qui a cédé aux prières de M. Necker . Vous verrez le succès de vos travaux . C'est un bonheur que ma vieillesse et mes maladies ne me permettent pas d'espérer .

Que madame de Caire daigne agréer avec vous le respect du vieux malade de Ferney . »

1 Manuscrit olographe ; éd. Wade qui croit la lettre de 1768 . La référence aux « artistes » fixe un terminus a quo février 1770 ; voir encore la note 2.

2 Voir lettre du 21 février 1770 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/08/05/vous-avez-fait-une-bien-belle-action-6558023.html

De fortes objections avaient été faites aux réquisitions, et, le 19 ou le 20 avril De Caire reçut de Paris ordre de libérer les maisons ( Genève, ACP LXXXIX, 271, 288, 292, 293, et Genève lettres du vol . CCLXXI, entre les pages 272 et 273, ainsi qu'entre les pages 298 et 299 ).