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28/01/2023

on m'a même pris quatre-vingts arpents de terre pour ces nouvelles routes; mais je sais sacrifier mon intérêt particulier au bien public

... Un certain nombre de nantis devraient bien en prendre de la graine .

 

 

« A François Achard Joumard Tison, marquis

d'Argence, etc.

à Angoulême

10 juillet.

Votre vieux philosophe est bien fâché de n'avoir pu voir apparaître encore dans son ermitage le philosophe militaire de Dirac. Comptez, monsieur, que je sens toute ma perte. Je ne sais si la nouvelle que vous m'avez apprise d'une émeute des calvinistes, auprès de Sainte-Foy, a eu des suites. On m'a mandé qu'on avait démoli un temple auprès de la Rochelle, et qu'il y avait eu du monde tué mais je me défie de tous ces bruits, et je me flatte encore qu'il n'y a pas eu de sang répandu. Il ne faut croire le mal que quand on ne peut plus faire autrement. Notre petit pays est plus tranquille, malgré la prétendue guerre de Genève. Nous sommes entourés des troupes les plus honnêtes et les plus paisibles . Il n'y a rien eu de tragique que sur le théâtre de Ferney, où nous leur avons donné les Scythes et Sémiramis . De grands soupers ont été tous nos exploits militaires.

Le ministère a daigné jeter les yeux sur notre pays de Gex. On y fait de très beaux chemins on m'a même pris quatre-vingts arpents 1 de terre pour ces nouvelles routes; mais je sais sacrifier mon intérêt particulier au bien public.

On a des copies très imparfaites de la petite plaisanterie de la Guerre de Genève on a mis Tissot'2, au lieu d'un médecin nommé Bonnet, qui aimait un peu à boire . Le mal est médiocre. Aimez toujours un peu le vieux solitaire.

V.

J'apprends, dans ce moment, qu'il y a beaucoup de monde décrété à Bordeaux, que le curé n'est pas mort, et qu'on est fort déchaîné contre les calvinistes.

V. »

2 Le nom de Tissot n'est dans aucune des éditions que j'ai vues; dans toutes on lit Bonnet. (Beuchot ). Voir le chant III de la Guerre civile de Genève : page 34 et suiv. : https://books.google.fr/books?id=Gy8HAAAAQAAJ&printse...

27/01/2023

La vieillesse, la maladie et la retraite, me laissent bien rarement la consolation d'écrire

... Parmi tous ceux qui refusent de partir en retraite à 62 - 64 ans, combien en est-il qui ont ou auront les mêmes craintes et mêmes griefs ? La peur de ne plus pouvoir écrire est bien la plus absente dans ce monde de tictoqueurs présent et à venir .

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

A Ferney par Genève 9 juillet 1767

Madame,

La vieillesse, la maladie et la retraite, me laissent bien rarement la consolation d'écrire à Votre Altesse sérénissime. Les embarras causés par les troubles de Genève, des troupes de France envoyées dans notre petit pays, la longue interruption de toute communication, la disette qui est attachée à ces petites révolutions, et toutes les peines journalières qui en résultent, voilà bien de tristes raisons, madame, qui excusent un si long silence.

A toutes ces peines s'est jointe une nouvelle horreur de La Beaumelle. Votre Altesse sérénissime peut se ressouvenir qu'après avoir insulté votre auguste nom dans un mauvais livre intitulé Mes Pensées 1 il osa paraître dans Gotha, et qu'il en sortit précipitamment avec une fille qui avait volé sa maîtresse. Il a eu en dernier lieu la hardiesse d'imputer cette dernière action à un autre Français, qui s'est adressé à moi pour se plaindre de cette calomnie et pour demander mon témoignage 2. J'ai été obligé de le donner, attendu que j'ai été témoin de la vérité, et que tout Gotha avait vu La Beaumelle partir avec cette malheureuse, lorsque je vins vous faire ma cour. Il n'est pas juste en effet, madame, que l'innocent pâtisse pour le coupable. Aucun autre Français que La Beaumelle ne serait capable de ce procédé. J'ai donc cru que je ne manquais pas à ce que je dois à Votre Altesse sérénissime en donnant un certificat authentique devant les juges du point d'honneur, qu'on appelle en France la connétablie 3. Ce certificat atteste que ce fut La Beaumelle, et non un autre, qui partit de Gotha avec une servante qui avait volé sa maîtresse 4. Cette affaire est très importante pour le gentilhomme faussement accusé. Mon devoir est de vous en rendre compte. Je me flatte que votre équité approuvera ma conduite.

Je me mets aux pieds de monseigneur le duc et de toute votre auguste maison. Permettez-moi, madame, de ne point oublier la grande maîtresse des cœurs. Agréez le profond respect avec lequel je serai jusqu'au tombeau,

madame,

de Votre Altesse sérénissime

le très humble et très obéissant serviteur. 

Voltaire.»

 

2 Invention voltairienne . Ce certificat n'est nécessaire que pour répondre au démenti de La Beaumelle

3 Ce tribunal est établi pour juger les affaires relatives au point d'honneur . Sur l'affaire, voir lettre du 24 juin 1767 à La Beaumelle : 10182 :

4 V* ne travesti pas la vérité . Mais dans le texte incriminé par La Beaumelle, la phrase était tournée de telle façon que tout lecteur non averti devait croire que La Beaumelle était au moins complice du vol . Dans sa réponse du 24 juillet 1767, la duchesse remarquait assez sèchement qu'elle a été « extrêmement étonnée » de se voir nommée par V*, ainsi que le duc, dans l'affaire La Beaumelle ; elle « conjurait » V* qu'il ne fût « plus question » d'elle ni du duc . Enfin elle communiquait à V* la lettre qu'elle faisait adresser à La Beaumelle où elle lui faisait dire « qu'elle se rappelait très bien d'avoir dit à M. de Voltaire qu'[il ][La Beaumelle] était parti de Gotha avec une gouvernante d'enfants, qui s'était éclipsée furtivement de la maison de sa maîtresse, après s'être rendue coupable de plusieurs vols , mais qu'ellle ne lui avait jamais dit, ni qu'elle n'avait jamais cru qu'[il eût] la moindre part aux vols et à la mauvaise conduite de cette personne. »

26/01/2023

Je soumets ce mémoire à vos lumières, et la vérité à votre protection

... Merci le Canard : https://www.lecanardenchaine.fr/

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

[vers le 8 juillet 1767]1

Je vous supplie, monseigneur, de lire attentivement ce mémoire 2. Vous savez que j'ai rendu quelques services aux protestants. J'ignore s'ils les ont mérités; mais vous m'avouerez que La Beaumelle est un ingrat.

Je soumets ce mémoire à vos lumières, et la vérité à votre protection. Vous serez indigné, quand vous verrez tant de calomnies et d'horreurs rassemblées, et ce que nous avons de plus auguste avili avec tant d'insolence. On n'oserait imaginer qu'un tel homme pût calomnier la cour impunément. Il est dans le pays de Foix, à Mazères. Peut-être un mot de vous pourrait le faire rentrer en lui-même.

Gallien attend toujours la décision de son sort. Il a un frère, âgé de quatorze ans tout au plus, qui a été au Canada, à Alger, à Maroc, en qualité de mousse. Il est de retour, est venu voir son frère ici, il y a resté sept ou huit jours et ensuite, avec une petite pacotille, il est retourné en Dauphiné chez ses parents où l'aîné l'aurait bien voulu suivre, à ce qu'il m'a paru, pour peu de temps.

Peut-être ne savez-vous pas que j'ai donné la terre de Ferney à Mme Denis, et que je ne me suis réservé que la douceur de finir dans mon obscurité une vie mêlée de bien des chagrins, comme l'est la carrière de presque tous les hommes. Ce n'est qu'avec cette triste vie que finira le tendre et respectueux attachement que je vous ai voué jusqu'à mon dernier moment. Je vous supplie instamment de me conserver vos bontés, elles me sont nécessaires, par le prix que mon cœur y met; elles sont la plus chère consolation du plus ancien serviteur que vous ayez.

V. »

1 Original, initiale autographe, daté de mai 1767 comme le sera l'édition de Kehl . Daté ici d'après les deux lettres précédentes ; le Mémorandum est envoyé simultanément au Journal encyclopédique, où il parait les 1er-12 août 1767 .

25/01/2023

Vous daignerez lire, avec les yeux d'un sage et d'un ministre, cette requête en forme de mémoire

...L'indigestion sera votre lot : plus de vingt mille amendements, le crétinisme n'a pas de limites

https://www.letelegramme.fr/dataspot/reforme-des-retraite...

 

« A Louis Phélypeaux, comte de Saint-Florentin

A Ferney, pays de Gex, par Genève,

8 juillet 1766 [1767] 1

Monseigneur,

La vérité et moi, nous implorons votre protection contre la calomnie et contre les lettres anonymes. Vous daignerez lire, avec les yeux d'un sage et d'un ministre, cette requête en forme de mémoire 2. Il s'agit des plus horribles noirceurs imputées à toute la famille royale. Il ne m'appartient que de vous supplier d'imposer silence à La Beaumelle 3, qui est actuellement à Mazères, au pays de Foix, et de vous renouveler le profond respect et la reconnaissance avec lesquels je serai toute ma vie,

monseigneur,

votre très humble, très obéissant et obligé serviteur.

Voltaire . »



1 Manuscrit olographe . Édition Beuchot . Une note du manuscrit indique Maurepas comme destinataire . Les éditions donnent Sartines . Mais le premier est en disgrâce ; le second , lieutenant de police ne serait pas appelé Monseigneur . Et il ne peut s'agir pour cette requête que de Saint-Florentin .

Voir note de Beuchot : «  L'original ne porte pas d'adresse; elle était sur l'enveloppe. Je présume que la lettre s'adressait au lieutenant général de police, qui était alors M. de Sartines. »

2 Mémoire pour être mis à la tête de la nouvelle édition qu'on prépare du Siècle de Louis XIV . La seconde et la troisième édition, de date douteuse, et de 18 et 20 pages, au lieu de 15, ont un titre différent : Mémoire présenté au ministre . À cet endroit de la lettre, V* a ajouté en marge : Lisez seulement depuis la page 10, afin de ne pas perdre un temps précieux.

3 Voici la lettre que de son côté La Beaumelle écrivit

« A Mazères, pays de Foix, ce 13 juillet.

« Monseigneur, on vient de me faire passer un avis dont il m'importe de vous instruire promptement. C'est M. de Voltaire qui, après avoir imprimé vingt libelles où je suis peint comme un voleur, comme un scélérat, quoique depuis quinze ans je me taise sur son compte, m'apprend qu'il a envoyé au ministère je ne sais quelle 95e lettre anonyme qu'il m'attribue, et me menace de mettre au pied du tr6ne certains écrits qu'il prétend avoir de moi, et qui tous contiennent des crimes, dont la plupart, ajoute-t-il, sont des crimes de lèse-majesté. Il réveille sa vieille calomnie sur M. le duc d'Orléans, régent. Il m'accuse d'avoir outragé monsieur le duc, sur lequel je n'ai jamais écrit un mot; M. de Vrillière, dont j'écris actuellement le nom pour la première fois de ma vie; Louis XIV, que je révère avec tout l'univers; et ce qu'il y a de plus affreux, Sa Majesté même calomnie si atroce que je me reprocherais de m'en justifier.

« Comme je suis très-décidé à ne pas reprendre la plume contre lui, quoiqu'il en ait une peur qui le jette dans des convulsions, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour avoir signées de sa main toutes les imputations qu'il prétend vouloir soutenir devant tout l'univers, afin de le poursuivre en justice réglée. Mais je n'ai pu avoir que des signatures imprimées qui ne prouvent rien, et qu'on peut toujours désavouer.

« Je suis très-persuadé, monseigneur, que si cet homme a l'audace de tenter l'exécution du projet qu'il a formé de me perdre, vous ne me jugerez point sur les allégations même les plus spécieuses d'un implacable ennemi, ou d'autres personnes que son adroite méchanceté pourrait employer. Mais comme les déclamations véhémentes, le ton affirmatif, les tours artificieux de l'accusateur, pourraient laisser quelque fâcheuse impression contre l'accusé, j'ai cru devoir vous en prévenir, et opposer une protestation d'innocence au poids de son crédit, dont il me menace de m'accabler. Je ne sais de quels écrits il parle je ne sais s'il en a forgé pour me perdre. Il vit près d'un pays où cette fraude lui serait aisée et de quoi n'est-il pas capable, après avoir eu le front de m'attribuer sa Pucelle d'Orléans, après avoir imprimé que j'avais été condamné aux galères pour avoir pris l'habitude de tirer de mes mains adroites les bijoux des, poches de mes voisins après avoir écrit à Mme de La Beaumelle et à son père des lettres dont chaque mot est un opprobre?

Cependant je garde le silence et depuis quinze ans que nos démêlés commencèrent et que je le réprimai vigoureusement, je n'ai rien écrit contre lui. Je suis bien déterminé à continuer de traiter ses libelles avec le même mépris; mais qu'il me soit permis de pousser un cri auprès de vous, monseigneur, quand il ose me menacer d'employer la plus sainte des autorités à l'appui de la calomnie. Quoi qu'il puisse m'imputer, depuis douze ans, c'est-à-dire depuis que je sortis de la Bastille, qu'il transforme pour moi en Bicêtre, je n'ai pas fait imprimer une syllabe. Je vis dans mes terres, au sein de ma famille, partagé entre la culture de mon jardin et mon Tacite. Il serait bien juste que, si Voltaire ne veut pas jouir enfin tranquillement de sa gloire, il laissât au moins les autres jouir de leur obscurité. Je me flatte donc, monseigneur, que si quelque écrit, soit manuscrit, soit imprimé, vous est ou vous a été déjà déféré comme étant de moi, vous daignerez me le faire communiquer, afin que je puisse vous donner tous les éclaircissements convenables. Je suis d'autant plus fondé à vous faire cette prière qu'il est public qu'en 1751 mon ennemi me nuisit essentiellement en m'attribuant ce qui ne m'appartenait pas.

Je suis avec un très-profond respect, monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.

La Beaumelle .»

Je crois cette lettre inédite; c'est ce qui m'a décidé à la donner ici. (Beuchot)

24/01/2023

Il faut bien à la fin confondre un pervers

... Poutine, on ne t'oublie pas ! https://www.la-croix.com/Debats/Vladimir-Poutine-obsessio...

 

 

« A Charles Bordes

8 juillet [1767] à F.

J'aurai peut-être demain jeudi de vos nouvelles, mon cher confrère, et je saurai à quoi m'en tenir avec les frères Périsse. En attendant, voici un mémoire que je vous prie de lire 1. Vous sentez assez que je n'ai pu me dispenser de le publier. Il faut bien à la fin confondre un pervers. Voilà le secret des lettres anonymes découvert.

Je vous prie d'éclairer de vos lumières un solitaire qui ne voit les choses que de loin, qui doit toujours redouter le public, mais qui a été forcé de parler. Dites-moi ce que vous pensez, et soyez bien persuadé de tout ce que je sens pour vous.

V. »

23/01/2023

Vous savez que j'ai soixante-quatorze ans, et que ma constitution est bien faible

... Sénateur ? https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/quel-est...

 

 

« A Cosimo Alessandro Collini Secrétaire

Intime, historiographe et bibliothécaire

de Son Altesse Électorale, etc.

à Manheim

7è juillet 1767, à Ferney

Il est vrai, mon cher ami, que j'ai eu la faiblesse de jouer un rôle de vieillard dans la tragédie des Scythes; mais je l'ai tellement joué d'après nature que je n'ai pu l'achever . J'ai été obligé d'en sauter près de la moitié, et encore ai-je été malade de l'effort. Vous savez que j'ai soixante-quatorze ans, et que ma constitution est bien faible. Il y a aujourd'hui quatre années révolues que je ne suis sorti de l'ermitage que j'ai bâti. Mon cœur est à Schwetzingen mais mon corps n'attend qu'un petit tombeau fort modeste que je me suis élevé auprès d'une petite église de ma façon. Hélas ! comment oserai-je me présenter devant Leurs Altesses électorales, ayant presque perdu la vue, et n'entendant que très-difficilement ? Il faut savoir subir sa destinée. Nous avons à Ferney d'excellents acteurs , leurs talents me consolent quelquefois dans ma décrépitude . Le climat est dur, mais la situation est charmante . J'achève doucement ma vie entre une nièce et Mlle Corneille, que j'ai mariée, et quelques amis qui viennent partager ma retraite. Mais rien ne me dédommage de Schwetzingen. Je me ferais un plaisir bien vif de vous voir à Manheim, dans le sein de votre famille. J'embrasse de loin votre femme et vos enfants ; je m'intéresserai à votre bonheur jusqu'au dernier moment de ma vie.

Mettez-moi, je vous prie, aux pieds de Leurs Altesses. Plaignez-moi, et que votre amitié soit ma consolation. 

V.»

 

22/01/2023

vous savez mieux que personne combien les bons citoyens rendent justice au mérite, non lasciar la magnanima impresa

... Grève par ci, manif' par là et coups de gueules à qui mieux-mieux, vive la France !

 

 

« A Pierre-Laurent Buirette de Belloy

6è juillet 1767, à Ferney 1

Il y a quelques années , monsieur, que je ne lis aucun papier public ; j'ignore dans ma retraite qui se fait sur la terre . Je sais pourtant ce qui se passe à Moscou ; mais ce n'est pas par Le Mercure . L'impératrice de Russie daigna me mander 2 l'année passée qu’elle avait converti Abraham Chaumeix, et qu'elle en avait fait un tolérant . Si depuis ce temps là cet Abraham a fait cette sottise, s'il a vendu sa femme à quelque boyard comme le père des croyants vendit la sienne au roi d’Égypte et au roitelet de Gérar 3, si au lieu d'obtenir des bœufs, des vaches, des moutons, des serviteurs et des servantes il est tombé dans la misère, c'est probablement parce qu'il est ivrogne, et que le vin coûte fort cher en Scythie .

Il n'en est pas de même dans votre Paris où l'ami Fréron gagne de l'argent à bon marché, et s'enivre de même . Je fais mon compliment à ma chère patrie du privilège exclusif qu'on a donné à cet homme de vilipender son pays ; cela manquait à notre siècle .

Ce que vous me mandez, monsieur, de la générosité des comédiens de Paris ne m'étonne point . Ils sont si riches de leur propre fonds qu'ils peuvent se passer aisément des vers charmants de Racine . Mais ce n'est pas assez qu'ils tronquent des scènes entières de ce grand homme, il faudrait pour rendre la chose encore plus touchante qu'ils substituassent des vers de leur façon à ceux qu'ils retranchent . La copiste de la comédie doit être le premier poète du royaume, et c'est à lui qu'on doit s'en rapporter .

Il me parait que les imprimeurs en savent autant que les comédiens de votre bonne ville . Ils ont plaisamment accommodé l'endroit dont vous me parlez ; il y avait : Ennemis des lois et de la science, et ils ont mis : Ennemis des lois et de la sienne . Cela vaut le trompe[ 4]sonnette, au lieu de sonnez trompette . Que cela ne vous rebute pas, monsieur,vous savez mieux que personne combien les bons citoyens rendent justice au mérite, non lasciar la magnanima impresa 5.

Sans compliment et avec autant d'amitié que d'estime, votre très humble et très obéissant serviteur

V. »

1Collection privée ; édition Lefèvre . Voir aussi : https://drouot.com/l/13435638-voltaire-francois-marie-arouet

3 Genèse, XII, 15-16: https://www.aelf.org/bible/gn/12

4 Wagnière a écrit trompette et rayé les trois dernières lettres, sans penser à compléter le mot .

5 D'après Pétrarque, Sonnets, VII, 14 : Il ne faut pas abandonner cette magnanime entreprise .