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27/06/2023

Nous sommes plus savants sur certains chefs intéressants que dans le siècle passé mais adieu les talents, le goût, le génie et les grâces

... En cette période de passages d'examens, les résultats de ces chers collégiens, lycéens et étudiants de tous poils viennent confirmer ce constat .

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon , de

l'Académie des belles-lettres

rue du Doyenné-Saint-Louis-du Louvre

à Paris

Ami aussi essentiel qu'aimable, ayez tout pouvoir sur Pandore. Vous me donnez le fond de la boîte, et j'espère tout de votre goût, de la facilité de M. de La Borde. A l'égard de ma docilité, vous n'en doutez pas.

Je suis bien étonné qu'on ait fait un opéra d'Ernelinde, de Rodoald, et de Ricimer 1; cela pourrait faire souvenir les mauvais plaisants

De ce plaisant projet d'un poète ignorant

Qui de tant de héros va choisir Childebrand. 2

Le bizarre a succédé au naturel en tout genre. Nous sommes plus savants sur certains chefs intéressants que dans le siècle passé mais adieu les talents, le goût, le génie et les grâces.

Mes compliments à Rodoald je vais relire Atis 3.

J'ai peur que vous ne soyez dégoûté de l'empire romain et d'Eudoxie, depuis que vous avez vu la misère où les pauvres acteurs sont tombés. On dit qu'il n'y a que la Sorbonne qui soit plus méprisée que la Comédie française.

J'envie le bonheur de M. Dupuits, qui va vous embrasser. Je félicite M. de La Harpe de tous ses succès. Il en est si occupé qu'il n'a pas daigné m'écrire un mot depuis qu'il est parti de Ferney 4.

Mme Denis vous regrette tous les jours . Elle brave l'hiver, et j'y succombe. Je lis et j'écris des sottises au coin de mon feu, pour me dépiquer.

J'ai reçu d'excellents mémoires sur l'Inde 5. Cela me console des mauvais livres qu'on m'envoie de Paris. Ces mémoires seraient seraient mal reçus de votre Académie, et encore plus de vos théologiens. Il est prouvé que les Indiens ont des livres écrits il y a cinq mille ans . Il nous sied bien après cela de faire les entendus ! Leurs pagodes, qu'on a prises pour des représentations représentations de diables, sont évidemment les vertus personnifiées.

Je suis las des impertinences de l'Europe. Je partirai pour l'Inde, quand j'aurai de la santé et de la vigueur. En attendant, conservez-moi une amitié qui fait ma consolation.

V.

7è décembre 1767 à Ferney. »

1 Sur cet opéra, voir lettre du novembre 1767 à Chabanon : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/06/15/je-presume-qu-il-passe-fort-agreablement-son-temps-avec-quel-6447856.html

Les paroles d'Ernelinde sont de Poinsinet, la musique de Philidor. La première représentation avait été donnée le 24 novembre 1707.

2 Boileau, Art poétique., ch. III, v. 241-242 : https://fr.wikisource.org/wiki/Boileau_-_%C5%92uvres_po%C3%A9tiques/L%E2%80%99Art_po%C3%A9tique/Chant_III#cite_note-16

La citation comme l'idée sont familières à V* à cette époque.

4 Cette phrase a été barrée en vue de l'édition sur le manuscrit original ; elle a cependant été imprimée .

5 Phrase importante . Ces écrits sur l'Inde vont marquer profondément V* dans les cinq- six années subséquentes . Le commencement du chapitre XXIX du Précis du Siècle de Louis XV montre qu'il a reçu les deux premier volumes de l'ouvrage de John Zephaniah Holwell, Interesting Historical Events, Relative to the Provinces of Bengal, and the Empire of Indostan, 1766-1771 .

Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Pr%C3%A9cis_du_si%C3%A8cle_de_Louis_XV/Chapitre_29

et https://wellcomecollection.org/works/me6m8q8z

26/06/2023

cela va produire une file de tracasseries qui ne finira point

... Ainsi en est-il à Mayotte : https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/

https://la1ere.francetvinfo.fr/image/rPV9vmgsYwPsfEAzlVpNtOwKzeA/930x620/outremer/2023/03/15/6411713e09d45_etrangers-id13341-800x533.jpg

La misère n'est toujours pas moins pénible au soleil, comme chantait le petit Charles .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

7 décembre à Ferney

Mon cher ange, je vous, dépêche mon gendre 1, qui ne va à Paris ni pour l'opéra de Philidor, ni pour l'Opéra-Comique, ni pour le malheureux tripot de l'expirante Comédie-Française. Il aura le bonheur de faire sa cour à mes deux anges ; cela mérite bien le voyage. De plus, il compte servir le roi, ce qui est la suprême félicité. Puisse-t-il le servir longues années en temps de paix!

J'ai vaincu mon horrible répugnance, en excédant M. le duc de Duras de l'histoire de la falsification de mon testament 2. Je vois bien que je mourrai avant d'avoir mis ordre à mes affaires comiques, et que cela va produire une file de tracasseries qui ne finira point. Le théâtre de Baron, de Lecouvreur, de Clairon, n'en deviendra pas meilleur. La décadence est venue, il faut s'y soumettre . C'est le sort de toutes les nations qui ont cultivé les lettres ; chacune a eu son siècle brillant, et dix siècles de turpitude.

Je finis actuellement par semer du blé, au lieu de semer des vers en terre ingrate, et j'achève, comme je le puis, ma ridicule carrière.

Vivez heureux en santé, en tranquillité.

Dites , je vous prie , à M. de Thibouville que j'ai écrit à M. le duc de Duras 3 .

Adieu, mon ange, que j'aimerai tendrement jusqu'au dernier moment de ma vie.

V. » 

1 Dupuits .

2 Cette lettre, on l'a vu dans la lettre du 30 novembre 1767 à Lekain (http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/06/18/je-sais-seulement-que-le-public-doit-etre-servi-de-preferenc-6447848.html ) ne nous est pas parvenue , mais on a la réponse du duc de Duras qui dit ceci en réponse à l'article du « testament » : « Il est certain que votre testament n'a pas été .exécuté avec la bonne foi que la candeur de Mlle Dubois pouvait faire espérer . Elle a voulu vous tromper comme elle trompe ses amants et même les greluchons . Elle a adjoint quelques lignes à la lettre que vous lui avez écrit . La bonne foi de Mlle Durancy en a été la dupe et son amour-propre la détermina à quitter la comédie pour retourner à l'opéra où ses succès sont peut-être plus amers . Je sais bien ce qu'il faudrait pour mettre tout le monde d'accord . Il en existe une qui comme vous ne peut jamais être remplacée . On l'a forcé de quitter un spectacle dont elle faisait l'ornement et malgré la sagesse qui dirige les premiers gentilshommes de la chambre, j'ose dire qu'il est impossible d'avoir une conduite plus pitoyable . Je pourrais pour me justifier dire que tout s'est passé contre mon avis mais l’événement n'en a pas moins eu les suites les plus désagréables pour le spectacle . Il faudrait un prophète comme vous pour la convertir . Je ne suis ni assez jeune ni assez éloquent pour entreprendre une besogne aussi difficile . »

3 Cette phrase est supprimée dans l'édition de Kehl .

25/06/2023

je fais des vœux au ciel avec vous pour qu'il réussisse en tout, et pour que les hommes soient moins asservis à leurs préjugés, et plus dignes d'être heureux

... Voeux pour tout chef d'Etat digne de ce nom et des peuples qui ne soient pas bornés .

Philosophie, Aix - Marseille, Florilèges

http://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/jcms/c_10688539/...

 

 

 

« A Stanislas-Auguste Poniatowski, roi de Pologne

6 décembre 1767

Sire,

On m'apprend que Votre Majesté semble désirer que je lui écrive. Je n'ai osé prendre cette liberté ; un certain Bourdillon 1, qui professe secrètement le droit public à Bâle, prétend que vous êtes accablé d'affaires, et qu'il faut captare mollia fandi tempora 2. Je sais bien, sire, que vous avez beaucoup d'affaires mais je suis très sûr que vous n'en êtes pas accablé, et j'ai répondu au sieur Bourdillon Rex ille superior est negotiis 3.

Ce Bourdillon s'imagine que la Pologne serait beaucoup plus riche, plus peuplée, plus heureuse, si les serfs 4 étaient affranchis, s'ils avaient la liberté du corps et de l'âme, si les restes du gouvernement gothico-slavonico-romano-sarmatique étaient abolis un jour par un prince qui ne prendrait pas le titre de fils aîné de l'Église, mais celui de fils aîné de la raison. J'ai répondu au grave Bourdillon que je ne me mêlais pas d'affaires d'État, que je me bornais à admirer, à chérir les salutaires intentions de Votre Majesté, votre génie, votre humanité, et que je laissais les Grotius et les Puffendorf ennuyer leurs lecteurs par les citations des Anciens, qui n'ont pas fait le moindre bien aux Modernes. Je sais, disais-je à mon ami Bourdillon, que les Polonais seraient cent fois plus heureux si le roi était absolument le maître, et que rien n'est plus doux que de remettre ses intérêts entre les mains d'un souverain qui a justesse dans l'esprit et justice dans le cœur 5, mais je me garde bien d'aller plus loin. Vous n'ignorez pas, monsieur Bourdillon, qu'un roi est comme un tisserand continuellement occupé à reprendre les fils de sa toile qui se cassent; ou, si vous l'aimez mieux, comme Sisyphe, qui portait toujours son rocher au haut de la montagne, et qui le voyait retomber; ou enfin comme Hercule avec les têtes renaissantes de l'hydre.

M. Bourdillon me répondit : « Il finira sa toile, il fixera son rocher, il abattra les têtes de l'hydre. »

Je le souhaite, mon cher Bourdillon, et je fais des vœux au ciel avec vous pour qu'il réussisse en tout, et pour que les hommes soient moins asservis à leurs préjugés, et plus dignes d'être heureux. Je ne doute pas qu'un grand jurisconsulte comme vous ne soit en commerce de lettres avec un grand législateur. La première fois que vous l'ennuierez de votre fatras, dites-lui, je vous en prie, que

je suis avec un profond respect, avec admiration, avec dévouement,

de Sa Majesté,

le très humble, etc. »

1 C'est le nom sous lequel Voltaire avait publié l'Essai sur les Dissensions des églises de Pologne; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/461

2 Saisir les occasions favorables de parler, d'après Virgile, L'Enéide, IV, 293-294 :

Par les plaisirs vos moments sont comptés. / Goûtez longtemps cette douceur première; /A la raison joignez les voluptés; /Et que je puisse, à mon heure dernière, /Me croire heureux de vos félicités.

3 Ce roi là est supérieur aux affaires .

4 La copie porte chefs, ce qui manifestement est une erreur .

5 C'est la doctrine du despotisme éclairé . Mais il est cruel de la proposer à Stanislas-Auguste, monarque éclairé certes, mais qui peut d'autant moins faire table rase des traditions de son pays que celles-ci en constituent l'armature contre ses ennemis naturels, notamment la puissante Russie.

24/06/2023

l'inimitable auteur qui fait la plus grande gloire de la France

...  Pour moi, c'est Voltaire, suivi de Zola et Hugo . Point .

 

 

« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore

A Ferney le 6 décembre 1767

Je vois, monsieur, que les éditeurs des commentaires de Racine 1 ont envoyé depuis longtemps leur livre aux auteurs du Journal encyclopédique ; j'espère qu'on me fera bientôt la même faveur . M. Damilaville, mon ami, qui demeure au Bureau Vingtième, quai Saint-Bernard, paiera le complément de la souscription . Comme c'est entre vos mains que j'ai souscrit 2 , je m'adresse à vous, monsieur, pour vous prier me faire tenir mon exemplaire ; il n'y a qu'à le mettre à la diligence de Lyon, à M. de Voltaire, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, par Lyon à Gex . Je vous aurai une très grande obligation de me procurer la lecture d'un commentaire que je crois digne de l'inimitable auteur qui fait la plus grande gloire de la France .

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

2 Blin de Sainmore a noté sur le manuscrit : « Voltaire s'est trompé . Ce n'est point entre mes mains qu'il avait souscrit . Je l'ai seulement engagé, ainsi que le cardinal de Bernis et plusieurs autres personnes, de se mettre au nombre des souscripteurs . Si j'avais été le maître de l'édition et de la distribution, je n'aurais point proposé à Voltaire de souscrire : j'aurais été empressé de lui en offrir le premier exemplaire. »

23/06/2023

Je ne veux point regretter des plaisirs dont je ne peux jouir

... On aurait moins de guerres, filles de l'envie, si tout le monde était conscient de cette sage et courageuse réflexion .

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

4 décembre [1767] 1

Mon cher ami, je reçois votre lettre du 28 novembre, et vous devez avoir reçu la mienne du 2 décembre, dans laquelle je vous mandais ce que j'avais fait auprès de M. le duc de Choiseul et de Mme de Sauvigny . Je vous rendais compte de ses intentions et de ses raisons . Je lui envoie aujourd’hui une copie de la lettre de monsieur le contrôleur général du 3 mars . Ma lettre est pour elle et pour monsieur l'intendant qui m'a fait aussi l'honneur de me venir voir à Ferney . Mais encore une fois vous ferez plus en un quart d'heure à Paris par vous et par vos amis .

Je ne peux encore avoir reçu la réponse de M. le duc de Choiseul .

Je suis bien étonné qu'on ait imprimé à Paris l'essai historique sur les dissidents de Pologne . Je ne crois pas que Son Excellence le nonce de Sa Sainteté 2 ait favorisé cette impression .

On parle de quelques autres ouvrages nouveaux, entre autres de quelques lettres écrites au prince de Brunswick sur Rabelais et sur tous les auteurs italiens, français, anglais, allemands, accusés d'avoir écrit contre notre sainte religion 3. On dit que ces lettres sont curieuses . Je tâcherai d'en avoir un exemplaire et de vous l'envoyer, supposé qu'on puisse vous le faire tenir par la poste.

Je laisse là l'opéra de Philidor 4. Je ne le verrai jamais . Je ne veux point regretter des plaisirs dont je ne peux jouir. Tout ce que je sais, c'est que le récitatif de Lully est un chef-d’œuvre de déclamation comme les opéras de Quinault sont des chefs-d’œuvre de poésie naturelle, de passion, de galanterie, d'esprit et de grâces . Nous sommes aujourd’hui dans la boue, et les doubles croches ne nous en tireront pas .

Voici une réponse que je dois depuis deux mois à un commissaire de marine qui a fait imprimer chez Merlin une ode sur la magnanimité 5 . Je suis assailli tous les jours de vingt lettres dans ce goût . Cela me dérobe tout mon temps et empoisonne la douceur de ma vie . Plus vos lettres me consolent , plus celles des inconnus me désespèrent . Cependant il faut répondre, ou se faire des ennemis . Les ministres sont bien plus à leur aise ; ils ne répondent point .

Je vous supplie de vouloir bien faire rendre ma lettre, par Merlin, au magnanime commissaire de marine .

J'attends l'édit du concile perpétuel des Gaules 6 ; je sais qu'il n'est pas enregistré par le public .

Adieu ; embrassez pour moi Protagoras , et aimez toujours votre très tendre ami .

Puisse votre santé être en meilleur état que la mienne !

Je n'ai point encore reçu mon Maréchal de Luxembourg .

Voltaire. »

1 Édition de Kehl, voir lettre du 27 novembre 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/06/13/vous-ne-me-parlez-point-des-nouveaux-edits-en-faveur-des-negociants-et-des.html

La Correspondance littéraire ajoute les deux derniers paragraphes et change la date -de façon injustifiable- en « 14 décembre ».

2 Bernardino Giraud, archevêque in partibus de Damas, qui a remplacé comme nonce Pamfili-Colonna en septembre 1766 .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernardino_Giraud

et https://fr.wikipedia.org/wiki/Pietro_Colonna_(cardinal,_1...)

5 Il s'appelait H. de Bélin, et était ancien commissaire de la marine. Son Ode à la Magnanimité a été imprimée en 1767, in-8°. La lettre que Voltaire lui adressait manque. Voir : https://c18.net/vll/vll_fiche.php?id_vo_vll=329

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5462929t/f2.item

6 La Censure de la faculté de théologie de Paris contre le livre qui a pour titre Bélisaire, qui a été finalement été publiée : les Mémoires secrets notent sa parution à la date du 1er décembre 1767 . Voir : https://books.google.fr/books?id=3HA8AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

22/06/2023

Monsieur et madame, je me garderai bien de vous séparer

... Entendez-vous M. Macron et Mme Borne ? Entendez vous bien ! L'union fait la force, dit-on .

 

 

« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally et à Jeanne-Louise Pavée de Provenchères de Rochefort d'Ally 1

A Ferney, 2 décembre 1767

Quand vers leur fin mes ans sont emportés,

Vous commencez une belle carrière:

Par les plaisirs vos moments sont comptés .

Goûtez longtemps cette douceur première .

À la raison joignez les voluptés,

Et que je puisse à mon heure dernière

Me croire heureux de vos félicités .

Voilà ce qu'un vieux malade, qui n'en peut plus, dit à deux jeunes époux dignes du bonheur qu'il leur souhaite. Monsieur et madame, je me garderai bien de vous séparer.

A moi, du vin de Champagne! à moi, qui suis à l'eau de poulet! à moi, pauvre confisqué! Ah! monsieur et madame, venez le boire vous-mêmes. Je ne puis être que le témoin des plaisirs des autres, et c'est surtout aux vôtres que je m'intéresse.

Votre satisfaction mutuelle me ranime un moment pour vous dire à tous deux avec combien de reconnaissance et de respect j'ai l'honneur d'être,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

 

21/06/2023

pour être fou à lier, on n'en est pas moins citoyen et rien ne serait assurément plus sage que de permettre à tout le monde d'être fou à sa manière

... Tolérance . En paroles , certes ! mais faisons quand même tout pour éviter les passages à l'acte violents .

Dico québécois: fou raide, fou braque, fou comme un balai...

Amis quebecois bonjour ! https://www.dufrancaisaufrancais.com/articles/10-emplois-...

 

 

« A Jean-François Marmontel, de l'Académie

française etc.

2è décembre 1767

Commençons par les empereurs, mon très cher et illustre confrère, et ensuite nous viendrons aux rois. Je tiens l'empereur Justinien un assez méprisable despote, et Bélisaire un brave capitaine assez pillard, aussi sottement cocu que son maître. Mais, pour la Sorbonne, je suis toujours de l'avis de Des Landes, qui assure, à la page 299 de son troisième volume, que c'est le corps le plus méprisable du royaume 1.

Pour le roi de Pologne, c'est tout autre chose. Je le révère, l'estime et l'aime comme philosophe et comme bienfaisant. Il est vrai que j'eus l'honneur de recevoir sa réponse au mois de. mars, et que j'eus la discrétion de ne lui rien répliquer, parce que je craignis d'ennuyer un roi des Sarmates, qui me parut assez embarrassé entre un nonce, des évêques, des Radzivill et des Cracovie . Mais puisqu'il insinue que je dois lui écrire, il aura assurément de mes nouvelles.

Mon cher ami, vive le ministère de France! vive surtout M. le duc de Choiseul, qui ne veut pas que les Sorboniqueurs prêchent l'intolérance dans un siècle aussi éclairé! On lime les dents à ces monstres, on rogne leurs griffes c'est déjà beaucoup. Ils rugiront, et on ne les entendra seulement pas. Votre victoire est entière, mon cher ami ces drôles-là auraient été plus dangereux que les jésuites, si on les avait laissés faire.

Je suis bien affligé que l'édit en faveur des protestants n'ait point passé. Ce n'est pas que les huguenots ne soient aussi fous que les sorboniqueurs; mais, pour être fou à lier, on n'en est pas moins citoyen et rien ne serait assurément plus sage que de permettre à tout le monde d'être fou à sa manière.

Il me paraît que le public commence à être fou de la musique italienne . Cela ne m'empêchera jamais d'aimer passionnément le récitatif de Lulli. Les Italiens se moqueront de nous, et nous regarderont comme de mauvais singes. Nous prenons aussi les modes des Anglais nous n'existons plus par nous-mêmes. Le Théâtre-Français est désert comme les prêches de Genève. La décadence s'annonce de toutes parts. Nous allions nous sauver par la philosophie mais on veut nous empêcher de penser. Je me flatte pourtant qu'à la fin on pensera, et que le ministère ne sera pas plus méchant envers les pauvres philosophes qu'envers les pauvres huguenots.

Je vous supplie d'embrasser pour moi le petit nombre de sages qui voudra bien se souvenir du vieux solitaire, votre tendre ami. »

 

1 Dans son Histoire critique de la philosophie ; Voltaire rapporte ce passage dans la lettre du 16 mars 1767 à Chabanon : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/27/c-est-toujours-le-plan-qui-nous-echauffe-le-plus-que-l-on-do-6398177.html