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21/01/2023

Toutes ces fatalités réunies laissent peu d'espérance

... Peu : c'est heureusement encore un peu .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

A Ferney , 4 juillet 1767

Vous savez, mon cher ami, que ce fut vous qui, dans le temps du triomphe de la famille Calas et de M. de Lavaysse, m'apprîtes que M. de Lavaysse était beau-frère de ce malheureux La Beaumelle 1. Monsieur son père m'écrivit de Toulouse quelque temps après, que mademoiselle sa fille, veuve d'un homme assez riche, avait en effet épousé La Beaumelle, malgré toutes ses représentations. Je fus affligé qu'une famille à laquelle je m'intéresse fût alliée à un homme si coupable mais je n'en demeurai pas moins attaché à cette famille,

Vous n'ignorez pas que j'ai reçu un nombre prodigieux de lettres anonymes dans ma retraite . J'en ai reçu quatre-vingt-quatorze de la même écriture, et je les ai toutes brûlées. Enfin j'en ai reçu une quatre-vingt-quinzième qui ne peut être écrite que par La Beaumelle, ou par son frère 2, ou par quelqu'un à qui il l'aura dictée, puisque, dans cette lettre, il n'est question que de La Beaumelle même. J'ai pris le parti de l'envoyer au ministère. J'avais d'ailleurs dessein d'instruire le public littéraire de cette étrange manœuvre, et de faire connaître celui qui outrageait ma vieillesse avec tant d'acharnement, pour récompense des services rendus à la famille dans laquelle il est entré.

J'ai même envoyé à M. de Lavaysse le père cette déclaration que je devais rendre publique, et que j'ai supprimée, en attendant que je prenne une résolution plus convenable.

Dans ces circonstances, M. de Lavaysse de Vidou m'a écrit le 25 juin 3 ; il ignore apparemment la conduite de son beaufrère je le plains beaucoup. Je vous prie de lui faire part de mes sentiments, et de lui montrer cette lettre.

Je crains bien que nous n'ayons d'autre parti à prendre, au sujet des Sirven, que celui de la douleur et de la résignation. Ils sont innocents, on n'en peut douter. On leur a ôté leur honneur et leurs biens, on les a condamnés à la mort comme parricides on leur doit justice. Mais, d'un côté, le malheureux procès de M. de Beaumont; de l'autre, la présence de monsieur le procureur général du Languedoc, qui soutiendra les droits de son parlement enfin les bruits affreux qui courent sur les protestants des provinces méridionales, ne permettent pas de se flatter qu'on puisse s'adresser au Conseil avec succès. Les nouvelles horreurs de La Beaumelle sont encore un obstacle. Toutes ces fatalités réunies laissent peu d'espérance. Vous voyez les choses de plus près; je m'en rapporte à vous ; je vous supplie de m'instruire de l'état des choses.

La multitude de lettres que j'ai à écrire aujourd'hui, et ma santé, qui baisse tous les jours, me mettent hors d'état de répondre aussi au long que je le voudrais à M. Lavaysse de Vidou. Le peu que je vous écris, mon cher ami, suffira pour le convaincre de mes sentiments, et de l'état où je me trouve. Ayez donc la bonté, encore une fois, de lui faire lire cette lettre c'est tout ce que je puis vous dire, dans l'incertitude où je suis, et dans les souffrances de corps que j'éprouve.

Je vous embrasse tendrement, et j'attends mes consolations de votre amitié. »

1 Cette lettre n'est pas connue .

2 Ces quatre mots manquent sur le manuscrit .

3 Lettre D 14242 Besterman .

20/01/2023

Si j'étais une jeune et jolie femme, je sais bien comment je récompenserais un homme qui m'aurait adressé de si jolis vers 

... Fi du 49-3 !

 

 

« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore etc.

rue Neuve-des-Capucines

à Paris

Je vous fais bien tard mes remerciements, monsieur ; ils n'en sont pas assurément moins sincères . Un petit voyage et les maladies qui accablent ma vieillesse ne m'ont pas permis de vous dire plutôt 1 avec quelle satisfaction j'ai relu votre héroïde, et le plaisir extrême que m'a fait votre épître 2 . Si j'étais une jeune et jolie femme, je sais bien comment je récompenserais un homme qui m'aurait adressé de si jolis vers ; il n'aurait pas à se plaindre de moi . Je n'ai rien vu d'écrit avec plus de grâce . Je suis persuadé que la dame vous a bien payé de vos peines . Les amants malheureux ne font pas des vers si agréables . Plus je lis ces ouvrages qui sont du meilleur ton, plus j'ai bonne opinion de votre commentaire sur Racine qui était le poète du sentiment . J’espère que nous aurons bientôt l'édition que vous nous avez promise . Ce sera un grand service que vous rendrez à la littérature ; je l'attends avec la plus grande impatience ; elle sera l'ornement de ma bibliothèque et l'occupation de mes journées .

J’ai l'honneur d'être, avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

4è juillet 1767 à Ferney. »

1 C'est-à-dire plus tôt .

2 Une note de Blin de Sainmore sur une copie faite par lui de la lettre de V* précise qu'il s’agit d’une « nouvelle édition de l'héroïde de Calas précédée d'une épître à Mme*** [Élie de Beaumont) sur le sentiment », c'est-à-dire la Lettre de Jean Calas à sa femme et à ses enfants, 1767, tournée en « héroïde » à la mode du temps ; voir : https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2016/11/2879b220932eff741dc05174d5803a45.pdf

19/01/2023

elle est toute à l'honneur des dames,... Il est juste de prendre la défense de la plus jolie partie du genre humain, que des pédants ont cruellement attaquée

...

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

4 juillet [1767]

Vous serez peut-être aussi affligé que moi, mon cher ami, de ne recevoir qu'un maudit livre de prose 1 au lieu des vers scythes que vous attendiez. Ce n'est pas que vous ne soyez bientôt muni de vos vers scythes, mais enfin ils devaient arriver les premiers, puisque vous les aviez ordonnés, et il est triste de ne recevoir que la prose du neveu de l'abbé Bazin quand on attend des couplets de tragédie. Bazin minor vous a adressé sa petite drôlerie 2 par M. Marin, elle est toute à l'honneur des dames, et même des petits garçons, que les ennemis de l'abbé Bazin ont si indignement accusés. Il est juste de prendre la défense de la plus jolie partie du genre humain, que des pédants ont cruellement attaquée. A l'égard de la défense juridique des Sirven, j'ai bien peur qu'elle ne soit pas admise. Le procureur général de Toulouse 3 est à Paris, il réclame vivement les droits de son corps, et ce droit est celui de juger les Sirven, et probablement de les condamner. De plus, on me mande que les protestants ont excité une émeute vers la Saintonge, qu'ils ont poursuivi trois curés, qu'ils en ont tué un, qu'on a envoyé des troupes contre eux, qu'on a tué six-vingts hommes. Je veux croire que tout cela est fort exagéré; mais il faut bien qu'il se soit passé quelque chose de funeste; et vous m'avouerez que ces circonstances ne sont pas favorables pour obtenir contre les lois du royaume une nouvelle attribution de juges en faveur d'une famille huguenote. Pour comble de disgrâce, le huguenot La Beaumelle, beau-frère du jeune huguenot Lavaysse, s'est rendu coupable d'une nouvelle horreur.

J'ai découvert enfin que c'était lui qui m'avait fait adresser quatre-vingt-quatorze lettres anonymes le compte est net, et le fait est rare. J'en ai reçu enfin une quatre-vingt-quinzième qui m'a mis hors de doute. Il y a d'étranges pervers dans le monde.

L'ami Damilaville ira sans doute chez vous pour consulter l'oracle. Il est fâché, aussi bien que moi, du procès de M. de Beaumont. C'est une chose douloureuse que M. de Beaumont, dans ce procès, paraisse en quelque façon comme délateur des protestants, après avoir été leur défenseur qu'il demande la confiscation du bien d'un protestant, et qu'il réclame des lois rigoureuses contre lesquelles il s'est élevé lui-même. Il est vrai qu'il redemande le bien des ancêtres de sa femme mais malheureusement les apparences sont odieuses, il a des ennemis, ces ennemis se déchaînent tout cela fait au pauvre Sirven un tort irréparable.

Pour me consoler, M. de Chabanon achève aujourd'hui sa tragédie ; mais M. de La Harpe n'est pas si avancé; il s'en faut beaucoup. Deux tragédies à la fois, sorties des cavernes du mont Jura, auraient été pour moi une chose bien douce. Je vous assure que j'ai besoin d'être réconforté. Je ne peux plus rien faire par moi-même pour le tripot; j'ai besoin de jeunes gens qui prennent ma place pour vous plaire.

Je me mets aux pieds de Mme d'Argental; je me recommande aux bontés de M. de Thibouville. J'espère que les satrapes Nalrisp et Elochivis 4 ne seront pas regardés à Fontainebleau comme des satrapes de mauvais goût quand ils protégeront des Scythes. Agréez, mon divin ange, les tendres sentiments de tout ce qui habite Ferney, et surtout mon culte de dulie. « 

1La Défense de mon oncle

2Expression du Bourgeois gentilhomme, acte I, scène 2

4Praslin et Choiseul .

18/01/2023

on ne peut se dissimuler que l'énorme quantité de fautes dont le Siècle fourmille ne lui fasse grand tort

... Est-ce de notre président dont il est question ? Si non on pourrait aisément le croire .

 

 

« A Gabriel Cramer

[1767]

Que monsieur Caro ait la bonté de ne point égarer ce nouvel errata qu'on lui envoie .

Il est prié de ne point entamer le quatrième volume du Siècle de Louis XIV avant d'avoir reçu les additions importantes qu'on lui communiquera .

Il y a huit pages entières au troisième tome de l'Histoire générale qu'on ne peut bien corriger et augmenter qu’en les ayant sous les yeux . Il est prié d'envoyer ce troisième tome bien empaqueté, et on le lui renverra le lendemain .

Au reste, on ne peut se dissimuler que l'énorme quantité de fautes dont le Siècle fourmille ne lui fasse grand tort . Il est triste de n'avoir pas dans une imprimerie un bon correcteur . On a oublié dans les tragédies de l'in-quarto jusqu'à des vers entiers . Tout cela se remarque . On est obligé d'en avertir par l’extrême intérêt qu'on prend à monsieur Cramer .

Où en est-il actuellement de son édition in-quarto ? »

17/01/2023

Il est très triste que lorsque tout conspire à ramener la paix et la tolérance, le sieur Poutine s'obstine à faire [la] guerre la plus honteuse et qu'il s'expose à de nouveaux opprobres et à de nouveaux châtiments

... Voltaire ne m'en voudra pas d'user de son texte pour dénoncer l'ignoble individu qui défraie notre actualité .

 

« A Jean Ribote-Charron

29 juin [1767] 1

[…] La personne à qui vous avez envoyé votre manuscrit, monsieur, m'a dit qu'elle en aurait soin, et qu'elle le ferait imprimer dans quelque temps . Il est très triste que lorsque tout conspire à ramener la paix et la tolérance, le sieur La Beaumelle s'obstine à faire [la] guerre la plus honteuse et qu'il s'expose à de nouveaux opprobres et à de nouveaux châtiments . Je vous prie de me mander s'il est vrai que madame sa femme ait acheté la seigneurie du Carlat . Elle aurait dû acheter du bons sens pour en mettre dans la tête de son mari , puisqu'elle n'a pu lui communiquer le sien . J'ignore encore si l'aventure des trois curés est vraie 2. Cela serait bien plus triste .

Votre obl[...] »

1 L'original semble être passé des archives de la famille dans la collection Edward Barry ; voir catalogue Jeanjean (Carcassonne, avril 1934).

16/01/2023

Je ne m'attendais pas à cette désagréable aventure

... Avoir à converser avec le Chat-J'ai pété après avoir quitté Fesse-de-bouc ! Décidément, on reste sous la ceinture, Bill Gates est un proche des proctologues . Qu'en pensent les psys ? https://www.clubic.com/chatgpt/actualite-457062-pourquoi-...

 

 

« A David Lavaysse

A Ferney, 29 juin 1767

Votre lettre, monsieur, a croisé la mienne, vous verrez par l'imprimé ci-joint quel est le sujet de ma juste indignation . Vous savez que j'ai appris avec douleur, il y a deux ans, le triste choix qu'avait fait madame votre fille . Je l'avais toujours ignoré . Il est sans doute cruel pour moi qu'elle soit la femme d'un homme qui m'a outragé, moi et ma famille , avec la dernière indignité, sans que je l'eusse jamais offensé .

Je vous avoue que je n'ai adressé en dernier lieu mes plaintes qu'à un très petit nombre de personnes, et la lettre anonyme est encore en original entre les mains d'un premier commis qui n'en fera usage auprès des ministres qu'à ma requête . Il est certain, monsieur, que cette affaire peut devenir très grave . J'ai toute les preuves en main . J'ai des libelles signés de la main de l'homme qui ne devait pas s'attendre à vous appartenir un jour . Il ne mérite pas que je lui pardonne . Mais il n'y a rien que je ne fasse pour un homme de votre mérite et pour madame votre fille à qui on n'a rien à reprocher que de s'être abaissée jusqu'à lui . Je la plains et je la respecte . Je ne m'attendais pas à cette désagréable aventure : j’ai pour ennemi votre gendre . Mais je compte sur l’équité de son beau-père ; il sait qu'en toute affaire c'est l'agresseur qui est coupable . J'ose vous faire juge entre lui et moi .

J’ai l''honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre etc.

Voltaire. »

15/01/2023

ces messieurs n'ont pas la tolérance en grande recommandation

... C'est le moins que l'on puisse dire en Isarël et Palestine : https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/israel-palestine-antony-blinken-appelle-les-belligerants-a-ne-pas-attiser-les-tensions_5631011.html

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

26è juin 1767

On me mande, mon cher ami, que les huguenots d'un petit canton en Guyenne ont assassiné un curé 1, et en ont poursuivi deux autres. Si la chose est vraie, ces messieurs n'ont pas la tolérance en grande recommandation, et on n'en aura pas beaucoup pour eux. Je ne veux pas croire cette horrible nouvelle 2.

Pour peu qu'ils eussent donné lieu à une émeute, ils ne feraient pas de bien à la cause des Sirven. Je pense qu'alors il faudrait tout abandonner. Mais je me flatte encore que ce n'est qu'un faux bruit. Je n'ai point auprès de moi mon ami Wagnière. J'écris avec peine, je suis malade, je finis, mon cher ami, en vous recommandant les incluses, et en vous aimant. »

1 Voir les lettres 6950, 6960 et 6999 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut

2 Il s'agit de l'affaire dite des « masqués de Sainte-Foix » à laquelle Gabriel de Seigneux fera allusion dans une lettre à V* du 22 octobre 1767, sans donner de détails qui puissent l'éclairer .