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04/07/2023

Plût à Dieu qu’il fût encore à la tête de la littérature !

... Voltaire ?

- Oui, sans doute .

Le XVIIIe siècle en 10 œuvres - Léléphant - La revue de culture générale

https://lelephant-larevue.fr/thematiques/art-et-litteratu...

 

 

 

« A André Morellet

12è Décembre 1767 1

Vous êtes, mon cher docteur philosophe, le modèle de la générosité; c’est un éloge que les simples docteurs méritent rarement. Vous prévenez mes besoins par vos bienfaits. Je vous dois les belles et bonnes instructions que M. de Malesherbes a bien voulu me donner. Cette interdiction de remontrances sous Louis XIV, pendant près de cinquante années est une partie curieuse de l’histoire, et par conséquent entièrement négligée par les Limiers 2 et les Reboulets 3 , compilateurs de gazettes et de journaux. Je ne connais qu’une seule remontrance, en 1709, sur la variation des monnaies ; encore ne fut-elle présentée qu’après l’enregistrement, et on n’y eut aucun égard.

Je vous supplie, mon cher philosophe, d’ajouter à vos bontés celle de présenter mes très humbles remerciements au magistrat philosophe 4 qui m’a éclairé. Plût à Dieu qu’il fût encore à la tête de la littérature ! Quand on ôta au maréchal de Villars le commandement des armées, nous fûmes battus, et lorsqu’on le lui rendit, nous fûmes vainqueurs.

Je suis accablé de vieillesse, de maladies, de mauvais livres, d’affaires. J’ai le cœur gros de ne pouvoir vous dire aussi longuement que je le voudrais tout ce que je pense de vous, et à quel point je suis pénétré de l’estime et de l’amitié que vous m’avez inspirées pour le reste de ma vie.

V. »

1 En guise d'adresse, on lit, de la main de Wagnière :  « Pour le Dictionnaire du commerce. »

4 Malesherbes .

03/07/2023

Il y a des gens qui ont imprimé que si on avait joué la tragédie de Mahomet devant Ravaillac, il n'aurait jamais assassiné Henri IV

... Pour ceux qui ne le savent pas encore "Le Fanatisme ou Mahomet le prophète" est une des plus remarquables pièces du clairvoyant et toujours jeune Voltaire :

https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/20356

Maintenant vous pouvez comprendre le titre de la note de ce jour .

La censure dont je parlais hier s'est évidemment jetée bec et ongles sur cette pièce dérangeante pour tous les hypocrites de la terre : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fanatisme_ou_Mahomet_le_Proph%C3%A8te

Jouissance et rififi en Arabie – Langue sauce piquante

Voir la censure de cette miniature : https://www.lemonde.fr/blog/correcteurs/2022/01/21/jouissance-et-rififi-en-arabie/

 

 

 

« A Charles-Georges Fenouillot de Falbaire de Quingey

11 décembre 1767 à Ferney

Je ne peux trop vous remercier, monsieur, de la bonté que vous avez eue de m'envoyer votre pièce 1, que l'éloquence et l'humanité ont dictée. Elle est pleine de vers qui parlent au cœur, et qu'on retient malgré soi. Il y a des gens qui ont imprimé que si on avait joué la tragédie de Mahomet devant Ravaillac, il n'aurait jamais assassiné Henri IV. Ravaillac pouvait fort bien aller à la comédie; il avait fait ses études, et était un très bon maître d'école. On dit qu'il y a encore à Angoulême des gens de sa famille qui sont dans les ordres sacrés, et qui par conséquent persécutent les huguenots au nom de Dieu. Il ne serait pas mal qu'on jouât votre pièce devant ces honnêtes gens, et surtout devant le parlement de Toulouse. M. de Marmontel vous en demandera probablement une représentation pour la Sorbonne.

Pour moi, monsieur, je vous réponds que je la ferai jouer sur mon petit théâtre.

Je suis fâché que votre prédicant Lisimond 2 ait eu la lâcheté de laisser traîner son fils aux galères. Je voudrais que sa vieille femme s'évanouît à ce spectacle, que le père fût empressé à la secourir, qu'elle mourût de douleur entre ses bras; que pendant ce temps-là la chaîne partît; que le vieux Lisimond, après avoir enterré sa vieille prédicante, allât vite à Toulon se présenter pour dégager son fils. Le fond de votre pièce n'y perdrait rien, et le sentiment y gagnerait.

Je voudrais aussi (permettez-moi de vous le dire) que, dans la scène de la reconnaissance, les deux amants ne se parlassent pas si longtemps sans se reconnaître, ce qui choque absolument la vraisemblance.

N'imputez ces faibles critiques qu'à mon estime. Je crois que vous pouvez rendre au théâtre le lustre qu'il commence à perdre tous les jours; mais soyez bien persuadé que Phèdre et Iphigénie feront toujours plus d'effet que des bourgeois. Votre style vous appelle au grand.

J'ai l'honneur d'être, avec toute l'estime que vous méritez, votre très-humble . »

1 Charles-Georges Fenouillot de Falbaire, né à Salins en 1727, mort à Sainte-Menehould le 28 octobre 1800, avait envoyé à Voltaire son ouvrage intitulé la Piété filiale, ou l'Honnête Criminel, drame en cinq actes et en vers, imprimé dès 1767, in-8°, joué sur des théâtres de société, mais qui ne fut représenté sur le Théâtre-Français qu'en 1790.

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Georges_Fenouillot_de_Falbaire_de_Quingey

et : https://marie-antoinette.forumactif.org/t3522-madame-fenouillot-de-falbaire-berceuse-du-sieur-beaujon

02/07/2023

Les commis à la douane des pensées sont inexorables

... Et on en arrive à la stupide auto-censure pour satisfaire l'égo hypertrophié de minorités qui se victimisent faute d'être assez intelligentes. Le crétinisme de la révision du titre des Dix petits nègres n'en est qu'un petit exemple . On continue à châtrer des oeuvres remarquables, et les éditeurs sont alors d'une lâcheté infinie pour garder une clientèle de cloportes qui se croient phares de la bienséance . Comme dit maître Rabelais, compissons tous ces aigre-pisseux !

Gardons notre respect et notre amour pour ceux qui ont écrit, comme Voltaire,  qu'un chat est un chat !

Les « Dix petits nègres » d'Agatha Christie rebaptisé

 

 

 

« A Daniel-Marc-Antoine Chardon

11è décembre 1767

Monsieur, vous m'étonnez de vouloir lire des bagatelles, quand vous êtes occupé à déployer votre éloquence sur les choses les plus sérieuses mais Caton allait à cheval sur un bâton avec un enfant, après s'être fait admirer dans le sénat 1. Je suis un vieil enfant; vous voulez vous amuser de mes rêveries, elles sont à vos ordres mais la difficulté est de les faire voyager. Les commis à la douane des pensées sont inexorables. Je me ferais d'ailleurs, monsieur, un vrai plaisir de vous procurer quelques livres nouveaux qui valent infiniment mieux que les miens; mais je ne répondrais pas de leur catholicité. Ce qui me rassurerait, c'est que le meilleur rapporteur du conseil doit avoir sous les yeux toutes les pièces des deux parties.

Si vous pouvez, monsieur, m'indiquer une voie sûre, je ne manquerai pas de vous obéir ponctuellement.

J'ose me flatter que vous ferez bientôt triompher l'innocence des Sirven 2, que vous serez comblé de gloire; soyez sûr que tout le royaume vous bénira . Vous détruirez à la fois le préjugé le plus absurde, et la persécution la plus abominable.

J'ai l'honneur d'être, avec autant d'estime que de respect,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

Vous me pardonnerez de ne pas vous écrire de ma main, mes maladies et mes yeux ne me le permettent pas. »

 

1 Anecdote rapportée par Tite-Live, XXXIX, 40 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Caton_l%27Ancien

et page 329 et suiv. : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57745863/f334.item.r=caton

01/07/2023

Je ne le connais pas, mais j'ai un ami qui le connaît

...C'est l'homme qui a vu l'ours, sur les réseaux sociaux, c'est vous dire si ses sources sont fiables et par conséquent les miennes s'il me prenait la folie d'en tenir compte .

Exposition L'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours au Musée des beaux-arts  de Sherbrooke - YouTube

https://www.youtube.com/watch?v=BCpGg5n9I_Q&ab_channel=Mus%C3%A9edesbeaux-artsdeSherbrooke

 

 

« A François-Louis-Henri Leriche

10 décembre 1767 1

Une maladie assez violente, mon cher monsieur, ne m'a pas permis de répondre plus tôt à vos bontés, et à celles de M. le marquis de Marnésia . Je crois qu'il est très aisé de trouver des protections auprès de M. de Calonne a qui on a donné depuis peu la place de premier président du parlement de Douai 2. Je ne le connais pas, mais j'ai un ami qui le connaît, et à qui j'ai écrit . Vous m'avez bien vivement intéressé pour cet honnête homme persécuté par des coquins . Je me flatte que vous voudrez bien m'instruire du succès de son affaire .

Comptez sur les sentiments, etc. »

1 Copie Beaumarchais-Kehl . La lettre a été finalement omise dans l'édition de Kehl .

2 Louis Dominique de Calonne est devenu premier président du parlement des Flandres, siégeant à Douai, le 5 décembre 1767 .Voir Maurice Braure, Lille et la Flandre wallonne au XVIIIè siècle, 1932 : https://www.persee.fr/doc/rnord_0035-2624_1933_num_19_76_1627_t1_0325_0000_3

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3347536x/f19.item

Et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Alexandre_de_Calonne

et : https://books.openedition.org/irhis/2034?lang=fr

30/06/2023

ce peuple, dont nous tenons les échecs, le trictrac, les théorèmes fondamentaux de la géométrie, est malheureusement d'une superstition qui effraye la nature

...  Les Indiens maitrisent bien des sciences et pourtant ont toujours une vie régie par le système des castes né de leur religion, ce qui est d'une injustice crasse : https://fr.euronews.com/2016/02/23/cinq-minutes-pour-comp... 

Etat le plus peuplé du monde, avec des champions du domaine informatique et des enfants qui crèvent dans les ordures, ils sont les rois de la pollution, de l'injustice et la misère sociale .

Ce naïf Voltaire n'a malheureusement pas connu le quotidien des intouchables, les parias, pour le dénoncer .

Les intouchables en Inde : Robert Deliège - 9782849523476 - Ebook arts,  culture & société | Cultura

 

 

 

« A Peacock

A Ferney, 8 décembre 1767 1

Je ne saurais, monsieur, vous remercier en anglais, parce que ma vieillesse et mes maladies me privent absolument de la facilité d'écrire. Je dicte donc en français mes très sincères remerciements sur le livre instructif que vous avez bien voulu m'envoyer 2. Vous m'avez confirmé de vive voix une partie des choses que l'auteur dit sur l'Inde, sur ses coutumes antiques, conservées jusqu'à nos jours; sur ses livres, les plus anciens qu'il y ait dans le monde; sur les sciences, dont les brachmanes ont été les dépositaires, sur leur religion emblématique, qui semble être l'origine de toutes les autres religions. Il y a longtemps que je pensais, et que j'ai même écrit, une partie des vérités que ce savant auteur développe. Je possède une copie d'un ancien manuscrit 3 qui est un commentaire du Veidam, fait incontestablement avant l'invasion d'Alexandre. J'ai envoyé à la Bibliothèque royale de Paris l'original de la traduction faite par un brame, correspondant de notre pauvre compagnie des Indes, qui sait très bien le français.

Je n'ai point de honte, monsieur, de vous supplier de me gratifier de tout ce que vous pourrez retrouver d'instructions sur ce beau pays où les Zoroastre, les Pythagore, les Apollonius de Thyane, ont voyagé comme vous.

J'avoue que ce peuple, dont nous tenons les échecs, le trictrac, les théorèmes fondamentaux de la géométrie, est malheureusement d'une superstition qui effraye la nature . Mais, avec cet horrible et honteux fanatisme, il est vertueux ce qui prouve bien que les superstitions les plus insensées ne peuvent étouffer la voix de la raison, car la raison vient de Dieu, et la superstition vient des hommes, qui ne peuvent anéantir ce que Dieu a fait.

J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec une très vive reconnaissance. »

1 Copie Beaumarchais-Kehl ; édition de Kehl . Il n'a pas été possible d'identifier plus exactement le correspondant de V* , nommé « ci-devant fermier général du roi de Patna. » . Peut-être Thomas Peacock : https://www.wikitree.com/wiki/Peacock-4598

Voir lettre du 25 décembre 1767 à Chabanon :7109 :https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut

29/06/2023

Je ne puis trouver à emprunter, n'ayant que du viager

... Très chers, trop chers banquiers, vous ne changerez jamais .

Idées d'un citoyen presque sexagénaire sur l'état actuel du royaume de  France, comparées à celles de sa jeunesse (1787) - Institut Coppet

" Le plus mauvais système est donc celui qui entraîne beaucoup de frais et faux frais, beaucoup de pertes d’hommes, travaux et denrées ».

https://www.institutcoppet.org/idees-dun-citoyen-presque-...

 

 

 

« Au Conseil suprême de Montbéliard

Au château de Ferney 8 décembre 1767

Messieurs,

Je reçois la lettre dont vous m’honorez du 4 décembre . Permettez-moi d'abord de vous dire que le compte de M. Jeanmaire n'est pas juste . Il prétend par votre lettre qu'au 1er octobre dernier on me doit environ cinquante-cinq mille sept cents livres qu'on m'a fait passer en lettres de change sur Lyon payables au 12 novembre . Or, messieurs, par le compte de MM. Jeanmaire et Surleau du 30 septembre 1767 et par leur compte joint à leur lettre, il m'est dû d'une part soixante et un mille quarante et une livres, et de l'autre cent cinquante ; le tout faisant soixante et un mille cent quatre- vingt-onze livres .

De ces soixante et un mille cent quatre-vingt-onze livres il faut déduire quatre mille cinq cents livres que j'ai touchées à Lyon à la fin de novembre sans préjudice de mes droits . Reste cinquante-six mille six cent quatre-vingt onze livres qui me sont dues .

Et à la fin du mois où nous sommes il me sera dû un quartier montant à la somme de quinze mille cinq cent trente et une livres .

Total au 1er janvier 72222 £

Ajoutez à ce compte qui est très juste neuf cents livres qu'il m'en a coûté tant à Besançon qu'à Colmar pour m'opposer aux poursuites illégales de mes cocréanciers et pour soutenir l'antériorité de mes hypothèques, desquelles neuf cents livres, je produirai l'état .

Le tout se monte au 1er janvier à 73122 £

Voilà, messieurs, sur quoi vous pouvez tabler . Il s'agit donc maintenant de me payer cette somme et de m'assurer le courant . J'entre dans ma soixante et quinzième année . Je n'ai pas de temps à perdre et ce courant ne vous sera ps longtemps à charge . Vous ne pouvez m'envoyer actuellement que dix mille livres, soit . Ayez donc la bonté de les faire envoyer en lettres de change sur Lyon payables à vue .

Vous me promettez dix mille francs au mois de janvier ; très volontiers encore . Donnez-moi donc, messieurs, des délégations acceptées, pour le reste délégations en bonne forme, délégations irrévocables tant pour ma vie durant que pour celles de mes neveux et nièces, pour ce qui leur appartiendra après ma mort . Cela finira toute discussion .

Vous sentez, messieurs, à quel triste état vous m'avez réduit en ne me payant point . Je dois actuellement plus de vingt-cinq mille livres . Je suis un père de famille à la tête d'une grosse maison . Je ne puis trouver à emprunter, n'ayant que du viager . Je me flatte que vous ne voudrez pas remplir de tant d'amertume la fin de ma vie .

J'ai l'honneur d'être avec tous le sentiments que je vous dois,

messieurs,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

28/06/2023

Ainsi en usent tous nos grands seigneurs . Leurs affaires sont aussi embrouillées que celles du roi . Comme je ne suis pas grand seigneur, les miennes sont fort nettes ; mais aussi personne ne me paie, et tout le monde se moque de moi

...Une pétition pour préserver les ressources des personnes handicapées -  Faire Face - Toute l'actualité du handicap

C'est du passé récent .

 

 

« A Alexandre-Marie-François de Paule de Dompierre d'Hornoy

7è décembre 1767 à Ferney

Mon cher magistrat, vous ne ressemblez pas à ce conseiller de grand-chambre qui, étant prié d'arranger les affaires de sa famille, répondit qu'il n’entendait pas les affaires . Vous me paraissez les entendre fort bien ; vous n'avez point de négligence quoique votre notoriété vous mette en droit d'être paresseux .

Vous verrez par l'aide authentique que je vous envoie qu'il est nécessaire que vous me donniez un petit mot de ratification conjointement avec votre mère et le gros abbé .

De plus il est nécessaire que vous préveniez les chicanes de nos seigneurs les fermiers généraux des domaines . Ils pourraient très bien vous faire payer les droits d'insinuation que vous ne devez pas ; ou essayer de vous dépouiller de vos rentes sous prétexte que l'acte n'a ni été contrôlé , ni insinué . Il n'a point été contrôlé parce qu'il a passé en Alsace où le contrôle n'a point lieu . Il n'a point été insinué parce qu'on n'insinue que les donations et les substitutions ; et que cet acte ne porte aucun de ces caractères .

Votre mère s'arrangea avec moi il y a quelques années ; et c'est en vertu de cet arrangement que vous avez tous trois de ce chef chacun deux mille livres de rente immédiatement après ma mort indépendamment de ce qui vous revient d'ailleurs . Il faut donc qu'en ratifiant cet acte vous ayez la bonté de spécifier que l'argent a été fourni en partie par par vous trois, selon les conventions faites entre nous . En effet, ma nièce votre mère m'a fourni de l'argent comptant dans un de ses voyages ; et c'est cet argent qui a servi de base à ce contrat . Il est inutile de spécifier la somme .

Vous pouvez dire en deux mots, vous, Mme de Florian et l'abbé Mignot, que vous ratifiez l'acte pour la passation duquel vous avez tous trois fourni les deniers dont la rente vous est assurée .

Je suppose que vous êtes majeur, et, quand vous ne le seriez pas, je crois que votre signature autorisée par Mme de Florian et l'abbé Mignot est très valable dans le cas dont il s'agit .

Mme de Florian étant à la campagne, vous pourrez aisément lui envoyer un modèle de procuration ; moyennant quoi, l'abbé Mignot ou vous signerez pour elle .

Cette petite formalité étant expédiée, voici une autre affaire que je confie à votre prudence et à votre amitié, bien sûr que vous ne me refuserez pas vos bons offices . Il y a dans le monde un abbé de Blet 1, prieur de je ne sais où, gentilhomme poitevin attaché depuis longtemps au maréchal de Richelieu . Il s'est chargé de débrouiller les affaires de la maison par pur attachement . C'est un homme sage, honnête et exact . M. le maréchal me doit une somme assez considérable . Elle sera selon M. de Laleu d'environ quarante-deux mille livres au mois de janvier, et selon M. l'abbé de Blet elle ne sera que d'environ vingt-sept . La raison de cette différence est probablement que le commissionnaire chargé du recouvrement par M. de Laleu, n'a point compté avec lui de toute sa recette .

Je vous supplierais donc premièrement d'éclaircir cette difficulté, et de savoir ensuite de M. de Blet comment et dans quel temps il pourra me satisfaire, en m’envoyant des lettres de change sur Lyon .

Ce même M. de Blet s'est chargé aussi des arrangements concernant la succession du prince et de la princesse de Guise, dont M. le duc de Fronsac est petit-fils et héritier par sa mère .

J'avais contribué beaucoup au mariage de M. le duc de Richelieu avec Mlle de Guise en prêtant au prince de Guise le sourdaud, vingt-cinq mille livres dont il me fit une rente viagère de deux mille cinq cents livres 2, croyant que je mourrais dans l'année .

Ce fut au contraire le sourdaud qui mourut . L'auguste princesse sa femme, sur les biens de laquelle ma rente fut hypothéquée mourut aussi . Sa fille , la duchesse de Richelieu, en fit autant, et me voici en vie encore pour quelques mois .

La succession se partage entre M. le duc de Fronsac et M. le prince de Beauvau, M. de Fronsac parce qu'il est petit-fils , M. de Beauvau parce qu’il a épousé une petite-fille .

Tout ceci posé, il faut savoir que cette succession me doit environ dix-huit mille livres, et au mois de janvier plus de vint mille livres . J'entends toujours toutes impositions déduites . L'abbé de Blet ne refusera pas d'entrer en conférence avec vous . Vous verrez ce que je peux et ce que je dois faire, et vous me fournirez s'il en est besoin, un avocat et un procureur, qui ne demeurant pas, s'il est possible, fort loin de l'hôtel de Richelieu où demeure M. l'abbé de Blet, et qui ne dédaignent pas de me rendre compte du succès de cette entremise, soit entremise de simple considération, soit entremise juridique .

Il faut vous dire que dans cette affaire le duc de Fronsac agit en son propre nom, et le prince de Beauvau au nom de ses enfants mineurs . Ainsi je soupçonne qu'il y a du juridique dans l'arrangement de cette succession .

Voici de plus ce qui est arrivé, et ce qui pourrait me nuire . Mon hypothèque pour les deux mille cinq cents livres de rente était spécialement établie sur la terre de Monjeu . Cette terre a été vendue, et je ne sais ce qui est advenu de mon hypothèque .

J'ai eu la même aventure avec M. le maréchal de Richelieu ; il a tant retourné, tant saboulé son bien, que mon hypothèque avec lui est à tous les diables . Ainsi en usent tous nos grands seigneurs . Leurs affaires sont aussi embrouillées que celles du roi .

Comme je ne suis pas grand seigneur, les miennes sont fort nettes ; mais aussi personne ne me paie, et tout le monde se moque de moi 3.

Il n'en sera pas ainsi de vous, et les bagatelles déléguées irrévocablement sur des fermiers de Franche-Comté, ne souffriront jamais de retardement . Je m'arrange actuellement en Franche-Comté ; je compte sur votre amitié pour être arrangé à Paris . Je vous demande pardon d'une si longue lettre et de tant de fatras, mais les fatras d'affaires sont l'élément d'un conseiller de la cour .

Sur ce, mon cher neveu, je vous embrasse le plus tendrement du monde .

V. »

1 Il est question de cet abbé de Blet dans une lettre de Richelieu à V* du 12 novembre 1767 ; c'est une sorte d'intendant du duc . Voir : « Blet, abbé, correspondant de Voltaire, XV 74 » https://societe-voltaire.org/cv-index.php

2 Somme ajoutée de la main de V* .

3 Ces mots et tout le monde se moque de moi sont une addition manuscrite de V*.