Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/03/2023

Je crois, madame, que si quelqu'un est assez heureux pour vous diriger, ce ne peut être qu'un homme du monde, un homme aimable qui n'a point de sots scrupules

... Mme Borne que pensez-vous du président, hiérarchiquement votre supérieur  ? A-t-il les dons requis ? plus de mérite que M. Olivier Allix, et ce dernier était-il trop directeur ?

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lisabeth_Borne

 

 

« A Marie-Anne-Françoise Mouchard, comtesse de Beauharnais 1

[vers le 10 auguste 1767] 2

On dit, madame, que les divinités apparaissaient autrefois aux solitaires dans les déserts ; mais elles n'écrivaient point de jolies lettres ; et j'aime mieux la lettre dont vous m'avez honoré, que toutes les apparitions de ces nymphe de l'Antiquité . Il y a encore une chose qui me fait un grand plaisir, c'est que vous ne m'auriez point écrit, si vous aviez été dévote ou superstitieuse : il y a des confesseurs qui défendent à leurs pénitentes de se jouer à moi . Je crois, madame, que si quelqu'un est assez heureux pour vous diriger, ce ne peut être qu'un homme du monde, un homme aimable qui n'a point de sots scrupules . Vous ne pouvez avoir qu'un directeur raisonnable et fait pour plaire . Le comble de ma bonne fortune, c'est que vous écrivez naturellement, et que votre esprit n'a pas besoin d'art . On dit que votre figure est comme votre esprit . Que de raisons pour être enchanté de vos bontés ! Agréez, madame, la reconnaissance et le respect du vieux solitaire

V... »

2 Copie Beaumarchais-Kehl ; copie ancienne ; édition de Kehl qui place la lettre en mai 1772 , année déjà proposée par les deux copies . Mais il s'agit manifestement de la lettre à laquelle répond une lettre de Fanny de Beauharnais du 19 août 1767 ; d'où la date proposée ici .

21/03/2023

Un pauvre particulier doit être défendu ; il doit décrier au moins le témoignage de son ennemi

... Gendarmerie contre manifestants - manifestants contre police ; qui est l'ennemi, qui est le particulier dans ces violences au motif d'opposition à une loi ou à un projet de "méga-bassine" ?

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

10 auguste 1767 1

Je viens de trouver enfin, mon cher ami, un premier volume de Corneille pour l'ami Thieriot . Comment veut-il que je le lui envoie ? Cela fait un très gros paquet, qui serait refusé à la poste .

Je crois qu'il faut laisser imprimer le mémoire qui devait précéder la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV . C'est une affaire qui n'est pas seulement littéraire ; elle est personnelle à plusieurs grandes maisons du royaume qui m'ont témoigné leur indignation contre ce malheureux La Beaumelle 2 . Ses calomnies, peu connues peut-être à Paris, sont répandues dans les pays étrangers . Il m'a traité comme Louis XIV, et je ne suis pas roi . Un pauvre particulier doit être défendu ; il doit décrier au moins le témoignage de son ennemi . Je ne reviens point de mon étonnement quand mes amis me disent qu'il faut mépriser de telles impostures . Je n'entends pas quel honneur il y a à se laisser diffamer , et je suis bien persuadé qu'aucun de ceux qui me disent « Gardez le silence » ne le garderait à ma place .

Je crains toujours que le mémoire de Loiseau ne déplaise au ministère . La satire contre le gouvernement de Berne est un peu violente . Le mémoire n'est point juridique . Si messieurs de Berne se plaignent, on pourra s'en prendre à Loiseau .

Je ne sais plus comment va l'affaire de M. de Beaumont . Adieu, mon cher ami ; faites parvenir ce billet à Protagoras 3 . Pour Platon, il m'abandonne aussi bien que la cause commune . Je vous embrasse de tout mon cœur. »

1 Copie contemporaine Darmstadt B. ; autre copie contemporaine ; édition de Kehl, qui suivant la copie Beaumarchais amalgame des extraits de cette lettre et de celle du 12 août pour en faire une lettre datée « 12 août » la copie Beaumarchais y ajoute même des fragments de la lettre du 14 août .

2 Aucune trace de ces prétendus témoignages d'indignation .

20/03/2023

je ne ris point quand on me dit qu'on ne paye point vos pensions

... J'aimerais bien que ce soient vos paroles Mme Borne . Et que vous agissiez en conséquence .

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

10 d'auguste [1767] 1

Mon cher philosophe saura que le maudit libraire n'a point voulu se charger de la seconde édition de la Destruction des prêtres de Baal 2. Il dit qu'on lui saisit une partie de la première à Lyon, qu'il ne veut pas en risquer une seconde; que personne ne s'intéresse plus à l'humiliation des prêtres de Baal; et il n'a point encore rendu l'exemplaire corrigé qu'on lui avait remis ; l'interruption du commerce désespère tout le monde.

Riballier, Larcher et Coger, sont trois têtes du collége Mazarin dans un bonnet d'âne. Ce sont les troupes légères de la Sorbonne; il faut crier Point de Mazarin!

Warburton est un fort insolent évêque hérétique, auquel on ne peut répondre que par des injures catholiques 3. Les Anglais n'entendent pas la plaisanterie fine; la musique douce n'est pas faite pour eux ; il leur faut des trompettes et des tambours.

Je fais la guerre à droite, à gauche. Je charge mon fusil de sel avec les uns, et de grosses balles avec les autres. Je me bats surtout en désespéré, quand on pousse l'impudence jusqu'à m'accuser de n'être pas bon chrétien et, après m'être bien battu, je finis par rire; mais je ne ris point quand on me dit qu'on ne paye point vos pensions: cela me fait trembler pour une petite démarche que j'ai faite auprès de monsieur le contrôleur général en faveur de M. de La Harpe 4 ; je vois bien que, s'il fait une petite fortune, il ne la devra jamais qu'à lui-même. Ses talents le tireront de l'extrême indigence, c'est tout ce qu'il peut attendre

Atque inopi lingua desertas invocat artes . 5.

A propos, je ne trouve point ma lettre à Coge pecus si douce 6 ; il me semble que je lui dis, d'un ton fort paternel, qu'il est un coquin. Interim vale, et me ama.7 »

2 L'ouvrage de d'Alembert Sur la Destruction des jésuites.

3 « La réponse de Warburton dans une petite feuille est juste …. » : voir lettre de d'Alembert ci-dessus .

4 Voir lettre de janvier 1767 à de Laverdy : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/08/s-il-fallait-en-france-pensionner-tous-les-hommes-de-talent-6380823.html

Le 12 août, La Harpe écrit à un ami, , non identifié, qu'il achève une tragédie qui le retiendra à Ferney jusqu'au mois d'octobre ; voir A. Jovicevich : « An Unpublished Letter of La Harpe », 1963 .

5 Pétrone ? Citation non identifiée . Et d'une langue impuissante il invoque les arts qu'il a désertés .

7 En attendant, porte-toi bien et aime-moi .

19/03/2023

il sera ad natus promptus heriles

... Ministre ? Syndicaliste ? Bureau de parti politique ? ... Oui ! pour tous, ce me semble .

 

 

« A Pierre-Michel Hennin

Ma foi, monsieur, je crois que vous faites une bonne acquisition. Vous formerez ce jeune homme, il sera ad natus promptus heriles 1. Je vais écrire à M. le maréchal de Richelieu. Je suis d'ailleurs à vos ordres comme Gallien, et comme toute notre maison, et comme tout le pays . C'est-à-dire que vous avez mon cœur.

V.

9 auguste [1767]; aoust est bien welche. 2»

1 Horace, Epîtres, II, ii, 6 , inexactment cité . Traduction : docile aux commandements du maître .

2 Manuscrit olographe ; édition Correspondanace inédite, 1825 . Hennin a écrit le même jour à V* : lettre 6971 de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut

18/03/2023

Je vous l'avais bien dit qu'il fallait passer sa vie à combattre

... Y compris en retraite .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

8 auguste 1767 1

Je vous ai obligation, mon cher ami, de m'avoir fait connaître jusqu'où un Coger pouvait porter l'insolence. M. Capperonnier vient de m'écrire une lettre dans laquelle il donne un démenti formel à ce maraud. Il est bon de répandre parmi les sages et les gens de bien la turpitude des méchants. Cette turpitude est bien punissable. Il n'est pas permis de prendre le nom de Dieu en vain 2. Je vous l'avais bien dit qu'il fallait passer sa vie à combattre. Un homme de lettres, pour peu qu'il ait de réputation, est un Hercule qui combat des hydres. Prêtez-moi votre massue, j'ai plus de courage que de force. Si j'avais de la santé, tous ces drôles-là verraient beau jeu.

Je voudrais voir le factum de l'adverse partie de Beaumont . J'ai lu le plaidoyer de Loiseau contre Berne 3 par-devant l'Europe . Le cas est singulier . Ce Loiseau veut se faire de la réputation à quelque prix que ce soit ; mais je crois qu'on s'intéressera fort peu à cette affaire dans Paris .

M.le prince Galitzin 4 me mande que le livre intitulé L'Ordre essentiel et naturel des sociétés politiques 5 est fort au-dessus de Montesquieu. N'est-ce pas le livre que vous m'avez dit ne rien valoir du tout ? Le titre m'en déplaît fort. Il y a longtemps qu'on ne m'a envoyé de bons livres de Paris.

Que ne puis-je causer avec vous ? »

 

3 Alexandre-Jérôme Loiseau de Mauléon : Défense apologétique du comte de Portes […] adressée à Leurs Excellences du conseil souverain de la république de Berne, 1767 : https://books.google.com.sv/books?id=1g1bAAAAQAAJ&pg=PA2&focus=viewport&hl=fr&output=html_text

4 Cette lettre n'est pas connue mais on a la réponse qu'y fit V* :

5 Cet ouvrage que V* a reçu par l'intermédiaire de Wargemont est le suivant : L'Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, 1767, de Pierre Paul François Joachim Henri Le Mercier de La Rivière . Voir : https://data.bnf.fr/fr/11911703/paul-pierre_lemercier_de_la_riviere/

et : https://www.kapandji-morhange.com/en/lot/84319/7486779

Cet ouvrage parut en 1767, deux volumes in-12 ou un volume in-4. La Rivière, invité à venir en Russie, arriva à Pétersbourg pendant une absence de l'impératrice, et, croyant qu'il allait être premier ministre, se pressa de louer trois maisons contiguës, où il fit toutes les dispositions ou distributions des appartements dans cette idée. Il commençait déjà l'organisation des bureaux , l'arrivée de l'impératrice le tira de ces rêves. Toutefois l'impératrice de Russie le dédommagea convenablement de ses dépenses. « Nous nous séparâmes contents, » dit l'impératrice à M. de Ségur; voyez Mémoires ou Souvenirs de Ségur, 1826, in-8°, III, 40.

17/03/2023

ce n'est que la rage de nuire, et la folle espérance de se faire une réputation en attaquant ceux qui en ont

... Trop tristement d'actualité !

 

 

« A Jean-François Marmontel, de

l'Académie française

7è auguste 1767 1

Mon cher confrère, vous savez sans doute que ce malheureux Coger a fait une seconde édition 2 de son libelle contre vous , et qu'il y a mis une nouvelle dose de poison. Ne croyez pas que ce soit la rage du fanatisme qui arme ces coquins-là, ce n'est que la rage de nuire, et la folle espérance de se faire une réputation en attaquant ceux qui en ont. La démence de ce malheureux a été portée au point qu'il a osé compromettre le nom du roi dans une de ses notes, page 96. Il dit, dans cette note, que « vous répandez le déisme, que vous habillez Bélisaire des haillons des déistes 3que les jeunes empoisonneurs et blasphémateurs de Picardie condamnés au feu l'année dernière, ont avoué que c'était de pareilles lectures qui les avaient portés aux horreurs dont ils étaient coupables; que le jour que MM. le président Hénault, Capperonnier et Le Bault, eurent l'honneur de présenter au roi les deux derniers volumes de l'Académie des belles-lettres, Sa Majesté témoigna la plus grande indignation contre M. de V., etc. ».

Vous saurez, mon cher confrère, que j'ai les lettres de M. le président Hénault et de M. Capperonnier, qui donnent un démenti formel à ce maraud 4. Il a osé prostituer le nom du roi, pour calomnier les membres d'une académie qui est sous la protection immédiate de Sa Majesté.

De quelque crédit que le fanatisme se vante aujourd'hui, je doute qu'il puisse se soutenir contre la vérité qui l'écrase, et contre l'opprobre dont il se couvre lui-même.

Vous savez que Coger, secrétaire de Riballier, vous prodigue, dans sa nouvelle édition, le titre de séditieux 5 mais vous devez savoir aussi que votre séditieux Bélisaire vient d'être traduit en russe, sous les yeux de l'impératrice de Russie. C'est elle-même qui me fait l'honneur de me le mander 6. Il est aussi traduit en anglais et en suédois cela est triste pour maître Riballier.

On s'est trop réjoui de la destruction des jésuites. Je savais bien que les jansénistes prendraient la place vacante. On nous a délivrés des renards, et on nous a livrés aux loups. Si j'étais à Paris, mon avis serait que l'Académie demandât justice au roi. Elle mettrait à ses pieds, d'un côté, les éloges donnés à votre Bélisaire par l'Europe entière, et de l'autre les impostures de deux cuistres de collège 7. Je voudrais qu'un corps soutînt ses membres quand ses membres lui font honneur.

Je n'ai que le temps de vous dire combien je vous estime et je vous aime. »

1 Édition Lettre de M. de Voltaire à M. Marmontel, 1767 . Curieusement Marmontel écrit le même jour à V*.

2 Sur cette seconde édition, voir lettre du 27 juillet 1767 à Coger : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/21/il-ne-vous-reste-qu-a-vous-repentir.html

3 Ce qui précède n'est pas une citation mais un résumé .

4 On peut se demander pourquoi V* n'a jamais publié ces démentis.

5 Voir l'Examen de Bélisaire, p. 52 .

6 Dans la lettre du 9 juin 176, dont V* fait état auprès de différents correspondants depuis le 25 juillet . La voici : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-35175925.html

« A Casan, le 18/29 Mai.

Je vous avais menacé d’une lettre, de quelque bicoque de l’Asie ; je vous tiens parole aujourd’hui.

Il me semble que les auteurs de l’Anecdote sur Bélisaire, et de la Lettre sur les Panégyriques, sont proches parents du neveu de l’abbé Bazin. Mais, monsieur, ne vaudrait-il pas mieux renvoyer tout panégyrique des gens après leur mort, crainte que tôt ou tard ils ne donnent un démenti, vu l’inconséquence et le peu de stabilité des choses humaines ? Je ne sais si, après la révocation de l’édit de Nantes, on a fait beaucoup de cas des panégyriques de Louis XIV : les réfugiés, au moins, n’étaient pas disposés à leur donner du poids.

Je vous prie, monsieur, d’employer votre crédit auprès du savant du canton d’Uri (1), pour qu’il ne perde pas son temps à faire le mien avant mon décès.

Ces lois dont on parle tant, au bout du compte, ne sont point faites encore. Eh ! Qui peut répondre de leur bonté ? C’est la postérité, et non pas nous, en vérité, qui sera à portée de décider cette question. Imaginez, je vous prie, qu’elles doivent servir pour l’Europe et pour l’Asie : et quelle différence de climat, de gens, d’habitudes, d’idées même !

Me voilà en Asie ; j’ai voulu voir cela par mes yeux. Il y a dans cette ville vingt peuples divers, qui ne se ressemblent point du tout. Il faut pourtant leur faire un habit qui leur soit propre à tous. Ils peuvent  se bien trouver des principes généraux ; mais les détails ? Et quels détails ! J’allais dire : C’est presque un monde à créer, à unir, à conserver. Je ne finirais pas, et en voilà beaucoup trop de toutes façons.

Si tout cela ne réussit pas, les lambeaux de lettres que j’ai trouvés cités dans le dernier imprimé (2) paraîtront ostentation (et que sais-je, moi !) aux impartiaux et à mes envieux. Et puis mes lettres n’ont été dictées que par l’estime, et ne sauraient être bonnes à l’impression. Il est vrai qu’il m’est bien flatteur et honorable de voir par quel sentiment tout cela a été cité chez l’auteur de la Lettre sur les panégyriques ; mais Bélisaire dit que c’est là justement le moment dangereux pour mon espèce. Bélisaire, ayant raison partout, sans doute n’aura pas tort en ceci. La traduction de ce dernier livre est finie, et va être imprimée. Pour faire l’essai de cette traduction, on l’a lue à deux personnes qui ne connaissaient point l’original. L’un s’écria : Qu’on me crève les yeux, pourvu que je sois Bélisaire, j’en serai assez récompensé ; l’autre dit : Si cela était, j’en serais envieux.

En finissant, monsieur, recevez les témoignages de ma reconnaissance pour toutes les marques d’amitié que vous me donnez ; mais, s’il est possible, préservez mon griffonnage de l’impression. Caterine. »

1 – C’est sous le nom d’un professeur en droit du canton d’Uri qu’avait paru la Lettre sur les panégyriques. (G.Avenel)

2 – L’instruction pour la réforme des lois. (G.A.)

On notera que le « savant du canton d'Uri » est V* lui-même ; sa Lettre sur les panégyriques a été publiée sous le nom d'  « Irénée Aléthès, professeur en droit dans le canton suisse d'Uri ».

7 Riballier et Coger .

16/03/2023

Le faux prend la couleur de la vérité à laquelle il est mêlé . La calomnie se perpétue dans l'Europe si on ne prend soin de la détruire

... Ce serait presque satisfaisant si ça se limitait effectivement à l'Europe . Mais, diable, le monde entier est touché, le Net est son terreau .

 

 

« A Jacques Lacombe, Libraire

Quai de Conti

à Paris

7è auguste 1767 à Ferney 1

Je vous suis très obligé, monsieur, des livres que vous m'envoyez . Ils sont pour l'usage du jeune homme dont je vous avais parlé .

Il serait sans doute bien flatteur pour moi qu'un homme de lettres tel que vous, qui a bien voulu se donner à la typographie, entreprit la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV que j'ai consacré principalement à la gloire des belles-lettres et des beaux-arts. J'ai augmenté le catalogue raisonné des gens de lettres d'un grand tiers ; et j'ai tâché de détruire plus d'un préjugé et plus d'une fable qui déshonoreraient un peu l'histoire littéraire de ce beau siècle . J'en ai usé ainsi, dans la liste des souverains contemporains, des princes de sang, des généraux et des ministres . D’anciens recueils que j'avais faits pour mon usage, et que j'ai retrouvés, m'ont beaucoup servi . J'ai reçu de toutes parts depuis des années des instructions que je fais entrer dans le corps de l’ouvrage . J'ose enfin le regarder comme un monument élevé à l'honneur de la France . Il est très triste pour moi que cette édition ne se fasse pas en France ; mais vous savez que je suis plus près de Genève et de Lausanne que de Paris . L'édition est commencée . Ma méthode dont je n'ai jamais pu me départir est de faire imprimer sous mes yeux, et de corriger à chaque feuille ce que je trouve de défectueux dans le style . J'en use ainsi en vers et en prose . On voit mieux ses fautes quand elles sont imprimées .

Au reste , cette édition est principalement destinée aux pays étrangers . Vous ne sauriez croire quels progrès a fait notre langue depuis dix ans dans le Nord . On y recherche nos livres avec plus d’avidité qu'en France . Nos gens de lettres instruisent vingt nations tandis qu'ils sont persécutés à Paris , même par ceux qui osent se dire leurs confrères .

Quant au mémoire qui regarde les calomnies absurdes du sieur La Beaumelle, il était encore plus nécessaire pour les étrangers que pour les Français . On sait bien à Paris que Louis XIV n'a point empoisonné le marquis de Louvois ; que le Dauphin , père du roi, ne s'est point entendu avec les ennemis pour faire prendre Lille ; que Monsieur le duc, père de M. le prince de Condé d'aujourd'hui, n'a point fait assassiner M. Vergier . Mais à Vienne, à Bude, à Berlin, à Stokholm, à Petersbourg, on peut aisément se laisser séduire par le ton audacieux dont La Beaumelle débite ces abominables impostures . Ces mensonges imprimés sont d'autant plus dangereux qu'ils se trouvent aussi à la suite des lettres de Mme de Maintenon qui sont pour la plupart authentiques . Le faux prend la couleur de la vérité à laquelle il est mêlé . La calomnie se perpétue dans l'Europe si on ne prend soin de la détruire . Il est de mon devoir de venger l'honneur de tant de personnes de tout rang outragées, surtout dans des notes infâmes dont ce malheureux a défiguré mon propre ouvrage. J'étais historiographe de France lorsque je commençai Le Siècle de Louis XIV . Je dois finir ce que j'ai commencé , je dois laver ce monument de la fange dont on l'a souillé . Enfin , je dois me presser, ayant peu de temps à vivre .

Recevez, monsieur, les assurances de mon estime et de mon attachement .

V.

N. B. – Il me semble que vous pourriez mettre cette lettre dans votre Avant-Coureur en commençant à ces mots il serait sans doute .

M. Daquin dont je ne connaissais pas le livre ne m'a pas rendu justice en bien des choses, et surtout dans l'idée où il est que mes ouvrages ont fait ma fortune . Il se trompe beaucoup . »

1 Original, la fin autographe à partir de la formule, mention de service « de Genève » . Édition l'Avant-Coureur du 17 août 1767 ; Édition de Kehl ; l'une et l’autre incomplètes du premier paragraphe et de toutes la fin autographe, mais grossies d'une version abrégée de la lettre du 4 septembre 1767 .