06/05/2023
La justice du conseil est, à la vérité, comme celle de Dieu, fort lente; mais enfin elle arrive
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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
28 septembre 1767
Mon cher ange, quoique vous ne m'écriviez point, je suppose toujours que Mme d'Argental a repris sa santé, son embonpoint, sa gaieté et ses grâces, et qu'elle est tout comme je l'ai laissée il y a environ quinze ans. Vous voulez que je vous envoie, pour vous amuser, la petite drôlerie 1 qui nous a fait passer quelques heures agréablement dans nos déserts. La perfection singulière avec laquelle cette médiocrité a été jouée me fait oublier les défauts de la pièce, et me donne la hardiesse de vous l'envoyer. Je l'adresse sous l'enveloppe de M. de Courteilles, et j'espère qu'elle vous parviendra saine et sauve.
On dit qu'on va reprendre l'affaire des Sirven en considération. Je commence à en avoir bonne espérance, puisque M. de Beaumont a gagné son procès 2, qui me donnait tant d'inquiétude . Il a la main heureuse. La justice du conseil est, à la vérité, comme celle de Dieu, fort lente; mais enfin elle arrive. La justice du parterre est assez dans ce goût , elle fait gagner d'assez mauvais procès en première instance, et il lui faut trente années pour rendre justice à ce qui est passable.
On m'a mandé qu'il n'y aurait point de spectacles à Fontainebleau. La chasse suffit; mais, comme vous aimez mieux la comédie que la chasse, je vous supplie de me mander des nouvelles du tripot.
Pour l'autre tripot, qui a condamné l'Ingénu 3 à ne plus paraître, je ne vous en parle point; mais quand je dis qu'il y a des Welches dans le monde, vous m'avouerez que j'ai raison.
Mille tendres respects à la convalescente.
V. »
1 Charlot ; on reconnaît la réminiscence de Molière : Le Bourgeois gentilhomme .
2 Voir lettre du 16 février 1767 à de Beaumont : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/07/05/il-n-y-a-certainement-pas-un-instant-a-perdre.html
3 Note de Beuchot : « La police avait fait saisir l'Ingénu; mais je ne connais pas de jugement contre cet ouvrage. »
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05/05/2023
On commencera sur les cinq heures .
... Information des chevaux du carrosse royal à leurs palefreniers . GMT, obviously .
https://www.francetvinfo.fr/monde/royaume-uni/roi-charles...
« A Paul-Claude Moultou
Samedi [26 septembre 1767 ] au soir à minuit 1
On avait écrit il y a trois jours un petit billet à Mme Necker pour la prier de nous dire si elle pouvait venir avec M. Moultou, demain dimanche, à Ferney à la comédie . Il y a deux acteurs qui sont dignes d'un tel auditoire .
On commencera sur les cinq heures .
Voici la lettre qu'on écrivait à Mme Necker, et que le commissionnaire vient de nous rendre . »
1 La date est la seule qui s'applique à la fois à une représentation à Ferney et à un séjour de Mme Necker aux environs .
08:19 | Lien permanent | Commentaires (0)
Priez vos auteurs de ne citer que des faits avérés
... Avis à tous les médias dits d'information .
« A Charles-Joseph Panckoucke, Libraire
rue et près de la Comédie-Française
à Paris
A Ferney 25è septembre 1767 1
J’ai enfin reçu, monsieur, les deux premiers volumes de votre Vocabulaire 2. Tout ce que j’en ai lu m’a paru exact et utile : rien de trop ni de trop peu ; point de fades déclamations. J’attends la suite avec impatience . Votre entreprise est un vrai service rendu à toute la littérature.
Vous me feriez plaisir de m’apprendre les noms des auteurs à qui nous aurons tant d’obligations. J’ai l’honneur d’être bien véritablement, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur 3.
Il ne serait pas mal de mettre, dans votre errata, que nous prononçons auto-da-fé par corruption, et que les Espagnols disent auto de fé. Il y a une grosse faute à la page 423 :Les dieux mêmes, éternels arbitres 4, il faut lire les dieux même, sans s. Cet s donne une syllabe de trop au vers.
Il y a une plus grande faute à la page 422 :
Plaçât tous bienfaiteurs au rang des immortels ; 5
C’est un barbarisme. On dit tous les bienfaiteurs, et non tous bienfaiteurs. On n’entendrait pas un homme qui dirait j’ai mis tous saints dans le catalogue.
D’ailleurs il faut tâcher, dans un dictionnaire, de ne citer que de bons vers, et ne point imiter en cela l’impertinent Dictionnaire de Trévoux. Les vers cités en cet endroit sont trop mauvais : Bonté fertile 6 est ridicule.
Priez vos auteurs de ne citer que des faits avérés. Le viol d’une dame par un marabout, à la face et non en face de tout un peuple 7, est un conte à dormir debout, digne de Léon d’Afrique 8. »
1 L'édition Kehl donne à tort pour destinataire Guyot, à la suite d'une erreur d’interprétation de la copie Beaumarchais, Panckoucke ayant noté sur la lettre « pour M. Guyot ; »
2 Voir lettre du 20 juillet 1767 à Panckoucke : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/17/il-y-a-bien-des-fautes-qu-il-faudra-corriger-dans-une-second-6433684.html
3 On croit deviner ici la signature de V* sous cette mention de Panckoucke : « Cette lettre et de M ; de Voltaire . »
4 J.B. Rousseau a dit : « Plaçât leurs bienfaiteurs. » (G.Avenel) . Vers dans Odes, III, ii, 181 . La correction est faite dans la seconde édition du Grand Vocabulaire, I, 423 .
5 Ibid., IV, ii, 78 ; Rousseau avait écrit leurs pour tous . La correction est faite dans la seconde édition , I, 422.
6 C'est le texte de Rousseau, Odes, III, ii, 188 . la seconde édition supprime la citation, I, 422.
7 Le passage subsiste dans la seconde édition, I, 498, mais est signalé dans l'errata .
8Hassan Ibn Muhammad al-Wassan al-Fasi [Leo Africanus], Africae descriptio, III,(section relative à Fez ).
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04/05/2023
que toute l'Europe soit livrée à l'agriculture sous la forme de champs séparés par des haies . On aurait plus de cultivateurs et moins de soldats
... Même les écologiste de nos jours ne disent pas mieux . Les marchands de canons , eux dont la fortune s'accroit sans cesse, ne sont pas d'accord .
« A Éthis de Novéau 1
Commissaire provincial des guerres
à Besançon
[Il souhaite que toute l'Europe soit livrée à l'agriculture sous la forme de champs séparés par des haies .] On aurait plus de cultivateurs et moins de soldats […]. »
1 Le manuscrit olographe est passé à la vente August Pattberg, chez Henrici, Berlin 21-22 juin 1926 .
Note de Beuchot : « Lettre de Voltaire (dictée à Wagnière), à M. Éthis, commissaire provincial des guerres à Besançon, Ferney, 25 septembre 1767, signalée dans un catalogue d'autographes. Voltaire exprime le désir que de dix en dix arpents tout fût haie ou plantation dans toute l'Europe, afin d'empêcher les batailles rangées. « On aurait plus de cultivateurs et moins de soldats. »
Réponse après avoir reçu un mémoire : https://c18.net/vll/vll_fiche.php?id_vo_vll=7111
A propos d'Ethis voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_%C3%89this_de_Corny
et https://www.gazette-drouot.com/article/l-esprit-incarne-dans-le-marbre/8782
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03/05/2023
J'ai bien peur que cette affaire ne s'en aille en fumée
... C'est ce que les parlementaires de l'opposition de gauche auraient dû pressentir s'ils n'étaient pas aussi bornés et menés par un gugusse comme Mélenchon .
Exit pour la deuxième fois : RIP ((Requiescat in pace ) pour le RIP (Référendum d'Initiative Partagée ) : https://www.liberation.fr/politique/retraites-le-conseil-...
« A Etienne-Noël Damilaville
23 septembre 1767
Le malade de Ferney est bien en peine du malade de Paris, et il attend avec impatience de ses nouvelles. Il soupçonne qu'on a fait une faute dans la dernière lettre, où il est question de la Comtesse de Givry. On a fait dire à Charlot dans la dernière scène: Ô destins inouïs ! et c'est à la belle Julie de le dire. Le malade des champs recommande à la bonté du malade de la ville, la comtesse, Charlot, Julie, et l'intendant faiseur de contes. Puisse cette pièce vous amuser autant qu'elle nous amuse, et être utile à l'enchanteur Merlin
Que faut-il faire pour Sirven ? J'ai bien peur que cette affaire ne s'en aille en fumée. »
19:23 | Lien permanent | Commentaires (0)
Vous verrez que mes dernières volontés sont la liberté de conscience pour tous les hommes
... Ce qui doit aller de pair avec la liberté de la presse , évidemment ! quoique pas si évident que ça puisque la France , patrie de Voltaire s'il est besoin de le rappeler, n'est que 24è au classement mondial : https://rsf.org/fr/classement

« Au comte Alexandre Romanovitch Vorontsov
22 septembre 1767 à Ferney
Monsieur, je reçois aujourd’hui la lettre dont vous m'honorez, du 12 septembre . J'étais fort malade, quand je reçus les mémoires en question . Je travaillai sur-le-champ, comme si je faisais mon testament . Je vous envoyai huit jours après mes petites idées imprimées 1, que j'adressai à La Haye . Je supplie Votre Excellence de les regarder comme mes dernières volontés . En voici un autre exemplaire que je vous adresse à tout hasard à Spa . Vous verrez que mes dernières volontés sont la liberté de conscience pour tous les hommes, et des statues pour l'impératrice . Puisse-t-elle vivre longtemps et augmenter vos honneurs et vos plaisirs !
J'ai l'honneur d'être avec les plus respectueux sentiments, monsieur,de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur .
Voltaire . »
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exactitude et diligence
... Est-ce trop demander à nos fonctionnaires ?
« A Etienne-Noël Damilaville
21 septembre 1767 1
Le malade demande comment se porte le malade. Il le supplie de faire coller sur la pièce cette dernière leçon, qui est la meilleure. Il demande à Merlin exactitude et diligence. Le Huron du sieur du Laurens est défendu à Paris; mais on espère que la Comtesse de Givry aura permission de paraître.
Dernière leçon du commencement de la dernière scène du troisième acte :
Madame Aubonne
J'ai mérité la mort.
La comtesse
C'est assez, levez-vous.
Je dois tout pardonner, puisque je suis heureuse :
Tu m'as rendu mon sang.
Charlot (dans l'enfoncement )
Ô destinée affreuse !
Où me conduisez-vous?
La comtesse (courant à lui)
Dans mes bras mon cher fils .
Charlot
Vous, ma mère !
Le duc
Oui, sans doute.
Julie
Ô destins inouïs !
La comtesse, (l'embrassant )
Oui, reconnais ta mère ; oui, c'est toi que j'embrasse. »
1 Copies contemporaines Darmstadt B. et B. H. , limitées au premier paragraphe, amputé de sa deuxième phrase .
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