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14/03/2023

Elle verra qu'il s'agit des matières les plus graves, et non pas de vaines disputes littéraires

... Il est certain, Mme Borne, que la défense de quelques tas de terre, de "bassines", ne nécessite pas qu'on en arrive à faire des mutilés, ou pire, des morts . Quant aux organisateurs de manifestations illégales qu'ils commencent par vider de leurs rangs les "casseurs de flics". Gandhi ! ils sont tous fous !

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

A Ferney 5è auguste 1767

Madame,

Je crois devoir envoyer à Votre Altesse Sérénissime le mémoire authentique ci-joint . Elle verra qu'il s'agit des matières les plus graves, et non pas de vaines disputes littéraires . Elle plaindra peut-être un vieillard des soixante-quatorze ans obligé de repousser les calomnies d'un homme tel que La Beaumelle . Je la supplie aussi de se faire représenter la lettre que j’écris à M. Rousseau, conseiller de sa cour 1. Je me recommande aux bontés de la grande maîtresse des cœurs, et j'attends tout de l'équité et de la protection de l'auguste Princesse à qui je suis attaché depuis longtemps avec le plus profond respect .

Son vieux Suisse V. »

1 Cette lettre n'est pas connue.

13/03/2023

Tous les lecteurs sont malins, et plusieurs sont bien sots, et la calomnie se perpétue

... C'est redoutablement vrai .

 

 

« A Gabriel-Henri Gaillard, de l'Académie

des belles-lettres etc. 1

5è auguste 1767 à Ferney

Mon cher confrère, il est juste qu'un historien qui aime la vérité autant que vous prenne un peu le parti d'un historien non moins véridique quoique moins éloquent . J'avais envoyé déjà le mémoire à monsieur le vice-chancelier . Ce n'est pas mon intérêt dont il s'agit ici , c'est l'honneur de la famille royale qu'on outrage avec une fureur dont il n'y a point d'exemple dans les temps de la ligue et de la fronde . C'est le père du roi à qui on ose imputer d'avoir trahi le royaume ; c'est son grand-oncle contre lequel on vomit des injures des halles . C'est son bisaïeul et son prédécesseur Louis XIV qu'on traite d'empoisonneurs ; c'est son oncle le régent dont on dit les mêmes horreurs ; c'est le père de Mgr le prince de Condé qu'on accuse d'être un assassin . Est-il possible qu'un La Beaumelle imprime impunément des impostures dont la moindre pouvait lui attirer le dernier supplice ? On réimprime toutes ces bêtises à Avignon, et on en fait un ornement du Siècle de Louis XIV !

En vérité , mon cher confrère, vous rendrez service aux lettres en faisant connaître à monsieur le chancelier l'excès de cette turpitude . Tous les lecteurs sont malins, et plusieurs sont bien sots, et la calomnie se perpétue .

M. de Chabanon et M. de La Harpe vous font les plus tendres compliments, aussi bien que Mlle Denis .

V. »

12/03/2023

Je n'ai rien oublié de ce qui peut servir à l'honneur de ma patrie et à celui de la vérité

... Garde à vous ! Fermez le ban ! Rompez !

Les quatre ans à tenir/venir ne vont pas être marrants , au train où l'on va .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

5 auguste 1767 1

Mon cher ami, Lacombe me mande qu'il imprime le mémoire 2 que je n'avais présenté qu'au vice-chancelier, aux ministres, et à mes amis. Je compte même en mettre un beaucoup plus grand et plus instructif à la tête de la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV. Cette nouvelle édition, consacrée principalement aux belles-lettres et aux beaux-arts, est augmentée d'un grand tiers. Je n'ai rien oublié de ce qui peut servir à l'honneur de ma patrie et à celui de la vérité. J'espère que cet ouvrage, aussi philosophique qu'historique, aura l'approbation des honnêtes gens. Mais si M. Lavaysse veut que ce monument, que je tâche d'élever à la gloire de la France, ne soit point souillé 3 par la réfutation des calomnies de La Beaumelle, il ne tient qu'à lui d'engager le libraire à en suspendre la publication, jusqu'à ce que celui qui a outragé si longtemps et si indignement la vérité et moi reconnaisse sa faute et s'en repente. Je ne peux qu'à ce prix abandonner ma cause ; il serait trop lâche de se taire quand l'imposture est si publique.

Je suis très affligé que le coupable soit le beau-frère de M. de Lavaysse mais je le fais juge lui-même entre son beau-frère et moi. Je vous prie de lui envoyer cette lettre, et de lui témoigner témoigner toute ma douleur.

Je vous embrasse bien tendrement.

V. »

1 Edition de Kehl .

2 Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/365

Sur ce mémoire, voir lettre Besterman, D 13358 . Pour sa part Wagnière écrit à Damilaville le 5 août 1767 que ce mémoire le « au désespoir » parce qu'  « on a été puni pour ce dont on se plaint. »

3 Les éditions donnent ne soit point impri[mé avec […].

11/03/2023

elles ne sont pas comme vous au-dessus de ces outrages. Plus vous êtes grande, plus vous êtes clémente.

... Comparons les élues , et Mme Elisabeth Borne : https://www.20minutes.fr/politique/4029596-20230325-renon...

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

A Ferncy, le 3 auguste 1767.

Madame,

Mon attachement pour Votre Altesse sérénissime, qui durera autant que ma vie, a réveillé, il est vrai, ma sensibilité à la vue d'une nouvelle édition de La Beaumelle, dans laquelle il renouvelle les insolences qu'il osa vomir, il y a plusieurs années, contre votre auguste maison. Plusieurs étrangers même s'en sont plaints à notre ministère. Il est bien surprenant qu'un tel homme ait eu la hardiesse d'écrire 1 à Votre Altesse sérénissime. On lui a fait parler par M. le marquis de Gudanes, commandant du pays de Foix, où il est exilé ; on a supprimé son édition, et on l'a menacé, de la part du roi, de le punir très sévèrement s'il écrivait avec une pareille licence. Les autres personnes intéressées n'ont pas été aussi indulgentes que vous, madame, parce qu'elles ne sont pas comme vous au-dessus de ces outrages. Plus vous êtes grande, plus vous êtes clémente. Il résulte de la lettre qu'on a daigné écrire à cet homme, en votre nom, qu'il partit de vos États avec une misérable servante 2 voleuse. Il appartient bien à un tel homme de parler des princes et de les juger ! Votre nom respectable est mêlé dans ses ouvrages à ceux de Louis XIV et de toute la maison royale, infiniment plus outragée que Votre Altesse sérénissime. De tous ceux qu'il a insultés, il n'a osé écrire qu'à votre personne, tant il a compté sur la bonté de votre caractère et sur votre clémence. Pour moi, je ne puis que garder le silence et ne point profaner votre nom par une justification qui est trop au-dessous de ce nom, qui m'est sacré. Cette petite affaire m'avait fait sortir de ma léthargie. Je me suis ranimé au bord de mon tombeau pour renouveler à Votre Altesse sérénissime les protestations de mon inviolable attachement et de mon profond respect.

Le vieux Suisse V. »

1 Le 18 juin. C'est le conseiller Rousseau qui lui répondit le 24 juillet, au nom de la duchesse .

2 Une gouvernante d'enfants, nommée Schwecker.

10/03/2023

j'ai représenté à beaucoup de personnes en place l'atrocité des calomnies répandues

... En vain ?

 

« A François-Alexandre Gaubert-Lavaysse

3 auguste 1767 1

Il est très certain que j'ai reçu plusieurs lettres anonymes remplies d'injures et toutes au nom du sieur La Beaumelle, ou concernant sa conduite envers moi . J'ai envoyé la dernière au ministère 2. Je n'ai su que très tard que le sieur La Beaumelle avait eu l'honneur d’épouser la sœur de M. Lavaysse de Vidou . Cette alliance n'a pas empêché le sieur La Beaumelle de me joindre au nombre prodigieux de personnes qu’il a outragées de gaieté de cœur dans ses écrits . Il a fait faire depuis peu une nouvelle édition, où toutes ces insultes sont renouvelées . Il a outragé la maison de Saxe-Gotha, ainsi que toute la maison royale de France . J'ai écrit à un de mes amis que cet auteur avait étudié en théologie, qu'il avait été chassé de Copenhague et qu'il était parti il y a quelques années de Gotha avec une servante qui avait volé sa maîtresse, mais je n'ai point dit qu'il ait été complice du vol .

Il a écrit depuis peu à Gotha pour avoir une attestation, et voici le certificat qu’il a obtenu d'un conseiller de cour, du 24 juillet 1767 : « On se rappelle très bien que vous étiez parti avec la gouvernante des enfants d'une de Gotha, qui, après s'être rendue coupable de plusieurs vols, s'éclipsa furtivement de la maison de sa maîtresse, ce dont tout le public est pleinement instruit ici ; mais on n'a point dit que vous eussiez la moindre part à ces vols . »

Je ne l'ai point dit non plus ; mais j'ai représenté à beaucoup de personnes en place l'atrocité des calomnies répandues par le sieur La Beaumelle dans le Siècle de Louis XIV, falsifié par lui et chargé des notes les plus infâmes .

Quelques puissances étrangères intéressées dans ces impostures en ont marqué leur mécontentement au ministère de France, plusieurs personnes de la cour sachant que leur maison a été insultée par le même auteur . M. le marquis de Gudanes, commandant au pays de Foix, a été chargé de parler fortement au dit sieur La Beaumelle, sur cette licence dangereuse . Le seul parti qu'il avait à prendre était de se rétracter, de demander pardon et de se corriger . J’ai été attaché et je le suis encore à la famille de M. de Lavaysse . Elle doit sentir combien il a été douloureux pour moi d'avoir essuyé pendant douze années de suite les calomnies d'un homme qui est entré dans une famille considérée . Je ne puis me consoler qu'en pensant que le même homme a imprimé plus d'impostures contre nos princes et nos ministres que contre moi . Si M. de Lavaysse de Vidou avait pu trouver quelque manière de réparer ces horreurs dans la lettre qu'il m'a écrite, j'aurais embrassé de grand cœur le parti qu'il m'aurait proposé .

Je le supplie d'être persuadé que les outrages réitérés du sieur La Beaumelle n'ont point altéré les sentiments que je conserverai toujours pour M. de Lavaysse et pour toute sa famille .

J’ai l'honneur d'être son très humble et très obéissant serviteur

V. »

1 Édition Lauriol . Cette lettre ne figure pas dans l'édition Besterman .

2 Écrivant à Voltaire le 25 juin, Gaubert-Lavaysse a feint de blâmer sa sœur d'avoir pensé que V* pût être l'auteur des libelles et des dénonciations contre son beau-frère La Beaumelle . V* est embarrassé : sans avouer les faits, il se garde de les nier, et se contente de justifier ses attaques .

09/03/2023

L'hydre lève ses têtes, et nous n'avons point d'Hercule

...

 

« A Etienne-Noël Damilaville

3 auguste 1767 1

Je vous prie, mon cher ami, de vouloir bien envoyer ce petit billet à Briasson . Les voitures sont si rares et tardent si longtemps qu'il n'y a d'autre moyen que d'envoyer ces petits paquets par la poste l'un après l'autre 2.

J'ai fait chercher L'Ingénu dont vous me parlez . On ne le connaît point . Il est très triste qu'on m'impute tous les jours non seulement des ouvrages que je n'ai point faits, mais aussi des écrits qui n'existent point . Je sais que bien des gens parlent de L'Ingénu, et tout ce que je puis répondre très ingénument, c'est que je ne l'ai point vu encore .

Ayez la bonté, je vous prie, de faire parvenir cette lettre à M. de Lavaysse de Vidou . Je m'intéresse toujours bien vivement à l'affaire des Sirven, malgré tous les La Beaumelle du monde .

Vous avez vu par la lettre au sieur Coger combien je dois avoir de circonspection . L'hydre lève ses têtes, et nous n'avons point d'Hercule. »

1 Copie par Wagnière incomplète du premier paragraphe ; copie contemporaine Darmstadt B. ; édition de Kehl qu amalgame une parti de cette lettre avec celle du 8 août 1767 .

2Ce paragraphe est omis dans la copie Wagnière et toutes les éditions .

08/03/2023

Les honnêtes gens ne peuvent combattre qu'en se cachant derrière les haies. Il y a des choses qui affligent ; cependant il faut vivre gaiement

...  Il est des travaux et projets irréalistes et injustes qui font justement sortir de derrière les haies :

https://www.ouest-france.fr/environnement/eau/direct-mani...

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

3 d'auguste [1767]

Il faut que je vous dise ingénument, mon cher philosophe, qu'il n'y a point d'Ingénu 1, que c'est un être de raison ; je l'ai fait chercher à Genève et en Hollande ; ce sera peut-être quelque ouvrage comme le Compère Matthieu 2. L'ami Cogé pecus 3 fait apparemment courir ces bruits-là, qui ne rendront pas sa cause meilleure. Vous voyez l'acharnement de ces honnêtes gens : leur ressource ordinaire est d'imputer aux gens des Ingénus pour les rendre suspects d'hérésie, et malheureusement le public les seconde, car s'il paraît quelque brochure avec deux ou trois grains de sel, même du gros sel, tout le monde dit: « C'est lui, je le reconnais; voilà son style; il mourra dans sa peau comme il a vécu. » Quoi qu'il en soit, il n'y a point d'Ingénu, je n'ai point fait L’Ingénu, je ne l'aurai jamais fait; j'ai l'innocence de la colombe, et je veux avoir la prudence du serpent 4.

En vérité, je pense que vous et moi nous avons été les seuls qui aient prévu que la destruction des jésuites rendrait les jansénistes trop puissants. Je dis d'abord, et même en petits vers, qu'on nous avait délivrés des renards pour nous abandonner aux loups 5. Vous savez que la chasse aux loups est beaucoup plus difficile que la chasse aux renards; il y faut du gros plomb ; pour moi, qui ne suis qu'un vieux mouton, j'achève mes jours dans ma bergerie, en vous priant d'armer les pasteurs, et de les exciter à défendre le troupeau.

J'attends avec impatience votre réponse sur Cogé pecus. Ce ne sont pas ces cuistres-là qui sont les plus dangereux. Les trompettes ne sont pas à craindre, mais les généraux le sont. Les honnêtes gens ne peuvent combattre qu'en se cachant derrière les haies. Il y a des choses qui affligent ; cependant il faut vivre gaiement; c'est ce que je vous souhaite au nom du père, etc, en vous embrassant de tout mon cœur. »

1 Pourtant le 1er août 1767, Chirol écrit à Beccaria qu'il espère pouvoir lui envoyer « le poème de M. de Voltaire dont vous me parlez avec son nouvel ouvrage qui sortira sous huit jours de la presse sous le titre de L'Ingénu dans le goût de son Candide ».

3 Coge pecus (chasse le bétail) est une réminiscence de Virgile, Bucoliques, III, 20, dont on a fait une plaisanterie contre Coger . Le surnom a été signalé à V* par d'Alembert dans une lettre du 14 juillet 1767 . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/correspondance-avec-d-alembert-partie-46.html

4 Évangile selon Matthieu, X, 16 : https://www.aelf.org/bible/Mt/10

5 Cette idée revient souvent dans sa correspondance .