26/12/2022
Le découragement n’est point fait pour le génie et pour le mérite. Combattez et triomphez
... Femmes d'Afghanistan, et hommes qui ne sont pas dégénérés et les soutiennent, courage, les jours sont comptés pour vos esclavagistes : https://www.youtube.com/watch?v=Ql7IsQo_Nu4
« A Jean-Benjamin Laborde
4 juin [1767] 1
Je vous l’avais bien dit, mon cher Orphée , la lyre n’apprivoise pas tous les animaux, encore moins les jaloux ; mais il ne faut pas briser sa lyre, parce que les ânes n’ont pas l’oreille fine. Les talents sont faits pour combattre, et, à la longue, ils remportent la victoire. Combattez, travaillez, opposez le génie au mauvais goût, refaites ce quatrième acte, qui est de l’exécution la plus difficile. Je pense qu’il vaut mieux cent fois 2 faire jouer votre opéra à Paris que de mendier à la cour une représentation qu’on ne peut obtenir, tout étant déjà arrangé. Croyez que c’est au public qu’il faut plaire. Vous en avez déjà des preuves par devers vous. Je suis persuadé que vous en aurez de nouvelles, quand vous voudrez vous plier à négocier avec les entrepreneurs des doubles croches et des entrechats.
Un jeune homme m’a montré une espèce d’opéra-comique dans le goût le plus singulier du monde 3. J’ai pensé à vous sur-le-champ ; mais il ne faut courir ni deux lièvres ni deux opéras à la fois. Songez à votre Pandore, tirez de la gloire et des plaisirs du fond de sa boîte : faites l’amour et des passacailles 4. Pour moi, je suis bien hardi de vous parler de musique, quand je ne dois songer qu’à des De profundis 5, qui ne seront pas même en faux bourdon.
Voudriez-vous avoir la bonté de m’envoyer une copie des paroles de Pandore, telles que vous les avez mises en musique ? Je tâcherai de rendre quelques endroits plus convenables à vos talents, et qui vous mettront plus à l’aise. Envoyez-moi ce manuscrit contre-signé ; cela vous sera très aisé.
Adieu, mon cher et digne ami ; ne vous rebutez point. Quand un homme comme vous a entrepris quelque chose, il faut qu’il en vienne à bout. Le découragement n’est point fait pour le génie et pour le mérite. Combattez et triomphez. Ne parlez point surtout au maître des jeux 6 ; il est impossible qu’il fasse rien pour vous cette année . Je vous en avertis avec très grande connaissance de cause. Ne manquez pas d’exécuter votre charmant projet de venir au 1er de juillet . Nous aurons des voix et des instruments. Je vous dirai franchement que madame Denis se connaît mieux en musique que tous les gens dont vous me parlez. Venez, venez, et je vous en dirai davantage. »
1 Copie par Boissy d'Anglas ; copie ancienne (B.N.F.) ayant servi de base à la première édition ; édition Cayrol.
2 L'édition BNF porte une fois .
3 Ceci peut difficilement être autre que Les Deux Tonneaux : https://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_DEUXTONNEAUX.xml
. Grétry a affirmé que V* composait des opéré-comiques pour lui ; et effectivement le compositeur se rendit souvent à Ferney pendant son séjour à Genève en 1766 ; voir ses Mémoires, Paris , an V [1796-1797], I, 166 et I, 136. : voir https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1121008/f114.image.r=voltaire
et voir : https://data.bnf.fr/fr/12061599/jean-benjamin_de_la_borde/
4 Airs de danse.
5 Manuscrit I donne simplement qu'à des profundis .
6 Richelieu .
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Tout cela me paraît bien délicat. C'est une affaire de faveur
... et de ferveur patriotique en Ukraine : https://actu.orange.fr/monde/ukraine-a-kiev-des-orthodoxe...
Et m... à Poutine et sa pseudo-piété orthodoxe, et à ceux qui le soutiennt !
« A Etienne-Noël Damilaville
4è juin 1767 1
Mon cher ami, faites d'abord mes compliments à la Sorbonne du service qu'elle nous a rendu, car les choses spirituelles doivent marcher devant les temporelles . Ensuite ayez la charité de reprendre l'affaire des Sirven . M. de Chardon peut à présent rapporter l'affaire. Sirven est prêt à partir pour Paris; je vous l'adresserai. Il faudra qu'il se cache, jusqu'à ce que son affaire soit en règle.
Je tremble pour celle de notre ami Beaumont; on me mande qu'elle a un côté odieux, et un autre qui est très défavorable. L'odieux est qu'un philosophe, que le défenseur des Calas et des Sirven, reproche à un mort d'avoir été huguenot 2, et demande que la terre soit confisquée, pour avoir été vendue à un catholique. Le défavorable est qu'il plaide contre des lettres patentes du roi. Il est vrai qu'il plaide pour sa femme, qui demande à rentrer dans son bien, mais elle n'y peut rentrer qu'en cas que le roi lui donne la confiscation. Il reste à savoir si ce bien de ses pères a été vendu à vil prix. Tout cela me paraît bien délicat. C'est une affaire de faveur; et il est fort à craindre que le secrétaire d'État qui a signé les lettres patentes de son adverse partie ne soutienne son ouvrage. Je crois que M. de Chardon est le rapporteur. Je serais fâché que M. de Chardon fût contre lui, et plus fâché encore si, M. de Chardon étant pour lui, le Conseil n'était pas de l'avis du rapporteur. L'affaire de Sirven me paraît bien plus favorable et bien plus claire. Je m'intéresse vivement à l'une et à l'autre.
Voici un petit mot pour Protagoras 3, qui est d'une autre nature. Tout ce qui est dans ce billet est pour vous comme pour lui ; tout est commun entre les frères. Ma santé devient tous les jours plus faible, tout périt chez moi, hors les sentiments qui m'attachent à vous. Je vous embrasse bien fort, mon très cher ami.
V. »
1 Copie par Wagnière ; l'édition de Kehl d'après la copie Beaumarchais, joint à cette lettre, en guise de post-scriptum, un passage de la lettre du 7 juin 1767 : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/05/correspondance-annee-1767-partie-37.html
2 Voir lettre du 1er octobre 1767 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/01/05/n-importe-il-faut-aller-en-avant-je-n-ai-d-autre-ressource-que-dans-la-veri.html
3 Voir lettre du même jour à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/12/23/a-l-egard-de-la-canaille-je-ne-m-en-mele-pas-elle-restera-toujours-canaille.html
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25/12/2022
Je crois vous avoir satisfait sur tout ce que vous me demandiez
... Parole de Père Noël !
https://www.gchatelain.com/single-post/les-10-questions-%...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
4è juin 1767
Mon cher ange éprouve donc aussi les misères de l'humanité . Il est donc malade aussi bien que moi . Il fait des remèdes, il évacue sa hile. La mienne ne sort que par le bout de ma plume, quand j'écris des pouilles à mon cher ange sur des monologues. Guérissez-vous, prolongez votre agréable carrière voilà le point
Le grand malheur de la mienne, c'est que je la finis sans avoir pu vous voir; j'ai le cœur percé de me voir privé de cette consolation. Voulez-vous, pour nous amuser tous deux, que je vous dise encore un petit mot des Scythes? Vous daignez toujours vous y intéresser.. Lekain m'a mandé qu'on ne m'avait fait un petit passe-droit qu'à la sollicitation de Molé mais je vois que vous êtes tous des fripons qui avez persisté dans l'idée de ne reprendre la pièce qu'à Fontainebleau 1 ; eh bien! j'y consens; je demande seulement qu'on essaye Les Scythes une seule fois à Paris, deux ou trois jours avant que les comédiens partent pour la cour. Cette représentation servira de répétition, et la pièce n'en sera que mieux jouée devant mes deux patrons.
J'ai le malheur d'aimer mieux Les Scythes qu'aucune de mes tragédies. Premièrement, parce qu'ils ont été honnis; en second lieu, parce qu'elle est pleine de vers naturels, que tout le monde peut s'appliquer, et qui appartiennent à toutes les conditions de la vie autant qu'à la pièce même.
Je crois vous avoir satisfait sur tout ce que vous me demandiez, et je suis prêt à vous rendre ce vers que vous aimez
Ah! l'on venge mon fils, je retrouve mes sens .2
Cela est fort aisé nous n'aurons pas là-dessus de querelle. J'aime aussi à me rendre à votre avis sur Mlle Durancy. Bien des gens m'ont mandé qu'elle et Lekain avaient très mal joué aux deux premières représentations . Cela est très vraisemblable; la pièce est difficile à jouer, et le parterre n'encourageait pas les acteurs mais je suis persuadé qu'à la longue les acteurs et le public s'accoutumeront à ce nouveau genre. Il me semble que ce contraste des mœurs champêtres avec ceux 3 de la cour doit être bien reçu quand les cabales seront affaiblies. Une femme qui ne s'avoue point à elle-même la passion malheureuse dont elle est dévorée est encore quelque chose d'assez neuf au théâtre. Si j'ai encore un peu d'amour-propre d'auteur, vous devez me le pardonner c'est vous qui, depuis environ treize ans, m'avez fait rentrer dans le champ de bataille, dont je croyais être sorti pour jamais. Je ne suis plus qu'un poète de province ; mes pauvres pièces réussissent mieux à Genève et à Bordeaux qu 'à Paris. Pourquoi vient-on de rejouer à Genève, six fois de suite, Olympie? Pourquoi votre troupe royale ne la rejoue-t-elle point? J'aime mes enfants quand on les abandonne.
Adieu, mon cher ange; je me mets aux pieds de Madame d'Argental. Faites-moi savoir, je vous prie, des nouvelles de votre santé. J'espère que M. de Thibouville ne se refroidira pas dans son zèle. Je suis pénétré pour lui de reconnaissance.
V. »
1La raison officielle est que la tragédie d'Hirza devait être reprise le 24 juin 1767 : voir lettre du 16 mai 1767 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/12/02/nul-monarque-avant-moi-sur-le-trone-affermi-n-a-quitte-ses-e-6415043.html
2 Ce vers ne fut pas restitué dans Les Scythes, ac. IV, sc. 6 .
3 Dans l'édition 1( copie Beaumarchais-Kehl ), celles.
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24/12/2022
A l'égard de la canaille, je ne m'en mêle pas elle restera toujours canaille. Je cultive mon jardin, mais il faut bien qu'il y ait des crapauds ; ils n'empêchent pas mes rossignols de chanter
... Les crapauds de la SNCF ne sont décidément pas une espèce à protéger.
« A Jean Le Rond d'Alembert
4 juin [1767]
Mon cher philosophe, j'ai envoyé vos gants d'Espagne 1 sur-le-champ à leur destination ; ils ont une odeur qui m'a réjoui le nez. Vous savez que je n'ai point de troupes, et que je ne peux forcer le cordon de dragons qui coupe toute communication entre Genève et mes déserts. Celui qui s'est chargé de donner des soufflets aux jésuites et aux jansénistes 2 n'a jamais pu venir chez moi; je ne le connais point, et j'ai craint même de lui écrire. Gabriel Cramer, qui est le seul à qui je puisse me fier, a fait agir cet homme, qui est un sot et un pauvre diable, lequel fait agir encore en sous-ordre un autre sot pauvre diable. Ces sots pauvres diables n'ont aucun débouché, nulle correspondance en France, et tout va comme il plaît à Dieu. Les Genevois touchent au moment de la crise de leurs affaires ; pour moi, je m'occupe à cultiver mon jardin, et à me moquer d'eux. Dieu maintienne votre Sorbonne dans la fange où elle barbote! La gueuse 3 a rendu un service bien essentiel à la philosophie. On commence à ouvrir les yeux d'un bout de l'Europe à l'autre. Le fanatisme, qui sent son avilissement, et qui implore le bras de l'autorité, fait malgré lui l'aveu de sa défaite. Les jésuites chassés partout, les évêques de Pologne forcés d'être tolérants, les ouvrages de Bolingbroke 4, de Fréret et de Boulanger, répandus partout, sont autant de triomphes de la raison. Bénissons cette heureuse révolution qui s'est faite dans l'esprit de tous les honnêtes gens depuis quinze ou vingt années; elle a passé mes espérances. A l'égard de la canaille, je ne m'en mêle pas elle restera toujours canaille. Je cultive mon jardin, mais il faut bien qu'il y ait des crapauds ; ils n'empêchent pas mes rossignols de chanter.
Adieu, aigle donnez cent coups de bec aux chouettes qui sont encore dans Paris."
1 Sans doute la Seconde lettre[...] ; voir lettre du 6 mars 1767 à d'Alembert :
2 Sans doute Chirol , ou tel autre sous-traitant dr Cramer .
3 Ces deux mots sont une restitution de Renouard qui avait dû avoir accèsnà un manuscrit ; les premiières éditions portent Elle au lieu de La gueuse .
4 L'Examen important de milord Bolingbroke.
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23/12/2022
il me semble que c'est vous seul que cette affaire regarde dans la situation où nous sommes
... M. Kylian Mbappé est un millionnaire généreux : https://www.msn.com/fr-fr/divertissement/videos/voici-kyl...
Que fait Messi ? Il fait l'important : une vraie cagole !
« A Pierre Cassen
Voici le temps, monsieur, où la famille Sirven, que vous protégez 1, attend tout de vos bontés. M. de Chardon est actuellement délivré du triste travail qui l'a occupé si longtemps au sujet de la Cayenne. Les Sirven et moi, nous vous supplions, monsieur, de lui présenter nos prières et notre reconnaissance. Il peut actuellement rapporter l'affaire de cette malheureuse famille. Elle est prête à venir se rendre en prison quand il le faudra.
Je sais bien que M. de Beaumont est malheureusement obligé de plaider à présent pour lui-même. Je le plains autant que je m'intéresse a lui. Mais comme le procès des Sirven est au Conseil, il me semble que c'est vous seul que cette affaire regarde dans la situation où nous sommes. Je n'ose fatiguer M. de Beaumont, dont tous les moments doivent être occupés par le procès important qu'il a en son nom. Je vous supplie de me mander quand il faudra que les Sirven partent.
J'ai l'honneur d'être, avec une respectueuse reconnaissance, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur..
Voltaire.
A Ferney, 2 juin 1767. »
1 Voir lettre de Cassen du 10 avril 1767 ; lettre 6830 de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut
18:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je ne suis point surpris, monsieur, qu'un homme de votre mérite ait fait réussir un ouvrage médiocre
... Ceci étant à lire au second degré M. Sam Bankman Fied, le mérite n'étant que du culot, et l'ouvrage une splendide escroquerie . Faut-il être couillon pour confier son argent à ces boni-menteurs et se croire millionnaire sans rien faire :
https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/cryptomonnaie-l-ex-...
« A Marc-Antoine-Jean-Baptiste Bordeaux de Belmont
Directeur des spectacles
A Bordeaux
2è juin 1767 à Ferney
Je ne suis point surpris, monsieur, qu'un homme de votre mérite ait fait réussir un ouvrage médiocre . Si les comédiens de Paris étaient conduits par un homme comme vous, leur troupe serait meilleure qu'elle n'est. Vous me feriez plaisir de m'envoyer la pièce imprimée, quoique j'y aie fait depuis beaucoup de changements dont elle avait besoin. Vous n'auriez qu'à l'adresser à M. de Courteilles, du conseil royal des finances, à Paris, avec une seconde enveloppe sur laquelle vous auriez la bonté de mettre seulement : mémoire.
Si M. le maréchal de Richelieu est encore à Bordeaux le mois de juin, je vous enverrai une nouvelle édition qu'on fait actuellement à Lyon .
J'ai l'honneur d'être, avec tous les sentiments que je vous dois , monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
V."
01:37 | Lien permanent | Commentaires (0)
22/12/2022
Vous envoyez, monsieur, des tableaux à un aveugle, et des filles à un eunuque
... "Père Noël Monsieur le Président, je vous en prie, faites attention !" : signé Volodymyr Zelensky, depuis la Maison Blanche .
« Au marquis Francesco Albergati
Capacelli, Senatore di Bologna
etc.
à Vérone
2è juin 1767 à Ferney 1
Vous envoyez, monsieur, des tableaux à un aveugle, et des filles à un eunuque. L'état où je suis tombé ne me permet plus de lire. Un homme, qui prononce fort mal l'italien, m'a lu une partie de votre tragédie de chartreux 2 . Il m'a fait entendre dans son baragouin, de beaux vers sur un triste sujet. Le bonhomme saint Bruno ne s'attendait pas que ses moines fussent un jour le sujet d'une tragédie. Les jésuites fournissent actuellement une matière plus intéressante ; je les recommande à votre muse . La mienne, aussi languissante que mon corps, ne peut plus chanter les moines. Portez-vous mieux que moi, et vivez.
V. »
1 Original mention « f[ran]co Milano », cachet « Genè[ve ]» ; édition de Kehl . Albergati falsifia cette lettre en transformant tragédie de chartreux en traduction du Comminge, bon homme saint Bruno en saint homme Rancé et votre muse en quelque muse . ( voir lettre 6904 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut )
2François-Thomas-Marie de Baculard d'Arnaud : Il Conte di Commingio, Dramma francese tradotta in versi sciolti dal marchese Francesco Albergati Capacelli . C'est une traduction des Amants malheureux, 1764 ; drame en trois actes et en vers, de d'Arnaud-Baculard, avait été imprimé en 1764.
Voir : https://it.wikipedia.org/wiki/Francesco_Albergati_Capacelli
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