16/10/2021
Autant on voit ailleurs de fanatisme et de cruauté, autant il y a de vertu et de générosité dans votre âme
... M. Matthieu Ricard , et vos compagnons d'écriture :
Trois sourires qui font plaisir . A suivre ...
« A Caroline-Louise de Hesse-Darmstadt, margravine de Baden-Durlach 1
A Ferney 22 juillet 1766 2
Madame,
Votre Altesse Sérénissime ne perd aucune occasion de faire du bien . Autant on voit ailleurs de fanatisme et de cruauté, autant il y a de vertu et de générosité dans votre âme . Ma respectueuse admiration pour vos sentiments augmente mon regret de ne pouvoir vous faire ma cour . Mon âge et mes maladies m'ont privé de ce bonheur . Je n'aspire qu’au moment où je pourrais venir à vos pieds vous dire avec quel profond respect et avec quel attachement je serai jusqu'au dernier moment de ma vieillesse
madame
de Votre Altesse Sérénissime
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
2 Edition Erich Schmidt, dans Im neuen Reich, 1879
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Jamais on n’a plus persécuté la raison et la vérité en France
... Que voulez-vous, c'est la grande foire de l'élection présidentielle , la course au trône républicain, coups bas, mensonges et affabulations vont bon train, comme d'habitude à chaque échéance nationale .
« A Caroline-Henriette-Christine de Deux-Ponts, landgravine de Hesse-Darmstadt
A Ferney par Genève 22 juillet 1766 1
Madame,
M. Grimm, qui est attaché à Votre Altesse Sérénissime, enhardit ma timidité . Il me mande que je puis sans crainte m’adresser à elle et implorer ses bontés en faveur d’une famille aussi infortunée que celle des Calas. Je sais, madame, que vous protégez la raison contre la tyrannie de la superstition. Le fanatisme déshonore encore la nation française ; c’est à l’Allemagne à lui donner des leçons et des exemples. Votre Altesse a donné déjà l’exemple de la compassion et de la générosité . Les Calas publient ses bienfaits, et tous les sages vous applaudissent. Ceux qui ont entrepris la défense des Sirven seront bien honorés s’ils peuvent, madame, compter votre nom respectable au premier rang de ceux qui encouragent leur zèle . Ce nom nous sera plus cher que les plus grands secours. Nous vous supplions de borner vos générosités. Si Votre Altesse daigne me faire adresser une marque de ses bontés et de sa pitié pour les Sirven, cette famille cessera d’être malheureuse. Plus le fanatisme fait d’efforts contre la nature humaine, plus celle-ci sera défendue par votre belle âme. Jamais on n’a plus persécuté la raison et la vérité en France ; la superstition emploie les supplices, et vous les bienfaits , c’est le combat des Grâces contre les monstres. Je me tiens heureux de pouvoir vous implorer.
Je suis avec le plus profond respect,
madame,
de Votre Altesse Sérénissime
le très-humble et très-obéissant serviteur
Voltaire,
gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. »
1 Briefwechsel des Grossen Landgräfin Caroline von Hessen. — Von dr Ph.-A.-F. Walther. — Wien, 1877, tome II, page 419.
Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Caroline_de_Palatinat-Deux-Ponts-Birkenfeld
09:55 | Lien permanent | Commentaires (0)
15/10/2021
Je me laisse si peu abattre que je prendrai probablement le parti d’aller finir mes jours dans un pays où je pourrai faire du bien. Je ne serai pas le seul
... Qui dit mieux ?
« A Etienne-Noël Damilaville
Aux eaux de Rolle en Suisse, par Genève, 21 juillet 1766 1
Je ne me laisse point abattre, mon cher frère ; mais ma douleur, ma colère, et mon indignation, redoublent à chaque instant. Je me laisse si peu abattre que je prendrai probablement le parti d’aller finir mes jours dans un pays 2 où je pourrai faire du bien. Je ne serai pas le seul. Il se peut faire que le règne de la raison et de la vraie religion s’établisse bientôt, et qu’il fasse taire l’iniquité et la démence. Je suis persuadé que le prince qui favorisera cette entreprise vous ferait un sort agréable si vous vouliez être de la partie. Une lettre de Protagoras pourrait y servir beaucoup. Je sais que vous avez assez de courage pour me suivre ; mais vous avez probablement des liens que vous ne pourrez rompre.
J’ai commencé déjà à prendre des mesures ; si vous me secondez, je ne balancerai pas. En attendant, je vous conjure de prendre au moins, chez M. de Beaumont[2] , le précis de la consultation, avec les noms des juges. Je n’ai vu personne qui ne soit entré en fureur au récit de cette abomination.
Comme je serai encore quelque temps aux eaux de Suisse, je vous prie d’adresser vos lettres à M. Boursier, chez M. Souchay, à Genève, au Lion d’or.
Mon cher frère, que les hommes sont méchants, et que j’ai besoin de vous voir ! »
1 Copie contemporaine Darmstadt B. ; l'édition Correspondance littéraire d'après laquelle est faite la copie, ne porte pas le destinataire, comme chaque fois qu'il s'agit de Damilavile .
2 Le pays de Clèves ; voir la lettre de la mi-juillet 1766 de Frédéric II à V* : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6409
11:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les cris ne sont pas inutiles, ils effrayent les animaux carnassiers, au moins pour quelque temps
... Aussi ne cessons pas de crier et éliminer ces tueurs, et leurs complices, qui décapitent des professeurs : https://fr.news.yahoo.com/assassinat-samuel-paty-o%C3%B9-...
Honneur à Samuel Paty .
« A Etienne-Noël Damilaville
19 juillet 1766
Ce petit billet ouvert que je vous envoie 1, mon cher frère, pour Protagoras, est pour vous comme pour lui . Il est écrit dans l’amertume de mon cœur. Je crains que Protagoras ne soit trop gai au milieu des horreurs qui nous environnent. Le rôle de Démocrite est fort bon quand il ne s’agit que des folies humaines ; mais les barbaries font des Héraclites. Je ne crois pas que je puisse rire de longtemps. Je vous répète toujours la même chose, je vous fais toujours la même prière. La consultation en faveur de ces malheureux jeunes gens, et le mémoire des Sirven, ce sont là mes deux pôles. On m’assure que celui qui est mort n’avait pas dix-sept ans ; cela redouble encore l’horreur.
C’est aujourd’hui le jour où j’attends une de vos lettres. Si je n’en ai point, mon affliction sera bien cruelle ; mais si j’ai la consultation des avocats, je recevrai au moins quelque consolation ; je sais que c’est après la mort le médecin , mais cela peut du moins sauver la vie à d’autres. L’assassinat juridique des Calas a rendu le parlement de Toulouse plus circonspect . Les cris ne sont pas inutiles, ils effrayent les animaux carnassiers, au moins pour quelque temps.
Adieu, mon cher frère ; je vous embrasse toujours avec autant de douleur que de tendresse. »
1 Lettre à d'Alembert du 18 juillet 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/10/13/vous-avez-fremi-ce-n-est-plus-le-temps-de-plaisanter-les-bon-6343358.html
10:46 | Lien permanent | Commentaires (0)
C’était bien là le cas au moins de faire des représentations à ceux qui en font tous les jours de si violentes pour des sujets bien moins intéressants
... Poutou vs Darmanin ? Mélenchon vs tous ceux qui ne disent pas comme lui ? Chaque candidat LR contre tout concurrent du même parti ? Etc., etc., etc. Inintéressants, ça oui .
« A Philippe-Charles-François-Joseph de Pavée, marquis de Villevielle
18è juillet 1766
En vérité, monsieur, vous avez adouci mes maux et prolongé ma vie en me gratifiant de ces dix paquets de la poudre des chartreux 1. Je n’ai qu’une seule prise de la poudre des pilules de Prusse 2.
Oui, sans doute, il faut faire une seconde édition de cet ouvrage, et il y en aura plus d’une. L’avant-propos est violent : cet avant-propos est du roi : il n’y a qu’une seule faute, mais elle est grave, et sera relevée par les ennemis de la raison. Il y parle d’une falsification d’un passage dans l’évangile de Jean. L’on prétend que ce n’est point ce passage de l’évangile qui a été falsifié, mais bien deux endroits d’une épître 3. Le corps de l’histoire est de l’abbé de Prades ; il a besoin de beaucoup de corrections et d’additions. On m’a parlé de quelques autres ouvrages qui paraissent. Je remercie ceux qui nous éclairent ; mais je tremble pour eux, à moins qu’ils ne soient des rois de Prusse. La relation 4 que je vous envoie vous fera frémir comme moi : l’inquisition aurait été moins barbare.
La postérité ne concevra pas comment les gentilshommes d’une province ont laissé immoler d’autres gentilshommes par des bourreaux, sur un arrêt de vingt-cinq bourreaux en robe, à la pluralité de quinze voix contre dix. C’était bien là le cas au moins de faire des représentations à ceux qui en font tous les jours de si violentes pour des sujets bien moins intéressants.
Je souhaite passionnément, monsieur, d’avoir l’honneur de vous revoir. Je crois avoir retrouvé en vous un autre marquis de Vauvenargues. Vous me consolerez de sa perte, et des atrocités religieuses qu’on commet encore dans un siècle qui n’était pas digne 5 de lui. Je vous attends, monsieur, avec l’attachement le plus tendre et le plus respectueux. »
1 Le chiffre donné dans d'autres lettres n'est que de six ; voir lettre du 2 juin 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/08/28/je-ne-puis-trop-vous-remercier-de-votre-paquet-de-pilules-to-6334308.html
et du 14 juin 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/09/07/il-faut-qu-il-soit-devot-il-ne-m-a-point-repondu-6336129.html
2 Les pilules de Prusse sont l’Abrégé de l’Histoire ecclésiastique (voir lettre du 1er février 1766 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/18/sans-justesse-il-n-y-a-ni-esprit-ni-talent-6316581.html).
Quant à la poudre des chartreux (dont il est déjà parlé dans la lettre du 2 juin 1766), je ne sais ce que ce peut être. (Beuchot )
3 Voir lettre du 18 juillet 1766 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/10/13/vous-avez-fremi-ce-n-est-plus-le-temps-de-plaisanter-les-bon-6343358.html
5 Mot manquant dans la copie et ajouté par l'édition .
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14/10/2021
dans les délits qui ne traînent pas après eux des suites dangereuses, et dont la punition est arbitraire, il faut toujours pencher vers la clémence plutôt que vers la cruauté
... Ou "quand Voltaire parle d'actualités" : https://www.bfmtv.com/paris/lyceen-condamne-a-cinq-mois-d...
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
18è juillet 1766 aux eaux de Rolle en Suisse par Genève
Je ne sais où vous êtes, monseigneur ; mais quelque part que vous soyez, vous êtes compatissant et généreux . Vous serez touché de cette relation qu’on m’a envoyée 1. Je suis persuadé que si on avait été informé de l’origine de cette horrible aventure, on aurait fait quelque grâce. Cet élu d’Abbeville vous paraîtra un grand réprouvé. Il est seul la cause du désespoir de cinq familles, et il est lui-même au nombre de ceux qu’il a accablés par sa méchanceté. La peine de mort n’est point ordonnée par la loi, et le degré du châtiment est entièrement abandonné à la prudence des juges. Il y a plusieurs années qu’une profanation beaucoup plus sacrilège fut commise dans la ville de Dijon ; les coupables furent condamnés à six mois de prison, et à quatre mille livres envers les pauvres, payables solidairement. Les meilleurs jurisconsultes prétendent que, dans les délits qui ne traînent pas après eux des suites dangereuses, et dont la punition est arbitraire, il faut toujours pencher vers la clémence plutôt que vers la cruauté. Il est triste de voir des exemples d’inhumanité dans une nation qui recherche la réputation d’être douce et polie. Je sais bien qu’il n’y a point de remède aux choses faites ; mais j’ai cru que vous ne seriez pas fâché d’être instruit de ce qui a produit cette catastrophe épouvantable. Il est triste que l’amour en soit la cause . Il n’est pas accoutumé, dans notre siècle, à produire de telles horreurs . Il me semble que vous l’aviez rendu plus humain.
Continuez-moi vos bontés, et pardonnez-moi de ne vous pas écrire de ma main. Ma misérable santé est dans un tel état que je ne suis capable que de vous aimer, et de vous respecter jusqu’au dernier moment de ma vie. »
1 Voir : Extrait d’une lettre d’Abbeville, du 7 juillet 1766
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Un habitant d’Abbeville, lieutenant de l’élection, riche, avare, et nommé Belleval, vivait dans la plus grande intimité avec l’abbesse de Vignancourt, fille de M. de Brou, lorsque deux jeunes gentilshommes, parents de l’abbesse, nommés de La Barre, arrivèrent à Abbeville. L’abbesse les reçut chez elle, les logea dans l’intérieur du couvent, plaça, peu de temps après, l’aîné des deux frères dans les mousquetaires. Le plus jeune, âgé de seize à dix-sept ans, toujours logé chez sa cousine, toujours mangeant avec elle, fit connaissance avec la jeunesse de la ville, l’introduisit chez l’abbesse ; on y soupait, on y passait une partie de la nuit.
Le sieur Belleval, congédié de la maison, résolut de se venger. Il savait que le chevalier de La Barre avait commis de grandes indécences, quatre mois auparavant, avec quelques jeunes gens de son âge mal élevés. L’un d’eux avait donné, en passant, un coup de baguette sur un poteau auquel était attaché un crucifix de bois ; et quoique le coup n’eût été donné que par derrière, et sur le simple poteau, la baguette, en tournant, avait frappé malheureusement le crucifix. Il sut que ces jeunes gens avaient chanté des chansons impies, qui avaient scandalisé quelques bourgeois. On reprochait surtout au chevalier de La Barre d’avoir passé à trente pas d’une procession qui portait le saint sacrement, et de n’avoir pas ôté son chapeau.
Belleval courut de maison en maison exagérer l’indécence très-répréhensible du chevalier et de ses amis. Il écrivit aux villes voisines ; le bruit fut si grand que l’évêque d’Amiens se crut obligé de se transporter à Abbeville pour réparer le scandale par sa piété.
Alors on fit des informations, on jeta des monitoires, on assigna des témoins ; mais personne ne voulait accuser juridiquement de jeunees indiscrets dont on avait pitié. On voulait cacher leurs fautes, qu’on imputait à l’ivresse et à la folie de leur âge.
Belleval alla chez tous les témoins ; il les menaça, il les fit trembler ; il se servit de toutes les armes de la religion ; enfin il força le juge d’Abbeville à le faire assigner lui-même en témoignage. Il ne se contenta pas de grossir les objets dans son interrogatoire, il indiqua les noms de tous ceux qui pouvaient témoigner ; il requit même le juge de les entendre. Mais ce délateur fut bien surpris lorsque le juge, ayant été forcé d’agir et de rechercher les imprudents complices du chevalier de La Barre, il trouva le fils du délateur Belleval à la tête.
Belleval, désespéré, fit évader son fils avec le sieur d’Étallonde, fils du président de Bancour, et le jeune d’Ouville, fils du maire de la ville. Mais, poussant jusqu’au bout sa jalousie et sa vengeance contre le chevalier de La Barre, il le fit suivre par un espion. Le chevalier fut arrêté avec le sieur Moinel son ami. La tête leur tourna, comme vous le pouvez bien penser, dans leur interrogatoire. Cependant, Moinel répondit plus sagement que La Barre. Celui-ci se perdit lui-même ; vous savez le reste.
Je me trouvai samedi à Abbeville, où une petite affaire m’avait conduit, lorsque de La Barre et Moinel, escortés de quatre archers, y arrivèrent de Paris, par une route détournée. Je ne saurais vous donner une juste idée de la consternation de cette ville, de l’horreur qu’on y ressent contre Belleval, et de l’effroi qui règne dans toutes les familles. Le peuple même trouve l’arrêt trop cruel ; il déchirerait Belleval ; il est sorti d’Abbeville, et on ne sait où il est.
Nota bene. Les accusés ont été condamnés par le parlement de Paris, en confirmation de la sentence d’Abbeville, à avoir la langue et le poing coupés, la tête tranchée, et à être jetés dans les flammes, après avoir subi la question ordinaire et extraordinaire. Le chevalier de La Barre a été seul exécuté ; on continue le procès du sieur Moinel. Plusieurs avocats ont signé une consultation par laquelle ils prouvent l’illégalité de l’arrêt. Il y avait vingt-cinq juges ; quinze opinèrent à la mort, et dix à une correction légère.
L’Extrait de la lettre d’Abbeville étant joint à la lettre de Voltaire à Richelieu, a été mis en note par tous les éditeurs. J’ai conservé cette disposition.
Dans une copie qui m’a été communiquée, le Nota bene offre deux variantes que voici :
Nota bene. Le chevalier de La Barre a été condamné par le parlement de Paris en confirmation, etc… Le chevalier de La Barre a été exécuté. On a brûlé avec lui ses livres, qui consistaient dans les Pensées philosophiques de Diderot, le Sopha de Crébillon, des Lettres sur les miracles, le Dictionnaire philosophique, deux petits volumes de Bayle, un Discours de l’empereur Julien, grec et français, un Abrégé de l’Histoire de l’Église de Fleury, et l’Anatomie de la messe. On continue le procès du sieur Moinel. Les autres sont condamnés à être brûlés vifs. Plusieurs avocats ont signé, etc. »
Cette version me paraît toute vraisemblable. Les deux petits volumes de Bayle sont l’Extrait fait par le roi de Prusse (voir : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6252
Le Discours de l’empereur Julien est celui que Voltaire fit réimprimer en 1769 (voir : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Discours_de_l%E2%80%99empereur_Julien/%C3%89dition_Garnier ; l’Abrégé de l’Histoire de l’Église est celui dont l’Avant-propos est de Frédéric ; l’Anatomie de la messe est un livre du XVIe siècle. (Beuchot.)
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13/10/2021
vous avez frémi ; ce n’est plus le temps de plaisanter ; les bons mots ne conviennent point aux massacres
... A suivre Charlie Hebdo qui le prouve remarquablement : https://charliehebdo.fr/2021/10/proces-13-novembre-2015/j...
« A Jean Le Rond d'Alembert
18 juillet 1766 1
Notre frère 2 vous a communiqué sans doute la relation d’Abbeville, mon cher philosophe. Je ne conçois pas comment des êtres pensants peuvent demeurer dans un pays de singes qui deviennent si souvent tigres. Pour moi, j’ai honte d’être même sur la frontière. En vérité, voici le temps de rompre ses liens, et de porter ailleurs l’horreur dont on est pénétré. Je n’ai pu parvenir à recevoir la consultation des avocats . Vous l’avez vue sans doute, et vous avez frémi ; ce n’est plus le temps de plaisanter ; les bons mots ne conviennent point aux massacres. Quoi ! des Busiris en robe font périr dans les plus horribles supplices des enfants de seize ans ! et cela 3 malgré l’avis de dix juges intègres et humains ! Et la nation le souffre ! À peine en parle-t-on un moment, on court ensuite à l’opéra-comique ; et la barbarie, devenue plus insolente 4 égorgera demain juridiquement qui elle voudra , et vous surtout, qui aurez élevé la voix contre elle deux ou trois minutes. Ici Calas roué, là Sirven pendu, plus loin un bâillon dans la bouche d’un lieutenant général ; quinze jours après, cinq jeunes gens condamnés aux flammes pour des folies qui méritaient Saint-Lazare. Qu’importe l’Avant-propos du roi de Prusse 5 ? Apporte-t-il le moindre remède à ces maux exécrables ? Est-ce là le pays de la philosophie et des agréments ? C’est celui de la Saint-Barthélémy. L’inquisition n’aurait pas osé faire ce que des juges jansénistes viennent d’exécuter.
Mandez-moi, je vous en prie, ce qu’on dit, dit 6 du moins puisqu’on ne fait rien. C’est une misérable consolation d’apprendre que des monstres sont abhorrés, mais c’est la seule qui reste à notre faiblesse, et je vous la demande. M. le prince de Brunswick est outré d’indignation, de colère, et de pitié. Redoublez tous ces sentiments dans mon cœur par deux mots de votre main, que vous enverrez, par la petite poste, à notre frère 7. Votre amitié, et celle de quelques êtres pensants, est le seul plaisir auquel je puisse être sensible.
La méprise de l’avant-propos consiste en ce qu’on suppose que ces paroles, In principio erat, etc., ont été falsifiées 8, ce sont les deux passages sur la Trinité qui ont été interpolés dans l’épître de Jean 9. Quelle pitié que tout cela ! On perd à déterrer des erreurs un temps qu’on emploierait peut-être à découvrir des vérités.
N. B. Le théologien Vernet s’est plaint au conseil de Genève qu’on se moquait de lui ; le conseil lui a offert une attestation de vie et de mœurs 10, comme quoi il n’avait pas volé sur les grands chemins, ni même dans la poche. Cette dernière partie de l’attestation paraissait bien hasardée 11. »
1 Copie contemporaine Darmstadt B. ; le manuscrit olographe est passé à la vente Maulde et Renou, le 30 octobre 1856 . On suit ici la copie et on signale les variantes de l'édition de Kehl que reproduisent les autres éditions .
2 À la place, les éditions mettent frère Damilaville .
3 Mot remplacé dans les éditions par leur sentence est confirmée
4 Mot suivi de par notre silence .
5 Voir lettre du
6 Ce mot ne figure pas dans les éditions .
7 À la place, les éditions mettent frère Damilaville .
8 Voltaire veut parler des versets 7 et 8 du chapitre v de la première épître de saint Jean, où l’on lit : « tres sunt qui testimonium dant in cœlo, Pater, Verbum, et Spiritus Sanctus ; et hi tres unum sunt. Et tres sunt qui testimonium dant in terra, spiritus, et aqua, et sanguis ; et hi tres unum sunt. »
9 Voir lettre du 13 juin 1766 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/09/01/ceux-qui-font-mourir-des-citoyens-sans-dire-precisement-pour-6335108.html
de d'Alembert du 26 juin 1766 : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6374
et du 1er juillet 1766 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/09/22/je-fais-bien-pis-je-crois-que-j-ai-raison-6339187.html
L'allusion porte sur le passage « Au début était [le verbe] » L’authenticité du prologue de l'évangile selon Jean, parfois contestée, est désormais admise, notamment pour des raisons stylistiques .
10 Voir note : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome25.djvu/501
11 Voir lettre du 17 juillet 1766 à Hennin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/10/13/ma-foi-monsieur-les-beaux-esprits-se-rencontrent-6343339.html
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