28/06/2022
quand on est soutenu par vos talents, il n’y a rien qu’on ne puisse hasarder
... Encouragement présidentiel à Mme Borne ...
Bientôt l'épilogue de la chasse aux ministres .
« A Henri-Louis Lekain
14 février 1767 1
Probablement mon grand peintre tragique commencera les répétitions des Scythes dans le temps qu’il recevra ma lettre.
Je vous avertis, mon cher ami, que je fais partir aujourd’hui, à l’adresse de M. le duc de Praslin, un exemplaire marqué A B dans lequel vous trouverez encore quelques petits changements fort légers. Cette copie est chargée de notes qui disent aux acteurs dans quel esprit la pièce a été composée. Il n’y en a point pour Athamare, parce que c’est vous qui le jouez. 2
Le rôle d’Obéide ne sera point du tout difficile, si l’actrice veut seulement jeter un coup d’œil sur ces notes. Je suppose que M. Molé sera en état de jouer Indatire, qui n’est point du tout un rôle fatigant. Je vous prie de lui dire combien je m’intéresse à sa santé 3. Je crois qu’en général la pièce favorise assez le jeu des acteurs. Il y a plusieurs morceaux qui ne demandent que de la simplicité ; mais je vous avoue que je ne saurais souffrir cette familiarité comique qu’on introduit quelquefois dans la tragédie, et qui l’avilit ridiculement au lieu de la rendre naturelle.
Je ne croyais pas, à mon âge, donner encore une pièce au théâtre ; mais, quand on est soutenu par vos talents, il n’y a rien qu’on ne puisse hasarder.
Je pense que vous donnerez le rôle d’Obéide à Mlle Durancy. Je vous prie de l’embrasser pour moi des deux côtés, si elle veut bien le souffrir.
V. »
1 La copie Beaumarchais-Kehl insère les 3è et 4è paragraphes de la lettre du 17 février 1767 à la suite du 3è de la présente, en la datant du 17 février, mais contient une phrase omise par Lekain ; l'édition de Kehl suit la copie Lekain .
2 Cette phrase omise par Lekain est restituée d'après Kehl .
3 Phrase omise dans manuscrit et édition Beaumarchais-Kehl .
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27/06/2022
Vous avez eu la liberté du choix ; pour moi je n'ai point celle de changer ces rôles
... Du Président à sa Première Ministre . Alea jacta est !
« A David-Louis Constant baron de Rebecque, seigneur d'Hermenches, etc.
à Lausanne
Dans un pays libre comme la Suisse,monsieur, il est juste qu'un républicain l'emporte un peu sur un prince. Songez que c'est un capitaine bernois qui parle à Charles le Téméraire . Je ne vous ai jamais dit, d'ailleurs, que le rôle d'Athamare fût plus beau que celui d'Indatire . Vous avez eu la liberté du choix ; pour moi je n'ai point celle de changer ces rôles ; et je suis encore dans mon lit , je perds les yeux, les jambes et la tête, et dans ce bel état je ne pourrais faire que de très mauvais vers alexandrins .
Votre guerre comique est fort plaisante . Votre chanson très jolie, et le parti des Aristides 1 confondu le plus poliment du monde . J'aurais bien voulu être là . On dit que M. de Goloffkin achète la terre de Coppet 2. C'est une belle acquisition . C'est là qu'on pourrait faire un beau théâtre mais il n'y en aura jamais de plus agréable que celui de Monrepos .
Je présente mes respects à tous les acteurs et actrices . Je n'ai pas encore perdu l'espérance de venir applaudir leurs talents et siffler la pièce .
V.
A Ferney 14è février 1767
Si pourtant vous voulez de ces quatre vers-ci, ils sont à votre service . C'est après qu'Indatire a dit :
Apprends à mieux juger de ce peuple équitable,
Égal à toi, sans doute, et non moins respectable .
Athamare
Élève ta patrie et cherche à la vanter
C'est le recours du faible, on peut le supporter.
Ma fierté , que permet la grandeur souveraine
Ne daigne pas ici lutter contre la tienne .
Te crois-tu juste au moins ?
Indatire
Oui, je puis m'en flatter,
etc. »
1 Aristide est le nom d'un journal fondé à Lausanne pour répandre le mouvement piétiste soutenu par le prince de Wurtemberg et ses amis .
2 Ce ne fut pas le comte Alexandre Golovkin, mais Gaspard von Smeth qui achètera le château de Coppet à la famille de Marie-Elisabeth Hogguer . À la mort de von Smeth, le château passera à son neveu Justus Raimund von der Lahr, qui le vendra le 1er mai 1780 à Georges Tobie Thélusson, à qui Necker l'achètera le 3 mai 1784 .
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Cela est horriblement velche, et les Velches ne se corrigeront jamais
... Les Velches modernes, et cependant rétrogrades, sont ces détestables US-américains qui viennent de rendre illégal un des droits fondamentaux des femmes et dans le même temps soutiennent mordicus la détention d'armes au nom de la liberté . L'hypocrisie de ce peuple bat des records: In God we trust ! la belle affaire de ces faux jetons qui respectent avant tout In gold we trust ! Femmes , et minorités LGBT qui êtes dans le viseur, dès à présent révoltez-vous contre cette droite religieuse intégriste et fondamentaliste . Plus que jamais "A bas l'Infâme !"
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
14 février 1767
Mes chers anges, par excès de précaution, et par nouvelle surabondance de droit, j’adresse encore un nouvel exemplaire à M. le duc de Praslin, pour que vous ayez la bonté de le communiquer. Il y a quelque peu de vers encore de changés, et les notes instructives sont plus amples. Il serait trop aisé de jouer le rôle d’Obéide à contresens ; c’est dans ce rôle que la lettre tue, et que l’esprit vivifie 1, car dans ce rôle, pendant plus de quatre actes, oui veut dire non. J’ai pris mon parti signifie je suis au désespoir. Tout m’est indiffèrent 2 veut dire évidemment je suis très sensible.
Ce rôle, joué d’une manière attendrissante, fait, ce me semble, un très-grand effet ; et, si nous avons deux vieillards, je crois que tout ira bien.
Je vous ai déjà mandé que j'avais prié M. de Thibouville d'avoir la bonté de disposer des rôles . Vous avez actuellement un grand nombre d'exemplaires . Vous me ferez plaisir d'en donner un à M. de Florian qui n'en abusera pas .
J’espère toujours qu’après Pâques M. de La Harpe donnera quelque chose de meilleur que les Scythes. Il s’est trompé dans son Gustave, mais il n’en vaudra que mieux ; et il est, en vérité, le seul qui ait un style raisonnable. Par quelle fatalité faut-il que des pièces qu’on ne peut lire aient eu de si prodigieux succès ? Cela est horriblement velche, et les Velches ne se corrigeront jamais. Vous, qui êtes Français, tenez toujours pour le bon goût 3.
Respect et tendresse
V.»
1 Paul, IIe épitre aux Corinthiens, iii, 6 : https://topbible.topchretien.com/2-corinthiens.3.6/S21/
2 Les Scythes, acte II, scène i.
3 Dans Beuchot, cette lettre se termine par un paragraphe emprunté en partie à la lettre du 10 février, en partie à la lettre du 16 février.
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25/06/2022
Le public prend toujours le parti de ceux qui se vengent, et jamais de ceux qui attaquent de gaieté de cœur
...
« A Charles Palissot de Montenoy,
à Argenteuil, près
de Paris
par Paris
13è février à Ferney 1
Votre lettre du 3 février, monsieur, a renouvelé mes plaisirs et mes regrets. Quel dommage, ai-je dit, qu’un homme qui pense et qui écrit si bien se soit fait des ennemis irréconciliables de gens d’un extrême mérite, qui pensent et qui écrivent comme lui ! Vous avez bien raison de regarder Fréron comme la honte et l’excrément de notre littérature, mais pourquoi ceux qui devraient être tous réunis pour chasser ce malheureux de la société des hommes se sont-ils divisés 2 et pourquoi avez-vous attaqué ceux qui devraient être vos amis, et qui ne sont que les ennemis du fanatisme ? Si vous aviez tourné vos talents d’un autre côté, j’aurais eu le plaisir de vous avoir, avant ma mort, pour confrère à l’Académie française. Elle est à présent sur un pied plus honorable que jamais : elle rend les lettres respectables.
J’apprends que vous jouissez à présent d’une fortune digne de votre mérite. Plus vous chercherez à avoir de la considération dans le monde, plus vous vous repentirez de vous être fait, sans raison, des ennemis qui ne vous pardonneront jamais. Cette idée peut empoisonner la douceur de votre vie. Le public prend toujours le parti de ceux qui se vengent, et jamais de ceux qui attaquent de gaieté de cœur. Voyez comme Fréron est l’opprobre du genre humain ; je ne le connais pas, je ne l’ai jamais vu, je n’ai jamais lu ses feuilles ; mais on m’a dit qu’il n’était pas sans esprit ; il s’est perdu par le détestable usage qu’il en a fait. Je suis bien loin de faire la moindre comparaison entre vous et lui. Je sais que vous lui êtes infiniment supérieur à tous égards ; mais plus cette distance est immense, plus je suis fâché que vous ayez voulu avoir mes amis pour ennemis. Ah ! monsieur, c’était contre les persécuteurs des gens de lettres que vous deviez vous élever, et non contre les gens de lettres persécutés. Pardonnez-moi, je vous en prie, une sensibilité qui ne s’est jamais démentie. Votre lettre, en touchant mon cœur, a renouvelé ma plaie ; et quand je vous écris, c’est toujours avec autant d’estime que de douleur. »
1 Minute avec corrections autographes et mention de la main de V* : « Réponse à M. Palissot, 12 fév[rier] 1766 » ; l'édition Œuvres de M. Palissot, 1788, porte des variantes délibérées, telles que plaintes pour plaisirs à la deuxième ligne .
2 Certains voient dans cette phrase une preuve que les plaintes de Rousseau sur le s persécutions psychologiques subies de la part de V* ne sont pas dénuées de vérité ; ce dernier est en effet accusé de vouloir exclure ses adversaires comme il dit « de la société des hommes ».
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je vous porte mes plaintes et mes désirs
... Mathilde Panot - LFI nourrie au grain par le sire Mélenchon - pérore, se hausse du col et transmet la voix de son maître pour récuser bêtement la première ministre : https://actu.orange.fr/politique/mathilde-panot-accuse-elisabeth-borne-de-vouloir-gouverner-par-effraction-magic-CNT000001PlQ9M.html
C'est vraiment ce qui est le plus important pour améliorer la situation ?
« A Jean-François Marmontel
À Ferney, le 12 février 1767
Mon très cher confrère, vous me mandez que vous m’envoyez Bélisaire, et je ne l’ai point reçu. Vous ne savez pas avec quelle impatience nous dévorons tout ce qui vient de vous. Votre libraire a-t-il fait mettre au carrosse de Lyon ce livre que j’attends pour ma consolation et pour mon instruction ? l’a-t-on envoyé par la poste avec un contre-seing ? Les paquets contre-signés me parviennent toujours, quelque gros qu’ils soient . Enfin je vous porte mes plaintes et mes désirs. Ayez pitié de Mme Denis et de moi. Faites-nous lire ce Bélisaire. Si vous avez rendu Justinien et Théodora bien odieux, je vous en remercie bien d’avance. Je vous supplie de demander à Mme Geoffrin si son cher roi de Pologne ne s’est pas entendu habilement avec l’impératrice de Russie, pour forcer les évêques sarmates à être tolérants, et à établir la liberté de conscience ; je serais bien fâché de m’être trompé. Je suppose que Mme Geoffrin voudra bien me faire savoir si j’ai tort ou raison, qu’elle m’en dira un petit mot, où qu’elle permettra que vous me disiez ce petit mot de sa part. Présentez-lui mon très tendre respect.
Aimez moi, mon cher confrère ; continuez à rendre l’Académie respectable. Ayons dans notre corps le plus de Marmontel et de Thomas que nous pourrons. M. de La Harpe sera bien digne un jour d’entrer in nostro docto corpore 1 ; il a l’esprit très juste, il est l’ennemi du phébus 2, son goût est très épuré et ses mœurs très honnêtes ; il a paru vous combattre un peu au sujet de Lucain 3, mais c’est en vous estimant et en vous rendant justice, et vous pourrez être sûr d’avoir en lui un ami attaché et fidèle. J'espère qu’il ne reviendra à Paris qu’avec une très bonne tragédie, quoiqu’il n’y ait rien de si difficile à faire, et quoiqu’on ne sache pas trop à quoi le succès d’une pièce de théâtre est attaché. Il y en a une 4 qui a eu un grand succès, et qu’on m’a voulu faire lire . J’y suis depuis trois mois, j’en ai déjà lu trois actes ; j’espère la finir avant la fin d’avril. Je ne vous parle point des Scythes, parce qu’on ne sait qui meurt ni qui vit 5. Vous le saurez le mercredi des Cendres, qui est souvent un jour de pénitence pour les auteurs. Mais, sifflé ou toléré, sachez que je vous aime de tout mon cœur.
V.»
1 Dans note docte compagnie ; réminiscence du Malade imaginaire de Molière, intermède III : https://www.youtube.com/watch?v=WgO2OADqK9M
2 Le phébus est une expression ancienne pour désigner un galimatias . Le mot a été remis à la mode au XVIIIè siècle par le Dictionnaire néologique de Pantalon-Phoebus, de Desfontaines, 1726 . Vauvenargues a pris la peine de définir le phébus dans De l'éloquence : « La magnificence de paroles avec de faibles idées est proprement du phébus . »
Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k82618t.texteImage
et : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:%C5%92uvres_de_Vauvenargues_(1857).djvu/73
3 V* songe à l’Épître aux poètes sur les charmes de l'étude, de Marmontel, et aux « Réflexions sur Lucain » de La Harpe, publiées parmi les mélanges littéraires, 1765, dans lesquelles La Harpe critique les vues de Marmontel sur Lucain .
et page 257 et suiv. : https://books.google.fr/books?id=LkA0AAAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=snippet&q=marmontel&f=false
Dans le Mercure de juillet (1 et 2), août et novembre 1766, La Harpe avait donné quatre articles sur la traduction, par Marmontel, de la Pharsale de Lucain. : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5773984b.texteImage
4 Le Siège de Calais, par de Belloy.
5 Proverbe ancien qu'on trouve par exemple dans les Agréables Conférences de deux paysans de Saint-Ouen et de Montmorency, : https://data.bnf.fr/fr/14404017/agreables_conferences_de_deux_paysans_de_saint-ouen_et_de_montmorency_sur_les_affaires_du_temps/
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24/06/2022
Je vous passe l’émétique , comme vous me passez la saignée
... Quel renvoi d'ascenseur sera demandé pour que le plus avide parti d'opposition cède une place prestigieuse et rémunératrice au parti le plus morpionnant ( chacun est libre de répartir ces qualificatifs selon son goût ) : https://www.midilibre.fr/2022/06/22/assemblee-nationale-pourquoi-la-nupes-et-le-rn-tiennent-tant-a-presider-la-commission-des-finances-10389850.php
« A Augustin Marie, marquis de Ximénès
11 février 1767 à Ferney
J’aime tout à fait, monsieur, à m’entendre avec vous. Je vous passe l’émétique 1, comme vous me passez la saignée. Sans doute les deux vers dont vous me parlez sont un peu ridicules, et en général Cornélie vise quelquefois au plus sublime galimatias ; mais aussi il y a de bien beaux éclairs, des traits de génie, des morceaux même de sentiment qui enlèvent.
Le peu de remarques que j’ai pu faire sur vos remarques sont sur un petit cahier séparé ; j’ai respecté votre ouvrage. Ce que j’ai écrit ne consiste que dans des notes abrégées pour aider ma mémoire lorsque je travaillerai sérieusement à en faire une espèce de poétique de théâtre qui puisse être utile aux jeunes gens. Je pense qu’il y faut mettre beaucoup d’objets de comparaison, tant des anciens que des modernes, et que le tout doit être nourri d’un grand fonds de littérature. Je me livrerai à cet ouvrage avec un très grand plaisir, lorsque vous m’aurez envoyé le reste de vos remarques. Je ne puis rien faire sans ce préalable. Il ne faut pas que vous abandonniez une entreprise qui peut être très avantageuse aux lettres, très honorable pour vous, et me procurer avant ma mort l’honneur de vous avoir pour confrère ; mais dépêchez-vous, je me porte fort mal, et j’entre dans ma soixante-quatorzième année. Je conserverai jusqu’à mon dernier moment les sentiments qui m'attachent à vous .
V. »
1 Allusion à L'Amour médecin, acte III, scène i. de Molière : http://theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/MOLIERE_AMOURMEDECIN.xml#A4.S41
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Je sais que chaque province a ses embarras, et qu’il est bien difficile que le ministère remédie à tout
... Combien d'électeurs , sur-gonflés par des extrêmistes de l'acabit de Mélenchon, Marine Le Pen et Zemmour, ne sont plus capables d'avoir ce simple bon sens ?
Trop !
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
11è février 1767, à Ferney
Comme je dictais, monseigneur, les petites instructions nécessaires pour la représentation de la pièce dont je vous offrais les prémices pour Bordeaux, j’apprends une funeste nouvelle 1 qui suspend entièrement mon travail, et qui me fait partager votre douleur. J’ignore si cette perte ne vous obligera point de retourner à Paris . En tout cas, je serai toujours à vos ordres. Je voudrais que ma santé et mon âge pussent me permettre de vous faire ma cour dans quelque endroit que vous fussiez . Mais mon état douloureux me condamne à la retraite, et si j’avais été obligé de quitter Ferney, ce n’aurait été que pour une autre solitude, et je ne pourrais jamais quitter la solitude que pour vous. Mon petit pays, que vous avez trouvé si agréable et si riant, et qui est en effet le plus beau paysage qui soit au monde, est bien horrible cet hiver ; et il devient presque inhabitable, si les affaires de Genève restent dans la confusion où elles sont. Toute communication avec Lyon et avec les provinces voisines est absolument interrompue, et la plus extrême disette en tout genre a succédé à l’abondance. Nos laboureurs, déjà découragés, ne peuvent même préparer les socs de leurs charrues. Notre position est unique : car vous savez que nous sommes absolument séparés de la France par le lac, et qu’il est de toute impossibilité que le pays de Gex puisse se soutenir par lui-même.
Je sais que chaque province a ses embarras, et qu’il est bien difficile que le ministère remédie à tout. Les abus sont malheureusement nécessaires dans ce monde. Je sens bien qu’il n’est pas possible de punir les Genevois sans que nous en sentions les contre-coups.
Je vous demande pardon de vous parler de ces misères, dans un temps où la perte que vous avez faite vous occupe tout entier, mais je ne vous dis un mot de ma situation que pour vous marquer l’envie extrême que j’aurais de pouvoir servir à vous consoler, si je pouvais être assez heureux pour vous revoir encore, et pour vous renouveler mon tendre et profond respect.
V. »
1 La mort de sa bru ; sur celle-ci, voir lettre du 11 février 1764 à Richelieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/02/20/selon-ce-que-j-entends-dire-il-n-y-a-personne-qui-vous-ressemble-aujourd-hu.html
et lettre du 16 mars 1767 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/04/correspondance-annee-1767-partie-22.html
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