12/01/2019
j'ai un si profond respect pour les biens de l’Église , que je me juge absolument indigne de leur payer les lods et ventes
... Et me contente de donner quelques denrées au Secours catholique, sans apporter mon écot aux "princes" de l'Eglise , fonctionnaires sans soucis du lendemain .
Ce n'est pas encore une race de chien présidentiel, et pourtant ... bonne bouille .
« A Louis-Gaspard Fabry, Maire et
subdélégué
à Gex
7 janvier 1764, à Ferney 1
Dans l'état où je suis, monsieur, je compte ne faire d'autre acquisition que celle d'une place aux Quinze-Vingts, et d'un chien barbet pour me conduire avec une ficelle . Personne ne sait plus que moi l'utilité dont le prieuré de Prévessin est au royaume, et j'ai un si profond respect pour les biens de l’Église , que je me juge absolument indigne de leur payer les lods et ventes . Ainsi permettez que je n'achète point le domaine qu'on me propose . Soyez bien sûr que tout ce que j’ai trouvé de plus agréable dans ce pays, c'est d'avoir l'honneur de vous connaître ; je vous supplie d'être persuadé de l'attachement inviolable avec lequel je serai toute ma vie, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Le manuscrit original signé a été communiqué à Beaune par Le Sérurier ; c'est donc cette dernière édition qui est suivie, d'autant qu'elle semble plus fidèle à l'original .
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d'un côté il cède ce que les remontrances des parlements peuvent avoir de juste ; de l'autre il maintient les droits de l'autorité royale . Je crois que la postérité rendra justice à cette conduite digne d'un roi et d'un père
... Supprimons ce "royale" pour mettre "républicaine", et nous aurons, dans le meilleur des cas, ce que souhaite une majorité silencieuse et une minorité remuante et désordonnée (qui a maintenant des airs de grand Guignol ) .
Attendons ce que le roi/papa/président va déclarer lundi . Qui va être satisfait ? Qui fera la grimace ?
Quoiqu'il soit dit, ceux qui gueulent "Macron démission" continueront ; que voulez-vous, ma pauvre M'ame Michu, quand on est borné on est borné ( j'ai une autre épithète mais je reste poli quand je m'adresse à une Dame ) .
Plus sympa qu'un gilet jaune ! Papa pas cap ?
« A Etienne-Noël Damilaville
7è janvier 1764 1
Je vois bien que mon cher frère n'a point reçu deux paquets qu'un négociant de Besançon lui avait adressés par une voie qu'il croyait sûre . Un de ces paquets était destiné pour M. d'Alembert qui se fâche, et qui se croit lésé, parce que d'autres ont reçu ce qui ne lui est point parvenu . Mais ce n'est pas la faute du correspondant . Les difficultés augmentent de jour en jour . Un jeune officier aux gardes suisses 2, s'est chargé en dernier lieu de porter à Paris deux exemplaires à M. d'Alembert mais il ne les aura pas sitôt . Ainsi, je vous supplie, mon cher frère, de faire ma paix avec lui .
Il y a longtemps que je n'ai reçu de lettre de M. et Mme d'Argental . Je ne sais plus de nouvelles ni des belles-lettres, ni des affaires . Frère Thieriot écrit quatre fois par an, tout au plus . On me dit que le parlement de Grenoble est exilé . Le roi paraît mêler à sa bonté des actions de fermeté : que d'un côté il cède ce que les remontrances des parlements peuvent avoir de juste ; de l'autre il maintient les droits de l'autorité royale . Je crois que la postérité rendra justice à cette conduite digne d'un roi et d'un père .
On m'assure toujours que le mandement de M. l'archevêque de Paris est imprimé clandestinement, et qu'on en a vu plusieurs exemplaires . Si vous pouvez, mon cher frère, me procurer une de ces instructions pastorales, et un Antifinancier, vous me soulagerez beaucoup dans ma misère . Je suis entouré de frimas, accablé de rhumatismes, mes yeux vont toujours fort mal, mais je me ferai lire ces deux ouvrages que j'attends avec impatience de vos bontés fraternelles .
Je ne sais rien de nouveau non plus du théâtre . Mais ce qui me touche le plus, c'est le beau projet que Dieu vous a inspiré à vous et à vos amis ; et ce beau projet est ...Écr l'inf. »
1 Voir aussi lettre du 4 janvier 1764 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/01/09/tout-annonce-dieu-merci-un-siecle-philosophique-6119430.html
2 Gallatin ; son nom est donné par une réponse de d'Alembert , du 15 janvier 1764 . Il s'agit probablement de Jean-Louis (1737-1799) dont le père Pierre avait été officier dans les gardes suisses . Voir pages 375-376 https://books.google.fr/books?id=LQ4QVb1NWDsC&pg=PA375&lpg=PA375&dq=pierre+gallatin&source=bl&ots=Kl5HrWcLQY&sig=HCWNQHPW6Gdqiqi6bVo87b0E-wM&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiWjaaS3ubfAhUC6RoKHbziA3IQ6AEwBXoECAIQAQ#v=onepage&q=pierre%20gallatin&f=false
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11/01/2019
On a encore, en vieillissant, un grand plaisir qui n’est pas à négliger, c’est de compter les impertinents et les impertinentes qu’on a vus mourir, les ministres qu’on a vu renvoyer, et la foule de ridicules qui ont passé devant les yeux
... Et je peux vous garantir que le nombre n'est pas négligeable, gonflé qu'il est par les informations des médias , du net en particulier . Mais , bast, c'est un pauvre moyen de se réjouir, à réserver pour les soirs où l'on a du mal à s'endormir et qu'on n'a pas assez de moutons sous la main .
Deux spécimens de ... ministres ?... impertinents ?... ridicules ? ou les trois à la fois (si, si, ! ça existe ) ?
« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand
6è janvier 1764 à Ferney
Je ne m’étonne plus, madame, que vous n’ayez pas reçu la Jeanne que je vous avais envoyée par la poste, sous le contre-seing d’un des administrateurs. Aucun livre ne peut entrer par la poste en France sans être saisi par des commis, qui se font, depuis quelque temps, une assez jolie bibliothèque, et qui deviendront en tous sens des gens de lettres. On n’ose pas même envoyer des livres à l’adresse des ministres. Enfin, madame, comptez que la poste est infiniment curieuse ; et, à moins que le président Hénault ne se serve du nom de la reine 1 pour vous faire avoir une Pucelle, je ne vois pas comment vous pourrez parvenir à en avoir des pays étrangers.
Je m’amusais à faire des contes de ma mère l’Oie, ne pouvant plus lire du tout. Je ne suis pas précisément comme vous, madame ; mais vous souvenez-vous des yeux de l’abbé de Chaulieu, les deux dernières années de sa vie ? figurez-vous un état mitoyen entre vous et lui ; c’est précisément ma situation.
Je pense avec vous, madame que quand on veut être aveugle, il faut l’être à Paris ; il est ridicule de l’être dans une campagne avec un des plus beaux aspects de l’Europe. On a besoin absolument, dans cet état, de la consolation de la société. Vous jouissez de cet avantage ; la meilleure compagnie se rend chez vous, et vous avez le plaisir de dire votre avis sur toutes les sottises qu’on fait qu’on imprime . Je sens bien que cette consolation est médiocre ; rarement le dernier âge de la vie est-il bien agréable . On a toujours espéré assez vainement de jouir de la vie ; et à la fin, tout ce qu’on peut faire c’est de la supporter. Soutenez ce fardeau, madame, tant que vous pourrez ; il n’y a que les grandes souffrances qui le rendent intolérable . On a encore, en vieillissant, un grand plaisir qui n’est pas à négliger, c’est de compter les impertinents et les impertinentes qu’on a vus mourir, les ministres qu’on a vu renvoyer, et la foule de ridicules qui ont passé devant les yeux.
Si de cinquante ouvrages nouveaux qui paraissent tous les mois il y en a un de passable, on se le fait lire, et c’est encore un petit amusement. Tout cela n’est pas le ciel ouvert ; mais enfin on n’a pas mieux, et c’est un parti forcé.
Pour M. le président Hénault, c’est tout autre chose : il rajeunit, il court le monde, il est gai, et il sera gai jusqu’à quatre-vingts ans, tandis que Moncrif et moi nous sommes probablement fort sérieux. Dieu donne ses grâces comme il lui plaît . Avez-vous le plaisir de voir quelquefois M. d’Alembert ? Non seulement il a beaucoup d’esprit, mais il l’a très décidé, et c’est beaucoup ; car le monde est plein de gens d’esprit qui ne savent comment ils doivent penser.
Adieu, madame ; songez, je vous prie, que vous me devez quelque respect ; car si dans le royaume des aveugles les borgnes sont rois, je suis assurément plus que borgne ; mais que ce respect ne diminue rien de vos bontés. Il y a longtemps que je suis privé du bonheur de vous voir et de vous entendre ; je mourrai probablement sans cette joie, tâchons, en attendant, de jouer avec la vie ; mais c’est ne jouer qu’à colin-maillard.
V. »
1 Hénault est surintendant de la maison de la reine .
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je doute que cette requête, présentée par l’humanité à la puissance, obtienne l’effet qu’on s’est proposé : car je ne doute pas que les ennemis de la raison ne crient très haut contre cet ouvrage
... S'agirait-il du cahier de doléances, qui faute de donner des solutions applicables immédiatement, n'est pour l'instant qu'une bête à soucis pour les maires ?
Marianne peut être diablement plus sexy en bonnet phrygien qu'en gilet jaune
« A Charles Pinot Duclos
6 janvier 1764
Quelque répugnance que j’aie toujours eue, monsieur, à mettre mon nom à la tête de mes ouvrages, et quoique aucune de mes dédicaces n’ait été accompagnée de la formule ordinaire d’une lettre, quoique cette formule m’ait paru toujours très peu convenable, et que j’en sois l’ennemi déclaré, cependant, puisque l’Académie veut cette pauvre formule, inconnue à tous les anciens, puisqu’elle veut mon nom, elle sera obéie 1.
Je suppose que M. Cramer vous a envoyé sous enveloppe, à l’adresse de M. Jeannel, le livre 2 que vous demandez. Je sais que plusieurs personnes considérables, dont quelques-unes sont connues de vous, en ont été assez contentes. Mais je doute que cette requête, présentée par l’humanité à la puissance, obtienne l’effet qu’on s’est proposé : car je ne doute pas que les ennemis de la raison ne crient très haut contre cet ouvrage. L’auteur, quel qu’il soit, fera plus de cas de votre suffrage qu’il ne craindra leurs clameurs. Quel homme est plus en droit que vous, monsieur, d’opposer sa voix aux cris des fléaux du genre humain ? »
1 Cependant le nom de Voltaire n'apparut pas . Voir dédicace sur les Commentaires : https://books.google.fr/books?id=jRoRAQAAMAAJ&pg=PA50...
2 Le Traité sur la tolérance ; voir lettre du 4 janvier 1764 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/01/09/a-tous-seigneurs-tous-honneurs-sans-quoi-point-d-argent-6119491.html
10:57 | Lien permanent | Commentaires (0)
10/01/2019
La campagne est un port d’où l’on voit tous les orages
... Et le pape bénissant urbi et orbi réunit tout le monde sous la même eau bénite . Les tempêtes des villes envoient leurs vagues scélérates sur le reste du pays qui doit pourtant continuer à les nourrir . A ne pas oublier .
« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis
6è janvier 1764 à Ferney
Non seulement j’ai craint de vous importuner, monseigneur, mais je n’ai pu vous importuner. Mes fluxions sur les yeux ont si fort augmenté, que je suis devenu un petit Tirésie, ou un petit Tobie. Le vieux de la montagne ne sera pas longtemps le vieux de la montagne . Mais, pour égayer la chose, je me suis mis à faire des contes et à les dicter . Il y en a un qu’on a imprimé à Paris 1 aussi mal que les Quatre Saisons. Je n’ai point osé l’envoyer à un prince de la Sainte Église romaine. Je l’aurais autrefois présenté à Babet, et je l’aurais priée d’y jeter quelques-unes de ses fleurs. Mais si Votre Éminence veut s’amuser d’un conte plus honnête, je lui en enverrai un 2 pour ses étrennes . Elle n’a qu’à dire. Je ne peux et ne dois vous parler que de belles-lettres ; ainsi je prendrai la liberté de vous demander si vous avez lu le discours de votre nouveau confrère 3 à l’Académie. Il m’a paru qu’il y avait de bien belles choses dans l’Éloge du duc de Sully 4, qui, après avoir rendu de grands services à la France, alla vivre à la campagne, et finit sa belle vie comme Scipion à Linterne. La campagne est un port d’où l’on voit tous les orages.
Suave mari magno turbantibus æquora ventis, 5etc.
On m’envoie de Paris une Lettre d’un honnête quakre à un frère du célèbre M. de Pompignan . Je ne sais si Votre Éminence l’a vue ; c’est une réponse très courte à un gros ouvrage ; mais tout cela est déjà oublié : et que n’oublie-t-on pas ? Toutes les pièces nouvelles sont déjà hors de la mémoire des hommes. Il n’en est pas de même de celles de Pierre Corneille ; l’édition est entièrement finie ; Votre Éminence aura incessamment ses exemplaires. Elle a vu, par quelques échantillons, dans quel esprit j’ai travaillé ; je n’ai voulu être ni panégyriste ni censeur , je n’ai songé qu’à être utile. C’est précisément en ne songeant qu’à cela qu’on s’attire quelquefois des reproches , mais je suis endurci . Mon cœur ne l’est certainement pas , il est plein de l’attachement le plus respectueux pour Votre Éminence.
Le vieux de la montagne . »
1 Ce qui plait aux dames .
2 Les Trois manières .
3 Marmontel .
4 Par Antoine-Léonard Thomas : https://reader.digitale-sammlungen.de/de/fs1/object/display/bsb10070154_00001.html
5 Il est doux d'apercevoir sur la mer immense, quand les vents agitent les flots , etc ; Lucrèce, De natura rerum, II, 1 .
14:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
Comme il y a eu en dernier lieu de petites réformes au bureau des postes
... tel le prix des timbres, et les nouveaux services à la personne (terme consacré) que peuvent/doivent rendre nos facteurs/préposés, je pense que d'ici la fin de l'année, en fonction des déserts médicaux on pourrait bien leur demander aussi de nous ausculter . On n'arrête pas le progrès !
Avec ou sans sucre ?
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
6è janvier 1764
Comme il y a eu en dernier lieu de petites réformes au bureau des postes, je crains que mes anges n’aient pas reçu de gros paquets que je leur ai adressés sous l’enveloppe de M. de Courteilles, en mémoires.
Je leur ai adressé aussi des petits paquets ; et le dernier ne contenait, si je ne me trompe, qu’une lettre pour le neveu de Pierre. L’avant-dernier contenait ma réponse aux seigneurs de la troupe au sujet d’Olympie, et je demandais les ordres de mes anges. Je leur ai précédemment envoyé un conte à dormir debout et des Tolérance.
Lorsque mes anges auront un moment de loisir, je les supplierai de vouloir bien m’accuser la réception de mes guenilles.
On m’a écrit qu’on voulait voir Olympie à Versailles ; mais je ne le crois pas. D’ailleurs il faut une salle de spectacle fort vaste pour représenter cette pièce, et autant qu’il m’en souvient, il n’y avait à Versailles qu’un théâtre de polichinelle . Je souhaite à mes anges une brillante santé, que je n’ai point.
Respect et tendresse. »
11:59 | Lien permanent | Commentaires (0)
les gens de l’autre monde, dont j’ai l’honneur d’être, ne sont pas des correspondants bien exacts
... Et j'en demande bien pardon à tous, avec une attention particulière à Mam'zelle Wagnière qui pourra confirmer .
Quant à l'autre monde, oserais-je vous présenter ci-dessous un possible futur colocataire qui a eu le bonheur de correspondre avec Voltaire : JAPDLMG pour les intimes .
« A Joseph-Augustin-Prosper de La Motte-Geffrard 1
A Ferney 5 janvier 1764
Je vous demande bien pardon, monsieur, de répondre si tard, mais les gens de l’autre monde, dont j’ai l’honneur d’être, ne sont pas des correspondants bien exacts. Je ne suis plus qu’une ombre ; non seulement j’ai perdu le peu qui me restait de santé, mais je suis presque entièrement privé de la vue . Je me flatte que dans un mois l’édition de Corneille, dont vous me faites l’honneur de me parler, sera publiée par MM. Cramer à Genève, et bientôt après par leurs correspondants à Paris et dans les provinces. Si vous avez souscrit, c’est à eux qu’il faudra s’adresser. Je ne me suis mêlé que d’éplucher des vers, ce qui est une besogne délicate et peu agréable . Je suis infiniment sensible aux bontés que vous me témoignez.
J’ai l’honneur d'être bien respectueusement, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1A son propos voir par exemple : https://books.google.fr/books?id=4dtYDwAAQBAJ&pg=PT203&lpg=PT203&dq=Joseph-Augustin-Prosper+de+La+Motte-Geffrard&source=bl&ots=g0ykOGzcCH&sig=HTfzb-qSskUrvrSzYWboViCGg6g&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjUtIDp0uHfAhUyyYUKHWvJC2YQ6AEwBnoECAMQAQ#v=onepage&q=Joseph-Augustin-Prosper%20de%20La%20Motte-Geffrard&f=false
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9giment_Royal-Comtois
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