17/08/2019
Il me restera la partie du caprice
... Sera-ce suffisant ? ou exagéré ?
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
30è juin 1764
Anges que je fatigue, et qui ne vous lassez pas de faire du bien, voici un petit billet pour le conjuré Lekain, mais ces extrêmes chaleurs, ce terrible mois de juillet, font frémir l’ex-jésuite.
N’est-ce pas en Éthiopie qu’on va au conseil dans des cruches pleines d’eau ? Je crois qu’il n’y a plus que ce moyen d’aller à la comédie cet été.
Je crois que la Gazette littéraire m’a brouillé avec l’abbé de Sade. Ce n’est pas que je me reconnaisse à la main d’un grand maître dont l’abbé Arnaud a désigné l’auteur des remarques sur Pétrarque ; mais enfin vous savez que j’avais demandé le plus profond secret. Je vous supplie de gronder l’abbé Arnaud de tout votre cœur ; encore une fois, je n’aime point Pétrarque, mais j’aime l’abbé de Sade. Je vois que j’ai été prévenu sur l’article d’Algarotti 1, et que la Gazette littéraire est servie beaucoup plus promptement que je ne pourrais l’être. Il me restera la partie du caprice. Dès que je trouverai un livre nouveau, je le prendrai pour prétexte pour débiter mes rêveries, comme j’ai fait sur l’article des songes 2 ; cela m’égaiera quelquefois, et pourra égayer la Gazette. Mais à présent je n’ai pas trop envie de rire, mes yeux ne vont pas trop bien, ma santé fort mal. Que mes deux anges se portent bien, et je suis consolé. »
1 Une brève notice nécrologique sur Algarotti a effectivement paru dans le numéro du 20 juin 1764. mais celle de V* n'en sera pas moins publiée une semaine plus tard .
2 Voir dans le Dictionnaire philosophique l'article Somnambules : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Somnambules_et_songes
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16/08/2019
celui qui fait honneur à l’Italie doit avoir les ouvrages de l’auteur qui fait honneur à la France
... Ne me demandez pas les noms des intéressés, je suis bien en peine d'en connaître ne serait-ce qu'un . A votre choix ... J'attends vos suggestions .
« A Carlo Goldoni
30è juin 1764 à Ferney
Mon cher favori de la nature, je suis toujours réduit à dicter. Je suis bien vieux ; je perds la santé et la vue, ne soyez point étonné d’avoir si rarement de mes nouvelles. Je vous ai présenté un Corneille, parce que celui qui fait honneur à l’Italie doit avoir les ouvrages de l’auteur qui fait honneur à la France. C’est précisément par cette raison-là que je ne vous ai pas envoyé mes ouvrages. Une autre raison encore, c’est qu’il n’y en a à Paris que de détestables éditions. Si jamais vous venez à Ferney ou aux Délices, j’espère vous en présenter une moins incorrecte. J’attends les ouvrages dont vous voulez bien me flatter ; ils me consoleront des miens.
Vivez gaiement à Paris, mon cher ami ; ayez autant de plaisir que vous en donnez, et aimez toujours un peu un vieux solitaire qui vous est tendrement attaché jusqu’au dernier moment de sa vie.
V. »
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il faut pardonner à un jeune homme qui cherche à tirer tout le parti possible de sa médiocrité
... Toute ressemblance avec un personnage existant ou ayant existé n'est due qu'à la malice éhontée du rédacteur .
« A Henri-Louis Lekain
30è juin 1764 au château de Ferney
Mon cher ami, j'ai peur de n'avoir pas répondu à votre lettre du 9 juin, j'ai la vue si mauvaise que j'avais oublié votre petite écriture dans mes paperasses . Vous me parliez d'un jeune peintre qui est votre ami, je ne mérite assurément pas l'honneur qu'il veut me faire, mais j'y suis très sensible . Au reste, vous saurez qu'on ne veut point de portrait en pastel à l'Académie ; nous pensons tout différemment à Ferney . Je vous prie de lui dire que je suis plein de reconnaissance pour lui, et que je m'intéresse à ses talents et à ses succès .
J'apprends que le jeune ex-jésuite vous a assommé de corrections, il faut pardonner à un jeune homme qui cherche à tirer tout le parti possible de sa médiocrité . Il avait oublié,
A mon cœur désolé que votre pitié s'ouvre 1.
Mon ex- jésuite dit qu'il faudrait mettre :
Julie
Il vit .
Fulvie
S'il est connu la mort est sur ses traces .
Julie
Fuir devant les César est le sort de sa race ?
Fulvie
Il y va de ses jours.
Julie
Et c'est ce que je crains ,2
etc.
Bonsoir mon cher grand acteur, mon petit loyoliste vous fait mille compliments . »
1 Voir lettre du 29 juin 1764 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/08/12/les-rois-titulaires-feront-gloire-d-imiter-les-rois-regnants-6169592.html
2 Tout le passage fut supprimé .
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15/08/2019
vous faites bien de vous adresser aux belles plutôt qu’aux moines
...
« A George Keate, Esq
Nandos Coffee-house
London
Je vous remercie, monsieur, de ce que vos vers sont aussi bien imprimés 1 que bien faits ; cela soulage mes pauvres yeux, qui ne lisent que très difficilement . Il est vrai que mon âme a eu beaucoup plus de plaisir que mes yeux en vous lisant ; tout ce que vous faites est plein d'imagination et de grâce ; on ne peut tirer un meilleur parti d'une vielle abbaye et vous faites bien de vous adresser aux belles plutôt qu’aux moines . Je suis toujours extrêmement flatté de votre souvenir, il me console dans mon infirme vieillesse . Je serai toute ma vie, monsieur, avec un attachement inviolable votre très humble et très obéissant serviteur.
V.
29è juin 1764 à Ferney. »
1 The Ruins of Netley abbey , 1764 ; V* se procurera aussi la seconde édition de 1769 : Netley abbey . Voir : http://spenserians.cath.vt.edu/TextRecord.php?textsid=37639
et : https://archive.org/details/netleyabbeyelegy00keat/page/n6
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14/08/2019
L'histoire dit ce qu'on a fait ; Un bon roman, ce qu'il faut faire
... Nos textes de lois sont-ils de bons romans ? Hélas non ! leurs auteurs manquent souvent de talent et ne font que compliquer la vie, ordres et contrordres , désordre .

Des maux, des mots .
« A Anne-Louise Dumesnil-Morin Élie de Beaumont
A Ferney 29 juin 1764
Je vous dois, madame, de nouveaux remerciements et de nouveaux éloges 1. Votre joli roman m'a fait vite quitter des fatras d'histoires qui m'occupaient .
L'histoire dit ce qu'on a fait ;
Un bon roman, ce qu'il faut faire .
Vous avez peint , trait pour trait,
Les vertus avec l'art de plaire ;
Et l'on peut dire en cette affaire
Que le peintre a fait son portrait .
Je ne suis pas moins touché du mémoire pour Potin 2 ou plutôt pour deux millions d'hommes . Monsieur de Beaumont et vous madame êtes sûrs de l’estime publique . Souffrez que ma lettre soit pour vous deux, que je vous félicite d'appartenir l'un à l'autre , et que je joigne ma sensible reconnaissance madame au respect que j'ai pour vous .
V. »
1 Mme Élie de Beaumont a adressé le 16 juin 1764 à V* les Lettres du marquis de Roselle accompagnées d’une lettre essentiellement en vers . Voir : https://data.bnf.fr/fr/12007101/anne-louise_elie_de_beaumont/
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne-Louise_%C3%89lie_de_Beaumont
et : https://archive.org/details/lettresdumarquis00elieuoft/page/n4
2 Voir lettre du 28 mai 1764 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/06/28/vous-n-aurez-encore-aujourd-hui-qu-un-mot-du-malingre-6160977.html
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13/08/2019
Aimons la vertu, mon cher frère, et rions des fous
...
Il serait fou de ne pas rire .
« A Etienne-Noël Damilaville
29è juin 1764 1
C’est à vous, mon cher frère, que je dois adresser ma réponse à madame de Beaumont. Me voilà partagé entre elle et son mari. Voilà un couple charmant : l’un protège généreusement l’innocence, l’autre rend la vertu aimable 2. Voilà des amis dignes de vous.
Quel M. Fargès s’il vous plaît, à opiné si noblement 3 ? car il y en a deux. J’en connais un qui est haut comme un chou, et dont les jambes ressemblent assez à celles de l’abbé Chauvelin ; il lui ressemble sans doute aussi par le cœur et par la tête, puisqu’il a parlé avec tant de grandeur et de force.
J’ai déjà écrit à M. le duc de La Vallière pour le prier, en qualité de grand-veneur, de faire tirer sur le procureur-général de la commission, s’il ne prend pas l’affaire des Calas aussi vivement que nous-mêmes.
Serez-vous étonné si je vous dis que j’ai reçu une lettre anonyme de Toulouse, dans laquelle on ose me faire entendre que tous les Calas étaient coupables, et que les juges ne le sont que d’avoir épargné la famille ? Je présume que, si j’étais à Toulouse, on me ferait un assez mauvais parti. Je pense qu'il faudra que M. Hulin se contente de ce qui est chez M. de Laleu ; j'écrirai en conséquence ; il me semble que cela ne doit pas faire de difficulté ; mais en attendant je pense qu'il est bon de ne se pas dégarnir tout à fait . M. l'abbé Arnaud votre ami, est celui à qui il faut donner la préférence . Le reste viendra ensuite .
Ce pauvre Panckoucke est tout effaré de ce qu’une partie de sa lettre a couru ; il dit qu'il la désavouera . Ce serait s'achever de peindre . J’ai la lettre signée de sa main, et je la ferais contrôler comme un billet au porteur .
Que dites-vous de ce monstre 4 fou de Jean-Jacques qui prétend que je suis son persécuteur ? Ce misérable, parce qu’il m’a offensé, ainsi que tous ses amis, s’imagine que je me suis vengé ; il me connaît bien mal. Aimons la vertu, mon cher frère, et rions des fous. Ecr. l’inf. »
1 L'édition de Kehl supprime la fin du quatrième paragraphe ( à partir de Je pense qu'il faudra …) et insère le 5ème paragraphe dans la lettre du 26 juillet 1764 , à la suite de la copie Beaumarchais .
2 Elle vient de publier les Lettres du marquis de Roselle ; voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6355166z/f11.image.texteImage
3 Voir lettre du 21 juillet 1764 à Richelieu : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/08/correspondance-annee-1764-partie-25.html
4 Mot biffé sur la copie et absent des éditions .
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12/08/2019
les rois titulaires feront gloire d’imiter les rois régnants
... On croirait bien que Volti connait Zidane et ses doutes pour le mercato madrilène .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
29è juin 1764 à Ferney 1
Mes divins anges, vous devez avoir reçu, de la part de l’ex-jésuite, force vers pour les roués. Ce pauvre diable me dit toujours que la chaleur de la saison et la froideur de la pièce le font trembler. Il se souvient surtout qu’il a oublié de corriger ce vers :
A mon cœur désolé que votre pitié s’ouvre.2
Il dit qu’il ne manquera pas de le corriger pour la première poste . Il dit qu’il n’est pas aujourd’hui fort en train.
Seriez-vous capable de me dire quel Fargès a opiné pour faire des injonctions aux juges de Toulouse ?3 C'est très noblement opiner , à mon avis . J'ai vu chez moi un Fargès pas plus haut que ma jambe ressemblant assez à monsieur le coadjuteur . J’ai reçu une lettre anonyme de Toulouse, assez bien raisonnée en apparence ; mais le fond de la lettre est que tous les Calas étaient complices, et que les juges n’ont à se reprocher que de ne les avoir pas tous condamnés. Cette lettre ne me donne aucune envie d’avoir un procès à Toulouse.
Je pense toujours que M. de Hulin doit se contenter du paquet qui l’attend chez M. de Laleu 4, et que les rois titulaires feront gloire d’imiter les rois régnants.
Au reste, je me flatte que mes anges auront aisément trouvé quelque bavard qui parlera de Pierre-le-Cruel à des bavards de sa connaissance. M. de Chauvelin l’ambassadeur est dans le secret, comme vous le savez . Je ne crois pas qu’il en parle à la Sérénissime République. Je n’ai plus rien à dire.
Respect et tendresse. »
1 L'édition de Kehl, suivant la copie Beaumarchais, supprime la première moitié du second paragraphe biffée sur la copie .
2 Ce vers fut supprimé .
3 Il s'agissait de François Fargès de Polisy, 1738-1792, (fils du personnage, Jean-François-Marie Fargès de Polisy ,1700-1779, avocat du roi de 1720 à 1723, cité dans la lettre à Thieriot de 1720 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-quand-francois-marie-arouet-devient-voltaire-partie-6-71583397.html ). Voir : https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=en&p=francois&n=de+farges+de+polisy
Ce maître des requêtes a opiné que les juges de Toulouse fussent punis .
4 Pour le roi de Pologne .
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