07/07/2018
Pour moi je suis toujours réduit à faire des souhaits impuissants
... Quand le foot semble être prioritaire, ceux qui ont le souci de lutter contre la pauvreté doivent se contenter d'espérer , encore et encore : "Selon Eric Pliez, président du Samu social de Paris,[...] "On nous a dit mai, puis juin, puis juillet, maintenant septembre. On est en droit d'être déçus" .
http://www.europe1.fr/societe/la-misere-nattend-pas-les-a...
« Au marquis Francisco Albergati Capacelli
senatore di Bologna
à Bologna
26 juillet [1763] à Ferney 1
Vraiment, monsieur, vous en parlez bien à votre aise, vous êtes à la fleur de l'âge dans le sein des belles-lettres et des plaisirs, vos yeux sont excellents, vous écrivez quand vous voulez , et moi, je suis un pauvre vieillard infirme, qui ai les neiges des Alpes sur la tête . J'ai voulu jouer un rôle de vieux bonhomme sur mon petit théâtre, mais on ne m'entendait plus . Je suis obligé de renoncer à cet agréable amusement qui me consolait .
J’ai reçu aujourd'hui une lettre de notre cher Goldoni 2, je me flatte toujours qu'il passera chez nous à son retour . Pour moi je suis toujours réduit à faire des souhaits impuissants . Il me vient souvent des Italiens et des Anglais, la première question que je leur fais est pour savoir s'ils ont vu monsieur le marquis Albergati . S'ils ne l'ont pas vu ils ne sont pas trop bien reçus . On dit que M. Algarotti est malade à Boulogne, ce sont les deux ambassadeurs vénitiens 3 revenant d'Angleterre par Paris et par Genève, qui me l'ont dit ; ils prétendent que sa maladie est très sérieuse ; je suis très affligé de son état, et quoique je sois plus malade que lui, je vais lui écrire un petit mot .
Adieu, monsieur, on ne peut être plus sensible que je le suis à vos bontés .
V. »
1 Date complétée par Albergati .
2 Datée de Paris du 9 juillet 1763 .
3 Tommaso Querini et Francesco Lorenzo Morosini di Santo Stefano, mentionnés dans la lettre de Goldoni du 9 juillet 1763 ; ils sont mentionnés aussi dans la lettre suivante de V* à Algarotti . Voir : https://books.google.fr/books?id=v_N3BgAAQBAJ&pg=PT387&lpg=PT387&dq=Tommaso+Querini+1763&source=bl&ots=HMb3OnRTtd&sig=3TBENunba0Hm5vDWgTAVO_YCfYs&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiNmKeDpozcAhWIPhQKHSP3B34Q6AEISjAJ#v=onepage&q=Tommaso%20Querini%201763&f=false
et note du 4 février 2011 de http://mescarnetsvenitiens.blogspot.com/2011/02/
08:20 | Lien permanent | Commentaires (0)
06/07/2018
À quoi sert mon cher Président de chasser des jésuites quand on conserve un tas de moines qui dévorent la terre dont ils sont le fardeau ?
... Sévère constat voltairien qui , heureusement, n'est plus d'actualité .
« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey
à Dijon.
A Ferney 23 juillet [1763]
Quid te exempta juvat spinis e pluribus una ?1 À quoi sert mon cher Président de chasser des jésuites 2 quand on conserve un tas de moines qui dévorent la terre dont ils sont le fardeau ?
C'est apparemment pour envoyer son portrait aux singes des terres australes que le petit singe 3 dont vous me parlez s'est fait graver . Il devait m'avertir ; j'aurais fait l'inscription .
J'ai vu beaucoup de Bourguignons dans ma retraite de Ferney qui est assez jolie, mais c'est vous que j'aurais voulu y voir . Je suis toujours faible, quelquefois aveugle . Je traine ma vie comme je peux .
J’aurai l’honneur de vous envoyer le second volume de Pierre 4 dès que j'en aurai à ma disposition . Je vous ferai une petite pacotille que je voudrais pouvoir vous apporter moi-même .
Vale et me ama 5. »
1 A quoi te sert qu'on t'enlève une épine ; alors qu'il t'en reste plusieurs ? D'après Horace, Épîtres, II, ii, 212 .
2 Ils ont été chassés de Bourgogne par un arrêt du parlement de Dijon le 11 juillet 1763 .
3 Le président de Brosses est de très petite taille .
4 Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand .
5 Porte toi bien et aime moi .
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05/07/2018
j’ai cru que je pouvais faire quelque chose d’aussi mauvais, sans prétendre aux honneurs du Louvre
... Selon Jeff Koons, qui , ici à dû être diablement inspiré par son tas de linge sale au sortir de la machine à laver (perdant ainsi le titre de sale, me direz-vous ! OK ! )
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'ArgentaI
A Ferney 23è juillet 1763
O anges ! sans vous faire languir davantage, voici la tragédie des coupes-jarrets . Elle n’est pas fade. Je ne crois pas que les belles dames goûtent beaucoup ce sujet . Mais, comme on a imprimé au Louvre l’incomparable Triumvirat de l’inimitable Crébillon , j’ai cru que je pouvais faire quelque chose d’aussi mauvais, sans prétendre aux honneurs du Louvre. Si vous croyez que votre peuple ait les mœurs assez fortes, assez anglaises pour soutenir ce spectacle digne en partie des Romains et de la Grève, vous vous donnerez le plaisir de le faire essayer sur le théâtre . Se no, no.
Vous me direz , mais quelle rage de faire des tragédies en quinze jours ! Mes anges, je ne peux faire autrement. Il y avait un peintre, élève de Raphaël, qu’on appelait fa-presto 1, et ce n’était pas un mauvais peintre.
Je vais vite parce que la vie est courte, et que j’ai bien des choses à faire. Chacun travaille à sa façon, et on fait comme on peut. En tout cas, vous aurez le plaisir de lire du neuf ; cela vous amusera, et j’aime passionnément à vous amuser.
Remarquez bien que tout est historique : Fulvie avait aimé Octave, témoin l’épigramme 2 ordurière d’Auguste. Fulvie fut répudiée par Antoine. Sextus Pompée était un téméraire, il faisait des sacrifices à l’âme de son père. Lucius César, proscrit, à qui on pardonna, était père de Julie.
Antoine et Auguste étaient deux garnements fort débauchés.
Mes anges, j’ai vu votre chirurgien parmesan . Il dit que vous irez à Parme, que vous passerez par Ferney . Je le voudrais. Quel jour pour moi ! que je mourrais content ! »
1 Faire-vite . Le nom suggère celui des pères des Lettres d'Amabed, Fra molto et Fra tutto ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Lettres_d%E2%80%99Amabed
2 V* cite cette épigramme dans le Dictionnaire philosophique à l'article « Auguste Octave » : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Auguste_Octave
09:21 | Lien permanent | Commentaires (0)
04/07/2018
Je ne connais que les princes protestants qui se conduisent raisonnablement. Ils tiennent les prêtres à la place où ils doivent être, et ils vivent tranquilles (quand la rage de la guerre ne s’en mêle pas)
... Mon pauvre Voltaire, ce n'est malheureusement plus d'actualité .
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
19 juillet [1763] 1
Madame, on n’est pas si raisonnable à Genève que l’est Votre Altesse Sérénissime. Il y a beaucoup de philosophes, à la vérité, qui ont un profond mépris pour les infâmes superstitions que le vicaire savoyard semble avoir détruites dans l’Emile de ce pauvre Rousseau. L’article de ce vicaire vaut mieux sans doute que tout le reste du livre. Il est goûté des grands et des petits, et cependant il est anathématisé par le conseil, qui est un peu l’esclave des prêtres. Tout est contradiction dans ce monde. Ce n’en est pas une petite de condamner ce qu’on estime et ce qu’on croit dans le fond de son cœur. Deux cents citoyens ont réclamé contre l’arrêt du petit conseil de Genève, mais bien moins par amitié pour Jean-Jacques que par haine pour les magistrats. Leur requête n’a rien produit, et Jean-Jacques ayant renoncé à son beau titre de citoyen n’a plus de titre que celui de Diogène. Il va transporter son tonneau en Écosse 2 avec milord Maréchal. Ce pauvre diable traîne une vie misérable, et le pape est souverain avec quinze millions de revenu. Voilà comme va le monde.
Nous autres Français, nous chassons les jésuites ; mais nous restons en proie aux convulsionnaires. Je ne connais que les princes protestants qui se conduisent raisonnablement. Ils tiennent les prêtres à la place où ils doivent être, et ils vivent tranquilles (quand la rage de la guerre ne s’en mêle pas).
Madame, j’ai l’honneur de vous envoyer un petit catéchisme qui m’a paru assez raisonnable 3.
Agréez mon profond respect.
V. »
1 Le lendemain 20 juillet 1763, d'Alembert écrit de Potsdam, à un correspondant non identifié, : « Le roi [Frédéric II] me parle souvent de Voltaire, et en e vérité, on ne peut pas mieux sur tous les points . On ne saurait avoir l'esprit plus droit et le goût plus juste que l'a ce prince . »
2 Si Rousseau eut cette intention, il n'y donna pas suite . Dans la lettre du 9 juillet 1763 à laquelle répond V*, la duchesse de Saxe-Gotha écrit : « Je suis charmée d'apprendre que Jean-Jacques soit rétabli dans sa patrie comme citoyen . C'est ainsi au moins que j'explique l'anecdote que vous avez la bonté monsieur de le mander .[...] qu'il soit chrétien ou non je l'estime de tout mon cœur parce que je le crois de bonne foi un véritable honnête homme . Milord Maréchal que j'ai vu ici il y a quelques semaines en fait son idole .[...]. »
3 Voir Le catéchisme de l'honnête homme : http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/voltaire-catechisme-de-lhonnete-homme.html
08:52 | Lien permanent | Commentaires (0)
03/07/2018
Si vous avez du loisir, amusez-vous
... étonnant petit Laurent ! Le bac à huit ans !!
Si les maths sont pour toi une passion invincible, grand bien te fasse, mais tu n'es pas un ordinateur, joue , chante, fais de la musique, du sport, des bêtises , adopte un chat-tortue-kangourou-axolotl , rêve , ...
Si jeune, si savant , si ignorant des choses de la vie
https://www.demotivateur.fr/article/en-belgique-un-enfant...
« A Henri Rieu 1
17 juillet 1763
Mon très cher corsaire, tout le monde vous regrette et vous devez vous en douter . Notre petite troupe de Ferney soupire . Vous voilà donc hollandais , tâchez de l’être le moins longtemps que vous pourrez .
Si vous avez du loisir, amusez-vous à lire la tragédie sainte de Saül et de David . Si vous aimez à gratifier le public faites un recueil pour l'édification des saintes âmes, et croyez que la mienne est à vous bien tendrement .
V. »
09:19 | Lien permanent | Commentaires (0)
02/07/2018
Je ne suis content ni du tripot de la comédie, ni de celui du parlement
... mais je suis particulièrement heureux d'avoir regardé Les Héritiers : https://www.programme-tv.net/news/cinema/210014-les-herit...
Remarquable film , remarquablement programmé le jour de l'hommage à Simone Veil et son époux entrant au Panthéon ( infiniment plus passionnant que le mondial de foot ) , émouvant et encourageant . A ne pas manquer lors de sa rediffusion que j'estime indispensable .
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
A Ferney 15è juillet 1763
Il n'y a point de cas pareil monseigneur ni de billet pareil . Je crois qu'il y a un an ou deux ou trois, on me demanda un rôle pour Mlle Hus . Je donnai mon consentement . Je crus quand vous me donnâtes vos ordres qu'il en était comme des testaments dont le dernier annule tous les autres , et l’envie de vous obéir est toujours ma dernière volonté . Je ne me souviens point du tout d'avoir donné aucun rôle cette année . Je n'ai aucun ambassadeur au tripot et vous êtes maître absolu . Il est vrai qu'on dit que votre protégée 1 n'est que jolie . Tant mieux, vous la formerez, cela vous amusera . Quel reproche avez-vous à me faire s'il vous plait monsieur Grichard ?2 pourquoi grondez-vous ? à qui en avez-vous ? serait-il que vous dussiez amener ici madame votre fille ? Venez, logez aux Délices, vous y serez très commodément, si mieux n'aimez Ferney .
Je ne suis content ni du tripot de la comédie, ni de celui du parlement . Mais je suis si heureux à Ferney que rien ne peut me chagriner, pas même ma santé, et la mort qui approche .
Je vous souhaite vie longue et gaie .
Respect et tendresse .
V. »
1 Voir lettre du 23 décembre 1762 à d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/05/correspondance-annee-1762-partie-33.html
2 M. Grichard est un personnage du Grondeur, de Brueys , mais les paroles en italique ne sont pas dans la pièce . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/David_Augustin_de_Brueys
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01/07/2018
si j'avais de la santé et de la jeunesse, vous n'en seriez pas quitte pour une simple lettre
... Je vous laisse deviner ce qui pourrait arriver alors ...
« A Ponce Dehaye-Polet, 1 Minime
à Doubrane
près de Cirey, par Vassy
en Champagne
Au château de Ferney
par Genève 15 juillet 1763
Pardonnez, monsieur, à un vieillard malade et presque aveugle, si je ne vous ai pas remercié plus tôt de votre prose flatteuse et de vos jolis vers 2; si j'avais de la santé et de la jeunesse, vous n'en seriez pas quitte pour une simple lettre . Vous avez tant d'esprit que je vous plains d'être minime ; vous me paraissez plus fait pour l'eau d'Eripocrine 3 que pour l'huile du bonhomme napolitain qui ne guérit pas Louis XI .
J'ai l'honneur d'être bien véritablement, monsieur,votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Voir : http://www.e-enlightenment.com/person/dehayponce001256/?s... : et : http://republicofletters.stanford.edu/publications/voltai...
2 Vers non identifiés ; le premier ouvrage publié de Dehaye, Marcellus, 1765, est un plaidoyer en faveur de la tolérance : https://books.google.fr/books?id=0hMzAQAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
3 Ou plutôt Hippocrène .
08:48 | Lien permanent | Commentaires (0)