28/07/2019
Je lui souhaite les deux cents mille livres de rente dont ces ivrognes jouissent
... Présidents, ministres, sénateurs, parlementaires à la retraite ?
« A François-Louis Defresnay
Aux Délices 18 juin [1764]
J'ai reçu, monsieur, une lettre non datée , de Marmoutier 1, signée Defresnay . Je suppose qu'elle me vient d'un homme très aimable que j'ai eu l'honneur de voir, il y a environ douze ans, à Strasbourg, et je ne suppose pas pourquoi il se trouve au milieu d'une troupe de bénédictins allemands . Je lui souhaite les deux cents mille livres de rente dont ces ivrognes jouissent . Je suis à peu près comme le vieux Tobie . Je perds la vue, et je n'ai point de fils qui me la rende avec le secours de l'ange Raphaël . Je dicte ma réponse, et je la dicte un peu au hasard dans le doute où je suis, si c'est le fils de Mme Defresnay de Strasbourg qui m'a fait l'honneur de se souvenir de moi . Je serai toujours très attaché au fils et à la mère . Il me parle dans sa lettre d'un homme de lettres qui a beaucoup d'esprit et de talents, qui est, je crois, actuellement à Nancy 2. Je le supplie , s'il est lié avec cette personne dont il me parle, de lui dire que je suis pénétré d''estime pour elle . Il est vrai que je suis fort embarrassé à son sujet . Vous savez, monsieur, que toutes les puissances de ce monde ont été en guerre ; les gens de lettres, qui sont fort loin d'être des puissances, y sont aussi ; il se trouve que l'homme de mérite en question, fait la guerre à des hommes de mérite dont je suis l'ami ; je voudrais pouvoir être leur conciliateur .
Je suis moi-même en guerre de mon côté avec des gens qui sont ses ennemis ; tout cela est difficile à arranger, mais je conclus qu'il faut rire, et passer ses jours gaiement .
J'ai l'honneur d'être, avec tous les sentiments que j'ai voués à monsieur et à madame Defresnay, monsieur vôtre, etc. »
1 Dans l'actuel Bas-Rhin : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marmoutier_(Bas-Rhin)
2 Palissot .
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27/07/2019
vous savez que l'édification des Français consiste à rire .... moins de nouvelles moins de sottises
...
« A Etienne-Noël Damilaville
18 juin 1764 1
Mon cher frère, vous recevrez par frère Gabriel deux Meslier . On n' a pas eu le temps de faire le paquet plus gros parce qu'il allait partir . Mais quand ces deux sacrements ne serviraient qu'à sauver deux âmes, cela serait toujours fort honnête . Quand vous en voudrez et que je trouverai une occasion je vous en ferai tenir ; car il ne faut pas mettre la lampe sous le boisseau . Je vous réitère les grands pardons que je dois vous demander de vous avoir empêtré de tant de Corneille . Tout ira beaucoup plus vite en les faisant brocher . Voilà le temps où frère Thieriot se porte beaucoup mieux, et où ce petit exercice peut affermir sa santé . Je lui demande en grâce de vous aider dans cette distribution .
Vous me feriez plaisir de me faire avoir les bêtises de Fréron sur les Commentaires de Corneille . Figurez-vous que Panckoucke à communiqué à M. d'Aquin sa lettre et ma réponse . Ainsi , puisqu'elles sont connues, le droit des gens permet qu'on les imprime 2. Je crois même que la chose est nécessaire pour l'édification publique, et vous savez que l'édification des Français consiste à rire . Je crois ce temps-ci fort stérile en nouvelles . Je suis d’ailleurs toujours comme ce personnage de l’Écossaise 3 qui disait, moins de nouvelles moins de sottises . Portez-vous bien, mon cher frère, et surtout écr l'inf.
N.B. – On a fait de jolies éditions de la Tolérance à Liège et en Angleterre 4. »
1 L'édition de Kehl , suivant la copie Beaumarchais et suivie par les autres éditions, remplace la plus grande partie de cette lettre par des extraits des lettres du 20 juin 1764 et du 22 juin , le tout daté du 22 juin 1764 .Voir page 472 : https://books.google.fr/books?id=4oRJAAAAcAAJ&pg=PA473&lpg=PA473&dq=l%27%C3%A9cossaise+acte+II++sc%C3%A8ne+5&source=bl&ots=lmmzeBPQg5&sig=ACfU3U2kT5_C5q4SF3wdP9A8BJj6V9uQSQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwibgtv_wtTjAhVDQhoKHS4QDaAQ6AEwAXoECAcQAQ#v=onepage&q=l'%C3%A9cossaise%20acte%20II%20%20sc%C3%A8ne%205&f=false
2 Ces lettres ne furent pas publiées dans L'Avant-Coureur mais on lit dans le numéro du 23 juillet 1764 une lettre de Panckoucke : « On vient d'imprimer , messieurs, et de publier une lettre adressée à M. de Voltaire qu'on m’attribue, avec une réponse de cet illustre écrivain . Je déclare que je ne suis point l'auteur de cette lettre, telle qu'elle est ; et j'en appelle au propre témoignage de M. de Voltaire, qui certainement n'a aucune part à cette publication . »
3 C'est Freeport, dans ac. II, sc. 5 : voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Caf%C3%A9_ou_l%27%C3%89cossaise
4 Ces éditions ne sont pas connues, et une traduction anglaise a déjà paru .
09:13 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je ne sais mes chers anges si j'aurai le temps de vous dire un mot touchant la lettre ci-jointe
... Réflexion faite : non !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
18 juin [1764]
Je ne sais mes chers anges si j'aurai le temps de vous dire un mot touchant la lettre ci-jointe . La poste va partir . Je viens d'écrire à M. Damilaville qui m'a envoyé la lettre de M. de Hulin 1. J'écris à M. de Hulin en conformité ; et je vous supplie de permettre que je vous adresse la lettre .
Je supplie instamment les sages qui travaillent à la Gazette littéraire de me garder toujours le plus profond secret 2. »
1 Jacques Hulin (1681-1774) est le représentant de Stanislas à Paris de 1737 à 1766 . Voir : Lettres inédites du roi Stanislas, duc de Lorraine et de Bar à Jacques Hulin, son ministre en cour de France (1733-1766)
2 Cette recommandation vise spécialement le compte rendu qu'avait fait V* de l'ouvrage de l'abbé Sade (voir lettre du 30 juin 1764 à d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/08/correspondance-annee-1764-partie-22.html ) . Inutile de dire que le secret ne fut pas gardé, car, quelque temps après, un certain « abbé Berth …, chanoine de … à Paris » écrit à Sade : « J'ai vu aussi dans le temps M. l'abbé Arnaud, qui me communiqua la critique de l'Homère des Alpes . Je l'engageai à ne point la faire paraître, ou qu'il la modifiât s'il y était contraint par les ordres de la cour . C'est ce qu'il a fait comme vous avez dû voir dans la Gazette littéraire . Il faut avouer que cet habitant des Alpes est bien de mauvaise humeur . Il m'a toujours paru qu'il voudrait en mourant que tout le monde littéraire expirât avec lui . »
08:24 | Lien permanent | Commentaires (0)
26/07/2019
Je me doute que ce sont des radoteurs, et c’est pour cela même que je les veux lire ; j’en ai lu tant d’autres !
... Ah ! Google actualités ...
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« A Jean-Henri-Samuel Formey
Le 17 juin 1764, aux Délices 1
Il est vrai, monsieur, que nous ne sommes pas vous et moi de la première jeunesse. On dit dans le monde que la vie est courte, et qu’elle se passe en malheurs ou en niaiseries. J’ai pris ce dernier parti ; et il paraît que vous en faites autant : ce n’est pourtant pas une niaiserie que d’avoir de jolies filles qui jouent la comédie ; et je vous fais mon compliment de tout mon cœur sur les agréments que vous goûtez dans votre famille. Réjouissez-vous dans vos œuvres 2, car c’est là votre portion . Une de vos vocations, à ce que je vois, est de faire des journaux. Il y a longtemps que vous passez en revue les sottises des hommes, et quelquefois les miennes. Si vous y trouvez utile dulci 3, continuez.
C’est un Livonien très aimable qui vous rendra ma réponse. Il m’a trouvé constant dans mes goûts, j’habite depuis dix 4 ans les Délices sans m’en lasser ; il est vrai qu’on ne joue point la comédie dans le sacré territoire de Genève, et c’est ce qui fait que je ne dis plus :
Je ne décide point entre Genève et Rome.5
Je décide pour Rome sans difficulté ; mais j’ai fait bâtir en France, à une lieue de Genève, un fort joli théâtre : envoyez-moi toutes vos filles, je leur donnerai des rôles.
Voulez-vous me faire un plaisir, quoique nous ne soyons pas de la même religion ? c’est de faire donner ce petit billet au libraire de Berlin 6 qui a imprimé Timée de Locres 7, et Ocellus Lucanus 8. Je me doute que ce sont des radoteurs, et c’est pour cela même que je les veux lire ; j’en ai lu tant d’autres !
Je suis affligé de la perte d’Algarotti ; c’était le plus aimable infarinato 9 d’Italie. Vous aurez le plaisir de le louer, en attendant celui de me juger. Je perds la vue comme Tirésie, sans avoir su, comme lui, les secrets du ciel : c’est ce qui fait que je ne mets pas ici de ma main la belle et solide formule de
votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire.»
1 Selon l'édition Formey qui rapporte que seule la signature est autographe, et fait précéder la lettre de ce commentaire : « Un gentilhomme livonien m’ayant fait visite le 2 avril 1764 , me demanda une lettre propre à l'introduire chez M. de Voltaire […] Voici sa réponse. »
2 Ecclésiaste , III, 22 : voir : https://saintebible.com/ecclesiastes/3-22.htm
3 L'utile et l'agréable ; Horace, L’Art poétique, v. 343 , voir : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/HOR/PisonsTrad.html
4 Corrigé en six par les éditeurs modernes .
5 Henriade, acte II, sc. 5 : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-henriade-chant-second-partie-1-73660943.html
6 Ce libraire est Bourdeaux, mais la lettre en question n'est pas connue .
7 Timée de Tauromenium, Timée de Locres en grec et en français, par M. le marquis d'Argens, 1763 : https://archive.org/details/timedelocreseng00platgoog/page/n5
8 Ocellus Lucanus en grec et en français […] par M. le marquis d'Argens, 1762 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9630594w.texteImage
9 C'est à dire un dilettante .
10:48 | Lien permanent | Commentaires (0)
25/07/2019
Les écailles tombent des yeux , le règne de la vérité est proche
... Médiapart en est-il un des souverains ? NON ! Ses à-peu-près ne sont pas tolérables à cette échelle d'information .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
17è juin 1764
Mes anges me permettent-ils de leur adresser ma réponse à Lekain ? ils verront quels sont les sentiments du jeune ex-jésuite.
J’oubliai, dans ma dernière lettre, de dire que j’avais écrit à M. le duc de Choiseul, pour l’École militaire 1; mais j’ai peur de n’avoir pas grand crédit. J’avais flatté le fondateur de la Guyane d’orner sa colonie d’une trentaine de galériens qui sont sur les chantiers de Marseille, pour avoir écouté la parole de Dieu en pleine campagne. Ils avaient promis de s’embarquer avec chacun mille écus. Croiriez-vous que ces drôles-là, quand il a fallu tenir leur parole, ont fait comme les compagnons d’Ulysse, qui aimèrent mieux rester cochons que de redevenir hommes ? Mes gens ont préféré les galères à la Guyane.
Gabriel Cramer arrive à Paris . Il jette quelquefois un coup d’œil curieux sur mon bureau ; il avise des fatras de vers, et de là il se met dans la tête que je fais quelque maussade tragédie. J’ai beau nier et le gronder, il a cette idée. Avouez-lui que je travaille à Pierre-le-Cruel, sans lui demander le secret.
Une chose bien plus intéressante, c’est ce procès de Calas, renvoyé aux requêtes de l’hôtel, c’est-à-dire devant les mêmes juges qui ont cassé l’arrêt toulousain. Cette horrible aventure des Calas a fait ouvrir les yeux à beaucoup de monde. Les exemplaires de la Tolérance se sont répandus dans les provinces, où l’on était bien sot . Les écailles tombent des yeux 2, le règne de la vérité est proche. Mes anges, bénissons Dieu. »
1 Lettre inconnue .
2 Actes des apôtres, IX, 18 : https://www.aelf.org/bible/Ac/9
08:46 | Lien permanent | Commentaires (0)
24/07/2019
on mourra de chaud au mois de juillet
... Voltaire l'a dit !
Les services météorologiques ne font que confirmer sa prévision . Sur ce, je retourne me mettre les pieds dans une bassine d'eau fraiche, ça vaut mieux que tous les climatiseurs , et je chante avec François Morel :
https://www.dailymotion.com/video/xddku3

Piscine et plage privée à la fois
« A Henri-Louis Lekain
17 juin [1764]
J'ai vu mon cher et grand acteur, ce jeune ex-jésuite auteur de ce drame barbare . Il dit qu'un opéra-comique est beaucoup plus agréable ; il prétend que ces trois coquins 1 qu'on donne immédiatement après ce coquin de Cromwel, révolteront le public, et que voilà trop de barbaries . Il dit qu'on mourra de chaud au mois de juillet, et que la pièce fera mourir de froid . Il dit qu'il ne faut aux Welches que de la tendresse . Je ne peux du pied des Alpes savoir quel est le goût de Paris . Je m'en rapporte à vous, et je vous plains de jouer la comédie pendant l'été . Heureusement votre salle est fraiche aux pièces nouvelles . Il est à croire que votre ex-jésuite en fera une belle glacière . Sans cette espérance je vous aurais conseillé de vous habiller de gaze 2.
Je vous embrasse du meilleur de mon cœur .
V. »
1 Octave et le jeune Pompée, ou le Triumvirat : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k312278f.image
2 Voir lettre du 22 juin 1764 à d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/08/correspondance-annee-1764-partie-21.html
08:56 | Lien permanent | Commentaires (0)
23/07/2019
Je suis réduit à m’entretenir en silence du souvenir de vos bontés
... Chère Mam'zelle Wagnière comment allez-vous ? où êtes-vous ? que faites-vous ?
Sans vous la charmille est toujours en hiver
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
Aux Délices près de Genève
16 juin 1764 1
Madame, mon ombre ne prend plus guère la liberté d’écrire à Votre Altesse Sérénissime . Les années et les maladies s’opposent aux devoirs comme aux plaisirs. Je suis réduit à m’entretenir en silence du souvenir de vos bontés. Souffrez cependant, madame, que j’aie l’honneur de renouveler mes remerciements à Votre Altesse Sérénissime au sujet de cette famille infortunée des Calas, si cruellement traitée à Toulouse .
Je me flatte que Votre Altesse Sérénissime jouit de toutes les félicités qui ont manqué à tant de rois, santé, tranquillité, occupations douces qui ne laissent aucune inquiétude dans l’âme, assurance d’être aimée autant que respectée. Je mets surtout la grande maîtresse des cœurs 2 parmi les causes de votre bonheur. Daignez, madame, me conserver des bontés qui font la consolation de ma vieillesse, et agréez mon profond respect pour Votre Altesse Sérénissime et pour votre auguste famille.
V. »
1Nous avons ici l'édition Voltaire à Ferney qui n'a pas suivi l'édition E. Bavoux et A. François (voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/08/correspondance-annee-1764-partie-20.html )
2 Louise-Dorothée fut élevée avec la future Mme de Buchwald dont la mère était alsacienne et dame d'honneur de la duchesse d'Orléans ; plus tard Mme de Buchwald , confidente de la duchesse , devint grande maîtresse de la Cour . V* par jeu de mots la nomme grande maîtresse des coeurs .
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