03/06/2016
Si vous faites justice, monsieur, de l'âne qui étourdit à force de braire, n'oubliez pas l'âne qui rue
... L'âne [Philippe] Martin[ez] n'en finit pas de braire, il est de bon ton alors de lui rappeler qu'il est bête à manger du foin , âne bâté, bon à renvoyer à l'écurie dont il n'aurait jamais dû sortir . Je le vois bien finir en saucisson d'Arles, et encore serait-il immangeable (les poils de moustache cégétiste sont particulièrement toxiques) . Quant aux grévistes, le réveil va être comateux, et ils seront les premiers à se plaindre d'un chômage qu'ils ont provoqué , bande de bras cassés .

Que l'âne qui rue -le gouvernement- n'hésite plus à lui casser la machoire ( NDLR :- métaphoriquement parlant, bien sûr !) , les limites de la malfaisance sont dépassées .
« A Ponce-Denis Ecouchard Le Brun
Au château de Ferney, par Genève,
28 juin 1761
Si vous faites justice, monsieur, de l'âne qui étourdit à force de braire, n'oubliez pas l'âne qui rue 1 ; vous vengerez sans doute le sang du grand Corneille de l'insolence calomnieuse avec laquelle il a voulu flétrir son éducation . Ce sera le sujet d'une feuille, et ce sujet, manié par vous d'une manière intéressante , peut rendre ce malheureux exécrable à ceux qui le protègent . Il n'a en effet que trop de protecteurs et c'est assez qu'il soit méchant pour qu'il en ait . Il faut espérer qu'en faisant connaître ses infamies comme ses ridicules, vous lui ôterez le peu de vogue qu'il avait, et qui déshonorait la nation .
J'ose espérer que cette nation sera assez touchée de la véritable gloire pour contribuer à l'édition du grand Corneille, et à l'avantage des seuls héritiers de son nom . C'est vous, monsieur, qui avez le premier ouvert cette carrière ; vous en avez l'honneur . Je ne doute pas que le nom de Conti et de La Marche ne se trouve à la tête de l'entreprise . S'il arrivait que cette idée ne réussit point, j'avoue qu'il faudrait compter la France pour la dernière des nations ; mais je veux écarter une crainte si honteuse, et je veux croire que le grand Corneille a appris à mes compatriotes à penser noblement .
Je vous supplie de vouloir bien toujours m'écrire sous un contreseing, attendu la multiplicité des lettres que Corneille et Fréron exigeront .
Mille respects à toute la maison du Tillet 2. Je crois qu'on y approuvera mon entreprise . »
1 Fréron ; voir la lettre du 6 mai 1761 à Le Brun : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/12/des-lors-il-devint-ingrat-cela-est-dans-la-regle.html
2 Everard Titon du Tillet ; voir lettre du 2 janvier 1761 à Le Brun : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/01/02/nous-ne-lui-laissons-jamais-ignorer-la-signification-des-mot-5738926.html
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02/06/2016
Vous n'avez guère le temps de lire, monsieur, mais vous avez toujours celui de faire du bien
... Alors, pas d'hésitation , faites-le sans tarder, mister french president !

Les mille jours sont passés .
Il serait temps !
Il serait temps , urgent même, de contrer les semeurs de bordel cégétistes , qui ne lisent rien qui dépasse dix mots, ni ne savent faire du bien , rois de la pancarte, et du briquet pour griller des pneus . Pollueurs d'esprits et d'atmosphère .
« A Jean Pâris de Montmartel 1
Conseiller d’État etc.
en son hôtel
à Paris
Au château de Ferney en Bourgogne
par Genève , 27è juin 1761
Vous n'avez guère le temps de lire, monsieur, mais vous avez toujours celui de faire du bien . Voici d'ailleurs le temps où monsieur votre fils 2 va perfectionner son éducation . La lecture des bons ouvrages du grand Corneille, avec des notes utiles sur la langue, achèvera de former la noblesse de ses sentiments et son goût . Je vous demande que son nom soit parmi les souscripteurs pour une douzaine d'exemplaires, dont il pourra faire des présents à ses amis, et qui seront un monument de votre générosité . Vous verrez, monsieur, par l’avertissement ci-joint 3 que mon entreprise est honorable pour la nation . Elle vous doit déjà beaucoup, il faut qu'elle vous ait encore l'obligation d'être le bienfaiteur du sang de Corneille .
Je souscris moi-même pour six exemplaires . Ayez la bonté, monsieur, de m'instruire du nom et des qualités de monsieur votre fils, car nous imprimons la liste des souscripteurs, et nous ferons voir aux Anglais que nous savons au moins comme eux honorer les talents des grands hommes , dans les temps même les plus malheureux .
Vous connaissez monsieur l'estime respectueuse et le tendre attachement que vous a voué votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire .
Je vous supplie monsieur de m’adresser votre réponse, à M. Jannel, intendant des postes 4, qui a la bonté de se charger de la correspondance . »
2 Armand-Louis-Joseph Pâris, marquis de Brunoy, né en 1748, qui se rendit plus tard célèbre par ses excentricités grandioses ; son nom apparaît parmi les souscripteurs pour 12 exemplaires . Voir : http://onlinebooks.library.upenn.edu/webbin/book/lookupname?key=Paris%20de%20Montmartel%2C%20Armand%20Louis%20Joseph%2C%20marquis%20de%20Brunoy%2C%201748-1781
et : http://www.trashcancan.fr/2014/12/16/le-deuil-du-marquis-de-brunoy/
3 Voici le mémorandum, de la main de Wagnière, qu'on retrouvera cité cité dans la lettre du 1er juillet 1761 au comte de Saint-Florentin .
« L'Académie ayant été priée par plusieurs gens de lettres de France et des pays étrangers, de donner des éditions des auteurs classiques du siècle passé, avec des notes qui pussent servir à fixer la langue et le goût, elle a agréé la proposition d'un de ses membres, qui s'offre de faire imprimer les tragédies de Pierre Corneille, en les accompagnant de remarques historiques et critiques . Elle a cru qu'il était juste de commencer par les ouvrages de ce grand homme, puisque ce fut par lui que la langue française commença à devenir la langue des nations .
Celui qui s'est chargé de ce travail sous les auspices de l'Académie, et avec le secours de ses décisions, prendra soin que la beauté de l'édition ne soit pas indigne du nom de Corneille, et de l'Académie qui encourage l'entreprise .
Le produit appartiendra aux deux héritiers de ce nom illustre, au père et à la fille, dont la fortune ne répond pas à leur naissance autant que leurs sentiments .
Il ne s'agit que de trouver un assez grand nombre de souscripteurs pour rembourser les frais de l'édition, et pour produire quelque bénéfice aux deux héritiers du grand Corneille .
Ceux qui auront donné leurs noms ne paieront rien qu'en recevant l'ouvrage ; et l'édition in-octavo sur le pus beau papier, avec de très belles estampes, ne coutera que quarante livres, attendu que ceux qui se chargent de l'entreprise, se font un honneur d'en bannir toute espèce d'intérêt . Ce monument sera honoré de la liste des noms des souscripteurs . Le roi permettra que le sien soit à la tête, nous osons nous en flatter . »
Un autre texte de la main de Wagnière donne une version différente de la dernière phrase : « On se flatte que le roi permettra que son nom soit à la tête des autres souverains qui encouragent cette entreprise . »
4 Et maître des imprimés ; voir : http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.1998.oferret&part=4831
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Vos vers sont charmants mon cher ami
... Et vos citations choisies me touchent infiniment ma chère amie Mam'zelle Wagnière .
To you !
« A François de Chennevières, Premier
Commis des bureaux de la guerre etc.
à Versailles
27 juin [1761] 1
Vos vers sont charmants mon cher ami . Vous n'en avez fait jamais de si jolis . Je ne m'occupe plus à présent que des vers des autres .
Me voici enfoncé dans ceux du grand Corneille . J'entreprends avec l'agrément de l'Académie une magnifique édition de ses pièces de théâtre avec des remarques sur la langue et sur l'art qu'il a créé . Je fais établir une souscription . Le produit sera pour M. Corneille et pour sa fille qui n'ont d'autre bien que le nom de Corneille . Le prix de chaque exemplaire orné de très belles vignettes ne sera que de 40 livres et on ne les paiera qu'en recevant le livre . Je souscris moi-même pour six exemplaires, presque tous nos académiciens en font autant . Nous nous flattons que le roi permettra que son nom soit à la tête des souscripteurs . Ne pourriez-vous me dire, vous qui êtes du pays, comment on s'y prend auprès de M. de La Vauguyon 2 pour obtenir de monseigneur le dauphin une action généreuse ? Je crois la chose très aisée, mais je suis absolument inconnu de M. le duc de La Vauguyon . Si vous connaissez quelque belle âme qui veuille pour 40 et même pour 80 livres , se mettre au rang des bienfaiteurs du sang de Corneille, et voir son nom imprimé avec celui du roi, comme lorsqu'on a vendu sa vaisselle, [nommez-]3 moi ce noble personnage .
Mille respects à la sœur du p[ot] .
1 L'édition Cayrol date de février 1761, corrigée par Georges Avenel .
2 Antoine-Paul-Jacques de Quélen, duc de La Vauguyon, gouverneur des enfants royaux ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_de_Qu%C3%A9len_de_Stuer_de_Caussade
3 Le manuscrit étant abimé, les mots entre crochets ont été restitués d'après la copie Boissy d'Anglas (Clarke) .
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01/06/2016
qu'on voie leurs noms imprimés à la tête du programme, et qu'ils encouragent la nation à faire du bien
... Que tous les candidats à des élections (syndicales comprises) suivent quelques principes de base dont celui-ci :

« A Anne-Robert-Jacques Turgot, 1 Maître
des Requêtes
En son hôtel
à Paris
Au château de Ferney par Genève
26è juin 1761 2
Il me faut tous les Turgot, monsieur, car il s'agit d’une bonne oeuvre . Il est question de montrer aux Anglais que nous savons comme eux honorer les beaux-arts, et le sang des grands hommes . M. d'Alembert vous aura dit peut-être quelle est mon entreprise . Je veux expier mes médiocrités et celles de mon siècle, en donnant une édition de Pierre Corneille avec des notes qui ne seront peut-être pas sans utilité . L'édition sera magnifique, et l'exemplaire ne coûtera que quarante livres ; elle se fait par souscription au profit des seuls descendants de Corneille qui portent son nom, et qui n'ont que ce beau nom pour héritage . Chaque académicien souscrit pour plusieurs exemplaires . Nous nous flattons que le roi, comme protecteur, sera à la tête des souscripteurs . Au reste nous sommes fiers, nous ne demandons point d'argent, on n'en donnera qu'en recevant le livre ; et on le recevra bientôt s'il se trouve beaucoup d'âmes nobles . Si Bernard, fils de Bernard, ne m'avait pas fait une horrible banqueroute, je ne serais pas dans cette peine . Donnez-nous des Turgot, monsieur, vous dis-je , et quelques-uns de leurs amis, qu'on voie leurs noms imprimés à la tête du programme, et qu'ils encouragent la nation à faire du bien .
Ayez la bonté d'envoyer votre réponse à M. Jannel qui me la fera tenir .
Mille respects.
Le Suisse V. »
2 L'édition Lettres inédites date à tort du 20 juin . Une autre main a noté sur le manuscrit : « Turgot 3/ ch[evalie]r Turgot 1 / abbé de Cacé [ ?] / abbé de Véri auditeur de Bot. à Rome / [ces deux lignes ensuite rayées sur manuscrit] Me Blondel 1 / M. Trud[aine de ] Mon[tigny] 1 / Me Dupré 1 / m[arqu]is de Cl[ermont] d'Amb[oise] 1/9. »
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31/05/2016
Puisse la paix donner à l’Europe le loisir de cultiver les arts de toute espèce !
... Hier ...

Aujourd'hui ...

Pourvu que ça dure !
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
Au château de Ferney par Genève
26 juin 1761
Madame, mon silence doit avoir dit à votre Altesse Sérénissime que je n’étais pas en état d’écrire. J’avais presque perdu la vue, en conservant la plus forte envie de revoir Gotha et sa souveraine. J’occupe ma vieillesse, et je trompe mes maux par un travail très agréable pour lequel je demande votre protection.
L’Académie française agrée que je fasse une édition des bonnes tragédies du grand Corneille, avec des notes sur la langue et sur l’art qu’elle a créés. Cet ouvrage sera principalement utile aux étrangers. Il se fait par souscription, et l’édition sera magnifique. Le produit de cette entreprise est pour tirer de la misère les restes de la famille du grand Corneille, famille noble, et qui languit dans la pauvreté. Nous imprimons les noms des souscripteurs : je supplie Votre Altesse Sérénissime de permettre que son nom honore cette liste. Chaque académicien souscrit pour six exemplaires. Ce livre sera du moins un monument de générosité, si de ma part ce n’est pas un monument de science et de goût. Puisse la paix donner à l’Europe le loisir de cultiver les arts de toute espèce ! Ce long fléau détruit tout. Hélas ! au premier coup de canon, je dis : En voilà pour sept ans ! Puissé-je me tromper au moins d’une année !
M. Stanley 1 est à Paris ; il est assidu à nos spectacles ; il voit nos géomètres. Il ne parle point de paix : c’est apparemment par politesse qu’il ne nous parle point de nos besoins.
Je me mets à vos pieds, madame, et à ceux de toute votre auguste famille. Grande maîtresse des cœurs, recevez mes hommages, et présentez-les à la divine Dorothée.
Le Suisse V. »
1 Hans Stanley, chargé par le cabinet de Saint-James de conférer avec le cabinet de Versailles . Voir lettre du 1er juin 1761 à Chennevières : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/05/01/j-ai-ete-accable-de-mille-petites-affaires-qui-font-mourir-e-5795742.html
Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Hans_Stanley et : https://en.wikisource.org/wiki/Stanley,_Hans_%28DNB00%29
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30/05/2016
il faut faire oublier toutes nos médiocrités de ce siècle, en rendant justice aux chefs-d'oeuvre
... L'oubli, le bienheureux oubli des médiocrités est journalier, sinon comment admettre l'emballement médiatique, -the buzz on the net-, effaçant le buzz précédent tout aussi inepte, en attendant le pire si tant est que ce soit possible .
Chef d'oeuvre :
Non seulement je suis fan de Klimt, mais de plus je trouve ici un double chef-d'oeuvre, la peinture exploitant les folles cicatrices de la guerre, et le génie de Tammam Azzam :
http://www.unpaondemur.com/article9.php
Trouver des chefs-d'oeuvre en ce XXIè siècle, et les faire admirer, voilà qui est bien ardu . Du moins à mes yeux , car aux yeux des critiques professionnels on trouve une palanquée d'oeuvres ad-mi-raaaa-bleueueu, sublaïme ma chérie ! C'est sans doute que mes revenus ne dépendent pas de mon opinion, qui au demeurant, vous intéresse comme mon premier rôt .

Chef d'oeuvre vivant ...
... Et pour mon amie Mam'zelle Wagnière, ce lien pour une anecdote sur la Grande Catherine :
http://jeudi.lu/au-musee-de-lermitage-des-chats-tiennent-...
« A Claude-Philippe Fyot de La Marche
Au château de Ferney par Genève
26 juin 1761
Il faut, monsieur, que je vous serve suivant votre goût . Il faut que je prenne la liberté de vous mettre à la tête d'une bonne action qui se fera dans votre Bourgogne .
J'étais à Londres quand on apprit qu'il y avait une fille de Milton qui était dans la dernière pauvreté, et incontinent elle fut riche .
J'ai mis dans ma tête de faire voir aux Anglais que nous savons comme eux honorer les beaux-arts et le sang des grands hommes . J’ai imaginé de faire une magnifique édition des tragédies de Pierre Corneille, avec des notes qui seront peut-être utiles aux étrangers, et même aux Français . Je finirai ma carrière en élevant un monument à mon maître, et en procurant un établissement à sa petite fille . Le profit de l'édition sera pour elle et son père . Je n'ai pas beaucoup de bien libre ; mon malheureux château, et mon église me ruinent, et Dieu seul me saura gré de cette église car l'évêque allobroge ne m'en sait aucun . J'espère que la nation sera un peu plus contente de l'édition de Corneille . C'est presque le seul moyen de laisser à sa descendance une fortune digne d'elle . Toute l'Académie concourt à cette entreprise, et je me flatte que le roi sera à la tête des souscripteurs . Je souscris pour six exemplaires 1, plusieurs académiciens en font autant, d'autres suivront . L'édition sera uniquement pour ceux qui auront souscrit , on ne paiera rien d'avance . Ce sera un monument qui restera dans la famille de chaque souscripteur . Ils permettront qu'on imprime leurs noms, parce que ces noms qui seront les premiers du royaume encourageront les autres . Je demande le vôtre , et celui de monsieur votre fils . M. de Ruffey donnera le sien ; je taxe M. De Brosses à deux exemplaires, à quarante livres pièce, c'est marché donné, pour une terre qu'il m'a vendue un peu chèrement . Nos confrères les académiciens de Paris, qui ont à expier leur asservissement au cardinal de Richelieu, et leur censure du Cid 2, doivent prendre plus d'exemplaires que les autres .
Je ne demande pas que messieurs de Dijon, qui ne sont point coupables, retiennent un aussi grand nombre d'exemplaires ; il suffira d'un ou de deux pour chacun . Je voudrais que l'évêque fût du nombre, l'auteur de Polyeucte le mérite .
Je vous recommande Corneille et son sang . Je finis , car Cinna et Cornélie m'appellent ; il faut faire oublier toutes nos médiocrités de ce siècle, en rendant justice aux chefs-d'oeuvre du siècle de Louis XIV . Permettez-moi la liberté de vous embrasser, et de vous assurer de mon très tendre respect .
Voltaire . »
1 En fait V* souscrivit pour cent exemplaires .
2 Voir la « querelle du Cid » : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Cid_%28Corneille%29#cite_ref-10
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29/05/2016
Nièce, et Cornélie-chiffon, et V., vous disent tout ce qu’il y a de plus tendre
... Bonne fête MAMANS !
N'oublions pas que le petit Voltaire perdit sa maman à sept ans .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
Ferney 26 juin 1761
Je n’ai guère la force d’écrire, parce que, depuis quelque temps, j’écris jour et nuit. Mes anges sauront que je rends grâces au corsaire qui a fait imprimer Zulime. L’impression m’a fait apercevoir d’un défaut capital qui régnait dans cette pièce ; c’était l’uniformité des sentiments de l’héroïne, qui disait toujours j’aime : c’est un beau mot, mais il ne faut pas le répéter trop souvent ; il faut quelquefois dire, je hais. Je commence à être moins mécontent de cet ouvrage que je ne l’étais, et je me flatte enfin qu’il ne sera pas tout à fait indigne des bontés dont mes anges l’honorent. Il sera prêt quand ils l’ordonneront. Je n’abandonnerai pourtant ni les moissons, ni mon église, ni ma petite négociation avec le pape.
Je relis cet infâme et excommunié Corneille avec une grande attention. Je l’admire plus que jamais en voyant d’où il est parti. C’est un créateur ; il n’y a de gloire que pour ces gens-là ; nous ne sommes aujourd’hui que de petits écoliers. Je suis persuadé que mes notes au bas des pages des bonnes pièces de Corneille ne seront pas sans utilité et sans agrément ; elles pourront former une poétique complète, sans avoir l’insolence et l’ennui du ton dogmatique.
Je suis résolu à ne faire imprimer que le nombre des exemplaires pour lesquels on aura souscrit Les petites éditions seront au profit des libraires ; et s’il y a, comme je le crois, quelque amour de la véritable gloire dans la nation, la grande édition assurera quelque fortune aux héritiers du nom du grand Corneille. Je finirai ainsi ma carrière d’une manière honorable, et qui ne sera pas indigne de l’ancienne amitié dont mes anges m’honorent. Je les supplie de vouloir bien me procurer sans délai le nom de M. le duc d’Orléans par M. de Foncemagne, afin que je l’imprime dans le programme.
Je voudrais avoir celui de M. le premier président 1; il me le doit en dédommagement de la banqueroute que son beau-frère 2 m’a faite. Jamais mon entreprise ne vaudra au sang de Corneille la moitié de ce que Bernard m’a volé. Je crois avoir déjà prévenu M. le comte de Choiseul 3, l’ambassadeur, que je ne doutais pas qu’il n’honorât ma liste de son nom, et j’attends ses ordres. Je demande la même grâce à M. de Courteilles, à M. de Malesherbes , à madame sa sœur, et à tous les amis de mes anges.
Je désirerais passionnément la souscription du président de Meynières, et de quelques membres du parlement, pour expier les sottises de maître Le Dains et de maître Omer.
Je n’ai point encore écrit à M. le duc de Choiseul sur cette petite affaire. Je supplie M. le comte l’ambassadeur d’avoir la bonté de lui en parler : ils sont aussi tous deux mes anges. Je vous baise à tous le bout des ailes, et je recommande à vos bontés Cinna, Horace, Sévère, Cornélie 4, et la cousine issue de germaine de Cornélie. Si on me seconde avec quelque vivacité, cette édition ne sera qu’une affaire de six mois.
Nièce, et Cornélie-chiffon, et V., vous disent tout ce qu’il y a de plus tendre. »
1 Molé ; voir lettre du 15 mai 1758 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/08/19/nous-sommes-des-barbares-et-vous-autres-gens-polis-vous-donn.html
2 Bernard de Coubert : https://fr.wikipedia.org/wiki/Samuel_Bernard
3 Ambassadeur à Vienne, on n'a pas la lettre que V* lui adressa ?
4 On sait que Sévère et Cornélie sont respectivement des personnages de Polyeucte et de La Mort de Pompée ; il est significatif que V* préfère désigner la première de ces deux pièces par le nom du personnage qu'il admire plutôt que par celui de son véritable héros .
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