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22/12/2015

sans préjudice des fétiches

... La peste soit des superstitieux et des vendeurs de grigris !

 

« A Pierre Pictet

22è décembre 1760 1

Je présente mes respects à mes chers voisins, et souhaite toute sorte de prospérité à la mère et à l'enfant 2; je supplie monsieur Pictet de vouloir bien avoir la bonté de lire ce petit mémoire que j'adresse à M. de Chapeaurouge, sans préjudice des fétiches 3.

V. »

1 L'édition Havens B. lit par erreur Sbre pour Xbre .

2 Mme Constant de Rebecque avait eu un fils, Juste, né le 17 décembre 1760 .

3 Allusion à De Brosses et à son Culte des dieux fétiches […].

 

Je veux qu'elle apprenne à vivre dans le monde et à y être heureuse

... Message de tous les éducateurs, les vrais , ceux qui ne mettent pas les femmes sous l'éteignoir .

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

à Saint-Joseph

à Paris

A Ferney par Genève 22 décembre 1760

Il y a eu , madame, de la réforme dans les postes . Les gros paquets ne passent plus . Je doute fort que vous ayez reçu ceux que j'ai eu l'honneur de vous adresser et j'en suis très en peine . Je vous prie très instamment de me tirer de cette inquiétude . Les rogatons que j'avais trouvés sous ma main pour vous amuser ou pour vous ennuyer un quart d'heure sont des misères . Je le sais bien , mais je serais affligé qu'elles eussent passé dans d'autres mains que les vôtres .

Comment vous amusez-vous madame ? que faites-vous de ces journées qui paraissent quelquefois si longues dans une vie si courte ? comment le président Hénault s'accommode-t-il d'être septuagénaire ? Pour moi qui touche à ce bel âge de la maturité je me trouve très bien d'avoir à gouverner les dix-sept ans de Mlle Corneille . Elle est gaie , vive et douce , l'esprit tout naturel . C'est ce qui fait apparemment que Fontenelle l'a si mal traitée . Je lui apprends l'orthographe, mais je n'en ferai point une savante . Je veux qu'elle apprenne à vivre dans le monde et à y être heureuse .

Je vous souhaite les bonnes fêtes , madame, comme disent les Italiens mes voisins . Cependant vous ne sauriez croire combien il y a de gens en Italie qui se moquent des fêtes . Mon Dieu que le monde est devenu méchant ! C'est la faute de ces maudits philosophes .

V. »

 

je vous suis attaché comme si j'avais eu l'honneur de vivre avec vous

...

 

« A Etienne-Noël Damilaville

22 décembre 1760

Je profite , monsieur, de vos bontés . J'ai à peine le temps d'écrire un mot ; mais ce mot est que je vous suis attaché comme si j'avais eu l'honneur de vivre avec vous . Il me semble que vous êtes mon ancien ami . »1

1 On notera une fois pour toutes que tous les remerciements de ce genre adressés par V* à Damilaville concernent des envois franco de port et autres facilités postales que Damilaville, en sa qualité de premier commis des vingtièmes, fournissait abondamment, en abusant des prérogatives de sa charge .

 

20/12/2015

Monsieur, je vous souhaite la bonne année . Votre pauvre secrétaire n'a plus que cela à faire

...

 

« A Ivan Ivanovitch Schouvalov 1

Monsieur, je vous souhaite la bonne année . Votre pauvre secrétaire n'a plus que cela à faire . Votre Excellence m'a cassé aux gages . Il y a un siècle que je n'ai eu de vos nouvelles, et je suis toujours dans ma profonde ignorance touchant les paquets que j’ai eu l'honneur de vous envoyer . Le gentilhomme qui devait venir de Vienne à Genève est apparemment amoureux de quelque Allemande . Nuls papiers, nulle instruction pour achever votre Histoire de Pierre le Grand . La mort de votre ambassadeur M. de Golofskin redouble encore mes inquiétudes . Le gros paquet que je lui avais adressé pour Votre Excellence a bien l'air d'être perdu . Je crois vous avoir déjà mandé que l'adresse de ce ballot en toile cirée était à M. de Golofskin etc. pour faire tenir à M. etc. de Schouvalov etc. à Pétersbourg . Un de vos secrétaires peut en écrire à La Haye au secrétaire d'ambassade . Enfin ma consolation monsieur est de compter toujours sur vos bonnes grâces, sur votre zèle pour la mémoire d'un fondateur et d'un grand homme . Vous n'abandonnerez pas votre ouvrage . J'ai toujours le bonheur de parler de vous avec M. de Soltikof . Il est plus digne que jamais de votre bienveillance . Vous le reverrez un jour très savant et jamais la science n'aura logé dans une plus belle âme . Je vous réitère monsieur mes souhaits pour votre prospérité et pour celle de votre auguste impératrice .

Recevez le tendre respect de votre très humble et obéissant serviteur .

Voltaire .

Au château de Ferney par Genève

20 décembre 1760. 2»

1 Le passage : La mort de votre ambassadeur ….secrétaire d'ambassade ; manque dans les éditions .

2 Schouvalov a noté sur la lettre :  « Répondu le 26 janvier 1761 »

19/12/2015

Je vous écris vendredi au soir avant que la partie carrée de Mme de Bouillon soit arrivée

... A la vérité, espoir déçu ! vendredi étant un jour maigre , ceinture, point de bouillon gras !...

 

« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

[19 décembre 1760] 1

Je vous écris vendredi au soir avant que la partie carrée de Mme de Bouillon 2 soit arrivée . Or vous savez mon cher correspondant ce que c'est que cette partie carrée de Mme Bouillon 3, c'est une femme et trois hommes, femme ou fille il n'importe . Quand Chimène sera venue, nous l'en aimerons mieux en sachant que vous l'avez trouvée bon enfant . Mais elle arrivera dans un temps funeste . Notre pauvre Daumart est condamné à mort . Il n'y a plus de grâce à espérer . Nous voilà dans les longues soirées d'hiver avec un mourant . La situation est douloureuse . Cela me donne du noir .

Les dix mille livres seront je crois payées à vue, ou du moins à la fin du mois .

Voulez-vous permettre que l'incluse aille franco à Paris ? Elle pourra faire venir encore quelques gouttes d'eau .

Le bruit se répand ici, comme vous savez, que le roi de Prusse a fait sa paix avec Marie-Thérèse . Vous n'en croyez rien ni moi non plus .

Mme Denis et moi nous souhaitons les bonnes fêtes aux quatre huguenots .

V. »

 

1 Manuscrit endossé du 20 décembre (le samedi) jour où la lettre a été postée .

2 Marie-Anne Mancini, femme de Godefroy-Maurice de La Tour d'Auvergne, duc de Bouillon .

3 L'expression était quasi proverbiale en effet ; voir Charles de Brosses , Lettres familières, XXI .

15/12/2015

tous nos plats poètes évêques ou non

... Ne sont pas spécialement doués pour remplir les temples et églises . Les Prêtres (ceux qui font des CD) ne rameutent guère de paroissiens, si ce n'est dans le troisième âge qui, retombant en enfance, sont plus près d'être des fans d'Henri Dès que d'Iron Maiden .

 

« A Gabriel Cramer

[décembre 1760] 1

Il y a un Corpus poetarum bouquin in-folio, imprimé à Lyon dans lequel on trouve tous nos plats poètes évêques ou non, du IV, V et VIè siècle . J'en ai un besoin indispensable pour les notes chrétiennes de Jeanne . Je prie caro Gabriel de ne plus oublier la vie de saint Fréron, ouvrage très utile pour former l'esprit et le cœur .

Vale. »

1 Ce billet semble avoir été écrit quand Cramer préparait l'impression des Anecdotes sur Fréron que V* avait dans l'esprit en août 1760 et qui furent publiées en janvier 1761 ; voir lettre du 20 août 1760 à Thieriot : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1760-partie-29-120683464.html

et du 29 août 1760 à Damilaville : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1760-partie-30-120702130.html

30/10/2015

Ceux qui font courir les lettres, devraient au moins les imprimer fidèlement

... Je fais de mon mieux en ce sens .

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

30 octobre [1760]

Soyez sûr mon cher philosophe que je n'ai nulle part aux facéties, et que celui qui a ramassé ces plaisanteries ne m'a nullement consulté . Quant à ma lettre au roi de Pologne il y a un gentilhomme breton 1. Tel est l'original de ma lettre et j'en atteste Sa Majesté polonaise . Ceux qui font courir les lettres, devraient au moins les imprimer fidèlement .

Il faut absolument que l'imprimeur qui a mis le factum de M. de Sainte-Foix dans le recueil des facéties (quoique ce factum soit très sérieux ) ait copié le mot de sieur qui se trouve dans le factum, et qui est d'usage au barreau . S'il m'avait consulté je lui aurais appris la différence qui est établie entre le protocole du Châtelet et celui de la société .

Au reste les Essais sur Paris 2 m'ont toujours paru un très bon livre, et si j'avais été averti on en aurait dit encore plus de bien . Je reçois dans ce moment un exemplaire des facéties . Je trouve à la page 282 factum de M. de Saint-Foix . Il y a apparence que celui qui a fait cette table sait son monde, et que l'imprimeur n'a su que son métier .

Cramer entre chez moi, et me jure qu'il n' aucune part à l'édition de ces facéties .

Voilà mon très aimable philosophe tout ce que je sais sur ces facéties dont on me promet le second tome . L'ami Thieriot vous a-t-il remis un Pierre ?

Voilà l’académie berlinoise un peu dérangée . Gare que ce M. Totleben ne touche à la caisse des pensions . En ce cas il vaudrait mieux en avoir une de l'impératrice de toutes les Russies ; elle serait plus assurée . Je tremble pour Luc . Vous ai-je mandé que le fils d'Omer de Fleury est venu chez moi, qu'il a même eu sa part de nos spectacles, et que je l’ai reçu avec beaucoup de dignité ?

Et ces bons mariages de Genève ?3 qu'en dirons-nous ? votre professeur Nekre n'allait point à la comédie, mais il besognait la femme de Vernes le marchand, frère de Vernes le prédicant . Vernes le marchand qui n'allait point à la comédie , a sanglé un coup de pistolet à Nekre le professeur 4. Or ne croyez-vous pas malgré Jean-Jacques qu'il vaut mieux aller à la comédie, que de donner cette comédie ?

Je vous prie de voir Tancrède à la reprise si on la reprend . Je pourrais me plaindre des comédiens qui m'ont un peu démembré sans me consulter . Mais M. d'Argental mettra ordre à tout . Je lui ai grande obligation pour ce Tancrède . Il m'a fait corriger quelques fautes énormes dans lesquelles moi, très étourdi vieillard, j'étais tombé . Pluribus attentus minor est ad singula sensus 5. Comptez que je suis à vous et à vos ordres, et que je suis attentus à tout ce qui vous regarde . Écrasez l'infâme . 6»

 

1 Dans sa lettre du 15 août 1760 au roi Stanislas Leszcynski ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/08/15/si-jamais-il-se-trouve-quelque-athee-dans-le-monde-ce-que-je-5799992.html) à laquelle V* fait allusion, il appelait Saint-Foix « le Breton » ; voir aussi la lettre du 28 juillet 1760 à Mme d'Epinay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/07/28/dans-presque-toutes-les-entreprises-il-ne-faut-que-de-la-har-5799993.html

2 Les Essais sur Paris avaient paru en 1754 .

3 Dans l'article « Genève » de l'Encyclopédie, d'Alembert avait écrit (VII, 576 b ) qu'il n'y avait peut-être de plus beaux mariages en aucune autre ville .

4 Mme Constant de Rebecque raconte cette aventure à son mari dans une lettre conservée . On en trouve aussi trace dans les archives genevoises à la date du 13 octobre 1760 .

5 Le sens attentif à plus de choses l'est moins à chacune en particulier . Le mot attentus, attentif, est repris ensuite .

6 Premier usage de la formule sous sa forme définitive, après une première ébauche dans une lettre du 5 juin 1759 à Frédéric II, en écho à une phrase de celui-ci .