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03/11/2013

Le monde est composé de mensonges, ou proférés ou manuscrits ou imprimés

 ... Aussi n'en ajouterai-je pas, dans toute la mesure du possible .

 A l'heure qu'il est, je peux en toute honnêteté vous dire que le château de Voltaire prend ses quartiers d'hiver et qu'il me manque , tout autant qu'il manque à Mam'zelle Wagnière . Je compte bien que sa restauration et mise aux normes avance sans encombres et qu'il sera encore plus accueillant .

 

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« A Pierre-Michel HENNIN.

Aux Délices, 25 septembre [1758].

partira quand pourra.

La lettre 1 dont vous m'honorez, monsieur, marque bien la bonté de votre cœur. Vous voulez bien vous souvenir d'un homme qui n'a d'autre mérite que d'avoir été infiniment sensible au vôtre, et vous avez rempli pour feu notre pauvre Patu des devoirs dont les amitiés ordinaires se dispensent. J'ignore si mes remerciements vous trouveront encore à Turin je présume que vous laissez partout votre adresse, et qu'on peut vous écrire en toute sûreté. Je vous demanderai en grâce de revoir mon ermitage, au retour de vos voyages mais c'est une chose que je désire plus que je ne l'espère. Vous me retrouverez aussi tranquille que vous m'avez laissé, et probablement je ne sortirai pas de chez moi pendant que vous courrez le monde. Vous reviendrez spoliis Orientis onustus 2. Personne n'a jamais mis plus à profit ses voyages, vous vous instruisez de tout, en attendant que vous soyez fixé par quelque poste agréable. I1 n'en est point dont vous ne soyez digne. Vous avez devant vous l'avenir le plus flatteur, vous joindrez toujours l'étude aux affaires, et par là votre vie sera continuellement et solidement occupée. Je ne connais point d'état préférable au vôtre. Il est d'autant plus agréable qu'il est de votre choix, et que le roi vous paye pour satisfaire votre goût.

Quid voveat dulci nutricula majus alumno?3

Vous aurez sans doute entendu dire, comme nous, de bien fausses nouvelles que les Russes ont battu le roi de Prusse, dans un second combat qui ne s'est point donné, et que les Anglais ont levé le siège de Louisbourg, dont ils sont en pleine possession. Le monde est composé de mensonges, ou proférés ou manuscrits ou imprimés. Mais une vérité sur laquelle vous pouvez compter, monsieur, c'est que vous êtes regretté partout où vous avez paru, et particulièrement dans l'ermitage de votre très-humble et obéissant serviteur.

Le vieux Suisse V. »

2 Chargé des dépouilles de l'Orient , Virgile , L'Enéïde , I , 289.

3 Que souhaiterait de plus une nourrice pour son cher nourisson ? Horace, Epîtres, I, iv, 8 .

 

02/11/2013

Mon grand plaisir serait de n'avoir affaire de ma vie ni à un seigneur paramont , ni au roi séant en son conseil, et de ne rien payer à personne

 ... No comment !

Il y a consensus à ce sujet; je suis prêt à le parier sur la diode de ma souris !

 

 

 

« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon

Aux Délices 23 septembre [1758]

J'avoue, monsieur, qu'il y a des abus dans les républiques comme dans les monarchies Ubicumque calculum ponas, ibi naufragium invenies 1. On ne trouve pas toujours naufragium, mais on trouve partout quelque orage. Ils sont ici moins noirs et plus rares qu'ailleurs. Je suis très-aise d'être dans un coin de terre, dove non si vede mai la faccia della Maestà 2, et où les souverains m'envoient demander mon carrosse pour venir manger mon rôti. C'est pour augmenter mon bonheur, mon indépendance, que je vous ai proposé de me préférer à Chouet le fermier, fils du doge Chouet 3. C'est pour n'être ni en France, ni à Genève. Car mon idée est de mourir parfaitement libre. Si j'achète à vie, il faudra payer les lods 4 au seigneur suzerain il faudra solliciter un secrétaire d'État et le conseil pour obtenir que, moi catholique, je sois affranchi du dixième et de la capitation comme un huguenot. Mon grand plaisir serait de n'avoir affaire de ma vie ni à un seigneur paramont 5, ni au roi séant en son conseil, et de ne rien payer à personne. Voyez, monsieur, si la tournure que j'ai prise vous convient, quittez un moment votre Salluste 6, que pourtant je voudrais bien voir, et examinez mes propositions. Si elles sont acceptées, il m'en coûtera environ soixante mille livres, et vous jouirez peut-être dans deux ans, peut-être dans un an, de tout le fruit de mes peines. Je sais que je m'impose un fardeau onéreux. Mais un degré d'indépendance de plus, et surtout l'honneur de votre amitié, seront l'intérêt de mon argent.

Si quid novisti rectius istis,

Candidus imperti; si non, his utere mecum.7

Si vous approuvez mes idées, je mets les maçons en besogne, je trace un jardin, je plante des arbres à la réception de votre lettre, et j'attends de vous du plant de Bourgogne pour vous faire boire du vin du cru quand vous viendrez voir votre royaume de Tournay.

En cas que j'aie l'honneur de terminer avec vous, il me semble que le secret sur la nature de nos conventions est la chose la plus convenable. L'affaire des Russes n'est pas tirée au clair; mais les apparences sont qu'ils ont perdu une très-grande bataille. Laissons les fous s'égorger, et vivons tranquilles. Le fatras de l'Esprit d'Helvétius 8 ne méritait pas le bruit qu'il a fait. Si l'auteur devait se rétracter, c'était pour avoir fait un livre philosophique sans méthode, farci de contes bleus

Ut ut est,9 conservez l'honneur de vos bonnes grâces au vieux Suisse V., âgé de soixante-quatre ans, et bientôt de soixante-cinq. Encore un mot. Si le problème que je propose à résoudre paraît trop compliqué, vous le simplifierez par l'équation qui vous paraîtra la plus convenable. Mais point de seigneur suzerain, point de lods et ventes, point de vingtièmes, point de capitation, point d'intendant, ni de subdélégué, si fas est.10

Voyez, par exemple, monsieur, si vous n'aimeriez pas mieux que je rendisse le château logeable plutôt que d'y faire un pavillon qui rendrait ce château trop vilain. En ce cas, je vous donnerais une somme plus forte argent comptant. Vous auriez bien moins à rendre après ma mort, et votre terre serait toujours, embellie et améliorée. Vous pourriez convenir de payer après ma mort la moitié des frais des réparations et embellissements nécessaires au château.

Voilà de quoi exercer à la fois votre esprit et votre équité. Il faudra qu'il y ait bien du malheur si nous ne nous arrangeons pas.

Je vous présente mon respect.

V.

N. B. Que votre terre est dans un état déplorable, et qu'on détruit votre forêt.11 »

1 Chaque fois que tu feras le calcul tu trouveras un désastre ; Pétrone, Satiricon, chap. cxv, 16.

2 D'où l'on ne voit plus la face de la Majesté .

3 Jean-Robert Chouet avait été à plusieurs reprises syndic de Genève .

4 Les lods sont une abréviation pour les droits de lods et ventes. « Terme de jurisprudence féodale . C'est un droit en argent que doit un héritage roturier au seigneur dont il relève immédiatement quand on fait une vente, en considération de la permission qu'il est supposé donner au vassal pour aliéner son héritage. » Le pourcentage perçu , variable selon les coutumes, était généralement d'un douzième . L'équivalent de ce droit pour les propriété nobles était la quinte . Les seigneurs de Gex étaient les princes de Conti ( et non Condé comme l'a écrit F. Caussy dans Voltaire seigneur de son village, 1912) en leur qualité de comtes de la Marche .

5 Vieux mot de la coutume féodale désignait le suzerain ( mot qui a survécu en anglais : paramount).

6 De Brosses en faisant le commentaire de l'offre de V*, dans sa lettre du 14 septembre 1758, disait : « Je vais tâcher de le faire moins long que celui que j'ai écrit sur Salluste, que je n'ose plus ni relire, ni publier, de peur de m’enorgueillir du talent que j'ai eu de faire un gros in-quarto d'un très petit in -douze . » En fait l'Histoire de la république romaine dans la cour du VIIè siècle, par Salluste, en partie rétablie et composée sur les fragments qui sont restés de ses livres perdus, lorsqu'elle sera publiée à Dijon en 1777 tiendra en trois volumes in-4°.

7 Si tu connais quelques meilleurs principes, fais m'en part d'un cœur sincère ; sinon règle toi sur les miens . Le texte donne nil pour non .

8 A la même époque, Helvétius écrivait à V* vers le 20 septembre 1758 : « Vous ne doutez pas que je ne vous eusse adressé un exemplaire de mon ouvrage le jour même qu'il a paru si j'avais su où vous prendre . Mais les uns vous disaient à Manheim, les autres à Berne, et je vous attendais aux Délices […] Vous saurez que le livre est supprimé, que je suis dans une de mes terres à trente lieues de Paris, que dans ce moment-ci il ne m'est pas possible de vous en envoyer parce qu'on est trop animé contre moi . […] Je suis dénoncé à la Sorbonne, peut-être le serai-je à l'assemblée du clergé . » On peut remarquer qu'il n'est pas dit que la Sorbonne a condamné le livre . Le 26 septembre 1758 Thieriot écrivit à V* à propos de cet ouvrage : « Il est très difficile d'avoir ce livre, cependant [...] je vous en procurerai un exemplaire […] et je le ferai partir dans la semaine par la diligence de Lyon pour M. Tronchin. »

9 Quoiqu'il en soit .

10 Si le destin le permet .

11 Entre autres, de Brosses répondra : « […] vous me renvoyez votre projet de convention si travesti, si chargé de prétintailles qu'il ne m'est plus possible de le reconnaître . […] votre proposition était d'acheter cette terre à vie […]. vous m'offriez vingt cinq mille francs, je vous demandais trente . Le nouveau projet de convention porte vingt mille livres dont je rendrai environ la moitié, et la moitié aussi des dépenses que vous y aurez faites [...]. Ce fonds perdu est trop cher pour moi . […] Qui diantre est allé suggérer ce moulin de don Quichotte ? [il] coûterait beaucoup à bâtir, à entretenir, il irait rarement et ne rendrait guère . […]

Pour le bâtiment, […] en faire non une belle maison mais un logement commode et parfaitement situé . […] Au hasard de la tontine . Qui gagnera, gagnera . […] Vous faites bien d'être indépendant, mais il ne faut pas être trembleur . […] l'ange de la fatalité, conduisant Zadig par le monde, mit dans ce vieux château un talisman qui fait qu'on n'y meurt point . Mon vieux oncle éternel […] y a vécu quatre-vingt-onze ans […]

J'attends votre réponse si le mémoire ci-joint vous agrée . Sinon voulez-vous acheter ma terre purement et simplement ? […]

PS. - M. de Fautrière, retiré à Genève, me fait proposer un échange contre sa terre plus voisine des miennes de Bresse . Mais je n'ai pas une fort grande envie d'avoir affaire à lui . »

Pour la fin de la transaction, voir lettre du 14 octobre 1758 à de Brosses .

 

01/11/2013

je voudrais un armistice éternel entre les hommes

... Et si nous sommes assez nombreux à le vouloir, il sera effectif .

Faire crever d'ennui les va-en-guerre, les profiteurs de guerre, voilà mon voeu qui rejoint celui de Voltaire .

J'aimerais, à l'occasion , trouver encore quelque âne bâté portant ses accusations de "Voltaire était favorable à la guerre pour gagner encore plus d'argent !" . Je dis ici âne bâté pour rester poli,- il y a des dames qui me lisent peut-être,- alors que je pense à d'autres épithètes plus rudes et plus adaptées en ce cas . Cessez donc de juger Voltaire avec un esprit borné .

Voir : http://users.online.be/~lesa6740/archive/dec-98/societe/travail/armistice.htm

 

armistice de reve.gif

 

 

« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de LUTZELBOURG

à l'île Jard

à Strasbourg

Aux Délices, 20 septembre [1758]

On ne sait plus que croire et que penser, madame. Hier, tout le monde avoue que les Russes ont été détruits, aujourd'hui, tout le monde avoue que les Russes sont ressuscités pour battre le roi de Prusse. La nouvelle vous sera venue de Paris de la défaite des Anglais auprès de Saint-Malo. C'est du baume sur la blessure que la perte de Louisbourg nous a faite. Je voudrais bien, en qualité de curieux, et encore plus d'homme pacifique, savoir ce que c'est que cet armistice entre le maréchal de Contades et M. le prince de Brunswick, je voudrais un armistice éternel entre les hommes.

Je vous remercie de tout mon cœur, madame, des petites coquetteries que vous faites en ma faveur en Lorraine. Vous savez combien j'aimerais une terre qui me rapprocherait de vous mais M. de Fontenoy 1 veut à présent vendre trois cent mille livres son Champignelle 2, qui ne rapporte pas plus de six mille livres de rente. Mme de Mirepoix et Mme de Boufflers veulent me vendre Craon mais il est substitué, et ce marché est difficile à conclure.

Puisque Colini a l'honneur de vous faire quelquefois sa cour, je vous prie instamment, madame, de lui faire dire que je lui ai écrit deux fois par M. Turckeim, le banquier, et que j'ignore s'il a reçu mes lettres 3. Mme Denis vous présente ses respects autant en fait son oncle le Suisse. Il est plein de reconnaissance pour le petit mot dont vous l'avez honoré dans certaine lettre 4. Portez-vous bien surtout. »

1  Fontenoy-sur-Moselle près de Toul .

4 A Mme de Pompadour .

 

31/10/2013

J'ai renoncé au monde ; mais vous me faites éprouver que je n'ai pas renoncé à l'amour-propre

 ... Et c'est bien comme ça, pour moi au moins .

Si jamais je renonçais à l'amour-propre, je ne serais pas loin de renoncer à l'amour de quiconque et ça me chagrinerait . Ne voulant pas m'attrister, je vous laisse conclure ...

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« Au prince de Hornes [ ?] 1

Aux Délices route de Genève

20 septembre [1758 ?]

Recevez, monsieur, les remerciements que je dois à vos bontés et à celles de Mme la princesse de Hornes 2 .

Dans Spa l'erreur et l'ignorance

Persécutaient la vérité .

Mais je la crois en sureté

Puisque l'esprit et la beauté

Ont daigné prendre sa défense .

Je regarde, monsieur, cette petite aventure comme une des plus honorables et des plus flatteuses pour moi . J'ai renoncé au monde ; mais vous me faites éprouver que je n'ai pas renoncé à l'amour-propre . Je m'étendrais davantage sur le plaisir que j'ai de voir les belles-lettres et la philosophie cultivées par un homme de votre nom et de votre mérite si l'état de ma santé me permettait d’écrire beaucoup . Je me borne aujourd'hui à vous assurer de la respectueuse reconnaissance avec laquelle j'ai l'honneur d'être

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

1  La lettre porte la mention « Lettre de V. à M. le marquis de Barbançon », ce qui est impossible puisque la famille de Barbançon est éteinte depuis 1693 par la mort d'Octave-Ignace de Ligne-Aremberg, prince de Barbançon . Voir : http://fr.wikisource.org/wiki/Biographie_nationale_de_Belgique/Tome_1/BARBAN%C3%87ON,_Octave-Ignace_de_Ligne-Arenberg,_prince_DE

La première phrase suggère que le destinataire est le prince de Hornes, mais V* ne l'appellerait pas « monsieur » à plusieurs reprises . La Liste des seigneurs et dames qui sont venus à Spa, liste annuelle, suggère que les Hornes venaient chaque année . Voir : http://www.facphl.ulg.ac.be/upload/docs/application/pdf/seminaire-ddroixhe-infos.pdf

et note 3 page 217 : http://books.google.fr/books?id=lmBE03FA6rMC&pg=PA217&lpg=PA217&dq=Liste+des+seigneurs+et+dames+qui+sont+venus+%C3%A0+Spa&source=bl&ots=O2fvFAfOI6&sig=2AcrFIU-Uj2-PDsOUen2vSzVGiE&hl=fr&sa=X&ei=muJyUtfpA6e40QWMrIHwCw&ved=0CEEQ6AEwBA#v=onepage&q=Liste%20des%20seigneurs%20et%20dames%20qui%20sont%20venus%20%C3%A0%20Spa&f=false

La date de 1758 a été retenue comme la plus plausible .

2  Marie-Albertine, troisième femme de Maximilien-Emmanuel, prince de Hornes . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Maximilien-Emmanuel_de_Hornes

 

30/10/2013

les Russes sont si menteurs, Paris est si peu instruit

... Voltaire voit juste , y compris pour notre époque .

Rien de nouveau sous le soleil de Sotchi !

Rien de neuf sous le pont du même nom !

Les qualificatifs sont vrais et le restent . Nous ferons avec .

 Notre Gégé 2 par 2 en rajoute une couche, comme quoi il soigne son porte-monnaie d'abord, mais n'est pas encore tout à fait reconnaissant , ou plutôt est connaisseur de ceux qui l'accueillent : http://www.sudinfo.be/799996/article/fun/people/2013-09-04/gerard-depardieu-les-russes-peuvent-etre-fourbes-menteurs-inconstants-bavards-hy

Est-ce un reste de lucidité, ou un don de double vue made in vodka qui lui permet de nous éclairer ainsi ?

 En tout cas, c'est la première fois que je le vois du même avis que Voltaire, inconsciemment bien évidemment ! Tout n'est pas perdu , peut-être Gégé lira-t-il Voltaire ? ...

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Beaufitude



« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

Aux Délices 18 septembre [1758]

Les nouvelles d'Allemagne varient si fort, les Prussiens exagèrent tant et sont si gascons, les Russes sont si menteurs, Paris est si peu instruit que je ne crois rien, mon cher correspondant, et que je ne vous mande rien .

Thieriot me mande qu'il vous a adressé pour moi il y a quelques semaines un livre intitulé La France littéraire 1 et des manuscrits sur la Russie . Certainement si ce paquet vous était parvenu vous me l'auriez envoyé . Je crois qu'il y a inquisition et rapacité sur les envois de livres . Ceux-ci cependant ne sont pas dans le cas d'être volés par les inquisiteurs de la librairie . Je vous demande pardon de cette petite importunité .

Nous avons ici le bon M. de Fleurieu 2. J'ai eu l'honneur de boire hier à votre santé avec monsieur votre frère 3 . Je vous embrasse sans cérémonie selon ma louable coutume .

V. »

2 Jacques Annibal Claret de La Tourette de Fleurieu, éminent lyonnais, secrétaire de l'Académie de Lyon . Voir : http://s.claretdefleurieu.free.fr/Jacques%20Annibal.htm

 

29/10/2013

on dit que l'artillerie prussienne porte jusqu'à Paris, où elle estropie la main droite de nos payeurs des rentes

... Voila une bien belle excuse pour la réduction des rentes de retraites !

J'en ai entendu de meilleures, mais jamais dites avec autant de mauvaise foi que celles qu'on nous sert de nos jours . Nous ferait-on croire qu'on entend encore le tonnerre de la Grosse Bertha ? Ou de la terrible  Angela ?

 Artillerie prussienne avec munition de gros calibre ! Achtung !!

 angela-merkel artillerie prussienne.jpg

 

« A Nicolas-Claude THIERIOT

Aux Délices, 17 septembre [1758]

Il faut reprendre où nous en étions, mon ancien ami. J'ai été un peu de temps par monts et par vaux me voilà rendu à ma famille et à mes amis, dans mes chères Délices. Que faites-vous? où êtes-vous? avez-vous reçu un manuscrit concernant la Russie, que M. l'abbé Menet doit vous avoir remis ? Il y a un domestique de Mme de Fontaine qui repartira bientôt pour notre lac je vous serai très-obligé d'envoyer le manuscrit chez elle. Je suppose que vous êtes toujours chez Mme de Montmorency, et que votre vie est douce et tranquille, j'en connais qui ne le sont pas. Je n'ai pas été précisément aux champs de Mars mais j'étais assez près de ces vilains champs, quand les Hanovriens battaient une aile de notre armée, prenaient Dusseldorf, et repassaient le Rhin à leur aise. Mes chers Russes sont venus depuis d'Arkhangel et d'Astrakan pour se faire égorger à Custrin. Nous sommes malheureux sur terre et sur mer, et on dit que l'artillerie prussienne porte jusqu'à Paris, où elle estropie la main droite de nos payeurs des rentes. Je suis honteux d'être chez moi, en paix et aise 1, et d'avoir quelquefois vingt personnes à dîner, quand les trois quarts de l'Europe souffrent.

J'avais lu dans un journal que M. Helvétius a fait un livre sur l'Esprit, comme un seigneur qui chasse sur ses terres un livre très-bon, plein de littérature et de philosophie, approuvé par un premier commis 2 des affaires étrangères et j'apprends aujourd'hui qu'on a condamné ce livre, et qu'il le désavoue comme un ouvrage dicté par le diable. Je voudrais bien lire ce livre, pour le condamner aussi 3. Tâchez de me le procurer. Vous voyez, sans doute, quelquefois cet infernal Helvétius demandez-lui son livre pour moi, Mais vous êtes un paresseux, un perdi giorno 4; vous n'en ferez rien. Je vous connais, allons, courage remuez-vous un peu. Je suis aussi paresseux que vous, et je viens de faire trois cents lieues. On dit que cela est fort sain cependant je ne m'en porte pas mieux. Une de vos lettres me fera probablement beaucoup de bien. Je suis toujours tout ébaubi d'être venu à mon âge avec une santé si maudite. Vous qui êtes, à peu de chose près, mon contemporain, et qui êtes gras comme un moine, n'oubliez pas le plus maigre des Suisses, qui vous aime de tout son cœur.

V.

P. S. Qu'est-ce qu'un livre de Jean-Jacques contre la comédie 5? Jean-Jacques est-il devenu Père de l'Église? »

1  Cette expression familière est bien connue (on la trouve par exemple dans les comédies de Marivaux) et ne doit pas être corrigée comme le pense Besterman.

2  Jean-Pierre Tercier, le privilège accordé le 12 mai pour l'impression de ce livre avait été révoqué le 10 août. Jean-Pierre Tercier (né en 1704, mort en 1767) qui avait donné son approbation comme censeur, non-seulement fut obligé de donner sa démission, mais il fut privé de sa place de premier commis au ministère des affaires étrangères. (Beuchot.) . Voir aussi la lettre du 3 septembre à Mme du Boccage : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/10/15/on-n-entend-point-a-cent-lieues-le-petit-bruit-des-louanges.html

3  V* en critiquera plusieurs passages, voir page 23 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113355/f26.image ;et page 321 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411336j/f324.image

mais prendra la défense d'Helvétius . : page 375 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113355/f378.image

et page 474 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113410/f477.image

4 Un fainéant .

5  La lettre à d'Alembert sur les spectacles . Ce post scriptum est écrit en bas de la marge de la seconde page du manuscrit .

28/10/2013

vous avez été aussi indigné que moi de cet abus que les journalistes se permettent de publier les secrets des particuliers sans en demander la permission. C'est violer un des premiers droits de la société et quand la fausseté est jointe à cette hardiesse,

... "... c'est un crime ! "

Et leurs commanditaires sont des chacals :

 http://www.google.fr/imgres?start=359&client=firefox-a&sa=X&rls=org.mozilla:fr:official&biw=1366&bih=625&tbm=isch&tbnid=O60j9eZDd5OIiM:&imgrefurl=http://www.courrierinternational.com/article/2012/06/25/les-journalistes-de-la-bbc-sommes-de-faire-du-chiffre&docid=-vdhBIG2lbuO_M&imgurl=http://www.courrierinternational.com/files/imagecache/article/illustrations/article/2012/07/0307-bbc.jpg&w=485&h=336&ei=TmpuUoDKFIqK1AX3yYCoDA&zoom=1&iact=hc&vpx=383&vpy=156&dur=751&hovh=187&hovw=270&tx=124&ty=81&page=16&tbnh=136&tbnw=178&ndsp=24&ved=1t:429,r:79,s:300,i:241

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 Ici, l'exemple [sic] britannique n'est pas une exception , au contraire .

Advienne que pourra, je pense que le bon vieux courrier sur papier aura encore du succès face à l'espionnage de l'information électronique . Que les agences de renseignement s'étouffent , qu'elles croulent  sous l'inutile et le superflus , voilà mes voeux . Sous prétexte de sécurité, en réalité,  tous les moyens sont bons pour se faire du fric , l'information est une marchandise à piller sans vergogne, premier arrivé, premier servi .

 

« A Claude-Etienne DARGET.

Aux Délices, 16 septembre [1758]

Mon ancien ami, vous n'avez point répondu à la lettre que je vous écrivis de Manheim 1. Vous sentez que, dans les circonstances présentes, il est bien triste que cette lettre par laquelle j'avais répondu avec confiance à vos ouvertures ait été imprimée dans les journaux et falsifiée. Vous me feriez un plaisir extrême de me renvoyer ma lettre, afin que je pusse la confronter avec celle qui a couru, et que j'eusse une pièce justificative toute prête. Je sens que vous avez été aussi indigné que moi de cet abus que les journalistes se permettent de publier les secrets des particuliers sans en demander la permission. C'est violer un des premiers droits de la société et quand la fausseté est jointe à cette hardiesse, c'est un crime. Je crois que le journaliste n'a pas eu mauvaise intention, mais il ne m'a pas moins nui . Il m'a écrit, il a fait une espèce de désaveu 2 que je dois à vos soins et à votre probité, et dont je vous remercie. Je n'ai point voulu irriter cet homme par des plaintes, qui sont inutiles quand la chose est faite, et qui ne peuvent qu'aigrir. Il ne s'attendait pas que le roi de Prusse remporterait sur les Russes une victoire si complète et si mémorable 3. Il faut à présent se taire sur les succès inouïs de ce monarque, et sur les malheurs de la France. Vous me feriez plaisir de me mander s'il est vrai qu'il y ait plusieurs édits pécuniaires, et si on continue de payer les rentes de l'Hôtel de Ville et de la compagnie des Indes. Vous avez du moins une planche dans le naufrage général. Vous êtes bien placé à l'École militaire 4, école dont on a grand besoin. Je vous souhaite tout le bonheur que vous méritez, et suis à vous pour jamais bien tendrement.

Le Suisse V. »

2 Imprimé sous le titre d'Avis au public, dans le Journal encyclopédique du 15 août 1758, page 147, par Pierre Rousseau . Voir page 17 : http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/11497/1/encyclopedisme.pdf

3 La bataille de Zorndorf, près de Custrin, où, suivant quelques-uns, la victoire fut indécise où, suivant d'autres, elle resta aux Russes, qui cependant, après onze heures et demie de combat, perdirent cent trois canons, au moins quinze mille morts, et deux mille prisonniers. (Beuchot)

Voir aussi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Zorndorf

4 L’École militaire venait d'être fondée à l'initiative d'un des frères Pâris-Duverney , Joseph . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_militaire_%28France%29