03/12/2013
nowadays the earth is cover'd with blood and mangled carcasses, almost every month . Let the happy madmen who say that what is, is well, be confounded
... The happy madmen doivent être une espèce en voie de disparition , je pense , au train où vont les choses . Et j'en fus un .
Au passage, je salue admirativement Voltaire qui sut apprendre l'anglais en quelques mois d'immersion britannique, ce qui est beaucoup plus efficace que les cours dispensés au lycée ( voir le classement de la France, au travers de ses étudiants/élèves au niveau mondial, on rit jaune à Paris pendant qu'on s'éclate à Shangaï )
« A George Keith, dixième comte Marischal 1
Aux Délices 4 octobre [novembre 1758]
Mylord, when I ran last years into profecies, like Isaïab and Jeremiah, I did think I should weep this year over your worthy brother . I learn'd his death 2 and that of kings' sister at a time . Nature and war work on together your king's calamities . The lost of marechal Keite is a great one . All your philosophy can not remove your grief . Philosophy assuages the wound and leaves the heart wounded . This present war is the most hellish that war ever fought . Your lordship saw formerly one battle a year at the most . But nowadays the earth is cover'd with blood and mangled carcasses, almost every month . Let the happy madmen who say that what is, is well, be confounded . T'is not so indeed with twenty provinces exhausted and with three hundred thousand men murdered .
I wish your lordship the peace of mind necessary in this lasting hurricane of horror . I enjoy a calm and delightfull life, that Federic will never taste of . But the more happy I am the more I pity kings . I hope you were as happy as I am, were you not a tender brother 3.
Conservez vos bontés milord à un philosophe campagnard qui sera toujours pénétré pour vous du plus tendre respect .
V »
2 Voir lettre du 21 octobre 1758 à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/25/ce-rat-se-retire-dans-son-fromage-de-hollande-parce-qu-il-se-5230490.html
3 « Milord, quand ces dernières années, comme Isaïe et Jérémie, je me suis risqué dans les prophéties, je ne pensais pas que j'aurais à pleurer cette année votre estimable frère . J'ai appris en même temps sa mort et celle de la sœur du roi . La nature et la guerre travaillent en même temps au malheur de votre roi . La perte du maréchal Keith y contribue grandement . Toute votre philosophie ne peut étouffer votre peine . La philosophie apaise la blessure mais laisse le cœur blessé . La guerre présente est la plus funeste de celles qui aient jamais été menées . Autrefois votre Seigneurie voyait au plus une ba&taille par an . Mais maintenant c'est presque chaque mois que la terre se couvre de sang et de cadavres défigurés . Que les fous heureux qui disent que tout est bien soient confondus . Certes, il ne peut en être ainsi quand vingt provinces sont épuisées et trois cent mille hommes assassinés . Je souhaite à votre Seigneurie la paix de l'âme nécessaire dans ce perpétuel ouragan d'horreur . Je jouis d'une vie calme et délicieuse, que Frédéric ne goûtera jamais . Mais plus je suis heureux, plus j'ai pitié des rois . Je vous souhaiterais d'être aussi heureux que moi si vous n'étiez pas un frère plein de tendresse . »
23:51 | Lien permanent | Commentaires (0)
02/12/2013
Nous bêlons doucement pendant que ces monstres rugissent
...
« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck
née comtesse
d'Oldenbourg, à son passage
à Strasbourg
si elle ne passe point
dans un mois envoyez
à Vienne
Aux Délices 4 octobre [novembre 1758] 1
Nous faisons des vœux, madame, dans notre retraite heureuse au bord d'un lac pour que votre voyage soit heureux et que vous finissiez s'il est possible par être aussi tranquille que nous . Je vous fais mille compliments, madame, à vous, au seigneur du triangle 2, et si je l'osais à votre divine duchesse de Carinthie 3. Il paraît qu'enfin on respirera et que les malheurs publics pourront cesser . Dieu le veuille . Nous sommes dans notre ermitage des agneaux qui n'entendons parler que de tigres et de lions . Nous bêlons doucement pendant que ces monstres rugissent . Ne nous oubliez pas , madame, quand vous serez dans votre gloire . Daignez vous souvenir des bons ermites qui vous respectent et qui vous aiment .
Vous avez pris sans doute vos degrés de docteur à Tubinge après avoir étudié à Leipsik . Vous allez plaider votre cause à Vienne . L'impératrice à l'air de gagner la sienne . Mais vous, madame, que deviendrez-vous ? Ô doux repos ne serez vous jamais connu de l’héroïne à qui je suis si tendrement attaché pour jamais avec le respect le plus inviolable ?
V.
Le père Menoux 4 comptait vous convertir et c'est vous qui l'avez séduit . Je vous crois plus contente de la Lorraine que de la Suisse . »
1 L'année est fixée entre autres considérations par l'adresse, par la lettre du 9 décembre 1758 . il est d'autre part certain que « octobre » est porté par erreur de V*, lapsus calami qu'on retrouve dans la lettre du 4 octobre [novembre 1758] à Keith et du 8 octobre [novembre 1758] à Jean-Robert Tronchin .
2 C'est le chancelier Kaunitz, voir lettre du 9 septembre 1758 à la comtesse de Bentinck : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/10/22/tout-le-monde-avoue-qu-il-faut-etre-philosophe-qu-il-faut-et.html
4 Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/10/mes-sentiments-de-religion-qui-n-abandonnent-jamais-un-homme.html
23:47 | Lien permanent | Commentaires (0)
01/12/2013
Je parle un peu en homme qui a des tours et des mâchicoulis et qui ne craint point le consistoire
... Le consistoire ne m'empêche pas de dormir, quand aux coulis je ne les mâche pas , et je fais des petits tours en pensée à Ferney chez Voltaire où j'ai passé tant d'heures heureuses souvent .
« A Jacques-Abram-Elie-Daniel Clavel de Brenles
assesseur baillival
à Lausanne pr Ussières
Aux Délices 2 novembre [1758]
Mon cher ami, je reçois la cargaison des livres anglais sur lesquels je n'avais plus compté 1. J'avais fait venir, il y a six mois, les mêmes volumes de Londres . Les uns seront dans mon cabinet des Délices, les autres dans celui de Ferney . On n'en saurait trop avoir ; tous ces livres sont contre les prêtres .
A qui faut-il que je paye ? Je suis tout prêt, et je vous remercie de tout mon cœur .
On est très irrité à Berne contre le ministre de Vevey 2 ou de Lausanne, auteur du punissable libelle inséré dans le Mercure suisse, et s'il est découvert, il portera la peine de son insolence .
Vous avez bien raison de plaindre notre ami Polier de Bottens qui a eu la faiblesse de se laisser gourmander par des cuistres après avoir eu la force de faire hardiment une bonne œuvre qui devait imposer silence à ces marauds . Je parle un peu en homme qui a des tours et des mâchicoulis 3 et qui ne craint point le consistoire .
Vous n'êtes point venu aux Délices mais j'espère que nous vous possèderons dans le château de Ferney, et que je vous donnerai comme M. de Sottenville le divertissement de courir un lièvre 4. Mille respects à Mme de Brenles . Bonsoir mon cher ami .
V. »
1 Probablement ceux dont il est question dans la lettre du 1er septembre 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/12/14/vous-m-avez-debauche-et-vous-me-laissez-la.html
« N'aviez-vous pas écrit pour des Warburton, Bolingbroke et humes ? »
2 Identifiable par la lettre du 27 décembre 1758 à de Brenles dans laquelle le « catéchiste à V*** » est présenté comme le beau-frère de Clavel de Brenles ; or Mme Clavel était une demoiselle Étiennette Chavannes et son frère François ministre à Vevey ; voir lettre du 6 mars 1757 à de Brenles : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/10/11/si-ce-n-est-pas-jeudi-qu-on-preche-ce-sera-assurement-cette.html
16:08 | Lien permanent | Commentaires (0)
30/11/2013
permettez que je vous parle d'abord de boire
... A votre gré !
Santé ! gaillards !!
« A Antoine-Jean-Gabriel Le Bault
conseiller au parlement à Dijon
Aux Délices près de Genève
1er novembre 1758
Monsieur, permettez que je vous parle d'abord de boire, car s'il est vrai que le maréchal de Daun ait déconfit le roi de Prusse, nunc est bibendum nunc pede libero pulsanda tellus 1.
Je crois bien que vous n'avez pas cette année le meilleur vin du monde, mais si vous en avez de potable, et qui soit seulement du vin ordinaire à bon marché, je vous en demande trois tonneaux .
J'ai une autre grâce à vous demander, monsieur . Je soumets à vos lumières et je recommande à votre protection le mémoire ci-joint 2. Il est fondé sur la plus exacte vérité et j’ai toutes les pièces justificatives . Un mot de vous à M. Drouin peut tout finir , et je serai infiniment sensible à votre bonté . Je ne mets point d'enveloppe pour épargner les frais inutiles . Je n'en suis pas avec moins de respect
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Maintenant il faut boire, maintenant il faut frapper la terre d'un pied libre . Horace ; Odes, I, xxxvii, 1-2 .
15:32 | Lien permanent | Commentaires (0)
Il faudra s'adresser au gros fiscal de l'empire pour vous faire indemniser
... Est ce que je peux conseiller à l'Etat français pour se faire rembourser les dégats causés par les cinglés en bonnets rouges (même pas de fabrication française d'ailleurs ) .
Mais bon, l'Union européenne a d'autres chats à fouetter et ces couillonnades gauloises retomberont sur l'ensemble des contribuables inévitablement . Point d'empereur à barbe fleurie à l'horizon, seulement quelques président et ministres encravatés pour tenter de nous faire croire aux jours meilleurs pour l'emploi .
Je retiens l'expression d'un reste de lucidité "La bataille de l'emploi n'est pas encore gagnée !", et j'ajoute que l'on va vers une victoire à la Pyrrhus . Les morts de faim, comptez-vous !
« A Cosimo Alessandro Collini
Aux Délices 1er novembre [1758]
J'ai écrit trois fois à l’Électeur palatin . Point de nouvelles . Il faudra s'adresser au gros fiscal de l'empire pour vous faire indemniser par ce gros coquin de Smith 1.
Je vous prie de vouloir bien passer chez Turckeim 2 et de lui dire que ses délais font mourir de faim 32 personnes que j'ai à nourrir chez moi .
Je vous embrasse de tout mon cœur, mon cher Collini .
V. »
1 Allusion à l'avanie de Francfort ; voir lettre du 19 juillet 1757 à Collini : page 237 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f240.image
et la lettre du 20 janvier 1759 au même : page 49 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f31.image.r=collini%20colini
2 Jean de Turckheim, banquier de Voltaire à Strasbourg et un des banquiers du duc Charles-Eugène de Wurtemberg (ou Virtemberg comme l'écrit V*)
00:37 | Lien permanent | Commentaires (0)
29/11/2013
Genève me paraît un peu plus gaie que du temps passé ; c'est qu'elle est plus riche et plus éclairée
... Et surtout plus cosmopolite !
« A Jacob Vernes
[octobre – novembre 1758]
Ce mauvais temps me tue, mon cher abbé : je ne peux aller à la comédie, et je suis bien las de la détestable tragédie que je vois qu'on joue sur le théâtre de l'Europe ; c'est contre cette mauvaise pièce que Jean-Jacques devrait écrire […] Voilà donc deux Diogène, Rousseau et Marcet 1. Votre Genève me paraît un peu plus gaie que du temps passé ; c'est qu'elle est plus riche et plus éclairée . Continuez cette Histoire 2 et songez que Genève n'a jamais été plus heureuse qu'aujourd'hui [...] »
1 Isaac Ami Marcet de Mezières avait publié un Diogène à la campagne, comédie dont l'action se passe à Karouge, près d'Athènes . Pour ses relations avec Rousseau voir : http://etat.geneve.ch/dt/archives/page_precedente-66-5637-13288.html et http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2069932.r=Isaac+Ami++Marcet+de+Mezi%C3%A8res.langFR
2 Vernes avec Antoine-Jean Roustan ne publiera jamais son Histoire de Genève . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacob_Vernes
et http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/800-jacob-vernes
15:06 | Lien permanent | Commentaires (0)
28/11/2013
Si j'étais contrôleur général vous auriez une pension
... Promesse de Gascon !
Ou histoire belge ?
http://www.google.fr/imgres?client=firefox-a&hs=ZeO&a...
Et il y en a encore qui se plaignent !
« A Charles-Etienne Pesselier 1
Aux Délices , près de Genève 30 octobre 1758
Enfin, monsieur, à force de recherches j'ai découvert tout ce que je vous dois . Ce rouleau dont vous m'avez favorisé était à Lausanne depuis longtemps, avec des cartes de géographie et des estampes qu'on m'avait envoyées de Petersbourg . J'ai fait tout revenir et je me hâte de vous faire mes remerciements . Je savais déjà , par les vers agréables qu'on a imprimés de vous, avec quel succès vous cultivez les belles-lettres , et j'avais vu dans l'Encyclopédie 2 quelles sont vos profondes connaissances sur beaucoup d'objets utiles : omne tulit punctum qui miscuit utile dulci 3, voilà votre devise . La mienne est : si placeo, tuum est 4.
Mérope ne s'attendait pas à être traitée aussi honorablement que la finance . Le Parnasse et le trésor royal vous ont bien de l'obligation . Vous avez un double droit à mon estime et à ma reconnaissance . Si j'étais contrôleur général vous auriez une pension ; et si je faisais encore des vers je vous chanterais .
Recevez, monsieur, les assurances de l'attachement sincère du vieux Suisse .
Voltaire . »
15:14 | Lien permanent | Commentaires (0)