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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

ses premières dettes sont excusables. Elles en attirèrent d’autres ; les intérêts s’accumulèrent ; et voilà la première

... Craignons tous qu'un jour on puisse dire cela de la France ; que les nouveaux arrivants de l'Assemblée nationale y réfléchissent à deux fois avant de nous lancer dans des actions financièrement déplorables . 

 

 

 

« A Louise-Bernarde Berthier de Sauvigny

A Ferney le 30è janvier 1769

Depuis que j’ai eu l’honneur de vous écrire, madame, monsieur votre frère est venu passer huit jours chez moi. J’ai eu tout le temps de le connaître, et d’entrer dans le détail de toutes ses malheureuses affaires. Je me trompe beaucoup, ou la facilité de son caractère a été la cause principale de toutes ses fautes et de toutes ses disgrâces. Les unes et les autres sont bien funestes. S’il est vrai que son père, riche de cinq millions, ne lui donna que six cents livres de pension au sortir de ses études, ses premières dettes sont excusables. Elles en attirèrent d’autres ; les intérêts s’accumulèrent ; et voilà la première cause de sa ruine.

Permettez-moi de vous dire que les exemples trop connus, donnés par monsieur son père, ne pouvaient lui inspirer des mœurs bien régulières.

On le maria à une demoiselle de condition, qui, n’ayant que seize ans, était incapable de le conduire, et il avait besoin d’être conduit. Je ne vois aucune faute contre l’honneur dans toutes celles qu’il a commises. L’affaire de Guérin était la seule qui pût me donner des soupçons ; mais j’ai vu des lettres authentiques qui me prouvent que Guérin l’avait en effet volé, et que monsieur votre frère, par cette facilité dangereuse qui l’a toujours perdu, eut tort dans la forme avec Guérin, ayant très grande raison dans le fond.

J’ai examiné tous ses papiers ; j’y ai vu des dettes usuraires en assez grand nombre. Je sais quel était cet Oléary, qui ose lui demander plus de deux cent mille francs. Je sais que c’est un Irlandais aventurier, sans aucune fortune, qui vécut longtemps à Madrid aux dépens de M. de Morsan, et qui abusa de cette facilité que je lui reproche jusqu’à lui faire accroire qu’il allait marier le prince Édouard à une fille du roi de Maroc, et que monsieur votre frère irait à Maroc l’épouser au nom du prince.

Cet homme était en effet attaché au Prétendant. Il persuada à M. de Morsan qu’il gouvernerait l’Angleterre, et le fit enfin consentir à promettre d’épouser sa fille. Tout cela est un roman digne de Guzman d’Alfarache 1. Oléary réduit aujourd’hui ses prétentions chimériques à douze mille francs. Je suis bien fondé à croire que c’est lui qui les doit, loin d’être en droit de rien demander. Et de plus, les avocats qui sont à la tête de la direction considéreront sans doute qu’un homme qui restreint à douze mille livres une somme de deux cent vingt mille est par cela même un homme punissable.

J’ai connu M. de Saint-Cernin, dont la famille redemande des sommes considérables. Je puis vous assurer que monsieur votre frère n’a jamais reçu la moitié du principal. S’il ne devait payer que ce qu’il a réellement reçu, la somme ne se monterait pas à quatre cent mille livres ; et il faut qu’il en paye onze cent mille ! Je crois que, s’il avait pu être à portée de contredire toutes les demandes qu’on lui fait, il aurait sauvé plus de cent mille écus ; mais, se trouvant proscrit et errant dans les pays étrangers, et privé de presque tous ses documents, il n’a pu se secourir lui-même.

Je le vois séparé d’avec madame sa femme ; mais il me jure qu’il n’a jamais manqué pour elle de complaisance, et qu’il a même poussé cette complaisance jusqu’à la soumission. On a allégué, dans l’acte de séparation, qu’il avait communiqué à madame sa femme le fruit de ses débauches : il proteste qu’il n’en est rien, qu’il lui avoua l’état où il était, et qu’il s’abstint de s’approcher d’elle.

Quant à la lettre qu’il écrivit à sa femme, et qu’elle a produite, il jure que c’est elle-même qui l’exigea, et qu’il eut la malheureuse faiblesse de donner ces armes contre lui.

Enfin, madame, il ne veut revenir ni contre la séparation prononcée, ni contre la commission établie pour liquider ses dettes. Il consent à tout ; et, quand vous le voudrez, je lui ferai signer la ratification de tout ce que vous aurez fait.

Il m’a inspiré une extrême pitié, et même de l’amitié. Le titre de votre frère n’a pas peu servi à faire naître en moi ces sentiments. Il ne demande qu’une chose qui me paraît très juste, et dont le refus me semblerait une persécution affreuse : c’est que la lettre de cachet obtenue par son père contre lui n’ait pas lieu après la mort de son père et de sa mère. Il n’est point criminel d’État ; il n’a point offensé le roi ; il a été mis en prison par ses parents pour ses dettes : ses dettes sont payées ; il ne doit pas être puni de ses fautes après leur expiation. Il en est assez puni par la perte d’un bien immense, et par dix années de proscription dans les pays étrangers.

Dans le dernier voyage qu’il a fait à Genève, un homme connu lui a conseillé d’écrire à M. de Saint-Florentin ; il l’a fait sans me consulter. Il est revenu ensuite me montrer sa lettre 2. J’en ai désapprouvé quelques termes un peu trop forts ; mais le fond m’a paru aussi raisonnable que juste. Il ne demande que de pouvoir aller jusqu’à Lyon avec sûreté. Il serait très convenable, en effet, qu’il put vivre dans le voisinage de Lyon avec le peu qui lui reste. Le pays de Neuchâtel, où il s’est réfugié, est actuellement le réceptacle de tous les banqueroutiers et de tous ceux qui ont de mauvaises affaires. Ils accourent chez lui, et il y en a un qui dévore sa substance. Il est triste, honteux et dangereux, que le frère de Mme de Sauvigny soit réfugié dans un tel coupe-gorge. Je vous l’ai déjà mandé, madame, et j’en vois plus que jamais les inconvénients. Monsieur votre frère est instruit ; il est homme de lettres : je ne sais si vous savez qu’il a été réduit à être précepteur, et que cet état même a contribué à fortifier ses connaissances. Vous savez combien il est faible ; si on le pousse à bout et si on le maltraite jusqu’au point de lui refuser la permission de respirer, en province, l’air de sa patrie, il est capable de faire un mémoire justificatif ; ce qui serait très triste à la fois et pour lui et pour sa famille.

Je vous promets, madame, de prévenir ce malheur, si vous voulez continuer à m’honorer de la confiance que vous m’avez témoignée. Il n’y a rien que je ne fasse pour procurer à monsieur votre frère une vie douce et honnête. Il faut absolument le retirer de l’endroit où il est. Je lui procurerai une maison sous mes yeux : je répondrai de sa conduite. Il m’a témoigné beaucoup d’amitié, et une déférence entière à mes avis. J’ignore actuellement ce qui peut lui rester de revenu, parce qu’il l’ignore lui-même ; mais, à quelque peu que sa fortune actuelle soit réduite, je me charge de lui faire mener une vie décente et honorable. J’arrangerai ce qu’il doit à Mlle Nollet, qui l’a servi longtemps sans gages ; je l’empêcherai de faire aucune dette ; en un mot, je crois que c’est un parti dont lui et toute sa famille doivent être contents.

Si ce que je veux bien faire, madame, a le bonheur de vous plaire, ayez la bonté de me le mander. Je tacherai de vous prouver le zèle, l’attachement et le respect avec lesquels .»

1 Don Guzman d'Alfarache est un roman picaresque de Marco Alemán . : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guzm%C3%A1n_de_Alfarache

2 En réalité c’est V* lui-même qui a dressé le brouillon de cette lettre . On en possède la minute de sa main dont voici le texte : « Monseigneur,

« Je ne réclame que votre justice, je pourrai ajouter votre compassion. Vous ne savez que trop qui je suis . Daignez lire ce placet que feu ma mère présenta à la Reine et qui vous fut envoyé . Il remettra ma situation sous vos yeux . Je ne demande point qu'on me rende ma femme dont on m'a séparé sans m'entendre, et pour qui je n'ai jamais eu que des complaisances qui ont été jusqu'à la soumission. Je ne reviens point contre la direction établie pour liquider mes biens qui se montaient environ à deux millions .

Je ne me plains point de ma sœur l'intendante de Paris quoiqu'elle m'ait accablé, et qu'elle m'ait réduit à sortir de ma patrie .

Des dettes de ma jeunesse que mon père ne paya point, quand il me maria à Mlle de Castelnau, firent tout mon malheur . Le caractère de mon père ne vous fut pas inconnu ; au lieu de payer mes dettes, on me fit interdire, on me fit enfermer : je n'ai jamais eu d'autre tort que celui d'avoir contracté ces dettes dont les intérêts s'accumulèrent .

Elles sont payées entièrement aujourd'hui . Je crois que-Mme de Sauvigny ma sœur a l’âme trop honnête pour abuser de la lettre de cachet qu'elle fit solliciter contre moi par son père il y a dix ans et pour me tenir errant et fugitif en pays étrangers dans l'ignorance de ce qui peut me revenir et dans un abandon général. Elle ne doit ni ne peut désirer mon malheur et ma ruine .

La lettre de cachet qui m'ôta ma liberté fut demandée par un père séduit, malgré les réclamations de ma mère et au mépris de ses larmes ; elle fut donnée contre un fils de famille. J'ose présumer, monseigneur, qu'elle ne subsiste pas contre le même homme devenu père de famille, âgé de cinquante-deux ans : le roi est trop juste et vous aussi .

Je ne demande qu'à pouvoir être à portée de prendre connaissance du bien qui me reste . Je ne veux point aller à Paris inquiéter par mon état douloureux l'opulence de ma sœur . Elle n'aura pas l'injustice de m'opprimer du poids de son […, elle ] n'emploiera votre autorité pour faire mourir son frère hors de sa patrie .

On a osé me menacer de me faire enfermer si je respirais l'air de la France . Vous ne souffrirez pas, monseigneur, une si horrible vexation de quelque part qu'elle vienne . Le Roi est le père de tous ses sujets . Vous pensez comme Sa Majesté .

On n'a rien à me reprocher . On m'a ravi mes droits de mari et de père . Me dépouiller-t-on de ceux de citoyen ? m'empêchera-t-on d'aller consulter à Lyon des amis [en] qui j'ai confiance et qui sont ma consolation ? Je demande donc, monseigneur, que je puisse au moins aller à Lyon en sûreté . Il est peut-être affreux à un honnête homme de demander comme une grâce le droit de respirer l'air de son pays, mais au moins faites-moi cette grâce .

Je suis venu du fond de la Suisse à Genève où j'attends vos ordres .

Je suis avec un profond respect

Ce 28 janv[ier] 1769. »

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08/08/2024 | Lien permanent

vous nous avez sauvé de la petite honte de voir que les étrangers protestants, et ayant porté les armes contre le roi, p

... J'adore cet homme, ce Volti quand il pousse le bouchon et se fiche de la tête des puissants avec toutes les apparences de la bienséance .

Bravo Volti de nous avoir sauvés de "la petite honte" de voir que l'on peut encore dans notre république, maltraiter, tuer qui que ce soit en fonction de son appartenance religieuse, rejeter tous ceux qui ne sont pas Français de France et catho si possible comme le prônent un certain nombre de bas du front .

NDLR - Voltaire dans sa grande sagesse laisse les hommes libres, libres de connaître la "petite mort" sans distinctions de croyances ; il n'y a pas de petits plaisirs à négliger .

 

petite honte.jpg

Manifestations permises ou interdites, pour les Palestiniens, contre Israël, ou pour les Juifs et contre l'antisémitisme, beaucoup de bruit, de désordre, de conneries dites et faites et au bout du compte ni un Palestinien épargné, ni un Juif tranquille, du gâchis humain et matériel .

Tolérance où es-tu ?

Ici , pour ceux qui ont encore plus de deux neurones et ne se laissent pas embrigader sous n'importe quelle bannière de meneurs/semeurs de m..., prenez en de la graine et dîtes merci à Voltaire (et à Mam'zelle Wagnière) :

http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/le-traite-de-la-tolerance-avertissement-des-editeurs-de-kehl.html

 

 

 

«  Voltaire et Marie-Louise Denis

à

Dominique-Jacques Barberie, marquis de Courteilles 1

3è juin 1759 à Lausanne 2

Nous sommes très sensibles, monsieur, à la bonté que vous avez eue de vouloir bien vous prêter à nos justes demandes . Nous avons reçu le brevet du roi, et nous vous présentons nos très sincères remerciements ; vous nous avez sauvé de la petite honte de voir que les étrangers protestants, et ayant porté les armes contre le roi, puissent avoir des droits que les Français catholiques n'avaient pas ; ce qui vous 3 a touché encore plus, c'est qu'une telle grâce fait beaucoup de bien à un petit pays très malheureux et très pauvre , en donnant du prix à une terre qui sans cela n'en aurait eu aucun .

La terre de Tournay se trouve précisément dans le même cas ; M. de Brosses ne 4 l'a vendue très chèrement et fort au-delà de son prix que parce qu'il en a garanti tous les droits et toutes les franchises .

Il est vrai que de longtemps nous ne pourrons demeurer dans ces terres . Ce qu’on appelle le château de Tournay est une vilaine prison, ou plutôt un nid de hibou, qui malgré toutes les dépenses qu'on y fait n’est point logeable . C'est d'ailleurs un pays où l'on gèle au mois de juin . Le château de Ferney ne peut être achevé de longtemps ; ainsi, monsieur, nous sommes obligés de passer presque tout notre temps aux Délices sur le territoire de Genève . Vous savez que nous ne pouvons nous nourrir que de blé étranger, et que notre sol n'en porte Pas . Vous nous donnâtes il y a quelques années une permission de prendre soixante coupes de blé en France . Cette permission est encore à la maison de Délices, nous n'en avons fait usage qu'une ou deux fois , avec le commis des Bureaux, parce que nous avons toujours acheté notre froment de M. de Boisy, ancien seigneur de Ferney, et du fermier de M. de Brosses, et quand nous en avons acheté des jésuites nous n'avons écrit une carte aux commis que pour les instruire que le blé des jésuites était pour nous .

Nous enverrons aux commis la permission qui nous reste encore, nous la laisserons entre leurs mains, et elle pourra servir en partie à nous faire avoir le blé qui nous manque jusqu'à la récolte . Nous nous en remettons entièrement à vos bontés et aux convenances pour le blé de nos terres . Nous comptons n'en semer que ce qu'il faudra pour notre maison, et pour la nourriture d'environ soixante et dix domestiques, soit de campagne, soit autres . Le reste de nos terres sera destiné pour les pâturages afin d'entretenir les haras du roi dont nous nous sommes chargés à nos frais, sans recevoir aucun avantage, et sans avoir d'autres chevaux que les nôtres ; nous ne voulons que servir, et servir librement . Ce petit pays si délabré et si misérable a déjà changé de face ; il y a moins de misère et moins de maladies , les loups et les renards étaient le seul gibier du canton ; nous avons établi des gardes-chasse , que l'on ne connaissait pas avant nous ; et nous avons fait venir des œufs de perdrix de cent lieues 5 ; les dépenses sont immenses et la recette nulle, mais le plaisir de faire du bien est le plus grand des revenus . Si tous ceux qui ont des terres pensaient ainsi, le royaume serait peut-être encore plus florissant qu'il ne l'est . Nos efforts pourront mériter au défaut de nos succès, votre estime et votre bienveillance .

Nous ajoutons que nous avons fait deux semoirs qui coûtent chacun 400 livres . Ils labourent, sèment et recouvrent cinq rayons à la fois ; cette invention est chère, mais elle peut être d'une très grande utilité à tous les seigneurs qui voudront prendre le soin, trop négligé, de cultiver leurs terres .

Nous avons l'honneur d'être avec toute la reconnaissance possible, et toute l'envie de vous plaire,

monsieur,

vos très humbles et très obéissants serviteur et servante

Voltaire . Denis . »

2 Mentions sur le manuscrit : « R[eçu] le 10 juin 1759 », et minute de la réponse de Courteilles qui écrit notamment : « Je suis fort aise que vous preniez du goût pur le pauvre pays de Gex . Il a grand besoin de secours . Quand vous aurez besoin de grains, vous n'aurez qu'à vous adresser à M. Fabry et je lui envoierai un passeport . »

3 Pour nous, sans doute .

4 V* avait d'abord écrit me ; que dans la suite a été ajouté au-dessus de la ligne .

5 Oeufs envoyés par le duc de La Vallière , voir lettre à Jean-Robert Tronchin du 16 mai 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/06/30/je-veux-peupler-mes-terres-d-hommes-et-de-perdrix-5402179.html

 

 

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25/07/2014 | Lien permanent

Jean-Jacques fait des lacets dans son village avec les montagnards; il faut espérer qu'il ne se servira pas de ces lacet

 

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

 

18 janvier [1763]

 

Mon cher philosophe, si vous faites de la géométrie i pour votre plaisir, vous faites bien; s'il s'agit de vérités utiles, encore mieux; mais s'il ne s'agit que de difficultés surmontées, je vous plains un peu de prendre tant de peine. J'aimerais bien mieux, pour ma satisfaction, que vous donnassiez de nouveaux mémoires de littérature, qui amusent et qui instruisent tout le monde; mais l'esprit souffle où il veut.

Dès qu'il ne fera plus si froid, j'enverrai à M. le secrétaire l'Héraclius espagnol ii, et j'espère qu'il vous fera rire.

Nous ne connaissons point du tout ici les deux lettres de ce pauvre Vernet iii. Vous savez que le père du cardinal Mazarin étant mort à Rome, on mit dans la gazette de Rome : Nous apprenons de Paris que le seigneur Pierre Mazarin, père du cardinal, est mort ici; de même nous apprenons de Paris qu'il y a à Genève un nommé Vernet qui a écrit deux lettres.

La philosophie a fait de si merveilleux progrès, depuis cinq ou six ans, dans ce pays-ci, qu'on ignore parfaitement tout ce que font ces cuistres-là. Cette philosophie n'a pourtant pas empêché qu'on ait incendié le livre de Jean-Jacques; mais ç'a été une affaire de parti dans la petitissime république. Jean-Jacques fait des lacets dans son village avec les montagnards; il faut espérer qu'il ne se servira pas de ces lacets pour se pendre. C'est un étrange original, et il est triste qu'il y ait de pareils fous parmi les philosophes. Les jésuites ne sont pas encore détruits; ils sont conservés en Alsace; ils prêchent à Dijon, à Grenoble , à Besançon; il y en a onze à Versailles iv, et un autre qui me dit la messe v.

Je suis vraiment très édifié du discours sage et mesuré de votre conseiller au parlement, qui s'adresse à l'avocat des Calas pour lui dire qu'ils n'obtiendront point justice, parce qu'ils plaident contre messieurs, et qu'il y a plus de messieurs que de roués. Je crois pourtant que nous avons affaire à des juges intègres qui ont une autre jurisprudence.

O l'impie !vi n'est pas juste, car rien n'est plus pie que cette pièce; et j'ai grand'peur qu'elle ne soit bonne qu'à être jouée dans un couvent de nonnes, le jour de la fêle de l'abbesse.

Comment donc, ce Le Brun, sous les lauriers touffus, me pique de ses épines!vii lui qui m'a fait une si belle ode pour m'engager à prendre la nièce à Pierre ! On ne sait plus à qui se fier dans le monde.

Il est difficile de plaindre l'abbé Caveirac , quoique persécuté viii. Cet aumônier de la Saint-Barthélemy est, dit-on, un des plus grands fripons du royaume, et employé par plusieurs évêques pour soutenir la bonne cause.

Pour l'autre prêtre qu'on a pendu pour avoir parlé ix, il me semble qu'il a l'honneur d'être unique en son genre; c'est, je crois, le premier, depuis la fondation de la monarchie, qu'on se soit avisé d'étrangler pour avoir dit son mot; mais aussi on prétend qu'à souper, chez les mathurins, il s'était un peu lâché sur l'abbé de Chauvelin ; cela rend le cas plus grave ; et il est bon que messieurs apprennent aux gens à parler. ,

Depuis quelque temps les folies de Paris ne sont pas trop gaies; il n'y a que l'Opéra-Comique qui soutienne l'honneur de la nation. Nos laquais pourtant le soutiennent ici; car ils ont donné un bal avec un feu d'artifice, en l'honneur de la paix, avec les laquais anglais. Un scélérat de Genevois a dit qu'il n'y avait que les laquais qui pussent se réjouir de cette paix x; il se trompe, tous les honnêtes gens s'en réjouissent. J'espère que l'auguste maison d'Autriche fera aussi la sienne, et que les révérends frères jésuites de Prague et de Vienne ne seront pas despotiques dans le saint empire romain.

Mon cher philosophe, je dicte, parce que je perds les yeux au milieu des neiges. Je vous embrasse de tout mon cœur, et je vous serai attaché tant que je végéterai et que je souffrirai sur notre globule terraqué.

N. B. On a lu le Sermon des cinquante publiquement, pendant la messe de minuit, dans une province de ce royaume, à plus de cent lieues de Genève xi; la raison va grand train. Ecrasez l'Infâme. »

 

 

i Ce que d’Alembert lui dit le 12 janvier : page 205 : http://books.google.fr/books?pg=PA205&lpg=PA210&d...

 

ii Pièce de Calderon qu’il a traduite et commentée pour la comparer à celle de Corneille ; http://www.voltaire-integral.com/Html/07/10HERACL.html ; cf. lettre du 4 juin 1762 à Capacelli et du 15 septembre à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/15/t...

Calderon : http://wapedia.mobi/fr/Pedro_Calder%C3%B3n_de_la_Barca

 

 

iii D’Alembert lui a écrit : « Voilà encore le socinien Vernet qui vient d’imprimer deux lettres contre vous et contre moi. » Le pasteur Vernet a été un des principaux adversaires de V* de 1757 à 1759 : affaires de « l'âme atroce de Calvin », l'article Genève de l'Encyclopédie, la Guerre littéraire : voir lettres du 20 mai au 12 décembre 1757, 8 janvier au 27 décembre 1758, 7 février au 10 mars 1759.

 

iv  L’arrêt de dissolution de l’Ordre ne sera pris dans toute la France qu’en novembre 1764 ; cf. lettre à d'Alembert du 28 novembre 1762 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/27/a...

 

v Le père Adam.

 

vi  Allusion à un poème de Piron ou Fréron sur Olympie. D’Alembert avait écrit : « on dit que vous serez obligé de changer le titre de cette … pièce à cause de l’équivoque ô l’impie ! »

 

vii D’Alembert signalait à V* « une nouvelle feuille périodique, intitulée La Renommée littéraire, où l’on disait qu’il était assez maltraité » ; il ajoutait qu’ « on disait que l’auteur de cette infamie … est un certain Le Brun à qui (V*) avait eu la bonté d’écrire une lettre de remerciement sur une mauvaise ode qu’il lui avait adressée », et il commentait l’expression « lauriers touffus »qui finissait un de vers . Sur Ponce-Denis Ecochard Le Brun, sa recommandation en faveur de Marie-Françoise Corneille, son ode sur Corneille, la polémique qui s’ensuivit, voir lettres du 19 novembre 1760 à Thiriot, 15 janvier à Dumolard-Bert, 2 février aux d’Argental, le 6 mai 1761 à Le Brun.

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/18/mais-vous-ne-disiez-pas-que-vous-aviez-gobelotte-au-cabaret1.html#more

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/17/trop-forts-ces-jeux-du-xixeme.html#more

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/12/des-lors-il-devint-ingrat-cela-est-dans-la-regle.html

 

viii  D’Alembert :« le châtelet venait de décréter …Caveyrac (auteur de l'Apologie de la Saint Bathélémy) de prise de corps pour avoir fait l’Appel à la raison en faveur des jésuites ». En réalité l’auteur de l’Appel à la raison, des écrits et libelles publiés par la passion contre les jésuites de France (1762) pourrait être André-Christophe Balbany, Caveyrac n’étant que l’auteur du Nouvel Appel à la raison.

 

ix Jacques Ringuet, prêtre du diocèse de Cambrai, le « fou de Verberie », avait proféré blasphèmes, calomnies et insanités chez les mathurins à Verberie, il est exécuté en décembre 1762.

 

x La veille, V* en a décrit les préparatifds aux d'Argental et ajoutait : « Les perruques carrées de Genève ont trouvé cela mauvais ; elles ont dit que Calvin défendait le bal expressément ; qu’ils savaient mieux l’écriture que le duc de Praslin ; que d’ailleurs pendant la guerre ils vendaient plus cher leurs marchandises de contrebande ; … ils ont empèché la cérémonie . » Page 173 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f178.image.p...

 

 

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16/01/2011 | Lien permanent

Pardonnez-leur de danser toujours parce qu’ils ne peuvent marcher droit

 Ne voyez aucune allusion à l'histoire récente de certains concitoyens qui ont un peu forcé sur ces choses dont l'abus est dangereux .

 http://www.youtube.com/watch?v=ZtTJ03wuwZk

danse chatons.gif

 

 

 

 

Un certain président rassurant, comme une hyène qui vient de jeuner 6 mois, que je me suis bien gardé de voir faire son show du 1er janvier, a dit, (si mes renseignements sont exacts), 

"Nous avons évité le pire" !

Lui peut-être, nous surement pas ! La preuve , il est toujours là !

Je ne fais qu'un voeu, en réponse à cet élu :"Carla, s'il vous plait, cassez-lui les ... pour qu'il ne joue pas les prolongations en 2012 ! " . Enfin, je dis les ..., c'est vous qui voyez, vous attaquez ce qui sert le moins d'abord !

pire-cest-suis-normandie.jpg

 

 

 

http://www.dailymotion.com/video/x7cyte_pour-eviter-ca_news

 Je n'appartiens à aucun syndicat, ni parti, si ce n'est celui du rire, et ma foi, quand on fait une recherche avec "éviter" -sous entendu "le pire"-, j'ai trouvé cette bande annonce  (FO) que je dédie à tous ceux qui espèrent un mieux, que ce soit grâce à FO ou autre syndicat .

 

 

 

« A Pierre-Joseph Thoulier d’Olivet

 

A Cirey ce 6 janvier 1736

par Vassy, en Champagne

 

                            Je vous gronde de ne m’avoir point écrit mais je vous aime de tout mon cœur de m’avoir envoyé ce petit antidote [Discours prononcé le 25 août 1735 avant la distribution des prix ] contre le poison de Marivaux et consorts. Votre discours est un des bons préservatifs contre la fausse éloquence qui nous inonde.  Franchement nous autres Français nous ne sommes guère éloquents, nos avocats sont des bavards secs, nos sermonneurs des bavards diffus, et nos faiseurs d’oraisons funèbres, des bavards ampoulés. Il nous resterait l’histoire, mais un génie naturellement éloquent veut dire la vérité, et en France on ne peut pas la dire. Bossuet a menti avec une élégance et une force admirable tant qu’il a eu à parler des anciens Egyptiens, des Grecs et des Romains, mais dès qu’il est venu aux temps plus connus, il s’est arrêté tout court. Je ne connais après lui aucune histoire où je trouve du sublime, que la Conjuration de Saint-Réal [La Conjuration des Espagnols contre la république de Venise en MDCXVII, Paris 1674 ]. Le France fourmille d’historiens, et manque d’écrivains.

 

                            De quoi diable vous avisez-vous de louer les phrases hyperboliques, et les vers enflés de Balzac ? Voiture tombe tous les jours et ne se relèvera point, il n’a que trois ou quatre petites pièces de vers par où il subsiste. Sa prose est digne du chevalier d’Her [Fontenelle publia les Lettres diverses de m. le chevalier d’Her***, 1683 ], et vous allez louer la naïveté du style le plus pincé, guindé, et le plus ridiculement recherché. Laissez là ces fadaises, c’est du plâtre et du rouge sur le visage d’une poupée.  Parlez-moi des Lettres provinciales ; quoi ! vous louez Fénelon d’avoir de la variété ! Si jamais homme n’a eu qu’un style, c’est lui. C’est partout Télémaque. La douceur, l’harmonie, la peinture naïve et riante de choses communes, voilà son caractère. Il prodigue des fleurs de l’Antiquité qui ne se fanent point entre ses mains, mais ce sont toujours les mêmes fleurs. Je connais peu de génies variés tels que Pope, Adisson, Machiavel, Leibnits, Fontenelle. Pour M. de Fénelon je ne vois pas par où il mérite ce titre. Permettez-moi, mon cher abbé, de vous dire librement ma pensée. Cette liberté est la preuve de mon estime.

 

                            J’ajouterai que la palme de l’érudition est un mot plus fait pour le latin du père Jouvancy [Joseph de Jouvancy, auteur de De ratione discendi et docendi, 1706] que pour le français de l’abbé d’Olivet.

 

                            Je vous demande en grâce à vous et aux vôtres de ne vous jamais servir de cette phrase : nul style, nul goût dans la plupart sans y daigner mettre un verbe. Cette licence n’est pardonnable que dans la rapidité de la passion, qui ne prend pas garde à la marche naturelle d’une langue, mais dans un discours médité, cet étranglement me révolte. Ce sont nos avocats qui ont mis ces phrases à la mode. Il faut les leur laisser aussi bien que le Journal de Trévoux. Mais je m’aperçois que je remontre à mon curé. Je vous en demande très sérieusement pardon. Si je voulais vous dire tout ce que j’ai trouvé d’admirable dans votre discours, je serais bien autrement importun.

 

                            J’ai reçu hier la Vie de Vanini [La Vie et les sentiments de Lucilio Vanini, 1717, de David Durand que V* a demandé à d’Olivet le 30 novembre 1735 ; Vanini a été exécuté en 1619], je l’ai lue. Ce n’était pas la peine de faire un livre. Je suis fâché qu’on ait cuit ce pauvre Napolitain mais je brûlerais volontiers ses ennuyeux ouvrages, et encore plus l’histoire de sa vie .Si je l’avais reçue un jour plus tôt, vous l’auriez avec ma lettre.

 

                            Un petit mot encore, je vous prie, sur le style moderne. Soyez bien persuadé que ces messieurs ne cherchent des phrases nouvelles que parce qu’ils manquent d’idées. Hors M. de Fontenelle, patriarche respectable d’une secte ridicule, tous ces gens là sont ignorants et n’ont point de génie .Pardonnez-leur de danser toujours parce qu’ils ne peuvent marcher droit. Adieu, s’il y a quelque chose de nouveau dans la littérature, secouez votre infâme paresse et écrivez à votre ami V.

 

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06/01/2010 | Lien permanent

on dit beaucoup de sottises, et je ne peux savoir encore la vérité

... Maladie et remède : suivre la presse pour avoir tous les avis et informations, comme ceci : https://www.cnews.fr/france/2022-04-04/presidentielle-202... 

Mélenchon, artiste ubiquitaire a l'art de mentir par précipitation et/ou malveillance . Qu'il profite bien de ses dernières heures de vedette grassement entretenue, c'est son chant du cygne . A la fin de ses péroraisons jettera-t-il à ses fans sa cravate, comme Madonna sa culotte ? Non, trop bourgeois pour ça .

220 citations sur la vérité en 16 catégories, avec tables des matières

Je vous ai à l'oeil

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

Vendredi au soir, 2è janvier 1767

On prétend dans Ferney, mon cher ange, que j’ai eu hier une petite attaque d’apoplexie, vous voyez bien qu’il n’en est rien, puisque je suis toujours dictateur 1. J’en ai été quitte pour me mettre dans mon lit pendant trois heures, et je me suis tiré d’affaire tout seul. Je ne sais pas encore si je me tirerai aussi heureusement du danger où m’a mis ce misérable Jeannin, contrôleur du bureau de Saconnex, entre Ferney et Genève 2. J’étais certainement tombé dans l’apoplexie la plus complète quand j’ai été assez imbécile pour penser que ce coquin ne me ferait point de mal, parce que je lui avais fait du bien, parce que je l’avais logé et nourri, et que je lui avais prêté de l’argent. J’avoue donc qu’à soixante-treize ans je ne connais pas encore les hommes, du moins les hommes de son espèce.

Votre protégée 3 me fait saigner le cœur ; c’est assurément une femme de mérite. Elle est actuellement en Suisse, au milieu des neiges ; elle n’en peut sortir, et certainement je ne la ferai pas revenir par la route de Genève, pour la faire passer devant les bureaux où elle est guettée. J’ai le plus grand soin d’elle dans la retraite où elle est. Elle ne manque de rien, et il ne ne lui en coûte rien. Tout ce qui est dangereux, encore une fois, c’est que ce scélérat de Jeannin a déclaré le véritable nom de cette personne. Heureusement cette déclaration n’est pas juridique ; mais elle peut le devenir. Il n’y a rien que je ne fasse pour faire chasser ce monstre, et je compte que vous ne perdrez pas un moment pour dresser vos batteries, et pour exiger de M. de La Reynière 4 qu’on le révoque sur-le-champ, sans lui donner jamais d’autre emploi. Il ira prendre, s’il veut, celui de garçon du bourreau . Il n’est guère propre qu’à cela. Si j’étais plus jeune, je le ferais mourir sous le bâton.

Mme Denis est toujours dans la ferme résolution de ne point payer le prix de son carrosse et de ses chevaux, et moi dans le dessein invariable d’aller mourir hors de France, si on fait cet affront à ma nièce : car si elle est condamnée à perdre ses chevaux et son carrosse, elle est visiblement condamnée comme complice de votre protégée et comme convaincue d’avoir envoyé en France des livres abominables ; elle serait détestée et déshonorée dans un pays de bêtes brutes où la superstition a établi son domicile. Il n’y aurait, en ce cas, d’autre parti à prendre qu’à brûler le château que j’ai bâti.

Voilà, mon divin ange, tout ce que l’état le plus douloureux du monde me permet de vous écrire sur cette abominable aventure. Je vais répondre actuellement dans une autre lettre à tout ce que vous me mandez sur Les Scythes. Ces deux lettres partiront pour Genève demain samedi, 3 janvier, avant que j’aie reçu celles que Mme Denis et moi nous attendons de vous sur cette cruelle affaire.

Monsieur l’ambassadeur a quitté, comme vous savez, Genève incognito ; il a passé deux jours chez moi. Je pourrais bien aller lui rendre sa visite, et ne revoir jamais Ferney. Le bon de l’affaire est que je lui ai prêté tous mes chevaux, et que je n’en ai pas même pour envoyer chercher un médecin ; tant mieux, je guérirai plus vite . Mort ou vif, mon très cher ange, je vous idolâtre toujours de tout mon cœur.

Votre protégée m’écrit qu’elle part dans le moment à cheval pour retourner à Paris. Vous voyez qu’elle a le courage de son frère ; mais ils ne sont pas heureux dans cette famille-là, ni moi non plus, ni les Genevois non plus ; les affaires empirent de quart d’heure en quart d’heure. Milord Abington, qui est haut comme un chou, a déjà tué un sentinelle 5, à ce qu’on vient de me dire ; mais on dit beaucoup de sottises, et je ne peux savoir encore la vérité, parce que les portes de Genève sont fermées. »

1 Car il dicte ses lettres .

3 Mme Lejeune.

4 Laurent Grimod de La Reynière , fermier-général:: https://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Grimod_de_La_Reyni%C3%A8re

5 Mot couramment employé au masculin . Pour l'affaire Abington, dont le détail nous échappe, voir lettre du 2 janvier 1767 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/04/04/j-ai-a-lui-parler-6374982.html

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05/04/2022 | Lien permanent

pourquoi n’a-t-il pas été aussi plaisant qu’il pouvait l’être ? Il avait beau jeu, mais il n’a pas joué assez adroitemen

... Ce petit bilan de l'activité macronienne sera retenu et mis au passif le 30 juin au soir, et confirmé probablement le 7 juillet 2024 qui restera de triste mémoire pour ceux qui aiment la vraie démocratie .

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Pour mémoire : https://basta.media/RN-FN-Marine-Le-Pen-extreme-droite-municipales-2020-

Henin-Beaumont-identitaires

et la remarquable rubrique de Sophia Aram : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

23 Décembre 1768.

Nos lettres s’étaient croisées, mon très cher philosophe. Je regretterai Damilaville toute la vie. J’aimais l’intrépidité de son âme ; j’espérais qu’à la fin il viendrait partager ma retraite. Je ne savais pas qu’il fût marié et cocu. J’apprends avec étonnement qu’il était séparé de sa femme depuis douze ans. Il ne lui aura pas assurément laissé un gros douaire.

 Povera e nuda vai, filosofia.1

Si vous pouviez me faire lire votre discours prononcé devant le roi danois, vous me feriez un grand plaisir  2; vous pourriez me le faire parvenir par Marin.

On dit qu’il y a un premier gentilhomme de la chambre non danoise 3 qui a tenu un étrange discours. Je ne veux pas le croire, pour l’honneur de votre pays.

Croiriez-vous bien que le traducteur de Tacite 4 m’a fait écrire par un homme très considérable 5, pour me reprocher de n’être pas encore enterré, et de trouver son style pincé et ridicule ? Le croquant veut être de l’Académie ; je vous le recommande.

Mais qu’est-ce qu’un Linguet 6 ? pourquoi a-t-il fait une si longue réponse aux docteurs modernes 7pourquoi n’a-t-il pas été aussi plaisant qu’il pouvait l’être ? Il avait beau jeu, mais il n’a pas joué assez adroitement sa partie ; il a de l’esprit pourtant, et a quelquefois la serre assez forte ; mais il n’entend pas comme il faut le secret de rendre les gens parfaitement ridicules : c’est un don de la nature qu’il faut soigneusement cultiver ; d’ailleurs rien n’est meilleur pour la santé. Si vous êtes encore enrhumé, servez-vous de cette recette, et vous vous en trouverez à merveille.

On dit que vous faites un grand diable d’ouvrage de géométrie8 ; cela ne nuira point à votre gaieté . Vous possédez tous les tons.

Que dites-vous de la collection des ouvrages de Leibnitz 9 ? ne trouvez-vous pas que cet homme était un charlatan, et le gascon de l’Allemagne ? Mais Descartes était bien un autre charlatan. Adieu, vous qui n’êtes point un charlatan ; je vous embrasse aussi tendrement qu’on peut embrasser un philosophe.

P.S. – Vous sentez bien que l’ABC n’est pas de moi et ne peut en être ; il serait même très cruel qu’il en fût ; il est traduit de l’anglais par un avocat nommé Echiniac 10. »

1 Pétrarque, Sonnets, VII : Tu vas pauvre et nue, philosophie.

2 Sur l’influence et l’utilité réciproques de la philosophie envers les princes, et des princes envers la philosophie. (Georges Avenel.)

3 Le duc de Duras, chargé d’être le cicerone du roi de Danemark, et qui le détourna de la fréquentation des philosophes. (G.A.)

4 La Bletterie. (G.A.)

5 Le duc de Choiseul qui a écrit le 16 novembre 1768 à V* la lettre suivante : « A Choisy ce 16 novembre [1768]

« L'abbé de La Bletterie n'a jamais dit que vous aviez oublié de vous faire enterrer ; je l'aime trop pour qu'il ait pensé à dire ce qui me serait très désagréable ; il ne vous a point eu en vue du tout dans les notes de son ouvrage, il me l'a juré, et, pour peu qu'on le connaisse, l'on est obligé de le croire . Il y a dans tout cela un malentendu et une tracasserie d'auteur qui est bien au-dessous de vous . Je suis toujours étonné de la chaleur que vous mettez aux moindres traits qui vous approchent, et que vous ne sentiez pas que cette chaleur , qui est un chagrin pour vous, est précisément le but de vos ennemis ; ils ne peuvent pas vous faire couper la langue, mais ils vous rendent malheureux . L'on débitait,chaque jour pendant la régence de la reine mère des vers contre elle ; elle se fâcha et fit punir ceux qui les affichaient, etc. Cependant l'acharnement en ce genre augmentait à mesure que l'on punissait et fut au point que, dans une petite place au bout du Pont-Neuf appelée la place des Trois-Maris, l'on afficha qu'elle était une putain de toutes les manières possibles ;comme l'on disait que c'était du cardinal Mazarin, elle le consulta sur les moyens de faire cesser cette licence ; il lui répondit sagement qu'elle ne cesserait que quand elle n'en serait point affectée ; la reine suivit son conseil, et l'on n'a pas depuis affiché de pièces scandaleuses contre elle .

Je vous envoie cette anecdote en reconnaissance du Siècle de Louis XIV, que je n'ai pas encore pu lire, mais que je lirai avec le bonheur et l'intérêt que je sens en lisant ce qui vient de vous. »

6 C’est le fameux avocat. (G.A.)

La formule est bien méprisante . V* a écrit au moins deux lettres flatteuses à Linguet les 14-15 mars 1767 et 6 avril 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/25/m-6397882.html

et : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/09/23/je-fais-beaucoup-plus-de-cas-de-mon-ame-que-de-mon-gosier-6402710.html

7 Simon-Nicolas-Henri Linguet , Réponse aux docteurs modernes, ou apologie pour l'auteur de la Théorie des lois et des lettres sur cette théorie, 1771 , mais ce n'est peut-être pas la première édition . Linguet a déjà publié en 1767 une Théorie des lois civiles, 1767 ( https://archive.org/details/thoriedesloixci03linggoog/pag... ).

Voir : https://books.google.fr/books?id=FBBMAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

8 Le volume IV des Opuscules mathématiques, paru en 1768 , et bientôt suivi du volume V.

9 Les Institutions leibnitziennes , par Dutens.: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k94280t.texteImage

10 V* forge ce nom à partir de celui d'un personnage réel, le chevalier Pierre de Chiniac de La Bastide du Claux qui vient de passer par Genève et s'occupe du commerce de livres prohibés ; voir lettres du 25 mars 1768 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/11/17/on-a-toujours-raison-quand-on-rit-6471523.html

et du 31 mai 1768 à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/01/20/je-ne-puis-ni-dire-un-mot-ni-faire-un-pas-qui-ne-soit-public-6481220.html

Dans les lettres de septembre et décembre 1768 adressées à Laurent, libraire, rue Saint-Séverin à Paris, il lui demande de lui adresser l'Aretin pour V* et lui offre de lui faire parvenir une longue liste de livres, dont un bon nombre sont des œuvres de V*.

 

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29/06/2024 | Lien permanent

Il est dans un état fort triste, et ne peut guère actuellement parler ni de vers ni de saucissons

... "... RIP Jean d'Ormesson !" dit son charcutier préféré .

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« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

Senatore di Bologna

à Bologna

5è mai [1763] aux Délices 1

Le pauvre vieux malade a reçu, monsieur, des bouteilles de vin dont il vous remercie, et dont il boira, s’il peut jamais boire ; il y a aussi des saucissons dont il mangera, s’il peut manger . Il est dans un état fort triste, et ne peut guère actuellement parler ni de vers ni de saucissons. Vraiment, monsieur, vous me faites bien de l’honneur de vous regarder comme mon fils ; il est vrai que je me sens pour vous la tendresse d’un père, et que de plus j’ai l’âge requis pour l’être.

N’attribuez, monsieur, qu’à ma vieillesse si je ne me souviens pas du père Pacciaudi ou Paciardi , je n’ai pas la mémoire bien fraîche et bien sûre. Il se peut faire que j’aie eu l’honneur de voir ce théatin ; mais je prie son ordre de me pardonner, si je ne m’en souviens pas . Rien ne peut égaler l’honneur que vous et vos amis m’avez daigné faire en traduisant quelques-uns de mes faibles ouvrages, et rien ne peut diminuer à mes yeux le mérite des traducteurs, ni affaiblir ma reconnaissance.

Comme l’état où je suis ne me permet d’écrire, que très rarement, et encore par une main étrangère, je n’entretiens pas un commerce fort suivi avec notre cher Goldoni ; mais j’aime toujours passionnément ses écrits et sa personne. J’imagine qu’il restera longtemps à Paris, où son mérite doit lui procurer chaque jour de nouveaux amis et de nouveaux agréments : mais, quand il retournera dans la belle Italie, je le supplierai de passer par notre ermitage ; nous aurons le plaisir de nous entretenir de vous , il vous portera, monsieur, mon respect extrême pour votre personne, et mes regrets de mourir sans avoir eu la consolation de vous voir.

Votre très humble et très obéissant serviteur

V. »

1 Date complétée par Albergati ; mention « f[ran]co Milano » . Dans la lettre du 15 avril 1763 laquelle répond V* répond V* , figure cette phrase en français : « […] le sort de vos ouvrages est d'être souvent traduits et toujours faiblement ».

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28/04/2018 | Lien permanent

ceux qui vont aux spectacles avec l'argent qu'ils ont tiré du quart de leur vaisselle d'argent vendue ne sont pas de bon

... Ce qui ne les empêche pas d'y aller et d'en redemander, les trois-quarts qui leur restent sont amplement suffisants à apporter le superflu ; l'ISF ne fait que les égratigner . 

 David Guetta n'a aucun souci à se faire , show go on !

 Show_Must_Go_On.jpg

 

«  Voltaire et Marie-Louise Denis

à Bernard-Louis , marquis de CHAUVELIN, ambassadeur à TURIN.

et Agnès-Thérèse Chauvelin
Aux Délices, 22 novembre [1759]

 


Vous, faits pour vivre heureux, et si dignes de l'être,
Qui l'êtes l'un par l'autre, et dont les agréments
Ont prêté pendant quelque temps
Un peu de leur douceur à mon séjour champêtre ;
Quoi! vous daignez dans vos palais
Vous souvenir de nos ombrages !
Vous donnez un coup d'œil à ces autels sauvages
Que nous dressions pour vous, où vos yeux satisfaits
Daignaient accepter nos hommages!
Vous parlez de beaux jours : ah! vous les avez faits !
Vous vantez les plaisirs de nos heureux bocages :
C'est courir après vos bienfaits.

 
Vos deux Excellences nous ont enchantés chacun à sa façon. Vous en faites autant à Turin. Vous y avez essuyé plus de cérémonies que chez Philémon et Baucis; mais, si jamais vous daignez repasser par chez nous, vous n'essuierez que des tragédies nouvelles. Nous aurons un théâtre plus honnête, et nos acteurs seront plus formés. Il faudrait alors jouer un tour à M. et à Mme d'Argental, les faire mander à Parme, et leur donner rendez-vous aux Délices.
Il parait que vous avez écrit à M. le duc de Choiseul avec quelque indulgence sur notre compte ; que vous avez fait valoir notre lac, nos truites et notre vie tranquille, car il prétend qu'il est très-fâché de n'avoir pas pris sa route par notre ermitage, en revenant d'Italie 1. Grâces vous soient rendues de tous vos propos obligeants.
M. d'Argental crie toujours après la Chevalerie, et moi, qui suis devenu temporiseur, avec toute ma vivacité, je réponds qu'il faut attendre, que tout ouvrage gagne à rester sur le métier, que le temps présent n'est pas trop celui des plaisirs, et que ceux qui vont aux spectacles avec l'argent qu'ils ont tiré du quart de leur vaisselle d'argent vendue ne sont pas de bonne humeur ; en un mot, ce n'est pas le temps de la chevalerie.
Vous croyez bien que je n'ai pas encore reçu des nouvelles de Luc; il a été malade, il a beaucoup d'affaires. S'il m'écrit, j'aurai l'honneur de vous en rendre compte plus que de cet abbé d'Espagnac, qui ne finit point, et que j'abandonne à son sens réprouvé de vieux conseiller-clerc. Au reste, en outrageant ainsi les conseillers-clercs, j'excepte toujours monsieur votre frère 2.
Je me mets aux pieds de Vos très-aimables Excellences. Baucis arrache la plume des mains de Philémon pour vous dire que Vos Excellences ont emporté nos cœurs en nous privant de leur présence, et qu'il ne nous reste que des regrets.

P. S. De madame DENIS.
Mais que peut dire Baucis après Philémon? Elle se contente de sentir tout ce qu'il exprime; elle se plaît dans l'idée de vous savoir adorés à Turin, où vous représentez si bien une nation faite autrefois pour servir de modèle aux autres. Malgré tous nos malheurs, on en prendra toujours une grande idée en vous voyant l'un et l'autre. Je vous en remercie pour ma patrie. Aménaïde et Mérope vous demandent vos bontés, et les méritent par le plus tendre et le plus respectueux attachement. »

 

1 En février 1757, quand il est rentré en France après avoir quitté l'ambassade de Rome et avant de rejoindre celle de Vienne, Choiseul disait dans sa lettre du 12 novembre 1759 : « Divertissez mon ambassadeur chéri ; je l'envie beaucoup et me reprocherai toujours de n'avoir pas passé aux Délices en revenant de Rome . C'est là vraiment où l'on peut être heureux et, lorsque messieurs les souverains se seront assez amusés à dépeuipler la terre, je vous demande de m'y conserver un appartement [...] »

 

2 Henri-Philippe Chauvelin, conseiller au parlement de Paris ; voir aussi lettre du 24 octobre 1759 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/24/on-paye-cher-les-malheurs-de-nos-generaux.html

; famille Chauvelin, voir pages 687 et suiv. : http://books.google.fr/books?id=7-vFKDLGHh8C&pg=PA689...

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Philippe_de_Chauvelin

 

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29/11/2014 | Lien permanent

Le trou du cul est quelque chose !

Je ne résiste pas  au plaisir de vous faire connaître cette lettre, vous trouverez sans doute de vous-même le passage qui m’a motivé.

 

« A Jean Le Rond d’Alembert

 

                Si j’ai lu la belle jurisprudence de l’Inquisition ! [envoyé par d’Alembert : Manuel des inquisiteurs à l’usage des inquisitions d’Espagne et du Portugal, ou Abrégé de l’ouvrage intitulé : Directorium inquisitorum…1762]! Eh ! oui, mordieu, je l’ai lue ; et elle a fait sur moi la même impression que fit le corps sanglant de César sur les Romains. Les hommes ne méritent pas de vivre puisqu’il y a encore du bois et du feu et qu’on ne s’en sert pas pour brûler ces monstres dans leurs infâmes repaires. Mon cher frère, embrassez en mon nom le digne frère qui a fait cet excellent ouvrage [l’abbé Morellet]. Puisse-t-il être traduit en portugais et en castillan !

 

                Plus nous sommes attachés à la sainte religion de notre sauveur Jésus-Christ, plus nous devons abhorrer l’abominable usage qu’on fait tous les jours de sa divine loi.

 

                Il est bien à souhaiter que vos frères et vous donniez tous les mois quelque ouvrage édifiant qui achève d’établir le royaume de Christ, et de détruire les abus. Le trou du cul est quelque chose [l’abbé Morellet pour l’article « Figures » de l’Encyclopédie dit que St Ambroise ou St Augustin a comparé «les dimensions de l’Arche à celles du corps de l’homme, et la petite porte de l’Arche au trou du derrière »]. Je voudrais qu’on mît en sentinelle un jésuite à cette porte de l’arche.

 

                On a imprimé en Hollande le Testament de Jean Meslier [Extraits des sentiments de Jean Meslier, adressés à ses paroissiens sur une partie des abus et des erreurs en général et en particulier , ed. Genève 1762]. Ce n’est qu’un très petit extrait du testament de ce curé [Voltaire demandait dès 1735 à Thiriot de lui fournir le manuscrit original ]. J’ai frémi d’horreur à la lecture [ «  Cet homme discute et prouve . Il parle au moment de la mort, au moment où les menteurs disent vrai… Jean Meslier doit convertir la terre . »V* 12 juillet 1762 ]. Le témoignage d’un curé qui en mourant demande pardon à Dieu d’avoir enseigné le christianisme peut mettre un grand poids dans la balance des libertins .Je vous enverrai un exemplaire de ce testament de l’antéchrist puisque vous voulez le réfuter. Vous n’avez qu’à me demander par quelle voie vous voudrez qu’il vous parvienne. Il est écrit avec une simplicité grossière qui par malheur ressemble à la candeur.

 

                Vraiment il s’agit bien de Zulime, et du Droit du seigneur ou de l’Écueil du sage, que le philosophe Crébillon [ censeur ] a mutilé et estropié en croyant qu’il égorgeait un de mes enfants ! Jurez bien que cette petite bagatelle est d’un académicien de Dijon [ ce qui au fond est vrai, car V* est aussi académicien de Dijon ]; soyez sûr que vous direz la vérité. Mais ces misères ne doivent pas vous occuper. Il faut venir au secours de la sainte vérité qu’on attaque de toutes parts. Engagez vos frères à prêter continuellement leur plume et leur voix à la défense du dépôt sacré.

 

                Vous m’avez envoyé un beau livre de musique à moi qui sait à peine solfier [ Elements de musique théorique et pratique sur les principes de M. Rameau éclaircis, développés et simplifiés ]. Je l’ai vite mis ès mains de notre nièce virtuose. Je suis le coq qui trouva une perle dans son fumier et qui la porta au lapidaire. Mlle Corneille a une jolie voix, mais elle ne peut comprendre ce que c’est qu’un dièse.

 

                Pour son oncle [Pierre Corneille, sur lequel V* écrit un livre critique ], le rabâcheur et le déclamateur, le cardinal de Bernis dit que je suis trop bon, et que je l’épargne trop.

 

                J’ai fait très sérieusement une très grande perte dans l’impératrice de toutes les Russies [Elisabeth, le 29 décembre 1762 ]. On a assassiné Luc, et on l’a manqué [fin 1761 : tentative d’enlèvement à Strhlen]. On prétend qu’on sera plus adroit une autre fois. C’est un maître fou que ce Luc .Un dangereux fou .Il fera une mauvaise fin, je vous l’ai toujours dit. Interim vale ; te saluto in christo salvatore nostro.

 

                Voltaire

                10 février 1762. »

 

 

 

 

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PS : comme je le craignais, - il est 12h45 -, TNT ne m'a pas fait sauter de joie . Je pense qu'ils ont mis une mèche lente...

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13/02/2009 | Lien permanent

Les universités, jointes au parlement, vont établir un terrible pédantisme. Je n’aime pas les mœurs pédantes.

... http://www.lemonde.fr/education/article/2015/05/16/vraies...

 

Vision prédictive, garantie à 100% , pour un nombre de volontaires compris entre neuf et onze .

 

Pour la dizaine de déçus à venir, déculottés, point de regrets n'aurait, et plus certainement oubliés seront que Chuck Berry, qui ne prêche pas contre tout , mais donne la pêche .

 Petit encouragement [sic] : https://www.youtube.com/watch?v=6ROwVrF0Ceg

Mais le jour des élections , j'aurai : No particular place to go ! https://www.youtube.com/watch?v=cpitvLeNjuE

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

17 avril [1762]

Mes divins anges, je ne voulais vous écrire qu’après que Lekain aurait vu Statira ; mais je commence toujours par vous remercier de la bonté que vous avez eue pour mon capitaine d’artillerie 1 qui voudrait bien pointer quelques canons contre Pierre III, qui n’est pas Pierre-le-Grand.

Il est vrai que M. le comte de Saxe ne fit que monter dans le vaisseau à Dunkerque, et que, grâce au ciel, nous ne mîmes point en mer . Mais je ne prends aucun intérêt à cette misérable histoire 2, dont on a imprimé des fragments très incorrects, qu’on m’a volés 3.

A l’égard de Conculix 4, c’est autre chose. Il faut que j’aie été abandonné de Dieu pour laisser cet animal-là en si bonne compagnie.

Nous avons déjà joué Tancrède. Lekain m’a paru admirable . Je lui ai même trouvé une belle figure. J’étais le bon homme Argire . Je ne m’en suis pas mal tiré . Mais ni lui ni moi ne jouons dans Olympie ; nous serons tous deux spectateurs bénévoles. Je devais naturellement jouer le grand-prêtre . Ce sont mes triomphes, vu le goût que j’ai pour l’Église . Mais je suis honoré du même catarrhe qui a osé souffler sur mes anges . J’ai la fièvre. Je continuerai ma lettre quand on aura joué Olympie ou Cassandre, et je vous en rendrai compte, en oubliant la petite part que je peux y avoir.

 

18 Avril 1762

Mes anges sauront qu’hier Lekain nous joua Zamore 5 . Il était encore plus beau que je n’avais cru. Il joua le second acte de manière à me faire rougir d’avoir loué autrefois Baron et Dufresne. Je ne croyais pas qu’on pût pousser aussi loin l’art tragique. Il est vrai qu’il ne fut pas si brillant dans les autres actes. Il a quelquefois des silences trop longs . Il en faut comme en musique, mais il ne faut pas les prodiguer : ils gâtent tout quand ils n’embellissent pas. Il fut bien mal secondé, ma nièce ne jouait point. Cramer, qui avait joué Cassandre supérieurement, joua Alvarès précisément comme le bon homme Cassandre. Mais enfin nous voulions voir Lekain, et nous l’avons vu.

En attendant qu’on répète Cassandre ou Olympie, il faut que je vous dise un mot de la Jamaïque, qu’un de nos acteurs, armateur de son métier, prétend que vous avez prise à la suite des Espagnols 6, car vous êtes à présent à la suite sur mer et sur terre. Votre rôle n’est pas beau. Puisse mon armateur comique avoir raison ! Mais pourquoi dit-on que madame de Pompadour est borgne, et M. d’Argenson aveugle ? est-il vrai qu’en effet l’un ait perdu un œil, l’autre deux ? Vous voyez toutes les mauvaises plaisanteries que font sur cette aventure ceux qui ne savent pas que les railleries sur les malheureux sont odieuses. Il faut que cette nouvelle ait un fondement. Il y a longtemps qu’on m’a mandé que l’un et l’autre avaient une violente fluxion sur les yeux.

Parlons un peu de mon roué. Il s’en faut bien qu’on ait découvert l’auteur de l’assassinat attribué au père . Il s’en faut bien qu’on songe à réhabiliter la mémoire du supplicié. Tout le Languedoc est divisé en deux factions : l’une soutient que Calas père avait pendu lui-même un de ses fils, parce que ce fils devait abjurer le calvinisme ; l’autre crie que l’esprit de parti, et surtout celui des pénitents blancs, a fait expirer un homme innocent et vertueux sur la roue.

Je crois vous avoir dit que Calas père était âgé de soixante et neuf ans 7, et que le fils qu’on prétend qu’il a pendu, nommé Marc-Antoine, garçon de vingt-huit ans, était haut de cinq pieds cinq pouces, le plus robuste et le plus adroit de la province . J’ajoute que le père avait les jambes très affaiblies depuis deux ans, ce que je sais d’un de ses enfants. Il était possible à toute force que le fils pendît le père ; mais il n’était nullement possible que le père pendît le fils. Il faut qu’il ait été aidé par sa femme, par un de ses autres fils 8, par un jeune homme de dix-neuf ans qui soupait avec eux : encore auraient-ils eu bien de la peine à en venir à bout. Un jeune homme vigoureux ne se laisse pas pendre ainsi. Vous savez sans doute que la plupart des juges voulaient rouer toute la famille, supposant toujours que Marc-Antoine Calas n’avait été étranglé et pendu de leurs mains que pour prévenir l’abjuration du calvinisme qu’il devait faire le lendemain . Or j’ai des preuves certaines que ce malheureux n’avait nulle envie de se faire catholique. Enfin les juges prévenus ayant ordonné l’enterrement de Marc-Antoine dans une église, les pénitents blancs lui ayant fait un service solennel, et l’ayant invoqué comme un martyr, n’ont point voulu se détacher de leur opinion. Ils ont condamné d’abord le père seul à mourir sur la roue, se flattant qu’en mourant il accusera sa famille. Le condamné est mort en appelant à Dieu, et les juges ont été confondus. Voilà en deux pages la substance de quatre factums. Ajoutez à cette aventure abominable la persuasion où ces juges (au moins quelques-uns) sont encore que l’on avait résolu, dans une assemblée de réformés de faire étrangler sans miséricorde celui de leurs frères qui voudrait abjurer, et que ce jeune homme de dix-neuf ans, nommé Lavaysse, qui avait soupé avec les accusés, était le bourreau nommé par les protestants. Vous remarquerez que ce Lavaysse était le fils d’un avocat soupçonné, il est vrai, d’être calviniste, mais de mœurs douces et irréprochables.

Lorsque nous avons joué Tancrède, il y a eu un terrible battement de mains, accompagné de cris et de hurlements, à ces vers :

O juges malheureux, qui dans vos faibles mains, etc.

mais voilà toute la réparation qu’on a faite à la mémoire du plus malheureux des pères. Je ne connais point, après la Saint-Barthélemy, et les autres excès du fanatisme commis par tout un peuple, une aventure particulière plus effrayante.

Voilà bien écrire pour un homme qui a la fièvre. Je continuerai après Cassandre.



20 Avril 1762.

Je n’ai rien écrit hier dix-neuf, parce que j’avais une fièvre violente. Nous sommes accablés de contre-temps dans notre tripot. Un oncle d’un acteur 9 s’est avisé de mourir ; nous voilà tout dérangés. Notre spectacle se démanche comme le vôtre : vous perdez Grandval 10; on dit que mademoiselle Dumesnil va se retirer 11 ; il faut que tout finisse. Le théâtre de France avait de la réputation dans l’Europe, et c’était presque le seul de nos beaux-arts qui fût estimé ; il va tomber. On dit que M. le maréchal de Richelieu 12 n’aura pas eu peu de part à cette révolution.

Je suis fâché que les autres comédiens, nommés jésuites, tombent aussi. C’est une grande perte pour mes menus plaisirs. Les universités, jointes au parlement, vont établir un terrible pédantisme. Je n’aime pas les mœurs pédantes.

Nous devions jouer aujourd’hui Cassandre-Olympie et le Français à Londres 13. Figurez-vous que milord Craff était joué par un Anglais qui s’appelle Craff 14; mais, comme je vous l’ai dit, un maudit oncle nous dérange. Tout ce que nous pourrons faire, ce sera de répéter devant Lekain en habits pontificaux, afin qu’il juge. En attendant qu’on joue, il faut que je vous dise que je sais un gré infini à Collé d’avoir mis Henri IV sur le théâtre 15. Son nom seul attirera tout Paris pendant six mois, et l’Opéra-Comique trouvera à qui parler.

Voici la nuit ; on va jouer Cassandre et le Français à Londres, malgré tous les contre-temps : je vais juger.

Parlons d’abord de milord Husai 16. Il est si plaisant de voir un Anglais du même nom jouer ce rôle, que j’en ris encore, quoique je sois bien malade. Pour Cassandre, le porteur vous pourra dire si cela fait un beau spectacle, s’il y a de l’intérêt, si la fin est terrible, et si tout n’est pas hors du train ordinaire, depuis le commencement jusqu’à la fin. Je voulais lui donner la pièce pour vous l’apporter ; mais j’ai senti à la représentation qu’il y avait plus d’une nuance à donner encore au tableau. Tout ce que je vous peux dire, c’est qu’il ne faut pas qu’il y ait dans cet ouvrage un seul trait qui ressemble aux tragédies auxquelles on est accoutumé. C’est assurément un spectacle d’un genre nouveau, aussi difficile peut-être à bien représenter qu’à bien traiter.

Je vous l’enverrai, mes divins anges, avant qu’il soit un mois. Laissez-moi me guérir ; la tête me fend et me tourne.

Finie, à deux heures après minuit. »



 

1 La Houlière .

2 Histoire de la guerre de 1741 (Georges Avenel ) .

3 Voir lettre du 28 février 1754 à La Gazette d'Utrecht dans laquelle il rejette la paternité de l’Histoire universelle : « … c'est uniquement la vérité qui m'oblige de déclarer , que loin d'avoir la plus légère part à l'édition fautive et répréhensible de l'abrégé d'une prétendue Histoire universelle, imprimée sous mon nom à La Haye chez Jean Néaulme, et à Paris chez Duchène, je l'ai réprouvée et condamnée hautement ; que mon véritable manuscrit, conforme à celui du roi de Prusse , [...] , est entièrement différent du livre imprimé par Néaulme sans ma participation [...] »

4 Ce nom de personnage de La Pucelle fut changé en Hermaphrodix ; Conculix avait été utilisé comme nom d'éditeur dans une édition pirate .

5 Personnage d'Alzire .

6 Les derniers soldats espagnols avaient été chassés de la Jamaïque en 1658 ; l'île resta ensuite anglaise jusqu'à la « décolonisation » par laquelle fut créée sous de fâcheux auspices la fédération des Indes occidentales ou Caraïbes .

7 Jean Calas était né en 1698, donc avait 64 ans .

8 V* a d'abord écrit un autre, remplacé par un de ses autres .

9 Cet oncle est Édouard- Michel Cramer, mort le 19 avril 1762 .

10 Grandval s'était effectivement retiré, mais il fit une rentrée au théâtre en 1764, avant de se retirer définitivement en 1768 .

11 Mlle Dumesnil ne se retira pas avant 1776 .

12 C'est lui qui avait organisé la fusion des troupes de l'Opéra-comique et du Théâtre italien pour en faire une troupe officielle ; voir lettre du 16 février 1762 aux d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/02/07/1-5908314.html

13 Comédie de Boissy .

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