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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

C'est à vous à voir si mon compte est juste

... La question se pose à l'Europe en pensant à accueillir l'Ukraine comme membre, et dans un premier temps apporter une aide financière conséquente ( 50 milliards d'Euros : mazette ! ): https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/sommet-de-l-ue/a...

A suivre ....

 

 

« A Christoph Heinrich von Ammon 1

15è avril 1768 2

Je suis plus étonné, monsieur,du souvenir dont vous m'honorez, que de vous voir entreprendre un ouvrage utile 3. La vieillesse de mon corps et de mon esprit ne me permet pas de vous être du moindre secours ; mais elle ne n’empêche pas de sentir vivement tous les droits que vous avez à mon estime . Des généalogies raisonnées, sobrement enrichies de faits intéressants, et ornées des caractères des principaux personnages peuvent fournir sans doute un ouvrage nécessaire à tous les hommes d’État et agréable pour tous les lecteurs .

J'avoue que le nombre des aïeux que vous faites monter dans seize générations à cent trente-un mille soixante et onze personnes passe mes connaissances . Je ne conçois pas comment on peut avoir des générations en nombre impair à moins que quelque grand-mère ne se soit avisée d'accoucher sans qu'aucun homme s'en mêlât, ce qui n’est arrivé, ce me semble, qu'à la Vierge Marie dans l’Écriture et à Junon dans la fable .

Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que tout homme, soit charbonnier, soit empereur, doit compter dans seize quartiers de père et de mère 109 616 personnes, tant mâles que femelles . C'est à vous à voir si mon compte est juste . Je vous souhaite autant de pistoles que vous trouverez d’aïeux .

J'ignore pourquoi vous dites que le maréchal de Belle-Isle fut le premier homme titré qui acceptât la place de secrétaire d’État . Avant lui sous sous Louis XIV, pendant la Régence, le maréchal de La Meilleraye, le duc de La Vieuville avaient gouverné les finances . Le maréchal d'Ancre, le comte de Schomberg, le connétable de Luynes avaient signé comme secrétaires d’État . Le cardinal de Richelieu fut secrétaire d’État étant évêque de Luçon . Le marquis d'O, le comte de Sancy, le duc de Sully avaient des patentes de secrétaires d’État et gouvernèrent les finances sous Henri IV ; et il fallait être reçu secrétaire du roi pour signer en son nom .

Vous me paraissez, monsieur, un très bon chrétien, de ne compter que cent soixante-quatorze générations parmi les hommes . Les peuples de l'Orient ne s’accommoderaient pas de ce calcul, et la Bible qu'on appelle des septante pourrait bien contredire un peu la Bible dite la Vulgate . Vous et moi les respections toutes deux également sans prétendre à l'honneur de les concilier .

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre . »

2 Minute avec des corrections autographes ; copie par Wagnière ; édition Supplément eu Recueil, II, 98-99.

3 C. H. von Ammon : Généalogie ascendante jusqu'au 4è degré inclusivement de tous les rois et princes de maisons souveraines de l'Europe actuellement vivants, réduite en CXIV tables de XVI quartiers, 1768 .Voir : https://books.google.fr/books?id=AINPAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

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14/12/2023 | Lien permanent

à Lausanne, il y a six semaines, en bonnet de nuit et en robe de chambre.





« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

Aux Délices 24 mai [1758]

Mon divin ange, je vous envoie de la prose. Vous aimeriez mieux une tragédie. Je le sais bien, et j’aimerais mieux travailler pour vous que pour l’Encyclopédie. Mais entre nous il est plus aisé de faire le métier de Diderot que celui de Racine. Je vous demande en grâce de lire cet article Histoire. [Nouvelle version de l’article] Il me semble qu’il y a quelque chose d’assez neuf et d’assez utile. Mais si vous n’en jugez pas ainsi, j’en jugerai comme vous. J’ai plus de foi à votre goût que je n’ai d’amour propre.

Je n’en ai point sur mon portrait, [demandé par l’Académie française (cf. lettre du 17 décembre 1757) ; V* voulait donner une copie du Quentin de La Tour. Il disait, le 8 mai, de ce nouveau portrait - exécuté par Liotard- : « Cette platitude est mon portrait. Un gros et gras Suisse, barbouilleur en pastel, qu’on m’avait vanté comme un Raphaël, me vint peindre à Lausanne, il y a six semaines, en bonnet de nuit et en robe de chambre. »] c’est l’amour-propre dont je parle. Vous dites que le portrait ne me ressemble pas. Vous êtes la belle Javotte [une parodie de Mérope, Javotte de Valois d’Orville a été jouée au Théâtre de la Foire] et moi le beau Cléon. Vous croyez qu’après huit ans la charpente de mon visage n’a point changé. [En fait quatre ans ; ils se sont vus à Plombières] Je vous jure en toute humilité que le portrait ressemble. Je le trouve encore bien honnête à mon âge de soixante et quatre ans et si vous vouliez vous entendre avec mon patron d’Olivet pour en faire tirer une copie et la nicher dans l’Académie au dessous de la grosse et rubiconde face de M. l’abbé de Bernis vous empêcheriez nos amis les dévots de dire qu’on n’a pas osé mettre la mine d’un profane comme moi au -dessous de celle du plus gras des abbés. Laleu paierait ce qu’il faudrait, [notaire à Paris] peintre et bordure. J’aurais plus de raisons, mon cher et respectable ami, de vous demander votre effigie, que vous de demander la mienne. Mais j’espère vous voir en personne. Je ne peux pas concevoir que Mme de Grolée ne vous prie pas à mains jointes de venir la voir. Et alors je serai un homme heureux.[V* encourage d’Argental à venir voir sa tante, Mme de grolée, sœur du cardinal de Tencin, pour « mitonner » l’héritage du riche cardinal, son oncle ; cf. lettre du 21 avril] J’aurais bien des choses à vous dire à présent ; et surtout sur le ridicule dont je suis affublé de ne pouvoir venir qu’après la paix.[en marge V* a écrit « secreto » valable pour la suite de sa lettre. Il avait été jugé indésirable à cause de sa correspondance avec Frédéric pour essayer de négocier une paix séparée qui déplaisait à l’alliée autrichienne ; cf. lettres du 2 décembre 1757, 10 décembre, 17 et 24 décembre] Cette aventure est d’un très bon comique.

Il est vrai, mon cher ange, que dans les horreurs et les vicissitudes de cette guerre il y a eu des scènes bouffonnes comme dans les tragédies de Shakespeare. Premièrement le roi de Prusse, qui a un petit grain dans la tête, fait un opéra en vers français de ma tragédie de Mérope en faisant son traité avec l’Angleterre, et m’envoie ce beau chef d’œuvre. Ensuite quand il est battu, et que les Hanovriens sont chassés d’Hanovre, [pour la situation de Frédéric avant Rossbach, cf. lettres du 19 juillet 1757 à Richelieu et 2 septembre à François Tronchin.] il veut se tuer, il fait son paquet, il prend congé en vers et en prose. Moi qui suis bon dans le fond, je lui mande qu’il faut vivre, [lettre du 15 octobre 1757 à Frédéric] je le conseille comme Cinéas conseillait Pyrrhus. [Cinéas conseille à Pyrrhus de mettre fin à ses conquêtes et de profiter de la vie] J’aurais voulu même qu’il se fût adressé à M. le maréchal de Richelieu pour finir tout en cédant quelque chose. Arrive alors l’inconcevable affaire de Rosback, et voilà mon homme qui voulait se tuer tue en un mois Français, Autrichiens, et est le maître des affaires. Cette situation peut changer demain, mais elle est très affermie aujourd’hui. Or maintenant je suppose que les Autrichiens ont intercepté mes lettres, y a-t-il là de quoi leur donner la moindre inquiétude ? n’est-ce pas le lion qui craint une souris ? qu’ai-je affaire à tout cela, s’il vous plait ? Tout le monde, je crois, souhaite la paix. Si on empêche de venir dans votre ville tous ceux qui désirent la fin de tant de maux, il ne viendra chez vous personne.

J’avoue que je voudrais que M. de Staremberg fût bien persuadé que personne n’a plus applaudi que moi au traité de Versailles [traités d‘alliance entre la France et l‘Autriche signés le 1er mai 1756 et le 1er mai 1757 avec Staremberg, représentant l‘Autriche à Paris]. En qualité de spectateur de la pièce, j’ai battu des mains dans un coin du parterre.

C’est une chose bien rare que le roi de Prusse m’ayant fait tant de mal, les Autrichiens m’en fassent encore. Patience, Dieu est juste. Mais en attendant que je sois récompensé dans l’autre monde, votre ami M. le chevalier de Chauvelin l’ambassadeur ne pourrait-il pas à votre instigation dire un petit mot de moi à cet ambassadeur impérial et royal ? [Bernard-Louis (alias François-Claude) de Chauvelin, ambassadeur à Turin, accepta] Ne pourrait-il pas lui glisser qu’il y a un barbouilleur de papier qui a trouvé son traité admirable, et qui désire d’en écrire un  jour les suites heureuses ? Ce serait là une belle négociation. M. de Chauvelin verrait ce que M. de Staremberg pense.

Pour moi je pense que ce monde est fou, et que vous êtes le plus aimable des hommes.

Si vous trouvez l’article Histoire passable, voulez-vous bien en parler à Diderot, secundo magnam prudentiam tuam, [selon ta grande prudence] car il serait dur de perdre ses peines. » [Voir lettre du 19 mai ; « Avez-vous vu Diderot ? Veut-il accepter les articles qu’on m’avait confiés ? »]

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25/05/2010 | Lien permanent

Ils se sont dit : Vivons heureux

What's new Pussy Cat ?

http://www.youtube.com/watch?v=VBdSqk78nHw

 

 

DSC05352 rognée 27_8_09.jpg
Un insecte -  bijou pour une fleur bleue .

Et maintenant quoi de neuf au château de Volti ? Son nouvel administrateur nommé le 24 août 2009, M. François-Xavier Verger, en charge de Cluny et Ferney à la fois (par mesure d'économie, un administrateur pour deux ou trois monuments nationaux est la règle maintenant pour le CMN; reste à en juger la pertinence ).

 L'hypothèse :Volti, se retourner dans sa tombe ? Non, le connaissant, il doit plutôt se marrer !

Jésus, ton tombeau est plus vide que celui du patriarche à Ferney, tu me pardonneras de trouver que celui-ci fut un de tes meilleurs ouvriers . Il avait compris le message; l'appliquait et n'avait plus besoin de messager .

Messager - mensonger (comme traduction - trahison), j'ai parfois de singulières associations d'idées... Il faut que je sorte, la cocotte commence à siffler !...

 

 

 

cocotte.gif

 

 

 

 

 

 

«  A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul,

et à Etienne –François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul

 

 

                            Madame, après avoir embelli votre royaume de Chanteloup par vos bienfaits, vous venez encore, M. le duc de Choiseul et vous, d’étendre vos grâces sur notre hameau de Ferney.

 

 

                            Peut-être apprendrez-vous tous deux avec quelque satisfaction que nos émigrants ont donné pour la saint Louis une petite fête qui a consisté en un très bon souper de cent couverts, avec illumination, feux d’artifice, et des Vive le roi sans fin. Peut-être même monsieur le duc ne sera pas fâché d’apprendre au roi qu’il est aimé et célébré par se nouveaux sujets comme par les anciens.

 

 

Vos noms, Madame, n’ont été oubliés ni en buvant ni dans le feu d’artifice.

 

Nous étions tous fort attendris

Voyant du fond de nos tanières

Des Choiseul les beaux noms écrits

En caractères de lumières

Sur nos vieux chênes rabougris

Et parmi nos sèches bruyères.

 

                            C’était un plaisir de voir nos huguenots et nos papistes être tous de la même religion en montrant à leurs bienfaiteurs la même reconnaissance.

 

Rien n’est plus selon mon humeur

Que de voir de bons hérétiques

Boire et chanter de si grand cœur

Avec nos pauvres catholiques.

Dans cet asile du bonheur

Le prêche est ami de la messe ;

Ils se sont dit : Vivons heureux

Et tolérons avec sagesse

Ceux qui se moquent de nous deux.

 

Que j’aime à voir notre vicaire

Appliquer assez pesamment

Un baiser près du sanctuaire

A la femme du prédicant.

 

                            On voit bien après cela, Monseigneur, qu’il n’y a pas moyen de refuser un édit de tolérance.

 

 

                            Nos colons, vos protégés, se mettent à vos pieds et nous supplions tous notre bienfaiteur et notre bienfaitrice d’agréer nos profonds respects et notre reconnaissance.

 

 

                            Le vieil ermite, de Ferney, secrétaire

                            Ferney 27è auguste 1770. »

 

feux d artifice.jpg

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No body rais'd his voice higher than mine in favour of the rights of human-kind . Yet I have not exceeded even on that v

...

 

« A George Lyttelton, premier baron Lyttelton 1

I have read the ingenious Dialogues of the dead 2. I find page 134 that I am an exile 3, and guilty of some excesses in writing . I am oblig'd , (and perhaps for the honour of my country) to say I am not an exile, because I have not committed the excesses the author of the dialogues imputes to me .

No body rais'd his voice higher than mine in favour of the rights of human-kind . Yet I have not exceeded even on that virtue .

I am not settled in Switzerland, as he believes. I live in my own lands in France . Retreat is becoming to old age and more becoming in ones own possessions . If I enjjoy a little country-house near Geneva, my mannors and my castles are in Burgundy and if my King has been pleased to confirm the privileges of my lands which are free from all tributes, I am the more addicted to my King .

If I was an exile, I had no obtain'd from my court many a passeport for english noblemen . The service I renderd to them intitles me to the justice I expect from the noble author .

As to religion, I think, and I hope , he thinks with me, that God is, neither a presbiterian, nor a lutherian, nor of the low church, nor of the high church ; but god is the father of all mankind, the father of the noble author and mine .

I am with respect

his most humble serv

Voltaire

gentleman of the King's chamber .

At my castle of Ferney in Burgundy .[vers septembre 1760] 4»

1 Traduction de Kehl : « Du château de Ferney en Bourgogne .

J'ai lu les ingénieux Dialogues des morts, que vous venez de publier . J'y trouve que je suis exilé, et que je suis coupable de quelques excès dans mes écrits . Je suis obligé peut-être pour l'honneur de ma nation, de dire publiquement que je ne suis point exilé, parce que je n'ai pas commis les fautes que l'auteur des dialogues m'impute à son gré . Personne n'a plus élevé sa voix que moi en faveur des droits de l'humanité , et cependant je n'ai jamais excédé même les bornes de cette vertu . Je ne suis point établi en Suisse, comme cet auteur mal instruit le débite ; je vis dans mes terres en France . La retraite convient aux vieillards qui ont assez vécu dans les cours pour les abhorrer et pour les fuir, et qui goûtent une douceur nouvelle de vivre dans la retraite et dans leurs possessions , avec des amis éclairés et fidèles . Il est bien vrai que j'ai une petite maison de campagne auprès de Genève, mais ma demeure et mes châteaux sont en Bourgogne . La bonté que mon roi a eue de confirmer les privilèges de mes terres, qui sont exemptes de toute imposition, m'a encore attaché à sa personne . Si j'avais été exilé, je n'aurais pas obtenu des passeports de ma cour, pour plusieurs seigneurs anglais ; le service que je leur ai rendu, me donne droit à la justice que j'attends de l'auteur des Dialogues . Quant à la religion, je pense et je crois qu'il pense, comme moi, que Dieu n'est ni presbytérien, ni luthérien, ni de la basse ni de la haute Église ; Dieu est le père de tous les hommes, père de milord et le mien . »

2 Les Dialogues of the dead de Lyttelton avaient été publiés en 1760, et deux traductions venaient de paraître sous le même titre de Dialogues des Morts, l'une par Jean Des Champs, l'autre par le professeur de Joncourt .

3 V* fait référence à la version anglaise : «  Voltaire is, I hear, retired from Berlin to the Territory of Geneva . It does great honour to Switzerland, but not much to France, that the finest Wit she left to boast of should chuse a country-house at the foot of the Alps, rather than Paris, or any villa in the neighbouhood of that city, for the retreat of his age . » Plus loin l'auteur dit que V* n'a pas fait preuve de beaucoup de discrétion, et que l'exil ne lui a pas enseigné la sagesse .

Traduction : « Voltaire, à ce que j'entends dire, s'est retiré de Berlin dans le territoire de Genève . C'est un grand honneur pour la Suisse, mais ce n'en est pas un pour la France que le plus grand esprit dont elle puisse encore s'enorgueillir ait choisi une maison de campagne au pied des Alpes plutôt qu'à Paris ou dans une résidence proche de cette cité comme retraite pour ses vieux jours . »

4 Kehl place une traduction de cette lettre en décembre 1760, ce qui paraît un peu tard, mais possible quoique le Journal encyclopédique la cite dès le 15 janvier 1761 .

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15/09/2015 | Lien permanent

Je deviens tous les jours plus difficile, à mesure que j’avance en âge et que j’approche de la majorité

... y compris la majorité parlementaire !

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

1er octobre 1764

Le petit ex-jésuite qui me vient voir souvent m’a dit aujourd’hui : Je ne suis point content du monologue qui finit le 3è acte . Je deviens tous les jours plus difficile, à mesure que j’avance en âge et que j’approche de la majorité. Voici donc une nouvelle scène que je vous supplie de présenter à vos anges ; il est aisé de la substituer à l’autre. Je suis un peu guéri des illusions de l’amour-propre, tout jeune que je suis ; mais je m’imagine qu’on pourrait facilement obtenir de MM. les premiers gentilshommes de la chambre que le drame fût joué à Fontainebleau. Une de mes craintes est qu’il ne soit mal joué ; mais il faut se servir de ce qu’on a.

O mes anges ! j’avoue que je n’ai prêté qu’une attention légère au discours de notre prêtre. J’avais la cervelle tout entreprise d’une requête de nos petits États 1 au roi, pour obtenir la confirmation des lettres patentes de Henri IV, enregistrées au parlement de Dijon, en faveur des dîmes de notre pays. Je me conforme en cela aux vues et aux bontés de M. le duc de Praslin, et je me flatte qu’un curé ne tiendra pas contre Henri IV et Louis XV.

Je gémis toujours devant Dieu de l’injustice criante qu’on me fait de m’attribuer un Portatif ; vous savez quelle est mon innocence. Je me suis avisé d’écrire, il y a quelques jours, une lettre à frère Marin, adressée tout ouverte chez M. le lieutenant-général de police. Dans cette lettre je le priais d’empêcher un scélérat de libraire, nommé Besongne 2, natif de Normandie, d’imprimer l’infernal Portatif . Je ne sais si frère Marin a reçu cette lettre 3. En attendant, je trouve vos conseils divins, et je vais engager l’auteur à vous envoyer un portatif raisonnable, décent, irréprochable, et même un peu pédantesque ; et si frère Marin n’était pas riche, si on pouvait lui proposer de tirer quelque avantage de l’impression, cela ne serait peut-être pas mal avisé. J’en ai parlé à l’auteur, qui est proche parent de l’ex-jésuite ; en vérité ils sont tout à fait dociles dans cette famille-là ; il lui a dit qu’il s’allait mettre à travailler, tout malade qu’il est. Cet auteur s’appelle Dubut ; mais il a encore un autre nom ; il a étudié en théologie, et possède Tertullien sur le bout du doigt. Ce serait bien là le cas de donner les Roués ; il est bon de faire des diversions.

Je baise le bout des ailes de mes anges en toute humilité, avec la plus vive reconnaissance. »

1 Voir lettre du 29 septembre 1764 à Choiseul : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/11/17/nous-n-avons-contre-nous-qu-un-concile-du-douzieme-siecle.html

La requête des États du pays de Gex figure dans les papiers envoyés .

2 Jacques Besongne , voir page 507 : https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1989_num_147_1_450546

Le Dictionnaire Philosophique est édité par Gabriel Grasset , et non par les Cramer (Andrew Brown et Ulla Kölving )..

3 Cette lettre à Marin , secrétaire général de la Librairie, n'est pas connue . V* y dénoncerait le …. Dictionnaire philosophique ! Mais a-t-il vraiment écrit cette lettre ?

Voir : http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/548-francois-marin

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Louis_Claude_Marin

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19/11/2019 | Lien permanent

je vous demande votre protection pour de pauvres diables qui ne savent ce qu’ils font

...  Prière pour les candidat.e.s à la présidentielle 2022 ?

Dont voici la liste potentielle à ce jour :  https://www.lci.fr/politique/election-presidentielle-2022...

Amaryllis : entretien, la faire refleurir, symbolique, légende...

Bonne fête Mam'zelle Wagnière

 

Pour en revenir à la lettre de Voltaire , voici une coincidence pour la Ste Brigitte;  la question se pose : pour Mme Brigitte Macron qui fut autrefois Mme Auzière , est-ce --inconsciemment-- la bonne volonté  dont fit preuve Voltaire envers un possible ancêtre de son premier mari qui lui fait aimer le patriarche ( preuve de bon goût ! ) ?

https://www.voici.fr/news-people/actu-people/brigitte-mac...

 

 

« Au chevalier Pierre de Taulès

30 avril [1766] 1

Mon cher monsieur, le frère d’Auzière et le sieur Bourlier, natifs viennent à moi, ainsi que syndics à qui j’ai prêté de l’argent, conseillers qui ont fait de bons marchés avec moi, citoyens à tête chaude, et autres, y sont venus. J’ai prêché la paix à tous, et je suis toujours resté en paix chez moi ; tout ceci est une comédie dont vous venez faire le dénoûment. D’Auzière 2 est en prison, et vous protégez les malheureux . Je ne connais point les rubriques de la ville de Calvin, et je ne veux point les connaître. Une vingtaine de natifs est venue me trouver, comme les poissardes de Paris, qui me firent autrefois le même honneur . Je leur forgeai un petit compliment pour le roi, qui fut très-bien reçu. J’en ai fait un pour les natifs, qui n’a pas été reçu de même . C’est apparemment que messieurs des vingt-cinq 3 sont plus grands seigneurs que le roi . J’ignore si les poissardes ont plus de privilèges que les natifs, mais je vous demande votre protection pour de pauvres diables qui ne savent ce qu’ils font. Ce n’est pas des perruques carrées que je parle, c’est des natifs. Tout en riant, honorez ces bonnes gens de vos bontés compatissantes, et conservez-moi les vôtres. »

1 Taulès a noté « Lettre de M. de Voltaire du 30 avril 1766 de Ferney » sur le manuscrit .

2 Voir : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/025634/2002-12-20/

Beauteville écrit au duc de Choiseul le 2 mai 1766 : « […] Instruit qu'un nommé d'Auzière était l'agent principal de ces mouvements, le Conseil fit saisir ses papiers avant-hier, et cet homme fut conduit en prison . [...]»

George D’Auzières, sorti de prison, vint chercher un asile à Ferney, et obtint une des maisons que Voltaire avait fait construire et vendait en rentes viagères à cinq, six, ou sept pour cent. (Beuchot )

Voir : https://ge.ch/archives/19-exils-fin-de-vie-geneve-1763-1778

et : http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1140172a1c/?letters=decade&s=1760&r=12095

et : http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1140184a1c/?letters=decade&s=1760&r=12125

et : http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1140187a1c/?letters=decade&s=1760&r=12131

et : http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1140191a1c/?letters=decade&s=1760&r=12143

et : http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1140192a1c/?letters=decade&s=1760&r=12147

Et voir pages 12 , 152, 211, 381/601 : https://doc.rero.ch/record/10655/files/Bibliographie_Geneve_XVIIIe_Rivoir_volume1.pdf

3 On restitue ici le mot vingt-cinq omis par Besterman .

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23/07/2021 | Lien permanent

repéter au lieu de répéter, repéter c'est péter deux fois

... Dédicace à tous ceux qui , incultes, ont réclamé à cors et à cris une "réforme" de l'orthographe (pardon : ortografe), trop flemmards pour comprendre l'importance de l'écrit, et rois du pataquès ; je les laisse aux vents mauvais  .

Illustration de Guillaume Perreault tirée de «Pet et Répète. La véritable histoire»

Pet et Répète s’en vont en bateau, Pet tombe à l’eau, qui est-ce qui reste ? Répète.

https://www.ledevoir.com/lire/566537/jeunesse-la-traverse...

 

 

« A Gabriel Cramer

[décembre 1765]

Est-il possible , mon cher ami, que vous me mandiez avoir cru m'envoyer ce que vous ne m'avez pas envoyé ? Est-il possible que vous ayez imprimé je ne sais quels fragments d'une lettre écrite en 1752 dans laquelle on me fait dire précisément le contraire de ce que j'ai dit ? On trouve à la page 404 :

« C'est ce même abbé de Châteauneuf qui avait été son amant, mais à qui cette célèbre vieille ne donna point ses tristes faveurs à l'âge de soixante et dix ans, comme on a dit . » etc.

cela jure furieusement avec ce qui se trouve au même troisième volume, page 12 . Il n'appartient qu'à J.-J. Rousseau de se contredire ainsi . Épargnez-moi, je vous en prie, cet affront, et ne déshonorez pas votre édition . Il faut absolument un carton, voici ce que ce carton doit contenir :

« C'est ce même abbé de Châteauneuf qui avait fini son histoire amoureuse, c'est lui à qui cette célèbre vieille fit la plaisanterie de lui donner ses tristes faveurs à l'âge de soixante et dix ans », etc.

Envoyez-moi, je vous prie, ce carton dès qu'il sera fait .

Envoyez-moi aussi l'avertissement que je vous ai donné pour mettre à la tête des trois volumes, et qui m'est absolument nécessaire . Il faut un peu d'exactitude avec les correcteurs d'imprimerie . Songez que j'ai l'honneur d'être le vôtre depuis onze ans , et que les vieillards sont volontiers minutieux .

Si le vent du nord le permet, vous me ferez un plaisir infini de venir causer avec moi dans ma masure .

Toute réflexion faite, je crois qu'il vaudrait beaucoup mieux supprimer ce fragment de lettre qui dit à peu près les mêmes choses que la lettre sur Mlle de Lenclos qui commence le troisième volume . J’ai dans mon portefeuille de quoi vous fournir des choses plus agréables .

Il est bien étrange qu'à la page 400, dans les notes, on ait encore laissé les mêmes fautes que j'avais moi-même corrigées à la main dans l'édition in-4°, feu pour jeu, et vers pour airs .

Votre compositeur suisse met partout refuter au lieu de réfuter, repéter au lieu de répéter, repéter c'est péter deux fois, et répéter est le repetare des latins 1.

Voilà ce que c'est de ne m'envoyer jamais les épreuves . Vous ne savez pas le tort que vous vous faites à vous-même . Si votre édition in-4° n'est pas mieux soignée, elle vous ruinera, et j'en serai au désespoir .

Je vous embrasse de tout mon cœur . »

1 On touche à l'histoire compliquée de la graphie du son é à l'intérieur d'un mot . Le typographe de Cramer reste fidèle à un certain usage qui répugnait à utiliser l'accent aigu sur l'e ailleurs que dans la position « tonique », c’est-à-dire en syllabe terminale d'un mot . On sait en effet que l'accent aigu provient de l'accent utilisé par les copistes, au Moyen-Âge, pour marquer la syllabe tonique dans les mots comme aestátem, amátum, etc. La remarque de V* montre que pour lui l'usage de l'accent dépend seulement de la prononciation .

Voir : https://www.lalanguefrancaise.com/general/le-guide-de-usage-des-accents-en-francais/

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10/04/2021 | Lien permanent

comme les rois, ils font payer leurs fêtes au peuple

... Déficit public de l'Etat français : 5.5% cette année . Qui dit mieux ? 6% sont attendus . Quels impôts vont enfler en 2025 ? Voyons voir : https://www.lafinancepourtous.com/2024/07/17/rapport-2024...

Quel.le premier.e ministre va  gérer notre panier percé ? On comprend les atermoiements présidentiels .

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot, etc.

1er mars 1769 à Ferney

Il y a non-seulement trois grandes années de différence entre vous et moi, mon cher ami ; mais il y a trente ans pour la vigueur, et surtout pour la belle maladie qui vous rendait si fier il y a quelques années, et dont peut-être vous êtes encore honoré. Pour moi, je me sens au bout de ma carrière. Quand on a vécu soixante-quinze ans, on ne doit pas se plaindre ; c’est avoir un lot assez honnête à la loterie de ce monde ; tout le monde ne peut avoir le gros lot comme Fontenelle. Je suis bien étonné même d’être parvenu à mon âge avec tant de faiblesse et tant de maux. J’ai dansé jusqu’à la fin sur le bord de ma tombe. Si vous n’avez point lu le Lion et le Marseillois, si vous ne connaissez pas les Trois Empereurs, je pourrai vous envoyer ces rogatons, qui pourront amuser votre royal correspondant 1, à qui je n’écris plus depuis près d’une année.

Vous ignorez sans doute que le Rezzonico avait avant sa mort rendu à l’Église le service important de canoniser un capucin nommé Cucufin, dont on a changé le nom en celui de Séraphin . C’est un monument de bêtise qui mérite d’entrer dans vos nouvelles. On imprime, je crois, à présent l’histoire de cette canonisation 2; elle est exacte et curieuse. Les capucins ont fait en Europe, à cette fête, une dépense qui va à plus de quatre cent mille écus. Vous savez que les capucins sont comme les rois, ils font payer leurs fêtes au peuple.

N’avez-vous jamais déterré une lettre qui a couru, et qui court encore, sur la mort de l’ivrogne Pierre III ? Si vous en aviez un précis, je vous prierais de me le communiquer. Ce n’est pas que je croie à ces anecdotes, mais il faut qu’un homme qui écrit l’histoire lise tout.

Avez-vous les Moyens de réformer l’Italie, ouvrage italien 3? Vous pourriez m’envoyer ce livre avec celui de milord Greenville 4, par les guimbardes de Lyon, à mon adresse à Ferney. M. de Laleu vous rembourserait fidèlement .Je n’ai pu vous répondre plus tôt, parce que j’ai été très malade au milieu de mes neiges. »

1 Frédéric II de Prusse.

4George de Greenville , Tableau de l'Angleterre relativment à son commerce et à ses finances, 1769 . Thieriot lui a recommmandé la lecture de cet ouvrage dans une lettre du 6 février 1769 . Voir : https://data.bnf.fr/fr/12112194/george_grenville/

Et voir : https://books.google.ru/books?id=QYFZwQEACAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

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03/09/2024 | Lien permanent

Il y a cinquante ans que j’ai fait vœu de douter

... Et j'en suis sûr ! A moins que ...

 

 

« A Horace Walpole

6 Juin 1768, à Ferney, près Genève 1

Monsieur, j’apprends dans ma retraite que vous avez fait un excellent ouvrage 2 sur le pyrrhonisme de l’histoire, et que vous avez répandu une grande lumière sur l’obscurité qui couvre encore les temps des rose blanche et rouge, toutes deux sanglantes et fanées.

Il y a cinquante ans que j’ai fait vœu de douter ; j’ose vous supplier, monsieur, de m’aider à accomplir mon vœu. Je vous suis peut-être inconnu, quoique j’aie été honoré autrefois de l’amitié of the two brothers 3. Je n’ai d’autre recommandation auprès de vous que l’envie de m’instruire : voyez si elle suffit ; voulez-vous avoir la bonté de m’envoyer votre ouvrage par la poste, sous l’enveloppe de M. le chef du bureau des interprètes, à Versailles ? Ma témérité va plus loin encore, monsieur. J’ai toujours douté de l’assassinat de M. de Genonville 4, qui a produit en France plus de mauvais vers 5 que de représailles . Je vois que, dans aucune pièce juridique, dans aucun manifeste, dans aucun écrit des ministres respectifs, il n’est question de cet assassinat prétendu. Si cependant il est vrai que vos soldats aient commis cette barbarie sauvage ou chrétienne en Canada, je vous prie de me l’avouer ; s’ils n’en sont pas coupables, je vous prie de les justifier par un mot de votre main. Tout ce que la renommée m’apprend de vous me persuade que vous pardonnerez à toutes les libertés que je prends.

Vous pardonnerez encore plus à mon ignorance de vos titres ; je ne respecte pas moins votre personne. Je connais plus votre mérite que les dignités dont il doit être revêtu.

Je suis avec l’estime la plus respectueuse, etc.

Voltaire. »

1 Édition The Works of Horatio Walpole, Earl of Oxford, 1798, qui donne la date précise.

2 Historic Doubts on the Life and Reign of King Richard the Third, 1768 ( Doutes sur la vie et le règne de Richard III. ) . Noter que V* reprendra bientôt comme titre d'un ouvrage la formule « pyrrhonisme de l'histoire ».

3 Robert Walpole premier comte d'Oxford , père d'Horace et William Walpole premier baron Walpole, oncle d'Horace . (F. François.)

4 Lapsus ( significatif de la part de V* qui a eu Genonville pour ami ) pour Jumonville, officier français assassiné sans déclaration de guerre par les Anglais au Canada ; voir les lettres du 4 juin 1757 à J.-R. Tronchin : « Je ne suis pas fâché que les Anglais soient punis . Ils ont été assassins en Amérique, pirates sur mer, receleurs sur le Gange.. Ils méritaient bien quelque petit châtiment. » et du 12 juillet 1757 à Le Compasseur de Créquy- Montfort, marquis de Courtivron : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1757-partie-11-116532843.html

Dans ses notes bibliographiques, Walpole enregistre à la date du 20 juin 1768 la réception de cette lettre de V* ainsi que la suite de la correspondance . Il note qu'il refuse d’entrer en controverse avec V* sur un point d'histoire où « toute la France serait de son côté, et l'Angleterre du mien . »

5 Allusion au poème de Antoine-Léonard Thomas qui avait paru en 1759 : Jumonville, poème historique, 1759 .

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27/01/2024 | Lien permanent

Il s'imagine que c'est moi qui ai soulevé tous les esprits

... C'est bien là ce que peut dire chacun des ex-soutiens du président du Nigéria Macky Sall : https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/senegal/reporta...

Il n'est pas mauvais de jeter un regard attentif sur ce qui se passe dans cet extraordinaire continent qu'on semble oublier en Europe mais que ne négligent pas les Russes ni les Asiatiques, nouveaux colonialistes dans l'âme , profiteurs hypocrites et rapaces déguisés .

 

 

« A Marie-Louise Denis

[De Ferney] 24 juin 1768 1

Le Nekre 2, non pas le mari de la belle Nekre 3, mais l'ancien amant d'un cul pourri, mais l'assassiné, le banni , qui est actuellement un bon négociant de Marseille et qui a passé par son ancienne patrie, vous rendra cette;lettre ma chère nièce . Il faut que vous sachiez que tout le clergé est déchaîné . Il s'imagine que c'est moi qui ai soulevé tous les esprits, et si on s'est saisi d'Avignon, s'il y a une guerre entre les catholiques et les dissidents en Pologne, j'en suis la cause . Damilaville vous aura peut-être dit que le cardinal de Choiseul, archevêque de Besançon, a oublié son nom pour se souvenir seulement qu'il est cardinal et que c'est lui qui a persécuté Fantet, l’avocat général de la chambre des comptes, et Leriche . Il a même, le croiriez-vous ? écrit aux fermiers généraux pour faire révoquer Leriche qui est inspecteur des domaines en Franche-Comté . Il leur a mandé qu'il remplissait la Franche-Comté de mes livres prétendus . Comme, Dieu merci, je n'ai jamais fait aucun ouvrage que le clergé puisse me reprocher, je n'ai pas voulu être la victime de la calomnie . J'ai demandé 4 en général une lettre de recommandation à M. le duc et à Mme la duchesse de Choiseul auprès du cardinal 5 sans leur dire de quoi il s'agissait . Je l'ai obtenue . J'ai écrit au cardinal une lettre flatteuse et mesurée dans laquelle je me suis bien gardé d'entrer dans aucun détail, et dont il ne pourra jamais abuser, quand même il aurait la malhonnêteté de ne me point répondre .

Le maçon qui fut repris de justice à Paris dans le temps qu’il était porte-Dieu, et qui est à présent à ce qu'il dit évêque et prince de Genève, a voulu remuer aussi . Je lui ai fermé la bouche par une conduite sage et nécessaire très approuvée par les Italiens adroits et blâmée à Paris par les gens de lettres qui riraient si j'étais sacrifié pour eux .

Si je ne peux échapper à la calomnie, j'échappe du moins à la persécution . Si Damilaville s'en tire avec six mille livres de pension, c'est un sort très heureux . Mme de Sauvigny qui avait mis dans sa tête de frustrer Damilaville de la place à lui promise, m'avait assuré qu'elle lui ferait donner une forte pension. Je suppose qu'elle a tenu parole. Il est heureux, le voilà récompensé, et peu soupçonné . Je suis dans un cas tout différent . Mais je laisse gronder les orages uniquement occupé du Siècle de Louis XIV et de Louis XV . J'aurai bientôt achevé ce monument que j'érige à l'honneur de ma patrie sans flatterie et sans médisance . J'ose espérer qu'on ne me lapidera pas avec de petits cailloux tandis que je bâtis ce grand édifice .

J'ai lu par un grand hasard les Conseils raisonnables 6, la Profession de foi des théistes 7, l’Épître aux Romains 8, et quelques autres drogues 9 . Je me flatte qu'on ne m'imputera pas ces bagatelles tandis que je me consume jour et nuit sur une histoire qui contient cent trente années .

Pour l'histoire de notre petit pays de Gex, elle sera bien courte . On n'a encore tracé ni le port ni la ville de Versoix . On n'a rien fait mais on va commencer . Si M. le duc de Virtemberg ne m'avais pas remis à deux ans pour me payer les soixante -dix mille livres qu'il me doit, je bâtirais à Versoix une maison pour faire ma cour à M. le duc de Choiseul et je crois que ce serait un assez bon effet pour vous . On y établira la poste dans huit jours 10 . C'est Fabry qui l'a , car il a tout englouti . On donne à Racle l'entreprise du port . On bâtira la ville quand on pourra . Racle au moins pourra se dédommager de la perte qu'il a faite en construisant sa ridicule maison, mais j'aurai toujours perdu ce que je lui ai prêté . Vous vous en tirerez un jour , à ce que j'espère .

Je fus bien surpris il y a six jours quand je vis arriver chez moi M. et Mme de Vaux, et une grande bâtarde de M. de Vaux et le petit Vau qui est très joli et la mie du petit Vau . Les voilà établis ici 11. Je m'enferme dans ma chambre avec mes deux siècles . Je parais seulement à la fin du dîner et du souper, et cependant ils restent . Leur amusement est d'aller chez Mallet et chez Racle . On ne peut quitter un pays qui fournit des plaisirs si séduisants . Il est vrai que la moisson paraît belle, c'est-à-dire qu'on pourra bien avoir quatre pour un avec la paille . Voilà notre terre de promission . Elle est admirable pour quiconque a des yeux et des jambes . Mais ceux à qui ces deux organes manquent doivent y périr . Nous avons manqué un marché de deux cent mille livres . Vous n'en aurez jamais cinquante mille écus . Pour moi, je la quitterais demain si je n’étais retenu par mes siècles .

On prend, comme vous savez, le train de m'envoyer garnison . Il faut soulager le paysan, fournir des lins, des draps et des meubles à quatorze officiers et à deux cents soldats . Cela ruine et personne n'en sait le moindre gré . Il a fallu que j'achetasse du linge pour eux . Il est vrai qu’heureusement ma porte est toujours fermée, et que je suis en prison chez moi .

Voilà ma chère nièce un compte exact de la manière dont j'achève une vie que je vous ai consacrée . Je vous embrasse tendrement ;

V. »

1 La mention Ferney en tête est de la main de Mme Denis .

2 Le professeur Louis Necker, amant de la femme de Vernes, frère du prédicant ; voir lettre du 30 octobre 1760 à d'Alembert et 26 décembre 1760 à Mme d'Epinay . Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/10/30/ceux-qui-font-courir-les-lettres-devraient-au-moins-les-impr-6484124.html

et : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/07/28/dans-presque-toutes-les-entreprises-il-ne-faut-que-de-la-har-5799993.html

3 Jacques Necker mari de Suzanne Curchod .

5 Cette lettre au cardinal de Choiseul ne nous est pas parvenue .

6 Il semble qu'il y ait ici la seule référence , dans la correspondance, aux Conseils raisonnables à M. Bergier pour la défense du christianisme, 1768 . Cet écrit est mentionné par la Correspondance littéraire, VIII, 94 ., à la date du 1er juin 1768 et il est entre les mains de Mme Du Deffand vers le 26 .Voir : https://books.google.fr/books?id=PIiUNQAACAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

7 La Profession de foi des théistes, de V*, mentionnée par d'Alembert dans une lettre à V* du 15 juin 1768 .Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Profession_de_foi_des_th%C3%A9istes/%C3%89dition_Garnier

8 L’Épître aux Romains que V* publia sous le nom du « comte de Passeran ».Voir : https://books.google.fr/books?id=WjIHAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

9 Ces « autres drogues »sont peut-être Les Droits des hommes et les Usurpations des autres, 1768, et Les Colimaçons du révérend père l'Escarbotier, 1768, connus de la Correspondance littéraire, VIII, 99 et 105 vers le 15 juin 1768 . Voir : https://books.google.fr/books?id=_zAHAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

et https://books.google.fr/books?id=Rr4nutF6y14C&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

10 Ce détail peut être retenu pour l'histoire des postes françaises .

11 L'arrivée de M. et Mme Pajot de Vaux à Ferney que V* annonce à Mme Denis le 24 juin est déjà connue d'elle le 22 de juin . La lettre suivante adressée par Mme Denis à Wagnière à cette date jette un jour cru sur les rapports entre les différents acteurs dans cette phase de leurs relations ; les « Francs-Comtois » sont Pajot de Vaux et « pâté » :

« Ce 22 juin de Paris, 1768

Mon cher Wagnière, je suis fort aise que tu sois moins malade . Je conseille très fort à Mlle Wagnière de t(engager à te ménager. Vous avez une femme et des enfants . Toute réflexion faite, nous n'avons qu’une vie, il faut la passer doucement et ne se chagriner de rien . C'est un effort que je fais sur moi-même dont je commence à me bien trouver, et je vous conseille d'en faire autant . Le chagrin n'est bon à rien , il faut le mettre à ses pieds . Voilà la vraie philosophie , prendre le temps comme il vient, et jouer avec la vie .

L'arrivée des provinciaux franc-comtois me paraît fort originale . S'ils sont venus sans être mandés avec armes et bagages, je suis sûr qu'ils auront bientôt leur congé . Mais si on les a priés d'y venir, peut-être les joues potelées de Mme pâté et autres choses itout , auront trotté dans la cervelle du patron et qu'il ne serait pas fâché de se les appliquer . Pour lors, le voyage serait plus long . Je te prie , mon cher ami, de me donner des nouvelles de cela toutes les semaines au moins une fois et je l'aimerais mieux deux lorsque tu auras quelque chose à me mander . Tu peux être sûr que je brûle tes lettres dès que je les ai reçues , mais ne les mets point dans le sac le soir . Il peut le demander pendant la nuit , ou de grand matin avant que le commissionnaire parte . Voyez partir le commissionnaire quand vous lui donnez une lettre pour moi . Je ne vous écrirai plus . Cela est trop dangereux à moins que j'aie des occasions sûres . Mais écrivez-moi toujours . m. Malet vous rendra encore cette lettre . Rem

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07/02/2024 | Lien permanent

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