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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Sentiments, passions, goûts, talents, manières de penser, de parler, de marcher, tout nous vient  je ne sais comment , t

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Il faut pourtant se réveiller ...

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand

21è mars 1764

Je ne vous dirai pas, madame, que nous sommes plus heureux que sages ; car nous sommes aussi sages qu’heureux. Vous tremblez que quelque malintentionné n’ait pris le petit mot qui regardait mon confrère Moncrif pour une mauvaise plaisanterie 1. J’ai reçu de lui une lettre remplie des plus tendres remerciements 2. S’il n’est pas le plus dissimulé de tous les hommes, il est le plus satisfait. C’est un grand  courtisan, je l’avoue ; mais ne serait-ce pas prodiguer la politique que de me remercier si cordialement d’une chose dont il serait fâché ? Pour moi, je m’en tiens, comme lui, au pied de la lettre, et je lui suppose la même naïveté que j’ai eue quand je vous ai écrit cette malheureuse lettre que des corsaires ont publiée.

Sérieusement, je serais très fâché qu’un de mes confrères , et surtout un homme qui parle à la reine, fût mécontent de moi . Cela me ruinerait à la cour, et me ferait manquer les places importantes auxquelles je pourrai parvenir avec le temps . Car enfin je n’ai que dix ans de moins que Moncrif, et l’exemple du cardinal de Fleury, qui commença sa fortune à soixante-quatorze ans, me donne les plus grandes espérances.

Vous ferez fort bien, madame, de ne plus confier vos secrets à ceux qui les font imprimer, et qui violent ainsi le droit des gens. Je savais votre histoire du lion 3; elle est fort singulière, mais elle ne vaut pas l’histoire du lion d’Androclus. D’ailleurs, mon goût pour les contes est absolument tombé : c’était une fantaisie que les longues soirées d’hiver m’avaient inspirée. Je pense différemment à l’équinoxe : l’esprit souffle où il veut, comme dit l’autre 4. Je me suis toujours aperçu qu’on n’est le maître de rien . Jamais on ne s’est donné un goût ; cela ne dépend pas plus de nous que notre taille et notre visage. N’avez-vous jamais bien fait réflexion que nous sommes de pures machines ? J’ai senti cette vérité par une expérience continue . Sentiments, passions, goûts, talents, manières de penser, de parler, de marcher, tout nous vient  je ne sais comment , tout est comme les idées que nous avons dans un rêve ; elles nous viennent sans que nous nous en mêlions. Méditez cela ; car nous autres, qui avons la vue basse, nous sommes plus faits pour la méditation que les autres hommes, qui sont distraits par les objets. Vous devriez dicter ce que vous pensez quand vous êtes seule et me l’envoyer . Je suis persuadé que j’y trouverais plus de vraie philosophie que dans tous les systèmes dont on nous berce. Ce serait la philosophie de la nature . Vous ne prendriez point vos idées ailleurs que chez vous ; vous ne chercheriez point à vous tromper vous-même. Quiconque a, comme vous, de l’imagination et de la justesse dans l’esprit peut trouver dans lui seul, sans autre secours, la connaissance de la nature humaine : car tous les hommes se ressemblent pour le fond, et la différence des nuances ne change rien du tout à la couleur primitive . Je vous assure, madame, que je voudrais bien voir une petite esquisse de votre façon. Dictez quelque chose, je vous prie, quand vous n’aurez rien à faire ; quel plus bel emploi de votre temps que de penser ? Vous ne pouvez ni jouer, ni courir, ni avoir compagnie toute la journée. Ce ne sera pas une médiocre satisfaction pour moi de voir la supériorité d’une âme naïve et vraie sur tant de philosophes orgueilleux et obscurs . Je vous promets d’ailleurs le secret.

Vous sentez bien, madame, que la belle place que vous me donnez dans notre siècle n’est point faite pour moi . Je donne, sans difficulté, la première à la personne à qui vous accordez la seconde 5. Mais permettez-moi d’en demander une dans votre cœur ; car je vous assure que vous êtes dans le mien. Je finis, madame, parce que je suis bien malade, et que je crains de vous ennuyer. Agréez mon tendre respect, et empêchez que M. le président Hénault ne m’oublie.

V. »

1Dans une lettre du 14 mars 1764, Mme Du Deffand informe V* qu'on a imprimé une lettre qu'il a écrite en retranchant le nom de la reine, mais en y laissant celui de Moncrif « tout de son long ».

2 Lettre inconnue .

3 Dans sa lettre Mme Du Deffand propose à V* un sujet de fable : « Il y avait un lion à Chantilly à qui on jetait tous les roquets qu'on aurait jetés dans la rivière . Il les étranglait tous ; une seule petite chienne qui se trouva pleine eut grâce devant ses yeux , il la lécha, la caressa, lui fit part de sa nourriture, elle accoucha, il ne fit aucun mal à toute sa petite famille et je ne sais ce qu'elle devint, mais il arriva un jour que des mâtins vinrent aboyer le lion à la grille de sa loge ; la petite chienne se joignit à eux, aboya le lion et lui tira les oreilles ; la punition fut prompte, il l'étrangla, mais le repentir suivit d eprès, il ne la mangeat pint , il se coucha auprès d'elle et parut pénétré d ela plus grande tristesse ; on espéra qu'une inclination nouvelle pourrait le consoler, on se trompa, il étrangla sans miséricirde tous les chiens qu'on lui donna . »

4 Évangile de Jean , III, 8 .

5 Mme Du Deffand a écrit : « Je demandai l'autre jour à plusieurs personnes quel était le premier homme de ce siècle . Voltaire, Voltaire, Voltaire ; je m'y attendais, mais comme j'avais beaucoup rêvé pour trouver le second, je ne fus point surprise qu'on délibérât beaucoup à le nommer, cependant on nomma celui que j'avais pensé et ce que je pense que vous penserez aussi . Je vous le dirais, mais je ne l'écrirai pas . » . Georges Avenel suppose que ce second est Frédéric II .

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28/04/2019 | Lien permanent

En conscience il est permis de braire ; Mais c’est pécher de mordre et de ruer

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« A Jean-François Marmontel

A Ferney, 17 Mars [1765]

Mon cher ami, je reconnais votre cœur à la sensibilité que les Calas vous inspirent. Quand j’ai appris le succès, j’ai versé longtemps de ces larmes d’attendrissement et de joie que Mlle Clairon fait répandre. Je la trouve bien heureuse, cette divine Clairon. Non seulement elle est adorée du public, mais encore Fréron se déchaîne, à ce qu’on dit, contre elle 1. Elle obtient toutes les sortes de gloires. L’épigramme qu’on a daigné faire contre ce malheureux est aussi juste que bonne ; elle court le royaume 2. On disait ces jours passés, devant une demoiselle de Lyon, que l’ignorance n’est pas un péché ; elle répondit par ce petit huitain :

On nous écrit que maître Aliboron

Étant requis de faire pénitence :

Est-ce un péché, dit-il, que l’ignorance ? 

Un sien confrère aussitôt lui dit :  Non ;

On peut très bien, malgré l’An littéraire,

Sauver son âme en se faisant huer ;

En conscience il est permis de braire ;

Mais c’est pécher de mordre et de ruer. 

Je trouve maître Aliboron bien honoré qu’on daigne parler de lui ; il ne devait pas s’y attendre. On m’a mandé de Paris qu’il allait être secrétaire des commandements de la reine 3. J’avoue pourtant que je ne le crois pas, quoique la fortune soit assez faite pour les gens de son espèce.

Adieu, mon cher ami ; je vieillis terriblement, je m’affaiblis ; mais l’âge et les maladies n’ont aucun pouvoir sur les sentiments du cœur. Vivez aussi heureux que vous méritez de l’être. Je vous embrasse tendrement. »

3 Fausse nouvelle .

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07/06/2020 | Lien permanent

Tout ce que je puis faire, c'est de lever les mains au ciel, et de le prier de vous accorder une vie très longue, très s

... En constatant la raréfaction des médecins en France, j'en viens à croire que le souhait de Voltaire est allé au delà du raisonnable . Le recours à ces hommes de l'art peut être encore soumis aux précautions voltairiennes, et ce ne sont pas les pratiques du Dr Raoult qui inciteront à la confiance aveugle . Méfia't !

Didier Raoult : mauvais scientifique et bon médecin ?

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

6è novembre 1767

Vraiment, mon divin ange, je ne savais pas que vous eussiez enterré votre médecin 1. Je ne sais rien de si ridicule qu'un médecin qui ne meurt pas de vieillesse; et je ne conçois guère comment on attend sa santé de gens qui ne savent pas se guérir ; cependant il est bon de leur demander quelquefois conseil, pourvu qu'on ne les croie pas aveuglément. Mais comment pouvez-vous prendre les mêmes remèdes, Mme d'Argental et vous, puisque vous n'avez pas la même maladie ? C'est une énigme pour moi. Tout ce que je puis faire, c'est de lever les mains au ciel, et de le prier de vous accorder une vie très longue, très saine, avec très peu de médecins.

J'avais déjà écrit un petit mot M. de Thibouville 2 pour vous être montré. Votre lettre du 28 d'octobre ne m'a été rendue qu'après. Vous ne doutez pas que je ne sois bien curieux de voir ma lettre à la belle Mlle Dubois. Vous avez vu les raisons que j'ai de me tenir un peu clos et couvert jusqu'à ce que j'aie reçu des nouvelles de M. le maréchal de Richelieu. Il me semble qu'il y a dans cette affaire je ne sais quelle conspiration pour m'embarrasser et se moquer de moi. Mais comment M. le duc de Duras n'a-t-il pas eu la curiosité de voir cette lettre, qui est devenue la pomme de discorde chez les déesses du tripot ? Rien n'est, ce me semble, si facile; tout serait alors tiré au clair, sans que des personnes qui peuvent beaucoup me nuire eussent le moindre prétexte contre moi.

Je vous avouerai grossièrement, mon cher ange, que je me trouve dans une situation bien gênante, et que je crains l'éclat d'une brouillerie qui me mettrait dans l'alternative de perdre une partie de mon bien, ou de le redemander par les voies du monde les plus tristes, et peut-être les plus inutiles. On me mande des choses si extraordinaires que je ne sais plus où j'en suis; ma santé d'ailleurs est absolument ruinée. Je dois plutôt songer à vivre que songer à la singulière tracasserie qu'on m'a faite. Je n'ose même écrire à Lekain, de peur de l'exposer.

Vous verrez incessamment M. de Chabanon et M. de La Harpe. J'ai donné une lettre à M. de La Harpe pour vous.

Adieu, mon divin ange, maman et moi nous nous mettons au bout de vos ailes plus que jamais.

Vous savez quel est pour vous mon culte d'hyperdulie. »

1 Il s'appelait Fournier.

2 Cette lettre manque .

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05/06/2023 | Lien permanent

que j'aime les gens qui disent ce qu'ils pensent ! C'est ne vivre qu'à demi que de n'oser penser qu'à demi.

... Que dire de mieux ?

 Les "frondeurs" du PS vivent-ils pleinement et les fidèles/séides à moitié ? ou inversement ? qui le sait ? Pas moi !

 A noter que ni les uns ni les autres ne risquent leur peau dans cet affrontement clochemerlesque .

 http://www.urtikan.net/dessin-du-jour/martine-aubry-et-les-frondeurs-du-parti-socialiste/

frondeurs-martine-aubry-deligne.jpg

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du DEFFAND
Aux Délices, 13 octobre [1759].
Il est bien triste, madame, pour un homme qui vit avec vous, d'être un peu sourd 1; je vous plains moins d'être aveugle. Voilà le procès des aveugles et des sourds décidé. Certainement c'est celui qui ne vous entend point qui est le plus malheureux.
Je n'écris à Paris qu'à vous, madame, parce que votre imagination a toujours été selon mon cœur ; mais je ne vous passe point de vouloir me faire lire les romans anglais quand vous ne voulez pas lire l'Ancien Testament 2. Dites-moi donc, s'il vous plaît, où vous trouvez une histoire plus intéressante que celle de Joseph devenu contrôleur général en Égypte, et reconnaissant ses frères. Comptez-vous pour rien Daniel, qui confond si finement les deux vieillards ? Quoique Tobie ne soit pas si bon, cependant cela me paraît meilleur que Tom Jones 3, dans lequel il n'y a rien de passable que le caractère d'un barbier.
Vous me demandez ce que vous devez lire, comme les malades demandent ce qu'ils doivent manger ; mais il faut avoir de l'appétit, et vous avez peu d'appétit avec beaucoup de goût 4.
Heureux qui a assez faim pour dévorer l'Ancien Testament! Ne vous en moquez point ; ce livre fait cent fois mieux connaître qu'Homère les mœurs de l'ancienne Asie ; c'est, de tous les monuments antiques, le plus précieux. Y a-t-il rien de plus digne d'attention qu'un peuple entier situé entre Babylone, Tyr et l'Égypte, qui ignore pendant six cents ans le dogme de l'immortalité de l'âme, reçu à Memphis, à Babylone et à Tyr? Quand on lit pour s'instruire, on voit tout ce qui a échappé lorsqu'on ne lisait qu'avec les yeux.
Mais vous, qui ne vous souciez pas de l'histoire de votre pays 5, quel plaisir prendrez-vous à celle des Juifs, de l'Égypte et de Babylone? J'aime les mœurs des patriarches, non parce qu'ils couchaient tous avec leurs servantes, mais parce qu'ils cultivaient la terre comme moi. Laissez-moi lire l'Écriture sainte, et n'en parlons plus.
Mais vous, madame, prétendez-vous lire comme on fait la conversation ? prendre un livre comme on demande des nouvelles? le lire et le laisser là ? en prendre un autre qui n'a aucun rapport avec le premier, et le quitter pour un troisième ? En ce cas, vous n'avez pas grand plaisir. Pour avoir du plaisir, il faut un peu de passion ; il faut un grand objet qui intéresse, une envie de s'instruire déterminée, qui occupe l'âme continuellement : cela est difficile à trouver, et ne se donne point. Vous êtes dégoûtée; vous voulez seulement vous amuser, je le vois bien ; et les amusements sont encore assez rares.
Si vous étiez assez heureuse pour savoir l'italien, vous seriez sûre d'un bon mois de plaisir avec l'Arioste 6. Vous vous pâmeriez de joie ; vous verriez la poésie la plus élégante et la plus facile, qui orne, sans effort, la plus féconde imagination dont la nature ait jamais fait présent à aucun homme. Tout roman devient insipide auprès de l'Arioste; tout est plat devant lui, et surtout la traduction de notre Mirabaud . Si vous êtes une honnête personne, madame, comme je l'ai toujours cru, j'aurai l'honneur de vous envoyer un chant ou deux de la Pucelle, que personne ne connaît, et dans lequel l'auteur a tâché d'imiter, quoique très-faiblement, la manière naïve et le pinceau facile de ce grand homme. Je n'en approche point du tout ; mais j'ai donné au moins une légère idée de cette école de peinture. Il faut que votre ami 7 soit votre lecteur, et ce sera un quart d'heure d'amusement pour vous deux, et c'est beaucoup. Vous lirez cela quand vous n'aurez rien à faire du tout, quand votre âme aura besoin de bagatelles : car point de plaisir sans besoin.
Si vous aimez un tableau très-fidèle de ce vilain monde, vous en trouverez un quelque jour dans l'Histoire générale des sottises du genre humain (que j'ai achevé très-impartialement). J'avais donné, par dépit, l'esquisse de cette histoire, parce qu'on en avait imprimé déjà quelques fragments; mais je suis devenu depuis plus hardi que je n'étais; j'ai peint les hommes comme ils sont. La demi-liberté avec laquelle on commence à écrire en France n'est encore qu'une chaîne honteuse. Toutes vos grandes Histoires de France sont diaboliques, non-seulement parce que le fond en est horriblement sec et petit, mais parce que les Daniel sont plus petits encore. C'est un bien plat préjugé de prétendre que la France ait été quelque chose dans le monde, depuis Raoul 8 et Eudes 9 jusqu'à la personne de Henri IV et au grand siècle de Louis XIV. Nous avons été de sots barbares, en comparaison des Italiens, dans la carrière de tous les arts.
Nous n'avons même que depuis trente ans appris un peu de bonne philosophie des Anglais. Il n'y a aucune invention qui vienne de nous. Les Espagnols ont conquis un nouveau monde; les Portugais ont trouvé le chemin des Indes par les mers d'Afrique ; les Arabes et les Turcs ont fondé les plus puissants empires; mon ami le czar Pierre a créé, en vingt ans, un empire de deux mille lieues ; les Scythes de mon impératrice Élisabeth viennent de battre mon roi de Prusse, tandis que nos armées sont chassées par les paysans de Zell et de Wolfenbuttel.
Nous avons eu l'esprit de nous établir en Canada, sur des neiges, entre des ours et des castors, après que les Anglais ont peuplé de leurs florissantes colonies quatre cents lieues du plus beau pays de la terre; et on nous chasse encore de notre Canada.
Nous bâtissons encore de temps en temps quelques vaisseaux pour les Anglais, mais nous les bâtissons mal; et, quand ils daignent les prendre, ils se plaignent que nous ne leur donnons que de mauvais voiliers.
Jugez, après cela, si l'histoire de France est un beau morceau à traiter amplement, et à lire !
Ce qui fait le grand mérite de la France, son seul mérite, son unique supériorité, c'est un petit nombre de génies sublimes ou aimables, qui font qu'on parle aujourd'hui français à Vienne, Stockholm et Moscou. Vos ministres, vos intendants, et vos premiers commis, n'ont aucune part à cette gloire.
Que lirez-vous donc, madame? Le duc d'Orléans régent daigna un jour causer avec moi au bal de l'Opéra ; il me fit un grand éloge de Rabelais, et je le pris pour un prince de mauvaise compagnie, qui avait le goût gâté. J'avais alors un souverain mépris pour Rabelais 10. Je l'ai repris depuis, et, comme j'ai plus approfondi toutes les choses dont il se moque, j'avoue qu'aux bassesses près, dont il est trop rempli, une bonne partie de son livre m'a fait un plaisir extrême. Si vous en voulez faire une étude sérieuse, il ne tiendra qu'à vous ; mais j'ai peur que vous ne soyez pas assez savante, et que vous ne soyez trop délicate.

Je voudrais que quelqu'un eût élagué en français les Œuvres philosophiques de feu milord Bolingbroke 11. C'est un prolixe personnage, et sans aucune méthode ; mais on en pourrait faire un ouvrage bien terrible pour les préjugés, et bien utile pour la raison. Il y a un autre Anglais qui vaut bien mieux que lui : c'est Humes 12 dont on a traduit quelque chose avec trop de réserve. Nous traduisons les Anglais aussi mal que nous nous battons contre eux sur mer.
Plût à Dieu, madame, pour le bien que je vous veux, qu'on eût pu au moins copier fidèlement le Conte du Tonneau 13, du doyen Swift! C'est un trésor de plaisanteries dont il n'y a point d'idée ailleurs. Pascal n'amuse qu'aux dépens des jésuites; Swift divertit et instruit aux dépens du genre humain. Que j'aime la hardiesse anglaise! que j'aime les gens qui disent ce qu'ils pensent ! C'est ne vivre qu'à demi que de n'oser penser qu'à demi.
Avez-vous jamais lu, madame, la faible traduction du faible Anti-Lucrèce 14 du cardinal de Polignac? Il m'en avait autrefois lu vingt vers qui me parurent fort beaux ; l'abbé de Rothelin m'assura que tout le reste était bien au-dessus. Je pris le cardinal de Polignac pour un ancien Romaine et pour un homme supérieur à Virgile 15; mais, quand son poème fut imprimé, je le pris pour ce qu'il est : poème sans poésie, et philosophie sans raison.
Indépendamment des tableaux admirables qui se trouvent dans Lucrèce, et qui feront passer son livre à la dernière postérité, il y a un troisième chant dont les raisonnements n'ont jamais été éclaircis par les traducteurs, et qui méritent bien d'être mis dans leur jour. Nous n'en avons qu'une mauvaise traduction par un baron des Coutures 16. Je mettrai, si je vis, ce troisième chant en vers, ou je ne pourrait 17. En attendant, seriez-vous assez hardie pour vous faire lire seulement quarante où cinquante pages de ce des Coutures? Par exemple, livre III, page 281, tome 1er, à commencer par les mots on ne s'aperçoit point 18, il y a en marge, XIIe argument. Examinez ce XIIe argument jusqu'au XXVIIe, avec un peu d'attention, si la chose vous paraît en valoir la peine 19. Nous avons tous un procès avec la nature, qui sera terminé dans peu de temps; et presque personne n'examine les pièces de ce grand procès. Je ne vous demande que la lecture de cinquante pages de ce troisième livre; c'est le plus beau préservatif contre les sottes idées du vulgaire; c'est le plus ferme rempart contre la misérable superstition. Et, quand on songe que les trois quarts du sénat romain, à commencer par César, pensaient comme Lucrèce, il faut avouer que nous sommes de grands polissons 20, à commencer par Joly de Fleury.
Vous me demandez ce que je pense, madame ; je pense que nous sommes bien méprisables, et qu'il n'y a qu'un petit nombre d'hommes répandus sur la terre qui osent avoir le sens commun; je pense que vous êtes de ce petit nombre. Mais à quoi cela sert- il ? A rien du tout. Lisez la parabole du Bramin 21, que j'ai eu l'honneur de vous envoyer; et je vous exhorte à jouir, autant que vous le pourrez, de la vie, qui est peu de chose, sans craindre la mort, qui n'est rien.
Comme vous n'avez guère que des rentes viagères, l'ennuyeux ouvrage 22 dont vous me parlez tombe moins sur vous que sur un autre. Sauve qui peut! Demandez à votre ami si, en 1708 et en 1709, on n'était pas cent fois plus mal; ces souvenirs consolent.
La première scène de la pièce de Silhouette a été bien applaudie, le reste est sifflé 23; mais il se peut très-bien que le parterre ait tort. Il est clair qu'il faut de l'argent pour se défendre, puisque les Anglais se ruinent pour nous attaquer.
Ma lettre est devenue un livre, et un mauvais livre 24; jetez-la au feu, et vivez heureuse, autant que la pauvre machine humaine le comporte. »

1 « Le président [Hénault] se porte assez bien, mais il devient sourd , ce qui,joint avec l'âge qui avance le rend souvent triste ; il est cependant encore quelquefois assez gai, et alors il est cent fois de meilleure compagnie que ce qu'on appelle aujourd’hui la bonne compagnie » écrit la marquise à V* le 1er octobre 1759, à laquelle répond ici V*.

2 « Lire l'Ancien testament ! C'est donc parce qu'on n'aura plus le moyen de faire le sien ; non, monsieur je ne ferai point cette lecture ; je m'en tiendrai au respect qu'elle mérite et auquel il n'y a plus rien à ajouter […] vous n'avez point lu les romans anglais, vous ne les mépriseriez pas si vous les connaissiez . Ils sont trop longs je l'avoue et vous faites un meilleur emploi du temps . La morale y est en action et n'a jamais été traitée d'une manière plus intéressante . » ibid.

3 De Fielding, traduit par La Place sous le titre d'Histoire de Tom Jones, 1750 ; V* omet de dire ce que Fielding doit à un écrivain tel Marivaux .

4 « Savez-vous que je vous trouve encore bien jeune, rien n'est usé pour vous […] il y a quelques années que j'eus des vapeurs affreuses, et dont le souvenir me donne encore des terreurs ; rien ne pouvait me trier du néant où mon âme était plongée que la lecture de vos ouvrages . » ibid .

5 « J'ai beaucoup lu d'histoires mais elles sont épuisées ; je n'ai point lu les de Thou, les Daniel, les Griffet, je crois tout cela ennuyeux, je n'aime point à sentir que l'auteur que je lis songe à faire un livre . Je veux imaginer qu'il cause avec moi . Sans la facilité tout ouvrage m'ennuie à la mort . » ibid .

6 Roland furieux, poème traduit de l'Arioste par Jean-Baptiste Mirabaud , mort en 1760 à quatre-vingt-cinq ans, a paru, pour la première fois, en 1741, quatre volumes in-12. C'est une nouvelle référence et notons l'insistance sur l'Arioste .

7 Le président Hénault.

8 Raoul, roi des Francs et duc de Bourgogne, mort en 936 .

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29/10/2014 | Lien permanent

J'en jurerais, mais je ne le parierais pas

... Et c'est ainsi que jugent les Genevois en  acquittant Tarik Ramadan qui a l'énorme avantage d'être citoyen suisse, d'où préjugé favorable ainsi exprimé : " Le tribunal n’a pas été en mesure de se forger une intime conviction au-delà du doute insurmontable. » Pour mémoire, ce prédateur a fait d'autres victimes, qui espérons-le, pourront démasquer d'une façon insurmontable ce Tartuffe dégueulasse .

https://www.lepoint.fr/justice/accuse-de-viol-l-islamologue-tariq-ramadan-a-ete-acquitte-24-05-2023-2521480_2386.php?M_BT=443989616563#xtor=EPR-6-[Newsletter-Mi-journee]-20230524-[Article_1]

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/05/24/acquitt...

https://www.youtube.com/watch?v=T03zMEUIiaM&ab_channe...

 

 

 

« A Cosimo Alessandro Collini

21è octobre 1767 à Ferney par Genève 1

J'ai lu, mon cher ami, avec un très grand plaisir votre dissertation 2 sur la mauvaise humeur où était si justement l'électeur palatin Charles-Louis contre le vicomte de Turenne 3. Vous pensez avec autant de sagacité que vous vous exprimez dans notre langue avec pureté. Je reconnais là il genio florentine 4. Je ferai usage de vos conjectures dans la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV 5, qui est sous presse, et je serai flatté de vous rendre la justice que vous méritez. Voici, en attendant, tout ce que je sais de cette aventure, et les idées qu'elle me rappelle.

J'ai eu l'honneur de voir très souvent, dans ma jeunesse, le cardinal d'Auvergne 6 et le chevalier de Bouillon 7, neveu du vicomte de Turenne. Ni eux ni le prince de Vendôme 8 ne doutaient du cartel, c'était une opinion généralement établie. Il est vrai que tous les anciens officiers, ainsi que les gens de lettres, avaient un très grand mépris pour le prétendu Du Buisson, auteur de la mauvaise Histoire de Turenne 9. Ce romancier Sandras de Courtils, caché sous le nom de Du Buisson, qui mêlait toujours la fiction à la vérité, pour mieux vendre ses livres, pouvait très bien avoir forgé la lettre de l’Électeur, sans que le fond de l'aventure en fût moins vrai.

Le témoignage du marquis de Beauvau 10, si instruit des affaires de son temps, est d'un très grand poids. La faiblesse qu'il avait de croire aux sorciers et aux revenants, faiblesse si commune encore en ce temps-là, surtout en Lorraine, ne me paraît pas une raison pour le convaincre de faux sur ce qu'il dit des vivants qu'il avait connus.

Le défit proposé par l’Électeur ne me semble point du tout incompatible avec sa situation et son caractère . Il était indignement opprimé et un homme qui, en 1655, avait jeté un encrier à la tête d'un plénipotentiaire, pouvait fort bien envoyer un défi, en 1674, à un général d'armée qui brûlait son pays sans aucune raison plausible.

Le président Hénault 11 peut avoir tort de dire : Que M. de Turenne répondit avec une modération qui fit honte à l'électeur de cette bravade. Ce n'était point, à mon sens, une bravade c'était une très juste indignation d'un prince sensible et cruellement offensé.

On touchait au temps où ces duels entre des princes avaient été fort communs. Le duc de Beaufort, général des armées de la Fronde, avait tué en duel le duc de Nemours. Le fils du duc de Guise avait voulu se battre en duel avec le grand Condé. Vous verrez, dans les Lettres de Pellisson que Louis XIV lui-même demanda s'il lui serait permis en conscience de se battre contre l'empereur Léopold 12.

Je ne serais point étonné que l'électeur, tout tolérant qu'il était (ainsi que tout prince éclairé doit l'être), ait reproché, dans sa colère, au maréchal de Turenne son changement de religion, changement dont il ne s'était avisé peut-être que dans l'espérance d'obtenir l'épée de connétable, qu'il n'eut point. Un prince tolérant, et même très indifférent sur les opinions qui partagent les sectes chrétiennes, peut fort bien, quand il est en colère, faire rougir un ambitieux qu'il soupçonne de s'être fait catholique romain par politique, à l'âge de cinquante cinq ans car il est probable qu'un homme de cet âge, occupé des intrigues de cour, et, qui pis est, des intrigues de l'amour et des cruautés de la guerre, n'embrasse pas une secte nouvelle par conviction. Il avait changé deux fois de parti dans les guerres civiles, il n'est pas étrange qu'il ait changé de religion.

Je ne serais point encore surpris de plusieurs ravages faits en différents temps dans le Palatinat par M. de Turenne . Il faisait volontiers subsister ses troupes aux dépens des amis comme des ennemis. Il est très vraisemblable qu'il avait un peu maltraité ce beau pays, même en 1664, lorsque le roi de France était allié de l'électeur, et que l'armée de France marchait contre la Bavière. Turenne laissa toujours à ses soldats une assez grande licence. Vous verrez, dans les Mémoires du marquis de La Fare , que, vers le temps même du cartel, il avait très peu épargné la Lorraine, et qu'il avait laissé le pays messin même au pillage 13. L'intendant avait beau lui porter ses plaintes, il répondait froidement « Je le ferai dire à l'ordre. »

Je pense, comme vous, que la teneur des lettres de l’Électeur et du maréchal de Turenne est supposée. Les historiens malheureusement ne se font pas un scrupule de faire parler leurs héros. Je n'approuve point dans Tite-Live ce que j'aime dans Homère. Je soupçonne la lettre de Ramzai 14 d'être aussi apocryphe que celle du gascon Sandras. Ramzai l'Écossais était encore plus gascon que lui. Je me souviens qu'il donna au petit Louis Racine, fils du grand Racine, une lettre au nom de Pope 15, dans laquelle Pope se justifiait des petites libertés qu'il avait prises dans son Essai sur l'Homme. Ramzai avait pris beaucoup de peine à écrire cette lettre en français 16, elle était assez éloquente; mais vous remarquerez, s'il vous plaît, que Pope savait à peine le français, et qu'il n'avait jamais écrit une ligne dans cette langue . C'est une vérité dont j'ai été témoin, et qui est sue de tous les gens de lettres d'Angleterre. Voilà ce qui s'appelle un gros mensonge imprimé . Il y a même, dans cette fiction, je ne sais quoi de faussaire qui me fait de la peine.

Ne soyez point surpris que M. de Chennevières n'ait pu trouver, dans le dépôt de la guerre, ni le cartel ni la lettre du maréchal de Turenne. C'était une lettre particulière de M. de Turenne au roi, et non au marquis de Louvois. Par la même raison, elle ne doit point se trouver dans les archives de Manheim. Il est très vraisemblable qu'on ne garda pas plus de copie de ces lettres d'animosité que l'on n'en garde de celles d'amour.

Quoi qu'il en soit, si l'électeur palatin envoya un cartel par le trompette Petit-Jean, mon avis est qu'il fit très bien, et qu'il n'y a à cela nul ridicule. S'il y en avait eu, si cette bravade avait été honteuse, comme le dit le président Hénault, comment l'électeur, qui voyait ce fait publié dans toute l'Europe, ne l'aurait-il pas hautement démenti? Comment aucun homme de sa cour ne se serait-il élevé contre cette imposture?

Pour moi, je ne dirai pas comme ce maraud de Frelon dans l'Écossaise : J'en jurerais, mais je ne le parierais pas 17 . Je vous dirai : « Je ne le jure ni ne le parie. » Ce que je vous jurerai bien, c'est que les deux incendies du Palatinat sont abominables. Je vous jure encore que, si je pouvais me transporter, si je ne gardais pas la chambre depuis près de trois ans, et le lit depuis deux mois, je viendrais faire ma cour à Leurs Altesses sérénissimes, auxquelles je serai bien respectueusement attaché jusqu'au dernier moment de ma vie. Comptez de même sur l'estime et sur l'amitié que je vous ai vouées.

V.

A propos d'incendie, il y a des gens qui prétendent qu'on mettra le feu à Genève cet hiver. Je n'en crois rien du tout mais si on veut brûler Ferney et Tournay, le régiment de Conti et la légion de Flandre, qui sont occupés à peupler mes pauvres villages, prendront gaiement ma défense. »

1 Original ; minute complétée et corrigée par V* ; édition Luchet qui donne à tort 24 pour le quantième .

2 Dissertation historique et critique sur le prétendu cartel envoyé par Charles-Louis, électeur palatin, au vicomte de Turenne; Manheim, 1767, in-8°.

3 Voir la lettre du 28 septembre 1767 à Collini : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/05/06/voila-mon-cher-ami-les-expedients-auxquels-les-impots-horrib-6441803.html

Il est à noter que malgré toute l'argumentation de Collini , le fait est que Charles-Louis a envoyé effectivement un cartel personnel à Turenne . Le texte de sa lettre est cité dans l'ouvrage : Histoire du comte de Turenne, 1736, III ? 2766278 ;

4Le génie florentin . Collini est Florentin.

5C'est ce qu'il fit dans une longue et flatteuse note du chapitre XII du Siècle de Louis XIV .

Voyez tome XIV, page 208 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome14.djvu/228

6 Petit -neveu de Vendôme ; voir sur lui la lettre  à Mme Du Deffand du 6 novembre 1765 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/02/27/il-faut-bien-pourtant-que-les-francais-valent-quelque-chose-puisque-des-etr.html

7 Frédéric-Jules de La Tour d’Auvergne, chevalier de Bouillon, appelé plus tard prince d'Auvergne, petit-neveu de Turenne .

9 Du Buisson [Gatien Sandras de Courtilz], La Vie du comte de Turenne, 1685 . On a pensé de nos jours que Sandras de Courtilz ne fut que l'éditeur d'un manuscrit du véritable Du Buisson ; voir Albert Waddington :  « Un anonyme du XVIIIè siècle », Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, 1898 .

10 Henri, marquis de Beauvau :Mémoires du marquis de B*** concernant ce qui s'est passé de plus mémorable sous le

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25/05/2023 | Lien permanent

ceux qui se sont mêlés de rendre la vie aux morts ne se sont jamais avisés de donner une seconde représentation sur le m

 ... De même que ceux qui soutiennent des pays financièrement moribonds ne me semblent pas disposés à mettre encore la main à la poche, ou alors seulement pour y garder leur argent dans un poing bien serré .

Quand le banc des députés est vide, la politique se fait à la corbeille

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« A M. THIERIOT.

Aux Délices, 10 septembre [1756].

Mon ancien ami, je vous assure que Tronchin est un grand homme il vient encore de ressusciter Mme de Fontaine. Esculape ne ressuscitait les gens qu'une fois; et ceux qui se sont mêlés de rendre la vie aux morts ne se sont jamais avisés de donner une seconde représentation sur le même sujet. Tronchin en sait plus qu'eux je voudrais qu'il pût un peu gouverner Mme de La Popelinière 1, car je sais qu'elle a besoin de lui, et plus qu'elle ne pense; mais je ne voudrais pas qu'elle nous enlevât notre Esculape je voudrais qu'elle le vint trouver. Vous seriez du voyage; comptez que c'est une chose à faire.
Vous devez savoir à présent, vous autres Parisiens, que le Salomon du Nord 2 s'est emparé de Leipsick. Je ne sais si c'est là un chapitre de Machiavel ou de l'Anti-Machiavel, si c'est d'accord avec la cour de Dresde, ou malgré elle;ea cura quielum 3, qu'on me sollicitat .
Je songe à faire mûrir des muscats et des pêches je me promène dans des allées de fleurs de mon invention, et je prends peu d'intérêt aux affaires des Vandales et des Misniens.
Je vous suis très-obligé des rogatons du Pont-Neuf, et des belles pièces suédoises. Il y a un mois que j'avais ce monument suédois de liberté 4 et de fermeté.
Ce n'est pas là une brochure ordinaire. Seriez-vous homme à procurer à ma très-petite bibliothèque quelques livres dont je vous enverrai la note? Vous seriez bien aimable. Je crois que Lambert se mordra les pouces de m'avoir réimprimé, dix volumes sont durs à la vente. Dieu le bénisse, et ceux qui liront mes sottises . Pour moi, je voudrais les oublier.
Farewell, my old friend; I am sick. »

1 La « chimiste » ou la « philosophe » comme la surnommait V* , Thérèse Boutinon des Hayes, épouse divorcée de La Pouplinière. Elle mourra le mois suivant ; voir : http://jp.rameau.free.fr/deshayes-bio.htm

2 Frédéric II de Prusse .

3 VIRGILE. Æneide, lib. IV, v. 379.

4 Le parti des Bonnets et celui des Chapeaux, en Suède, s'entendaient alors sur un point: c'était de restreindre la prérogative royale, vainement défendue par le baron de Horn. Voir lettre du 20 août 1756 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/08/09/tu-tityre-lentus-in-umbra-et-moi-aussi.html

 

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16/08/2012 | Lien permanent

Soyez gai vous dis-je ; et vous vous porterez à merveilles

...

 

« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville, ancien

conseiller au parlement de Rouen

rue Saint-Pierre

près du rempart

à Paris

Au château de Ferney, pays de Gex

4 janvier 1761 1

Vous vous êtes blessé avec vos armes, mon cher et ancien ami . Il n'y a qu'à ne vous plus battre ; et vous serez guéri . Dissipation, régime, et sagesse, voilà vos remèdes . Je vous proposerais Tronchin, si je me flattais que vous daignassiez venir dans nos petits royaumes . Mais vous préfèrerez les bords de la Seine au beau bassin de nos Alpes . Je m'intéresse beaucoup teretibus suris 2 de notre grand abbé . Vous êtes de jeunes gens en comparaison du vieillard des Alpes . Il ne tient qu'à vous de vous porter mieux que moi : je suis né faible, j'ai vécu languissant ; j'acquiers dans mes retraites de la force et même un peu d'imagination . On ne meurt point ici . Nous avons une femme d'esprit de cent trois ans 3 que j'aurais mariée à Fontenelle s'il n’était pas mort jeune . Nous avons aussi l'héritière du nom de Corneille, et ses 17 ans . Vous savez qu'elle a l'esprit très naturel, et que c'est pour cela que Fontenelle l’avait déshéritée . Vous savez toutes mes marches . Il est vrai que j'ai fait rendre le bien que les jésuites avaient usurpé sur six frères tous au service du roi . Mais apprenez que je ne m'en tiens pas là . Je suis occupé à présent à procurer à un prêtre un emploi dans les galères . Si je peux faire pendre un prédicant huguenot, sublimi feriam sidera vertice 4. Je suis comme le musicien de Dufresnay, en chantant son opéra 5, il fait le tout en badinant . Mais je vous aime sérieusement . Autant en fait Mme Denis . Soyez gai vous dis-je ; et vous vous porterez à merveilles .

Je vous embrasse ex toto corde .

V. »

1 Cette lettre répond à une lettre du 27 décembre 1761 .

2 Aux jambes faites au tour ; d'après Horace, Odes, II, 4, 21 . Cideville écrivait : « […] je me plains [de ma santé] , et l'abbé du Resnel n'est pas encore si bien traité, il végète, il ne se soutient plus sur ses jambes […]. »

3 Mme Lullin ; voir lettre du 9 février 1759 à Louise-Suzanne Gallatin : déjà mise en ligne

4 Je frapperai les astres du sommet de ma tête ; Horace, Odes, I, 1, 36 .

5 On disait que Charles de La Rivière Dufresnay composait ses opéras en les chantant à un ami musicien .

 

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04/01/2016 | Lien permanent

après quoi nous la renverrons une seconde fois

... Et oui, Marine, "trois/deux petits tours et puis s'en vont", retourne d'où tu viens et restes-y, 2012-2017, tu as reçu sur la joue gauche, maintenant ce sera la droite et un direct pleine face . Le RBM* = Rudement Bien Manigancé , qui te nourrit grassement, va pouvoir faire une économie de champagne dimanche prochain , ce qui permettrait de rembourser les sommes indues perçues du parlement européen, et ce n'est pas ton travail d'avocat abandonné il y a belle lurette qui subviendra à tes goûts de luxe .

* Rassemblement Bleu Marine

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« A Etienne-Noël Damilaville

Mon cher frère a probablement reçu une requête que la pauvre infortunée Calas doit présenter au roi après l'avoir fait apostiller, et après avoir fait éclaircir et constater les faits . Elle renverra probablement cette requête à monsieur Damilaville pour nous être remise et pour lui donner la dernière forme, après quoi nous la renverrons une seconde fois . Mon cher frère est tout fait pour entrer dans cette bonne œuvre . Il sait sans doute que cette dame n'est point à Paris sous le nom malheureux qu'elle porte .

Est-il vrai qu'on poursuit Jean-Jacques ?

Avez-vous reçu un Meslier de la nouvelle édition ? Avez-vous reçu le petit avis ? Il est imprimé à Lyon . Si on joue Le Droit du seigneur je prie mon cher frère de me mander quels sont les endroits scabreux qu'il faut retrancher ou adoucir dans la scène du bailli et de Colette ; mais prenons garde que la prétendue décence ne fasse grand tort au plaisant .

Frère Thieriot vous a écrit . Il paraît qu'il s'accommode assez de notre vie philosophique . C'est bien dommage que vos affaires ne vous permettent pas de venir philosopher avec vos frères .

15 juin [1762] »

 

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03/05/2017 | Lien permanent

Madame de Trévénégat s'est adressée à un malade pour savoir des nouvelles de ce que vaut une mort subite . L'homme à qui

...

 

« A Mme de Trévénégat

[vers 1765 ?] 1

Madame de Trévénégat s'est adressée à un malade pour savoir des nouvelles de ce que vaut une mort subite . L'homme à qui elle s’est adressée se connait en maladie de langueur depuis environ cinquante ans, mais en morts subites point du tout . Il faut demander cela à César qui disait que cette façon de quitter le monde était la meilleure . À l'égard des justes et des réprouvés dont Mme de Trévénégat parle, l’avocat consultant répond qu'il connait force honnêtes gens et qu'il ne connait ni réprouvés, ni justes, que ce n'est pas son affaire, qu'il n'a jamais envoyé personne ni en paradis ni en enfer, et qu'il souhaite à madame de Trévénégat une mort subite pour le plus tard que faire se pourra . En attendant il lui conseille de s'amuser, de jouer, de faire bonne chère, de bien dormir, de se bien porter et lui présente ses respects . »

1 L'édition de Kehl place cette lettre vers la fin 1765 . Quoique le nom de Trévénégat soit connu, aucune famille le portant à cette époque n'est découverte .

Aux billets écrits vers cette époque, on peut ajouter le carton d'invitation suivant : « Mme Denis et M. de Voltaire prient monsieur Fabry de leur faire l’honneur de venir à la comédie samedi prochain.

On commencera à cinq heures . »(original à Bourg-en-Bresse, C. 1024)

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10/11/2020 | Lien permanent

employer le crédit de quelques amis pour tâcher de nous délivrer des entraves cruelles où nous étions

Note rédigée le 19 juillet 2011 pour parution le 26 décembre 2010 .

 

Comte, oui, marquis, que nenni !

Ce qui n'empêche pas mon Volti préféré, et donc unique, d'avoir une belle couronne marquisale au fronton de son château de Ferney !

couronnes.jpg

http://histoiredelafrance.e-monsite.com/rubrique,les-deco...

 

 

Etait-ce pour jouer sur les mots ? Cela ne m'étonnerait pas de la part de cet académicien qui usait du vocabulaire comme personne, -le marquis étant par essence le seigneur d'un territoire situé aux marches du royaume,- Voltaire, comte de Tournay-Pregny-Chambésy, seigneur de Ferney, était donc à double titre aux marches du royaume de France,  à la frontière avec la République de Genève . Cela ne vaut-il pas, moralement au moins, le titre de marquis ?

N'oublions pas que Volti était maître dans l'art du théâtre, et qu'une bonne mise en scène pour mettre en valeur un personnage n'est jamais à négliger , n'est-ce pas ?

 

 

 

« A François-Augustin-Toussaint de Beaulieu de Barneville

ancien capitaine d'infanterie, etc.

rue Tiron, au Marais à Paris

 

26è décembre , 1776, à Ferney

 

Le vieux malade de Ferney , Monsieur, n'est que le vieux malade, et ne sera jamais le nouveau marquis 1. Tous les contes qu'on a débités à Paris sur ce petit coin de terre nommé Ferney sont aussi faux que tout ce qu'on débite sur les nouveaux édits de M. Turgot, et même sur ceux de M. de Saint Germain . Je ne me suis mêlé que de servir quelquefois de secrétaire à nos États de Gex, et d'employer le crédit de quelques amis pour tâcher de nous délivrer des entraves cruelles où nous étions 2. Dieu me préserve du ridicule d'un prétendu marquisat .

Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour exécuter la commission dont vous me chargeâtes par votre lettre précédente.3

On prétend que Mlle Panrier 4 votre protégée n'est pas encore plus sûre de son mariage que je ne le suis d'être marquis . Je ne suis sûr que d'être bien sincèrement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

Le vieux malade de Ferney V. »

 

 

 

1 A ce propos, à Marin , le même jour : « Le marquis Crébillon , le marquis Marmontel, le marquis Voltaire ne seraient bon qu'à être montrés à la foire avec les singes de Nicolet . C'est apparemment un ridicule que messieurs les Parisiens ont voulu me donner et que je ne reçois pas ... »

A Frédéric II, le 29 janvier 1777: « Je n'ai voulu accepter aucune récompense du peu de peines que j'ai pris pour le petit pays dont j'ai fait ma patrie . J'ai quatre-vingt-deux ans, je n'ai point d'enfants, l'érection d'une terre en marquisat demande des soins au dessus de mes forces ... »

2 A savoir délivrer le pays des fermiers généraux, des corvées … ; voir lettre à Moultou du 29 août :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/28/a...

à de Vaines du 31 aout :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/31/m...

à Mme de Saint-Julien du 5 octobre : page 101 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80042j/f106.image.r...

et 14 décembre :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/12/13/m...

à Turgot du 8 octobre http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/10/08/c...

: et 8 décembre :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/12/08/q...

Sur la séance des États à laquelle V* a assisté, voir lettre du 14 décembre à Mme de Saint-Julien .

3 Est-ce une intervention demandée dans le procès entre Mirabeau père et Mirabeau fils ? Le 9 novembre, Barneville lui demandait de glisser un mot pour la mère dans une de ses lettres .

4 Fille d'un horloger de Ferney .

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26/12/2010 | Lien permanent

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