Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

je crains les œuvres posthumes.

... David Halliday a les mêmes craintes que Voltaire ! qui l'eut cru ?

 Résultat de recherche d'images pour "david hallyday heritier humour"

Look at my back !

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

21 mars [1763] , aux Délices 1

Mes anges croient recevoir un gros paquet de vers, mais ce n’est que de la prose. Cette prose vaut mieux que des vers ; c’est un projet d’éducation que M. de La Chalotais doit présenter au parlement de Bretagne, et sur lequel il m’a fait l’honneur de me consulter. Si mes anges veulent le parcourir, je crois qu’ils en seront contents. Je vous supplie de vouloir bien le lui renvoyer contre-signé, soit duc de Praslin, soit Courteilles.

Si le procureur-général de Toulouse avait fait de tels ouvrages, au lieu de poursuivre la mort de Jean Calas, je le bénirais au lieu de le maudire.

Je ne sais point encore quel parti prendra mademoiselle Clairon. Je lui ai offert un logement chez moi, car assurément elle n’en trouverait pas à Genève, et cette ville à consistoire n’est pas trop faite pour une comédienne. M. Tronchin prétend que le voyage peut lui être funeste dans l’état où elle est. Il assure de plus qu’elle ne peut jouer d’une année entière sans être en danger de mort. La comédie va être abandonnée . La nôtre l’est aussi. Madame Denis est toujours malade, et je suis plus misérable que jamais. Ma consolation est la journée du 7 mars, ce conseil d’État de cent personnes, ce qui ne s’était jamais vu, cet arrêt qui est déjà la justification des Calas, cette joie du public, et ce cri unanime contre le capitoul David. Tous ces David me déplaisent, à commencer par le roi David, et à finir par David le libraire 2.

Mes anges ont-ils trouvé quelque gros marguillier de Saint-Eustache qui ait déterré l’extrait baptistaire d’un Corneille, fils d’un Pierre Corneille, gentilhomme ordinaire du roi, et d’une Le Cochois ? Il ne m’est point venu de nouveaux Corneille ; mais s’il m’en venait, ils ne m’ennuieraient pas plus que la Sophonisbe du grand Pierre, que je fais actuellement imprimer. Je ne sais si je vivrai assez longtemps pour finir cet ouvrage. Je presse Cramer tant que je peux, car j’aime à corriger des épreuves, et je crains les œuvres posthumes.

Je présente mes tendres respects à mes anges, et je leur demande pardon du gros paquet. »

1 Le même jour, le conseil de Genève consigna dans ses minutes : « M. l'ancien synd[ic] [Michel] Lullin de Châteauvieux ayant rapporté qu'on débite depuis quelques semaines dans Genève une brochure sous le titre de Lettres toulousaines, que cet ouvrage imprimé en pays étranger, contient plusieurs traits imprudents, injurieux au parlement de Toulouse, et qui bien loin de servir aux protestants de France pourraient leur être nuisibles ; arrêté que les sieurs scholarques mandent les libraires et imprimeurs, et qu'ils leur défenent de faire venir et d'exposer le susdit ouvrage en vente . » . Voir lettre du 14 mars 1763 à Moultou : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/03/01/j-espere-beaucoup-du-pouvoir-que-votre-aimable-eloquence-doi-6030467.html

2Les ayant -droit de celui-ci s'opposaient alors à l'annonce du Théâtre de Corneille commenté par Voltaire, en s'autorisant d'un privilège . « David le libraire » était associé de Didot dès avant 1743 ; voir : http://data.bnf.fr/12397524/michel-etienne_david/

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_David_(imprimeurs)

et : http://www.bibliotheque-institutdefrance.fr/sites/default/files/les_didot.pdf

Lire la suite

15/03/2018 | Lien permanent

nous ne pouvons nous passer ni d'habits ni de livres

Pas plus que Mme Denis et son tonton préféré, je ne peux vivre sans habits et sans livres ; toutefois , je dois à la vérité de dire que je vivrais plus facilement sans habits ( mon passé de sans-culotte ressurgit ! ) que sans livres , surtout les écrits de l'inimitable Volti .

Il est d'autres "livres" dont il ne peut se passer ...

Notre incorrigible amateur de café me fait sourire à l'évocation de ces "dix-huit livres de café" planquées dans une caisse et pour lesquelles les autorités suisses pouvaient demander des droits, alors qu'en ma verte jeunesse, mes parents passaient la frontière proche de Genève pour s'approvisionner en café helvétique , moins cher, au nez et à la barbe des gabelous français ; juste (?) retour des choses . Il est vrai qu'ils n'avaient point de recommandation, point de piston; point de "M. Hermani" pour faciliter ce modeste système D . Le café n'en était que meilleur .


 L'art du café a plus d'un sens :

http://www.dailymotion.com/video/x4pcrk_de-l-art-de-faire...

 

 

dessin-cafe-316.jpg

 

« A Sébastien Dupont

Avocat

 

A Prangins, par Nion, pays de Vaud, 26 décembre [1754]

Vous êtes aussi essentiel qu'aimable, mon cher ami ; je vous parlerai d'affaires aujourd'hui . J'ai laissé cinq caisses entre les mains de Turckeim de Colmar, frère du Turckeim de Strasbourg . Je lui ai mandé, il y a un mois, de les faire partir, et je n'ai point eu de ses nouvelles . C’est l'affaire des messagers, me dira-t-on ; ce n'est pas celle d'un avocat éloquent et philosophe, j'en conviens , mais ce sera celle d'un ami . Je vous demande en grâce de parler ou de faire parler à ce Turckeim . Ces caisses contiennent les livres et les habits de Mme Denis et les miens, et nous ne pouvons nous passer ni d'habits ni de livres . Nous sommes venus passer l'hiver dans un beau château, où il n'y a rien de tout cela, et nous comptions trouver nos caisses à notre arrivée . J'ai donné au sieur Turckeim les instructions nécessaires ; je n'ai pas même oublié de lui recommander de payer les droits, en cas qu'on en doive, pour dix-huit livres de café qui sont dans une des caisses . Je l'ai prié de se munir d'une recommandation de M. Hermani pour le bureau qui est près de Bâle . Je n'ai rien négligé, et je n'en suis pas plus avancé . Il semble que mes ballots soient à la Chine, et Turckeim aussi ; mais vous êtes à Colmar, et j'espère en vous . J'ai écrit deux fois, en dernier lieu à ce Turckeim, par Mme Goll ; mais pendant ce temps là, elle était occupée du départ de son cher mari pour l'autre monde, et elle aura pu fort bien oublier de faire rendre mes lettres . Je m'imagine qu'elle ira pleurer son cher Goll à Lausanne, et que Mme de Klinglin n'aura plus de rivale à Colmar .

Je n'ai point encore vu M. de Brenles ; mais il viendra bientôt, je crois, nous voir dans notre belle retraite . Nous nous entretiendrons de vous et du R. P. Kroust, pour peu que M. de Brenles aime les contrastes . Je resterai ici jusqu'à la saison des eaux . Je n'ai pas trouvé dans le pays de Vaud le brillant et le fracas de Lyon, mais j'y ai trouvé les mêmes bontés . Les deux seigneurs de la régence de Berne m'ont fait tous deux l'honneur de m'écrire , et de m'assurer de la bienveillance du gouvernement . Il ne me manque que mes caisses . Permettez donc que je vous envoie le billet de dépôt dudit Turckeim ; le voici . Je lui écris encore . Je me recommande à vos bontés .

Notez bien qu'il doit envoyer ces cinq caisses par Bâle, à M. de Ribaupierre, avocat à Nion, pays de Vaud . J'aimerais mieux vous parler de Cicéron et de Virgile, mais les caisses l'emportent . Adieu ; je vous demande pardon, et je vous embrasse .

 

 

 

V. »

 

Lire la suite

29/10/2011 | Lien permanent

sans me lamenter le moins du monde avec vous sur les misères humaines

... Est ce que je vais esssayer de faire, car à la relecture des mes commentaires/en-tête, je m'aperçois que je sombre depuis quelques semaines dans des considérations un peu rasoir et que le gris n'est pas loin de virer au noir . Retrouvons l'optimisme qui est un moteur bien plus puissant que de ressasser les bourdes humaines quotidiennes, y compris les miennes .

Allez, banzaï !

 

banzai-img.jpg

 

 

« A M. Élie BERTRAND.
premier pasteur, à Berne
A Lausanne, 19 janvier [1758].
J'ai été un peu malade, mon cher philosophe, c'est un tribut que je paye à toutes les saisons. Et ce tribut mange ceux de l'amitié que je vous dois. Je ne vous ai point écrit, j'ai laissé prendre Breslau, et Lignitz, et peut-être Schweidnitz, et les troupes prussiennes entrer en Moravie sans me lamenter le moins du monde avec vous sur les misères humaines. J'ai laissé les pasteurs de Genève s'assembler, se remuer, s'agiter, proposer, contredire, et ne savoir que faire, sans vous en dire le moindre mot. Il y en a quelques-uns qui disent qu'on n'a que des grâces à rendre à M. d'Alembert, qui a peint le clergé suisse plus sage que le clergé français . D'autres sont fâchés sérieusement, d'autres affectent de l'être. Le temps adoucira tout. Ce petit orage ne submergera pas ceux qui ne sont pas de l'avis de l'omousios 1, et petit à petit on reviendra à ce qu'il y a de plus simple et de plus naturel.

Les affaires d'Allemagne sont un peu plus intéressantes. On dit Shweidnitz pris, ne pourrait-on point en demeurer là ? Si l'impératrice voulait renoncer à la Silésie, on ne pillerait plus, on n'égorgerait plus. Mais quidquid delirant reges, plectuntur Achivi 2: c'est mon refrain. Madame la margrave de Baireuth me mande 3 que, le 23 et le 24 décembre dernier, il y eut des tremblements de terre considérables autour de sa ville, à quatre milles à la ronde, précédés de bruits souterrains assez effrayants. Voilà encore de quoi mettre dans votre greffe 4. Il résultera de vos observations que les tremblements sont plus fréquents que les aurores boréales . On ne faisait attention autrefois qu'aux aurores boréales singulières qui étaient suivies de quelque grand événement. On ne parlait que des tremblements qui engloutissaient des villes, on négligeait les autres. On découvrira peut-être qu'il y a une douzaine de tremblements de terre année commune dans notre petit globe et que c'est une suite naturelle de sa constitution. J'ai bien peur que la guerre et les autres fléaux ne soient aussi une suite nécessaire de notre malheureuse constitution morale. Adieu, la constitution de mon âme est de vous être attaché .
Mille tendres respects à M. et de Freudenreich.

V. »

1 Venant du grec signifiant « de même essence », on parle ici de la consubstantialité des personnes de la Trinité .

2 De toutes les folies des rois, ce sont les Achéens qui portent la peine . Horace, Epîtres, I, II, 14 .

3 Le 27 décembre 1757 : « nous avons eu ici, il y a trois jours trois secousses d'un tremblement de terre … Il n'a causé aucun dommage . On n'a point l'exemple d'un pareil phénomène dans ce pays ... » : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/02/28/je-vous-adresse-la-lettre-ci-jointe-pour-le-chapeau-rouge-3.html

4 Bertrand préparait une nouvelle édition de ses Mémoires sur la structure intérieure de la terre . V* emploie « greffe » pour désigner le « lieu où l'on conserve ce qui est écrit. ». http://books.google.fr/books?id=vwwKAAAAIAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

 

Lire la suite

26/03/2013 | Lien permanent

La poste est une belle invention, mais il y faut un peu de fidélité, et même de l'indulgence

... Surtout en cette période estivale où ce sont des étudiants qui font la distribution du courrier ; visiblement ce ne sont pas des gens de lettres et ils nous donnent l'occasion de faire le facteur pour mettre dans la bonne boîte d'un voisin le courrier indûment reçu . Reconnaissons-leur quand même le courage de travailler quand tant de leurs collègues coincent la bulle .

 Résultat de recherche d'images pour "coincer la bulle en anglais"

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

8è auguste [1763]

Je vous prie, mon cher frère, de lire le nouveau mémoire ci-joint, et de vouloir bien le faire passer à M. Mariette .

Vous avez dû recevoir une petite plainte 1 de moi contre le receveur de votre vingtième , qui demeure à Belley à quinze lieues de chez nous, et qui veut que nous lui envoyions un exprès pour le payer . Le directeur des vingtièmes du pays m'est venu voir, et s'est chargé d'accommoder l'affaire . Il se trouve que ce directeur est précisément M. de Marinval 2 à qui vous avez disputé ce que vous n'avez eu ni l'un ni l'autre .

Je n'ai point vu la lettre que Jean-Jacques a écrit 3 à Paris , dans laquelle ce fou traite les philosophes aussi mal que les prêtres afin qu'il ne lui reste aucun ami sur la terre .

J'ai lu Les Quatre Saisons 4 du cardinal de Bernis . Il y a la valeur de quatre-vingt saisons, au moins ; les campagnes que j’habite ne sont pas si fertiles, il s'en faut de beaucoup . Quelle terrible profusion de vers !

Je prie mon cher frère de me mander s'il a reçu des paquets par M. d'Argental . La poste est une belle invention, mais il y faut un peu de fidélité, et même de l'indulgence .

Je prie mon cher frère de m'envoyer sur-le-champ la lettre de Jean-Jacques s'il en a une copie . N'est-ce pas une lettre à M. le duc de Luxembourg qui tient seize pages ? On dit qu'elle a été lue de Mgr le Dauphin .

Ma tendre bénédiction à tous les frères .

Écr l'inf. »

3 Sic, suivant un usage bien attesté .

4 Les Quatre Saisons ou les Georgiques françaises, poème par M. le c. de B ; à son propos Thieriot écrit le 30 juillet : « Je ne dédaigne pas autant que frère Damilaville Les Quatre saisons du cardinal de Bernis . Je voudrais que les traits de la vielle fable s'y montrassent avec moins de profusion[...] ». Voir : http://tolosana.univ-toulouse.fr/fr/notice/044224028

Lire la suite

25/07/2018 | Lien permanent

Je présume qu'il passe fort agréablement son temps avec quelque fille d'Aron-Aralschild

... Mohammed ben Salmane, dit MBS (Mon Beau Sal..d ) : https://www.france24.com/fr/france/20230614-le-prince-h%C...

Dur dur ! il va falloir avaler la pilule et supporter ce violeur des droits humains . Le pétrole garde décidément un goût de merde .

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon, de

l'Académie des belles-lettres, etc.

Rue du Doyenné Saint-Louis-du Louvre

à Paris

30è novembre 1767.

L'anecdote parlementaire que vous avez la bonté de m'envoyer, mon cher ami, m'est d'autant plus précieuse qu'aucun écrivain, aucun historien de Louis XIV n'en avait parlé jusqu'à présent.

Et voilà justement comme on écrit l'histoire. 1

Vous êtes bien plus attentif que le victorieux auteur de l'Èloge de Charles V 2. Il ne m'a point appris d'anecdote, car il ne m'a point écrit du tout. Je présume qu'il passe fort agréablement son temps avec quelque fille d'Aron-Aralschild 3.

Je ne sais pas la moindre nouvelle des tripots de Paris. J'ignore jusqu'aux succès des doubles-croches de Philidor 4, et je suis toujours très affligé de l'aventure des croches de notre ami M. de La Borde. J'ai sa Pandore à cœur, non parce que j'ai fourni la toile qu'il a bien voulu peindre, mais parce que j'ai trouvé des choses charmantes dans son exécution et je souhaite passionnément qu'on joue le péché originel à l'Opéra. Vous me direz qu'il ne mérite d'être joué qu'à la foire Saint-Laurent. Cela est vrai, si on le donne sous son véritable nom; mais, sous le nom de Pandore, il mérite le théâtre de l'Académie de musique. Je vous prie toujours d'encourager M. de La Borde car pour vous, mon cher ami, je vous crois assez encouragé à établir votre réputation en détruisant l'Empire romain. Mais commencez par établir un théâtre, vous n'en avez point. La Comédie Française est plus tombée que l'empire romain.

Nous n'avons plus de soldats dans nos déserts de Ferney. L'arrêt des augustes puissances contre les illustres représentants est arrivé, et a été plus mal reçu qu'une pièce nouvelle. Vous ne vous en souciez guère, ni moi non plus.

Maman et toute la maison vous font les plus tendres compliments . J'enchéris sur eux tous.

V. »

 

2 La Harpe.

3 La Harpe s'occupait de sa tragédie des Barmécides qui ne sera pas jouée avant 1778 .Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6124677v.texteImage

4 Ermelinde, princesse de Norvège, d'Antoine-Alexandre-Henri Poinsinet, musique de Philidor, fut jouée le 24 novembre 1767 ; écoutez https://www.youtube.com/watch?v=0HbSKo1IspI&ab_channel=KuhlauDilfeng3

Ce n'est pas cette pièce qui aurait assuré la survie du nom de Philidor s'il n'avait été par ailleurs un grand joueur d'échecs . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Position_de_Philidor

et : https://www.youtube.com/watch?v=tlNZ9Eurb3k&ab_channel=imineoEchecs

Et voir : http://www.mjae.com/voltaire.html

Lire la suite

16/06/2023 | Lien permanent

Ayant le malheur d’être devenu un homme public

 

pean kouchner article_photo_.jpg

«  A Nicolas, heureux époux actuel de Carla, palais de l’Elysée à  Paris

 

 

 

J’avais bien raison, Nicolas, quand je te suppliais de vouloir bien arrêter les libelles du sieur Péan ; il s’est joint aux éditions Fayard pour composer ce malheureux libelle diffamatoire qui mérite assurément la punition la plus exemplaire. Ayant le malheur d’être devenu un homme public par mes grandes œuvres et coups médiatiques, je suis obligé de repousser les calomnies publiques .

 

                   Péan dans son libelle diffamatoire, cite un autre libelle , dans lequel Omar Bongo dit que j’ai eu une querelle de comédie  avec lui et que ce despote m’ a refusé son paiement . Je te demande en grâce, Nicolas, de vouloir bien faire signer par tes camarades le certificat ci-joint . Il m’est absolument nécessaire . Tu vois quelle est la rage des journalistes ; et quelle funeste récompense je recueille de tant de travaux . Mon honneur m’est plus cher que mes écrits, et je me flatte que vous ne me refuserez pas un certificat dans lequel je ne demande que la plus exacte vérité .

 

                   Tous ceux qui sont cités dans cet infâme libelle m’en ont donné , c’est la meilleure manière de répondre aux calomnies. Je voudrais bien mériter votre amitié par mes talents, mais je n’en suis digne que par ma reconnaissance . Je te conjure de m’obtenir un certificat qui me fasse honneur, je t’en aurai une obligation infinie .

 

Nous soussignés instruis qu’il court un libelle diffamatoire également horrible et méprisable, intitulé Le Monde selon K. dans lequel on ose avancer que M.  Kouchner a usé de rapines à l’occasion de ses activités de ministre théatral, et dans lequel on fait dire au sieur Omar Bongo que ledit sieur Kouchner a été insulté nous déclarons sur notre honneur tous unanimement, que M. Kouchner  en a toujours agi avec nous généreusement à l’occasion de ses garden parties, et que l’affaire prétendue entre lui et un chef d’état démocrate  est une calomnie qui n’a pas le moindre fondement etc.

 

                   M. Kouchner, irréprochable french doctor honoris causa

                   A Paris, ce 6 février 2009. »

 

 

 

 

 

 

 

 

Ci-dessous, une "charmante" lettre de notre Caliméro du XVIIIème (siècle bien sûr! ) qui m'a servi pour faire le pastiche qui précède. Ah qu'il est bon pour le moral de fréquenter des personnages célèbres qui ont parfois des points communs qui unissent les siècles .

 

Jeanne-Fran%C3%A7oise_Quinault_by_Pirodon_after_Quentin_de_La_Tour.jpg

« A Mademoiselle Jeanne –Françoise Quinault , rue d’Anjou faubourg Saint Antoine à Paris

 

 

                   J’avais bien raison, Mademoiselle, quand je vous suppliais de vouloir bien arrêter les libelles du sieur de Merville [ Guyot de Merville qui « farcit ses préfaces d’injures inutiles » ] ; il s’est joint à l’abbé Desfontaines pour composer ce malheureux libelle diffamatoire [ La Voltairomanie ] qui mérite assurément la punition la plus exemplaire. Ayant le malheur d’être devenu un homme public par mes ouvrages, je suis obligé de repousser les calomnies publiques .

 

                   L’abbé Desfontaines dans son libelle diffamatoire, cite un autre libelle du sieur de Saint Hyacinthe [ L’Apothéose ou la déification d’Aristarchus] , dans lequel ce Saint Hyacinthe dit que j’ai eu une querelle à la Comédie avec un officier nommé Beauregard, et que cet officier m’insulta en présence d’un acteur . Je vous demande en grâce, Mademoiselle, de vouloir bien faire signer par vos camarades le certificat ci-joint . Il m’est absolument nécessaire . Vous voyez quelle est la rage des gens de lettres ; et quelle funeste récompense je recueille de tant de travaux . Mon honneur m’est plus cher que mes écrits, et je me flatte que vous ne me refuserez pas un certificat dans lequel je ne demande que la plus exacte vérité .

 

                   Tous ceux qui sont cités dans cet infâme libelle m’en ont donné , c’est la meilleure manière de répondre aux calomnies. Je voudrais bien mériter votre amitié par mes talents, mais je n’en suis digne que par ma reconnaissance . Je vous conjure de m’obtenir un certificat qui me fasse honneur, je vous en aurai une obligation infinie [ Mlle Quinault ne donnera pas ce certificat et Voltaire lui enverra en remplacement une « lettre ostensible » qui ne la « commet en rien » ].

 

Nous soussignés instruis qu’il court un libelle diffamatoire également horrible et méprisable, intitulé La Voltairomanie dans lequel on ose avancer que M. de Voltaire a usé de rapines à l’occasion de ses pièces de théatre, et dans lequel on fait dire au sieur de Saint Hyacinthe que ledit sieur de Voltaire a été insulté en notre présence par un officier nous déclarons sur notre honneur tous unanimement [la première version disait « et de notre seule volonté » ], que M. de Voltaire en a toujours agi avec nous généreusement à l’occasion de ses pièces, et que l’affaire prétendue entre lui et un officier est une calomnie qui n’a pas le moindre fondement etc.

 

                   Voltaire

                   A Cirey, ce 6 février 1739. »

 

 

 Pour connaître Mlle Quinault  qui, avouez-le messieurs, a de jolis arguments à faire valoir :http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne-Fran%C3%A7oise_Quinault

 

Lire la suite

07/02/2009 | Lien permanent

vous savez que je ne présenterai jamais requête pour être mangé des vers dans une paroisse de Paris plutôt qu'ailleurs

... Triste, lamentable  et terrible bilan que celui des morts sans abris en France :

https://www.francetvinfo.fr/societe/sdf/pauvrete-624-sans-abris-morts-dans-la-rue-en-2022_6150003.html

 

 

« A Marie-Louise Denis

Mardi au soir 8 mars [1768]1

Jacob Tronchin, qui de son côté a été quelquefois houspillé par le peuple, est celui qui veut acheter Ferney . Il balance entre votre terre et celle d'Alamogne 2. Je crois que vous devez saisir cette occasion qui ne se présentera plus . Il faudra baisser un peu le prix, car on peut avoir Alamogne pour 250 000 livres . Elle est affermée pour 9 000 livres et vous ne trouveriez pas un fermier qui donnât mille écus de Ferney . Je pense que si vous pouvez vendre Ferney avec les meubles pour 200 000 livres vous ne devez pas manquer ce marché . Si même on n'en voulait donner que 180 000 , je vous dirais encore : donnez la terre à ce prix . Vous aurez dix mille livres de rente viagère et 80 000 livres d'argent comptant . Votre santé, vos goûts, la douceur de la vie de Paris, vos parents, vos amis, tout vous fixe à Paris, et je compte venir vous y voir dès que j'aurai arrangé mes affaires , et les vôtres avec M. le duc de Virtemberg . Je compte avoir au mois de juillet des délégations en bonne forme qui assureront le paiement exact de vos rentes et des miennes . Ce paiement ne commencera probablement qu'au mois de janvier 1769 . Pour moi j'ai à payer actuellement plus de seize mille livres tant à Genève qu'à Lyon et aux domestiques . C'est à vous à tirer de M. le maréchal de Richelieu environ vingt-cinq mille francs que nous partagerons . Je crois que la maison de Guise en doit presque autant . Votre neveu et votre beau-frère seront de bons intendants . Si vous vendez Ferney 200 000 livres vous vous trouverez tout d'un coup fort au-dessus de vos affaires . Il faudrait m'envoyer une procuration spéciale pour vendre Ferney et je vous donne ma parole d'honneur de ne la vendre jamais au-dessous de 180 000 livres . J'espère même en tirer 200 0000 livres . Je sais bien qu'en tout elle me revient à près de 500 000 livres, mais on ne vend point ses fantaisies et le prix d'une terre se règle sur ce qu’elle rapporte et non sur sa beauté . Encore une fois, un fermier savoyard ne vous en rendrait pas 3000 livres par an et il ne vous payerait pas . Il s'agit, entre nous, ou d'en avoir rien ou de vous en faire tout d'un coup dix à douze mille livres de rente . Vous me demandez ce que je deviendrai . Je vous répondrai que Ferney m'est odieux sans vous, et que je le regarde comme le palais d'Armide qui n'a jamais valu douze mille livres de rente . Si je vends Ferney je me retirerai l'été à Tournay . Je songe plus à vous qu'à moi . Je veux que vous soyez heureuse, et je compte avoir vécu . J'ai gardé jusqu'à présent tous les domestiques et je ne suis pas sorti de ma chambre . Le thermomètre a été six degrés au-dessous de la glace . Tous les arbres nouvellement plantés périront . Je ne les regretterai pas . Je regretterai encore moins le voisinage de Genève. Ce sera toujours l'antre de la discorde . Le Conseil a presque tout cédé au peuple qui a fait la paix en victorieux . Ce n’était pas la peine d'envoyer un ambassadeur et des troupes pour laisser les maîtres ceux qu'on voulait punir . Mais la situation de Genève m’importe peu la vôtre seule me touche . Je vous conseillerais de prendre une maison avec votre frère et l'enfant . Je me logerais dans le voisinage, quand je pourrais revenir d'une manière convenable et à ma façon de penser et à mon âge, car vous savez que je ne présenterai jamais requête pour être mangé des vers dans une paroisse de Paris plutôt qu'ailleurs . Solitude pour solitude, tombeau pour tombeau, qu'importe ? Vivez ; je saurai bien mourir très honnêtement . Il y a plus de dix-huit ans que Lucrèce a dit avant La Fontaine :

Je voudrais qu'à cet âge

On sortît de la vie ainsi que d'un banquet

Remerciant son hôte et faisant son paquet .3

J'aurais eu la consolation de mourir entre vos bras sans ce funeste La Harpe .

Les vainqueurs viennent d'envoyer chez moi . Vous voyez bien qu'on vous avait trompée et que je ne méritais pas que vous me dissiez que je ne savais plaire ni à Dieu ni au diable . J’aurais voulu au moins ne pas vous déplaire . Ma douleur égalera toujours mon amitié . »

1  Année ajoutée par Mme Denis .

3 La Fontaine ; Fables, VIII, I, V. 51-53 : La Mort et le Mourant : https://www.bonjourpoesie.fr/lesgrandsclassiques/poemes/jean_de_la_fontaine/la_mort_et_le_mourant

Le dernier vers est inexactement cité :

Remerciant son hôte, et qu'on fît son paquet .

Le goût de V*, pour une fois, ne l'a pas mieux servi que sa mémoire .

Lire la suite

29/10/2023 | Lien permanent

J'apprends que le parlement de Dijon vient de défendre par un arrêt , de payer les nouveaux impôts . J'avoue que je suis

... Les gilets jaunes de 1763-64 étaient moins destructeurs que ceux d'aujourd'hui et savaient s'opposer au roi intelligemment, sinon toujours efficacement .

J'aimerais bien , au passage, que  nombre de "mauvais serviteurs" de la république soient disciples de Voltaire et se dispensent  de frauder détestablement , et que GAFA cesse de se goinfrer sans payer son écot . Est-ce trop demander ?

 Image associée

Payez ! bandes de voleurs !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

1er janvier 1764 1

Je reçois la belle lettre ironique de mon cher frère du 25 décembre au soir, avec la lettre de frère Thieriot, et Ce qui plait aux dames, et l’Éducation des filles 2. Cette Education des filles était destinée à figurer avec d'autres éducations, car nous avons aussi élevé des garçons 3. Il est vrai que je m’amuse cet hiver à faire des contes pour réjouir les soirs ma petite famille . Mais frère Cramer a fait une action abominable de copier chez moi l’Éducation des filles, et de l'envoyer à Paris . Il ne faut pas fatiguer le public . Je me souviens trop de La Serre

Volume sur volume incessamment desserre 4.

Et frère Thieriot , à qui d'ailleurs je fais réparation d'honneur, m'écrit fort censément qu'il faut user de sobriété .

Vous ne manquerez pas de contes, mes frères, vous en aurez, et de très honnêtes . Un peu de patience, s'il vous plait .

Au reste, votre lettre du 25 est encore plus consolante qu'ironique . Je vois qu'on ne brûle ni l'évêque d'Alétopolis, ni quakre, ni tolérance . Mais avez-vous l'arrêt du parlement de Toulouse contre le duc de Fitzjames 5, je vous l'envoie, mes frères ; la pièce est rare, et vaut mieux qu'un conte .

Vous remplissez mon âme d'une sainte joie en me disant que le sieur Evremond 6 perce dans le monde ; il fera du bien, malgré les fautes horribles d’impression . Béni soit à jamais celui qui a rendu ce service aux hommes !

On parle beaucoup d'une œuvre toute différente, c'est le mandement de votre archevêque 7. On le dit imprimé clandestinement comme les contes de La Fontaine, et on dit qu'il ne sera pas si bien reçu . Pourrai-je obtenir un de ces mandements et un Antifinancier 8? Si par hasard vous aviez mis par écrit vos idées sur la finance, je vous avoue que j'en serais plus curieux que de tous les antifinanciers du monde . Je m'imagine que vous avez des vues plus saines, et des connaissances plus étendues que tous ceux qui veulent débrouiller ce chaos .

J'apprends que le parlement de Dijon vient de défendre par un arrêt , de payer les nouveaux impôts . J'avoue que je suis un mauvais serviteur du roi, car j'ai tout payé .

Permettez-moi que je vous adresse cette lettre pour Guy Duchesne, au Temple du goût . Il y a , par parenthèse, un vers oublié dans Ce qui plaît aux dames.

Et vous , madame, en ce palais de gloire,

oub[l]ié : Quand vous couchez côte à côte du roi,

Dormez-vous mieux, aimez-vous mieux que moi ?9

Adieu mon cher frère . Saint-Evremond est un très grand saint . »

1 Copie par Wagnière ; l'édition de Kehl omet l'avant-dernier paragraphe à la suite de la copie Beaumarchais (Permettez-moi …. mieux que moi?)

3 V* songe sans doute à l’Éducation d'un prince, qui ne parut pas séparément, mais est inclus dans les Contes de Guillaume Vadé .

4 Boileau, Le Chapelain décoiffé, 19-20 .

5 Le parlement de Toulouse a ordonné le 17 décembre 1763 l'arrestation du duc « en quelque endroit qu'il se trouve », ce qui manifestement excède les possibilités d'action des magistrats .

9 Ce qui plaît aux dames, 252-253 .

Lire la suite

08/01/2019 | Lien permanent

malgré la bonne volonté de ses juges subalternes qui voulaient le rouer absolument

 http://www.dailymotion.com/video/x1933o_salif-keita-cesar...

L'Afrique que l'on ne doit pas oublier quand on parle de culture . Un duo qui ne laisse pas indifférent et que j'écoute avec un plaisir non dissimulé.

J'ai eu un autre plaisir, celui de déjeuner en écoutant le grand Georges Brassens sur le PC portable d'un collègue qui est plus amateur de rap que de chansons d'avant sa naissance.

Et il aime ça .

Il n'est pas question qu'il les efface .

Notre monde n'est pas perdu, tant qu'il y aura cette variété de goûts ....

 

 

 Volti s'adresse une fois de plus à cet excellent avocat jurassien Christin pour qui il a une affection très paternelle.

voltaire saint claude.jpg

 

« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin

Monsieur Christin fils,

avocat en Parlement

à Saint Claude

 

 

                            L’ermite de Ferney fait les plus tendres compliments à son cher philosophe de saint Claude. Pourvu que dans un mois on ait quelques morceaux de jurisprudence depuis la lettre  a jusqu’à la lettre e [pour le Supplément à l’Encyclopédie, qui deviendra Questions sur l’Encyclopédie], on sera très content.

 

                            Il est instamment prié d’écrire à son ami qui est employé en Lorraine de dire bien positivement où en est l’affaire de ce malheureux Martin [« … Ce fut le 26è juillet de cette année qu’un scélérat avoua sur la roue que c’était lui qui avait commis le meurtre pour lequel Martin avait été condamné et exécuté auparavant . C’est le juge du bailliage de La Marche qui fit rouer Martin … Il y a environ trois ans que Martin a été roué, et son innocence n’a été reconnue que depuis deux mois. Voici les deux motifs de sa condamnation. Ses souliers et un mot qui lui échappa… »] ; si on le poursuit ; si on a réhabilité la mémoire de cet homme si injustement condamné ; si c’est à la Tournelle de Paris que la sentence fut confirmée . Cette affaire est très importante. Ceux qui l’ont mandée à Paris sur la foi des  lettres reçues de Lorraine, craignent fort d’être compromis si malheureusement  l’ami de M. Christin s’est trompé.

 

                            Sirven a été élargi, et il a eu mainlevée de son bien malgré la bonne volonté de ses juges subalternes qui voulaient le rouer absolument. Il en appelle au parlement de Toulouse qui est très bien  disposé en sa faveur, et il espère qu’il obtiendra des dédommagements.

 

                            J’embrasse bien tendrement mon cher petit philosophe.

 

 

                            V.

 

                            11è décembre 1769. »

 

 

 

http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.patricks...

 

 

 

Lire la suite

11/12/2009 | Lien permanent

Nous n'avons pas de grands génies à Gex. Mais les bœufs sont des aigles quand il s'agit d'intérêt

... Je confirme ce jugement de Voltaire avec une légère mise à jour, ce ne sont plus des aigles mais des vautours qui s'occupent de l'immobilier gessien , en compagnie de hyènes repues . J'emploie des termes un peu forts et au demeurant déplaisant pour les intéressés , mais quand je vois les prix , vous qui n'avez pas un salaire de ministre oubliez tout espoir de vous loger , passez votre chemin avec votre SMIC .

Les agents immobiliers sont gros et gras et possèdent de beaux logements , les vendeurs se font des c... en or , l'argent va à l'argent . Il n'y a bientôt plus la place de planter un poireau .

Midiere-Olivier-L-aigle-Le-Boeuf-Et-Le-E-Business.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon

Ferney, 18 novembre [1758] 1

Vous, monsieur, qui êtes maître en Israël, ayez la bonté d'abord de m'instruire si on doit l'impôt goth et vandale des lods et vente quand on achète pour le temps de sa courte vie. Alors je pourrais avoir l'honneur de transiger avec vous la tête levée quoique chenue, et Mme de Brosses aurait un cent d'épingles. Ce parti serait bien préférable à celui d'un prétendu bail, qui m'exposerait à de grands embarras. Nous n'avons pas de grands génies à Gex. Mais les bœufs sont des aigles quand il s'agit d'intérêt et un commis, un procureur, etc., attraperait Homère et Platon.

Après ce préambule, je dois vous dire que je n'entendrais point du tout garder noble Chouet, fils de noble Chouet, syndic. Je respecte fort les Genevois et les ivrognes il est l'un et l'autre; mais je ne veux point de lui. Il ne demande d'ailleurs qu'à sortir de la terre; il a fait afficher dans la ville de Jean Chauvin 2 qu'il cherchait un sous-fermier, et n'en a point trouvé. Il laisse votre terre dans un état déplorable. Je lui avais acheté du blé pour avoir le plaisir de faire dans mon ermitage des Délices les premières semailles que j'aie faites de ma vie. On n'a pu employer son froment il était plein d'ivraie (ce qui est maudit dans l'Évangile 3), tandis que, dans ma terre de Ferney, j'ai le plus beau froment du monde à deux pas de chez vous. On m'a fait espérer un Suisse qui ne boit point, qui entend l'économie d'une terre, et qui la dirigera sous mes yeux.

Je veux bien consentir à vous laisser mes meubles quand je n'aurai plus pour tout meuble que trois ais de mauvais sapin. Tout ce qui sera sur la terre et dans la terre vous appartiendra mais je veux la forêt, qu'on dégrade et dont j'aurai soin. Je demande les cens 4, tous les droits seigneuriaux, tout ad vitam brevem.5

Mais ces lods et ventes, comment s'en débarrasser? Voilà le grand point . Je n'en dois déjà que trop pour la terre de Ferney le droit goth m'épuise, et je ne suis plus en état de payer des princes. Pourvu que je sois loin d'eux, je suis content. Heureux, monsieur, si je peux avoir l'honneur de traiter avec vous et de recevoir vos ordres! Vous ne doutez pas des sentiments de votre très-humble et obéissant serviteur.

VOLTAIRE,

gentilhomme ordinaire du roi. »

1 Réponse à la lettre du 12 novembre de de Brosses : « DE M. le président de BROSSES 1

A Montfalcon, par Mâcon, le 12 novembre [1758].

Votre dernière lettre, monsieur, vient de m'être renvoyée dans ma terre de Bresse, où je suis venu seul passer une quinzaine de jours pour régler quelques affaires. Je vois que vous voulez me faire plus riche d'un capital de dix mille écus, à moins que je ne le mange, comme cela arrivera infailliblement. Allons, il m'en va coûter mille sept cents francs de rente, que je sacrifie pour procurer à ma vieille terre la gloire de posséder un homme illustre qui l'immortalisera par quelque poème œre perennius.

De grâce faites-lui cet honneur de la chanter à côté du lac, cela ne vous coûte guère. Je vous livrerai donc l'usufruit viager de la seigneurie, du château, et du domaine du château, tel et ainsi qu'en jouit le sieur Chouet par son bail actuel. Je n'entre pas dans le détail des autres articles portés par votre dernier mémoire responsif, parce qu'il se réfère assez au mien, et qu'il me semble que nous sommes à peu près d'accord là-dessus. Reste cette chaîne ou pot de vin, pour laquelle vous offrez à Mme de Brosses une belle charrue à semoir. Mais, outre que j'en ai une ici, je doute qu'elle prenne cela pour un meuble de toilette. Je ne me mêle pas des affaires des femmes. Voyez si vous voulez démêler cette fusée avec elle. Vous êtes galant, vous ferez bien les choses. Et n'allez pas dire: « Je ne suis point galant ce sont mes ennemis qui font courir ce bruit-là » car elle n'en voudra pas croire un mot. Si vous avez quelque proposition honnête à faire pour elle, je m'en chargerai volontiers, et je tâcherai de vous en tirer à meilleur compte. Que si elle est une fois à vos trousses, il faudra les Pères de la Mercy pour vous racheter. Encore elle s'en va à Paris cet hiver, où elle compte manger beaucoup d'argent. Ceci la va rendre âpre comme tous les diables; ma foi, je vous plains.

Dites -moi quand et comment vous voulez que nous fassions les actes; en quel temps à peu près vous voudriez entrer en jouissance; si vous comptez laisser le fermier actuel dans le bail, ou si vous entendez qu'il sera résilié. En ce dernier cas, ceci demande des précautions, et des arrangements à prendre de ma part avec le sieur Chouet. Vous sentez assez que cela ne se peut pas faire dans la première minute; mais cela n'empêcherait pas que vous ne puissiez prendre vos mesures d'avance sur ce que vous pouvez avoir dessein de faire.

Il y a un article qui me peine, quoique ce ne soit pas grand'chose c'est celui des meubles. Quand on rentrera là un jour à venir, il n'y aura que les quatre murailles, et on y sera comme le Fils de l'homme, qui n'a pas où reposer sa tête. Convenons qu'ils vous resteront pour l'usage tels qu'ils y sont, et qu'ils y seront laissés après vous tels qu'ils seront.

Je vous demande en grâce de garder le plus grand secret sur notre traité, non-seulement à cause des arrangements qu'il me faudra faire peut-être avec M. Chouet, mais encore plus à cause des précautions à prendre pour notre utilité réciproque, tant sur l'article des franchises que sur les demandes que l'on pourrait vous faire sur le pied d'une aliénation: si bien qu'il faut que ceci n'ait que l'air extérieur d'un bail à vie. Faites-moi le plaisir de me faire là-dessus la plus prompte réponse qu'il vous sera possible, afin que je puisse prendre sans tarder les mesures nécessaires. Indépendamment de notre affaire, c'est toujours un moment bien agréable pour moi que celui où j'ai l'avantage de recevoir de vos lettres. Je désire avec empressement de vous des sentiments d'amitié; et je puis dire que je les mérite par ceux de la plus grande estime et du plus parfait dévouement que j'ai l'honneur de vous porter.

BROSSES 2. »

« 1 Ceci est une réponse à une lettre de Voltaire qui s'est perdue. Voici comment. Après le décès du président de Brosses et durant l'émigration de ses enfants, M. de Tournay, son frère, resta dépositaire de ses papiers. Ce dernier étant mort le 21 janvier 1793, sa veuve se remaria. Des personnes que j'ai lieu de croire bien informées assurent que le second mari de cette dame avait gaspillé, au profit de quelques curieux, la correspondance de Voltaire avec le président. (Note du premier éditeur.)

2. Dans un catalogue d'autographes, vendus le 17 avril 1880, nous relevons, sous le n° 52, la mention suivante « Lettre de Ch.-L.-Aug. Fouquet, duc de Belle-Isle, maréchal de France, à Voltaire, de Versailles, 12 novembre 17.8. Il se chargera de remettre au ministre de la marine le mémoire qu'il lui a recommandé. »

2 Arbitrairement toutes les éditions corrigent en Cauvin ; or Cauvin, Chauvin, Calvin sans compter les formes latinisées de ce nom, sont autant de formes dialectales du même nom propre qui est à l'origine un diminutif de chauve .

3 Selon Matthieu, XIII, 24-30 .

4 Le cens était une rente dont un héritage était chargé envers le seigneur du fief .

5 Pour la durée d'une vie brève .

 

Lire la suite

10/12/2013 | Lien permanent

Page : 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197