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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

il n’avait pu passer chez moi parce qu’il a sa femme ; mais certainement je ne lui aurais pas pris sa femme

... Je peux vous l'assurer . Mme *** n'est pas mon genre et je ne briserai en aucun cas le couple de M.*** . Voilà ! Quant à savoir de qui il pourrait s'agir, je vous laisse maîtres de l'identification .

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« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

senatore di Bologna

à Bologna

25è auguste 1762, aux Délices 1

Le caro Goldoni, le figlio della natura 2 veut donc, monsieur, me laisser mourir sans me donner la consolation de le voir. Il m’a écrit de Lyon qu’il n’avait pu passer chez moi parce qu’il a sa femme ; mais certainement je ne lui aurais pas pris sa femme, et je les aurais reçus tous deux avec autant d’empressement qu’il le sera partout ailleurs. Il m’a mandé que de Lyon il allait à Paris, mais il ne m’a pas donné d’adresse ; ainsi je ne sais où lui répondre.

Je suis tout à fait angustiato 3. Vous m’étonnez, monsieur, de m’apprendre que vous voulez ressusciter en Italie la tragédie Idoménée 4, qui est morte à Paris dès sa naissance, il y a quelque soixante ans. C’est un des plus insipides ouvrages qu’on ait jamais donnés au théâtre, et aussi mal écrit que mal conduit. Assurément Phèdre et Polyeucte seraient bien étonnés de se trouver en pareille compagnie. Non, vous ne serez pas comme ceux qui tiennent table ouverte, et qui reçoivent également les gens aimables et les importuns.

Dieu a béni votre théâtre, et n’a pas accordé au mien beaucoup de faveur cette année. J’ai été si malade, qu’il m’a fallu quitter le château de Ferney pour aller aux Délices près de Genève, et pour être longtemps entre les mains des médecins. Pendant ce temps-là, vous donniez de belles fêtes ; et il vous est plus aisé de trouver des acteurs à Bologne, qu’à moi d’en trouver à Genève. Bologna la dotta 5 vaut mieux que Genève la pédante, où il n’y a que des prédicants, des marchands, et des truites ; je ne m’accommode pas tout à fait de cela, moi qui aime mieux une bonne tragédie qu'un sermon . Ce que nous avons de plus agréable dans ce pays-ci, c’est que nous sommes instruits les premiers de toutes les sottises sanguinaires qui se passent dans le Nord. Nous sommes tout juste entre la France, l’Allemagne, et l’Italie ; et on ne tue personne vers Dresde que nous ne le sachions les premiers. Avec tout cela j’aimerais beaucoup mieux avoir bâti un château vers Bologna que vers les Allobroges, et être votre voisin que celui des Savoyards ; mais Dieu n’a pas voulu que je visse la belle Italie. Il faut que je vive et que je meure où je suis . J’y vivrai et j’y mourrai plein d’estime et de respect pour vous.

V. »

1 L'original porte la mention « fco Milano » ; l'édition de Kehl est peu soignée comme la copie Beaumarchais ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1762-partie-24-123150901.html

2 Le cher Goldoni, l'enfant de la nature .

3 En peine .

4 Idoménée, tragédie de Crébillon avait été jouée en décembre 1705 et n'avait jamais été reprise . Une note du manuscrit et de l'édition précise : « Idoménée fut traduit par MM. Paradisi et Albergati, non par choix, mais par complaisance . »

5 « Bologne la docte » souvenir de Culta Bonomia, de Martial, Épigrammes, III, IX, 1 .

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19/07/2017 | Lien permanent

c'est le pays de Candide, c'est le pays des gros moutons rouges

... Où voulez-vous que ce soit ? En Chine bien sûr !

Grosse Peluche Mouton Originale Mopp Toddel Beasts

 

« A Etienne-Noël Damilaville

A Rolle, pays de Vaud,

près de Genève, 28è mai 1765

J'achevais, mon cher ami, de prendre les eaux en Suisse, où j'ai encore acheté un petit domaine, lorsque je reçus votre paquet pour M. Tronchin . Je le lui envoyai sur-le-champ ; je vous en donnai avis par un petit billet écrit à la hâte, et que j'ai mis dans une lettre à M. d'Argental . Je vois que votre mal de gorge est opiniâtre . Je vous répéterai ici que les grands médecins ne guérissent pas de loin, et qu'ils ont bien de la peine à guérir de près . En vérité les maladies ne se traitent guère par lettres . Dès que j'aurai la réponse de l'oracle de Genève je vous la ferai parvenir .

Sirven prend le parti d'aller lui-même à Toulouse chercher l'arrêt et les pièces dont M. de Beaumont a besoin pour consommer son entreprise généreuse . Il dit qu'il fera agir ses amis et qu'il saura se mettre à l'abri de tout . Ce pauvre homme et sa famille me fendent le cœur . Ils sont beaucoup plus malheureux que ne le sont aujourd'hui les Calas . Qu'il est beau, mon ami, de faire du bien, et que M. de Beaumont va augmenter sa gloire ! Pour moi, je n'ai à augmenter que ma patience . Je paie un peu chèrement l'intérêt de ma petite réputation ; car Dieu merci, il n'y a presque pas de mois qu'on ne fasse courir quelque ouvrage sous mon nom . Vers et prose, on m'attribue tout . Quelque libraire de Hollande a-t-il l'impertinence de m'attribuer un mauvais livre, aussitôt je reçois vingt lettres de Paris et de Versailles, et on veut que j'envoie sur-le-champ ce bel ouvrage que je ne connais pas . Enfin, on va jusqu'à m'imputer je ne sais quelle Philosophie de l'histoire , ouvrage de quelque rabbin, ou tout au moins d'un savant en us et en es . On parle au roi, et on lui dit que je suis très savant dans les langues orientales . J'ai beau protester que je ne sais pas un mot de l’ancien chaldéen, on ne m'en croit pas sur parole ; et si je suis aveugle, on dit que j'ai perdu les yeux à déchiffrer les livres des anciens brahmanes, et même que je suis prêt à faire une secte de Guèbres 1. Il faut me résoudre à être vexé jusqu'au dernier moment .

Mandez-moi, je vous prie, si M. d’Alembert a la pension de M. Clairault . Je verrai Cramer quand je serai à Genève . Je ne sais si c'est lui qui a imprimé le petit ouvrage en faveur de M. l'abbé Arnaud 2. Cet écrit m'a paru un chef-d’œuvre en son genre ; mais j'ai pensé qu'il ne devait réussir qu'à Paris auprès de ceux qui prennent intérêt à ces disputes littéraires . Puisque la paix est faite, Cramer en sera pour ses frais, aussi bien que pour ceux de la nouvelle édition qu'il a faite de Corneille, et qu'il n'aura pas la permission de débiter dans Paris, à cause du privilège des libraires .

Je vous sais toujours de bon gré de cultiver les lettres au milieu de vos occupations de finance . On dit dans les pays étrangers que les finances du royaume vont fort bien ; mais on n'en dit pas autant de votre littérature .

Il a couru des bruits fort ridicules sur M. le duc de Choiseul 3; je crois qu'il s'en moque ; il sait bien qu'il faut laisser parler, non ponebat enim rumores ante salutem 4.

Je fais toujours des vœux pour le succès de sa colonie , car enfin c'est le pays de Candide, c'est le pays des gros moutons rouges ; et je passerai pour un hâbleur si la colonie ne réussit pas . Il y a d'ailleurs quelques-uns de mes bons amis les Suisses qui sont partis pour la Cayenne, c'est encore un nouveau motif pour moi de m'y intéresser .

Adieu , mon cher ami, je suis trop bavard pour un malade . »

1 Y a-t-il ici une première amorce de l'idée qui aboutira à la composition des Guèbres en 1769 ?

2 Voir la lettre du 2 avril 1765 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/07/13/nous-ne-laisserons-pas-d-etre-assez-embarrasses-cet-ete-fern-6251377.html

Voir aussi une lettre de Choiseul à Montpéroux du 9 mai 1765 : « J'ai déjà prescrit à M. le lieutenant général de la police de faire arrêter un ballot de ces brochures qui doit avoir été expédié pour Paris, et je souhaiterais fort que vous reçussiez ma lettre assez à temps pour faire supprimer le reste des exemplaires qui n’auraient peut-être pas encore été débités dans Genève ... » ; réponse de Montpéroux le 27 mai 1765 : « Les Observations, etc., ont été effectivement imprimées chez le sieur Cramer où on n'a trouvé que six exemplaires qui ont été saisis[...] . On n'a pas trouvé le manuscrit . Je n'ai pu jeter sur cet ouvrage qu'un coup d’œil, mais je n'y ai pas reconnu le style de M. de Voltaire . »

4 Il ne mettait pas les rumeurs avant le souci de son salut ; Ennius, Annales, XII, ii, 371 .

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26/09/2020 | Lien permanent

cette tyrannie me déplait terriblement

... Et celles d'aujourd'hui, mon cher Voltaire, te révulseraient également .

Voir : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/12/28/le-lumpe...

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« A Philippe Debrus

[30 janvier 1763 ?]1

C'est apparemment, monsieur, quelqu'un de La Salle village des Cévennes, et non M. de La Salle, conseiller au parlement, qui a écrit la lettre dont vous m'avez envoyé l'extrait 2. La réflexion sur la servante me paraît décisive, et je vais écrire sur-le-champ qu'on insiste beaucoup sur cette preuve qui doit faire impression sur les juges, quoiqu'elle ne soit pas à la rigueur dans l'ordre judiciaire .

Au reste, je voudrais qu'on se tint tranquille, jusqu'au jour de la décision ; il n'y a plus rien à faire qu'à attendre le jugement, et j'ose encore une fois être certain qu'il sera favorable . Je vais écrire aux avocats, pour les engager à présenter requête contre l'insolence des juges languedochiens 3 qui font saisir un mémoire d'avocats comme un libelle ; cette tyrannie me déplait terriblement . Je vous embrasse de tout mon cœur .

P.-S.-- L’embrassade 4 a été faite dans une audience particulière donnée à M. de Beaumont . »

1 Mention sur le manuscrit : « fin de janvier 1763 », ce qui paraît exact .

2 Cet extrait de la main de Debrus est conservé au British Museum . « De La Salle dans les Cévennes /le 17 janvier 1763 . /J'ai lu le solide mémoire à consulter, la docte consultation, fameuse par le nombre des avocats de grand nom , et par la matière , le judicieux mémoire de M. Mariette, et le ravissant écrit de M. Loyseau . La police de Montpellier a fait saisir tous les exemplaires de ces ouvrages et en a défendu le débit sous les plus graves peines . On n'aime pas d'entendre dire que les religionnaires n'ont pas tort . Je crois que M. de Voltaire a raison de penser que cette affaire pourra servir à ouvrir les yeux à bien des gens, du moins aux bons esprits . Les efforts qu'on fait pour éteindre la lumière, à arrêter les progrès de la raison, ne serviront sans doute qu'à faire paraître cette même lumière avec plus d'éclat . La générosité de M. de Voltaire, cet ami des hommes, lui fait un honneur infini ; nous avons bu plus d'une fois à sa santé, et moi , qui ne bois que de l'eau, je l'ai fait avec du vin pur . Il me semble que ces célèbres avocats n'ont pas assez pesé sur le caractère de la servante . Cette fille est dans l'usage de confesser deux fois la semaine ; elle a par conséquent la foi la plus parfaite pour la confession . Sans doute qu'elle a confessé et communié plus d'une fois depuis sa sortie de prison, sans doute aussi que le confesseur lui a parlé de cette affaire . Si elle lui eût dit que Calas père eût pendu son fils, ce confesseur lui eût refusé l'absolution jusqu'à ce qu'elle en eût fait la déclaration aux juges . De là on peut conclure qu'elle a dit vrai dans ses réponses ; et le témoignage de cette fille, toutes les circonstances pesées, a autant de force, à mon avis, que jamais en ait eu celui de Caton . »

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29/12/2017 | Lien permanent

Il ne s'agit que d'y envoyer du monde si les négociations ne réussissent pas . Mais tout cela coûtera bon

... Pillages, incendies, meurtres, c'est l'actualité calédonienne ; état d'urgence et couvre-feu . Des négociations ? point . Envoyer du monde ? oui , c'est fait et à faire ; ça coutera bon ? énormément ! Voir : https://www.lnc.nc/

A qui profite le crime ? Qui rend cinglés ceux qui devraient négocier ? https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/d...

Indépendantistes - anti-indépendantistes sont-ils assez fous pour détruire leur île et n'être les maîtres que de ruines qui seront sans doute la proie des opportunistes chinois ?

 

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https://la1ere.francetvinfo.fr/info-en-continu-24-24

 

 

« A Marie-Louise Denis,

Pierre-Jacques-Claude Dupuits et Marie-Françoise Dupuits

7è novembre 1768

Labat m 'apporte, ma chère nièce, un gros paquet de coquilles, plus vieilles assurément que le déluge 1; et il me rend votre lettre , et celle du gros conseiller, qui ne sont pas des coquilles . Les 120 livres dont il est question sont assurément le comble de la bêtise, de l’ignorance, et de la méchanceté . D’ailleurs, quand votre gros neveu sera revenu de Picardie, je vous prie de lui dire combien je suis touché de son attention . L'abbé Caille qui est auprès de Lyon, dit que s'il avait été informé plus tôt, il n'aurait pas envoyé les trois voyageurs 2 de là-haut à quelques-uns de ses amis . Il assure qu'il leur a recommandé le secret, et il assure encore qu'ils ne le garderont pas . Tout cela vient très mal à propos ; et ce pauvre abbé jure qu'il ne veut plus que dire son bréviaire, afin d'avoir un bon bénéfice . Son dessein est toujours de venir vous voir avant d'aller à son canonicat . Le temps ne paraît point du tout propre pour hasarder la pièce 3 que vous croyez être de Linant, et que je croit de feu La Touche, auteur d'Iphigénie en Tauride . Je pense qu'il faut mettre cet ouvrage au cabinet, et attendre des acteurs, des actrices, et des conjonctures plus favorables .

Si vous vous amusez, ma chère nièce, avec Grétry 4, vos rendez-vous sans doute seront secrets . Le confident de vos amours est tout prêt, à ce qu'il dit, à parler un peu moins, et à chanter plus . Lorsque les deux vers dont vous parlez furent faits, il ne croyait pas être prophète, mais les poètes le sont quelquefois . Il ne manquera pas de changer cet endroit, de peur des allusions ridicules .

Je vous embrasse bien tendrement, monsieur le capitaine et madame marmotte . Vous ne m'avez jamais dit si vous reçûtes à Hornoy un paquet tout déchiré que votre ancien domestique me donna pour vous, et qui venait, je crois, du trésorier des troupes de Dijon. Il s'agissait d'argent comptant 5 pour vous . J'espère qu'à la fin M. le duc de Choiseul viendra à bout de l'entreprise de Corse . Il ne s'agit que d'y envoyer du monde si les négociations ne réussissent pas . Mais tout cela coûtera bon . Si vous revenez [en ce 6] pays, vous le trouverez dans un triste état , à peine a-t-on pu semer . On craint de manquer de blé l'année prochaine d'un bout de la France à l'autre. »

1 Ces coquillages fossiles posent pour V* le problème de savoir si les mers ont autrefois couvert toute la surface du globe , « Si la mère a été partout, il y a eu un temps où le monde n'était peuplé que de poissons. »

2 Les Trois Empereurs.

3 Les Guèbres .

4 Écrit Guétry sur le manuscrit .

5 A savoir L'Homme aux quarante écus .

6 Wagnière a écrit à ce , puis a biffé ces deux mots sans les remplacer .

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17/05/2024 | Lien permanent

vous ne me paraissez pas trop compter sur l'amitié des grands . N'avez-vous jamais éprouvé que les petits n'aiment guère

... Je vous mets en garde, M. Macron, bien qu'il me semble que vous soyez déjà au fait .

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

28 novembre [1762]1

Mon cher confrère, mon grand philosophe, vous ne me paraissez pas trop compter sur l'amitié des grands i. N'avez-vous jamais éprouvé que les petits n'aiment guère mieux ? Pour moi qui ai le bonheur d'être petit, je vous avertis que je vous aime de tout mon cœur.

A l'égard du duc de Choiseul, convenez que je lui ai une très grande obligation puisque je lui dois d'être libre chez moi ii, et de ne pas dépendre d'un intendant. Vous en savez pas ce que c'est qu'un intendant de province. Le frère d'Omer iii me manda un jour qu'il n'était en place que pour faire du mal. Aussi voulut-il m'en faire ; et j'eus les franchises de ma terre malgré lui. Vous voyez que je me suis toujours moqué de la famille d'Omer. C'est à M. le duc de Choiseul que je dois tout cela. S'il a eu le malheur de croire sur une écriture rapide que j'avais écrit une sotte lettre iv, il a bien réparé son erreur. Il a noblement avoué son tort. Autrefois les ministres ne faisaient jamais de tels aveux.

Pour Luc, quoique je doive être très fâché contre lui, je vous avoue qu'en qualité d'être pensant, et de Français je suis fort aise qu'une très dévote maison v n'ait pas englouti l'Allemagne et que les jésuites ne confessent pas à Berlin. L'Infâme est bien puissante vers le Danube. Vous me dites qu'elle perd de son crédit vers la Seine vi. Je le souhaite, mais songez qu'il y a trois cent mille hommes gagés vii pour soutenir ce colosse affreux, c'est à dire plus de combattants pour la superstition que la France n'a de soldats. Tout ce que peuvent faire les honnêtes gens, c'est de gémir entre eux quand cette superstition est persécutante, et de rire quand elle n'est qu'absurde, d'éclairer le plus d'esprits bien nés que l'on peut et de former insensiblement dans l'esprit [des hommes]viii destinés aux places une barrière contre ce fléau abominable. Ils doivent savoir que sans les disputes sur la transsubstantiation et sur la bulle, Henri III, Henri IV et Louis XV n'auraient pas été assassinés . C'est un bon arbre, disent les scélérats dévots, qui a produit de mauvais fruits. Mais puisqu'il en a tant produit ne mérite-t-il pas qu'on le jette au feu ?ix Chauffez-vous en donc tant que vous pourrez, vous et vos amis.

Vous pensez bien que je ne parle que de la superstition car pour la religion chrétienne je la respecte et je l'aime comme vous .

Courage donc, mes frères, prêchez avec force et écrivez avec adresse. Dieu vous bénira.

Protégez, mon frère, tant que vous pourrez la veuve Calas . C'est une huguenote imbécile, mais son mari a été la victime des pénitents blancs. Il importe au genre humain que les fanatiques de Toulouse soient confondus. Un autre fanatique, Patouillet, aidé de Caveirac, a écrit deux volumes contre l'Histoire générale x. Tant mieux. Si on lit leur livre, cela fera naître des éclaircissements. J'avais levé un coin du voile dans la première édition, je le déchire un peu dans la seconde. Vous y trouverez de quoi vous édifier. En attendant j'enverrai à l'Académie l'Héraclius de Calderon : il fera connaitre le génie espagnol xi. En vérité ils sont dignes d'avoir chez eux l'Inquisition.

Que faites-vous à présent ? travaillez-vous en géométrie, en histoire, en littérature ? Quoi que vous fassiez, écrasez l'Infâme, et aimez qui vous aime. »

1 V* répond à la lettre du 17 novembre 1762 de d'Alembert : « Vous auriez un très grand tort, mon cher et illustre maître, de faire une satire contre un ministre à qui vous avez , dites-vous, de si grandes obligations ; vous auriez même eu tort de l'outrager, quand vous eussiez été intéressé dans la comédie des Philosophes dont il a procuré et favorisé la représentation […] J'aurais été très fâché que l'on m'eût soupçonné d'être le bureau d'adresse des satires qu'on s'avise de faire contre le gouvernement […] Pour la philosophie, je ne crois pas qu'Omer et Palissot lui fassent réparation sitôt ; mais en attendant, on fait justice de ses ennemis . Cependant il y a , dit-on, 24 jésuites retirés à Versailles […] Le parlement ne les y voit pas de bon œil […] Eh bien que dites-vous de la paix ? Et croyez-vous pour le coup que votre ancien disciple s'en tire ? Ce serait un grand malheur pour la philosophie que la maison d'Autriche, encore superstitieuse, fût la maîtresse de l'Allemagne […] On dit que pour dédommager la maison de Saxe, qui a bien l'air de payer les frais, on donnera un évêché en France ou en Allemagne au prince Clément ; ce sera une maison crossée et mitrée […] »

i D'Alembert moqueur a écrit : « ... à l'égard de ses bontés (de Choiseul) je vous en souhaite la continuation. » ; lettre du 17 novembre : http://books.google.fr/books?pg=PA592&lpg=PA592&i...

ii En mai 1759, Choiseul a fait obtenir à V* et Mme Denis le brevet de conservation des droits seigneuriaux de Ferney ; ces droits seront à nouveau contestés en mai 1763.

iii Le frère d'Omer Joly de Fleury était intendant de Bourgogne. V* l'avait reçu chez lui en octobre 1760, fort bien, avec le fils même d'Omer : http://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_Joly_de_Fleury

et cf. lettre du 16 octobre 1760 à Mlle Clairon : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/10/16/a...

 

iv « ... sotte lettre » : version très falsifiée et antigouvernementale publiée dans le St James's chronicle du 17 juillet 1762 de la lettre adressée à d'Alembert le 29 mars ; cf. lettre du 15 septembre à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/15/tachez-de-votre-cote-d-eclairer-la-jeunesse-autant-que-vous.html

et lettre 104 et suivantes,pages 587-... : http://books.google.fr/books?pg=PA592&lpg=PA592&i...

 

Cela faisait sa « vraie tribulation » que le duc de Choiseul le « crû l'auteur de cette belle rhapsodie anglaise » et «  qu'il le (lui)( eût) écrit avec bonté... » disait-il aux d'Argental le 25 octobre ; il ajoutait : « J'en ai été outré et je lui ai dit bien des injures qu'il mérite. » Pour détromper Choiseul

il lui envoyait la véritable lettre avec un billet de d'Alembert ; le 12 décembre, Choiseul le tranquillisait : « Vous avez raison, vous n'avez point écrit la lettre supposée ; personne n'en parle, ni ne songe actuellement à vous l'imputer ... ma chère marmotte, je vous aimerai toujours de tout mon cœur. »

v La maison d'Autriche. Luc = Frédéric II de Prusse. V* montre ici clairement qu'il fait passer sa passion antireligieuse avant la considération de l'intérêt français en Europe ; on ne le trouve pas plus clairvoyant à l'égard de la politique continentale qu'à propos de la politique maritime relative au Canada . Cela contraste avec ses jugements pertinents portés sur l'attitude des parlements .

vi Le 17 novembre d'Alembert lui a écrit : « il y a , dit-on, 24 jésuites retirés à Versailles ...Le parlement ne les y voit pas d'un bon œil et se propose d'enfumer le terrier ..., ils ne sont plus guère renards. » Sur les avatars des jésuites, cf. lettre du 19 mai 1762 . La dissolution de l'ordre a été prononcée le 6 août 1762 par le Parlement.

vii Prêtres et moines.

viii Mots omis par V*.On pense aussi à jeunes gens , qui sont une restitution fondée sur des déclarations analogues de V* . De toute façon, l'omission s'explique par un « saut du même au même » sur la syllabe des qui commence le mot destinés .

ix Tel qu'il est dit dans les évangiles.

x V* évoque les Erreurs de M. de Voltaire sur les faits historiques, dogmatiques..., 1762, ouvrage anonyme dont il a demandé le nom de l'auteur à Damilaville ; cf. lettre du 9 septembre 1762, et page 407 lettre CCLIX : http://books.google.be/books?id=9EUQAAAAYAAJ&pg=PA407...

. L'auteur est le jésuite Nonnotte (qui figure dans le tableau dit Le triomphe de Voltaire au château à Ferney-Voltaire, -en enfer bien entendu !-.)

Le père Patouillet avait publié entre autre l'Apologie de Cartouche, ou le scélérat sans reproche par la grâce du P. Quesnel, 1731,http://books.google.be/books?id=EewFAAAAQAAJ&pg=PA5&a...

et Novi de Caveirac, auteur de l'Apologie de Louis XIV et de son conseil, sur la révocation de l'Édit de Nantes ... avec une dissertation sur la journée de la Saint Barthélémy, 1758 : http://books.google.be/books?id=708A7rLJkwAC&printsec...

 

xi V* a joint à ses Commentaires sur Corneille une traduction de la pièce de Calderon qu'il juge très sévèrement ; cf. lettre du 4 juin à Capacelli et lettres du 17 juin et 15 septembre 1762 à d'Alembert.

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07/10/2017 | Lien permanent

du haut rang où vous êtes vous ne pouvez guère voir qu'elle est l'opinion des hommes , quel est l'esprit du temps

Note écrite le 16 août 2011 pour parution le 15 octobre 2010.

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« A Frédéric II, roi de Prusse 1

 

[vers le 15 octobre 1757]

 

Sire, votre épître d'Erfurth 2 est pleine de morceaux admirables et touchants . Il y aura toujours de très belles choses dans ce que vous ferez et dans ce que vous écrirez . Souffrez que je vous dise ce que j'ai écrit à Son Altesse Royale votre digne sœur : que cette épitre fera verser des larmes , si vous n'y parlez pas des vôtres . Mais il ne s'agit pas ici de discuter [avec] Votre Majesté ce qui peut perfectionner ce monument d'une grande âme et d'un grand génie ; il s'agit de vous, et de l'intérêt de toute la saine partie du genre humain, que la philosophie attache à votre gloire et à votre conservation .

 

Vous voulez mourir . Je ne vous parle pas ici de l'horreur douloureuse que ce dessein inspire . Je vous conjure de soupçonner au moins que du haut rang où vous êtes vous ne pouvez guère voir qu'elle est l'opinion des hommes , quel est l'esprit du temps ; comme roi on ne vous le dit pas, comme philosophe et comme grand homme vous ne voyez que les exemples des grands hommes de l'Antiquité 3. Vous aimez la gloire, vous la mettez aujourd’hui à mourir d'une manière que les autres hommes choisissent rarement, et qu'aucun des souverains d'Europe n'a jamais imaginée depuis la chute de l'empire romain . Mais hélas ! Sire, en aimant tant la gloire, comment pouvez-vous vous obstiner à un projet qui vous la fera perdre ? Je vous ai déjà représenté la douleur de vos amis, le triomphe de vos ennemis et les insultes d'un certain genre d'hommes qui mettra lâchement son devoir à flétrir une action généreuse 4.

 

J'ajoute, car voici le temps de tout dire, que personne ne vous regardera comme le martyr de la liberté ; il faut se rendre justice, vous savez dans combien de cours on s'opiniâtre à regarder votre entrée en Saxe comme une infraction au droit des gens . Que dira-t-on dans ces cours ? Que vous avez vengé sur vous-même cette invasion ! Que vous n'avez pu résister au chagrin de ne pas donner la loi . On vous accusera d'un désespoir prématuré quand on saura que vous avez pris cette résolution funeste dans Erfurth, quand vous étiez encore maître de la Silésie et de la Saxe . On commentera votre épitre d'Erfurth, on en fera une critique injurieuse, on sera injuste, mais votre nom en souffrira .

 

Tout ce que je représente à Votre Majesté est la vérité même . Celui que j'ai appelé le Salomon du Nord s'en dit davantage dans le fond de son cœur . Il sent qu'en effet s'il prend ce funeste parti, il y cherche un honneur dont pourtant il ne jouira pas . Il sent aussi qu'il ne veut pas être humilié par des ennemis personnels . Il entre donc dans ce triste parti de l'amour-propre, du désespoir ; écoutez contre ces sentiments votre raison supérieure . Elle vous dit que vous n'êtes point humilié et que vous ne pouvez l'être , elle vous dit qu'étant homme comme un autre, il vous restera (quelque chose qui arrive) tout ce qui peut rendre les autres hommes heureux, biens, dignité, amis. Un homme qui n'est que roi peut se croire très infortuné quand il perd des États . Encore, sans que je me mêle en aucune façon de politique, je ne puis croire qu'il ne vous restera pas assez pour être toujours un souverain considérable . Si vous aimiez mieux mépriser toute grandeur, comme ont fait Charles Quint, la reine Christine, le roi Casimir 5 et tant d'autres, vous soutiendriez ce personnage mieux qu'eux tous, et ce serait pour vous une grandeur nouvelle . Enfin tous les partis peuvent convenir hors le parti odieux et déplorable que vous voulez prendre . Serait-ce la peine d'être philosophe si vous ne saviez pas vivre en homme privé ? Ou si en demeurant souverain vous ne saviez pas supporter l'adversité ? Je n'ai d'intérêt dans tout ce que je dis que le bien public et le vôtre ; je suis dans ma soixante et cinquième année, je suis né infirme, je n'ai qu'un moment à vivre, j'ai été bien malheureux, vous le savez . Mais je mourrais heureux si je vous laissais sur la terre mettant en pratique ce que vous avez si souvent écrit . »


1 Bien que Frédéric II demandât aux éditeurs de ne pas publier les lettres de consolation de V* à son égard, celle-ci figure dans l'édition de Kehl .

2 Épître à d'Argens (Œuvres de Frédéric , XII, 60), composée à Erfurt le 23 septembre .

http://friedrich.uni-trier.de/fr/oeuvresOctavo/12/50/

V* en reçu une copie du roi, sur laquelle il inscrivit : « Testament en vers du roi de Prusse lorsqu'il voulait mourir , en 1757, quelques mois avant Rosbac, écrit de sa main . ». La situation de Frédéric II paraissait désespérée ; V* la décrit dans ses Mémoires : il était « pressé de tous côtés par les Russes, les Autrichiens et par la France … Le maréchal de Richelieu venait de conclure près de Stade un traité avec les Hanovriens et les Hessois … était près d'entrer dans la Saxe avec soixante mille hommes ; le prince de Souabe allait y entrer d'un autre côté avec plus de trente mille …, de là, on marchait à Berlin . Les Autrichiens … étaient déjà dans Breslau … Le trésor du roi de Prusse était presque épuisé ; … on allait le mettre au ban de l'Empire ... » ;

voir : http://www.voltaire-integral.com/Html/01/07MEMOIR.html

3 Frédéric invoquait Brutus et Caton dans son Épître . « Ô mânes de Caton ! Ô mânes de Brutus ! C'est votre exemple qui m'éclaire . »

4 Dans une lettre écrite vers le 25 septembre, V* lui conseille, entre autres, de « songer … aux outrages que la nation fanatique des bigots ferait à (sa ) mémoire. »

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15/10/2010 | Lien permanent

le public veut avoir toutes les sottises des grands hommes

... Lesquelles ne manquent pas , de la part de ces hommes que l'on dit grands . Hélas , cette curiosité n'est que malsaine, comme une recherche d'excuses à être médiocres puisque les grands eux-mêmes ne sont pas irréprochables . Allons, la presse people a encore de beaux jours devant elle .

 Voir : http://www.fabriquedesens.net/Des-grands-hommes-Bertolt-B...

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« Au comte Francesco Algarotti

Aux Délices 13 août 1762 1

L’éternel malade et l'éternel barbouilleur ne peut guère écrire de sa main, mais son cœur aimera toujours son cygne de Padoue . Je suis accablé de casse, de manne, et des tragédies de Pierre Corneille . J'aimerais encore mieux faire le Cromwell, dont vous me parlez, mon cher seigneur, que de commenter Le Roi des Huns, Théodore , Pertharite, Agésilas, Suréna etc. Il y [a] malheureusement vingt pièces que jamais on n'aurait dû imprimer ; mais le public veut avoir toutes les sottises des grands hommes . Je dirai très peu de chose de la foule des mauvaises pièces, mais je m’étends beaucoup sur celles qui ont eu du succès , et qu'on représente encore . Les défauts sont innombrables, mais les beautés sont très grandes . Quatre ou cinq cents beaux vers sont tout ce qui nous reste de deux ou trois mille tragédies jusqu'à Racine . Nous avons été bien barbares, j'en suis tout effrayé .

Je crois que vous intéressez plus qu'un autre à la dernière tragédie de Russie ; vous avez été dans le pays ; c'est celui des révolutions .

Je vois tout cela avec une longue lunette d'approche . Si Pierre Ulric n'est pas mort, je lui conseille d'aller passer le carnaval à Venise avec les six rois qui ont soupé avec Candide 2.

Il est vrai que toutes les révolutions que j'ai vues depuis que je suis au monde, n'approchent pas de celle de Cromwell . Je ne crois pourtant pas que je mette jamais cet illustre fripon sur le théâtre ; il me faudrait un parterre de puritains ; et les puritains ne vont pas à la comédie .

Si vous voyez M. Paradisi, faites-lui , je vous en prie, mes très tendres compliments, et soyez persuadé que je vous aimerai toute ma vie .

V. »

 

1 Le manuscrit original est passé à la vente C... à Paris le 15 avril 1902 . V* répond à une lettre d'Algarotti du 3 aout 1762, dans laquelle ce dernier évoque le sujet de Cromwell auquel travaillerait V* .

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06/07/2017 | Lien permanent

quand on a reçu un sot, il faut avoir un homme d'esprit pour faire le contrepoids

... Si je m'en tiens à cette déclaration, dois-je en conclure que le dernier académicien admis -Andreï Makine- est de l'une ou l'autre sorte, méritant ou usurpateur , je ne sais . Je peux juste, ne l'ayant pas lu, avoir une pensée favorable envers cet auteur qui a usé d'un subterfuge voltairien en 1990 pour se faire -enfin- éditer . Voir : http://www.lemonde.fr/culture/article/2016/03/03/andrei-m...

Et si le sot , ce n'est pas lui , qui est-ce ? je vous laisse le soin de le trouver vous mêmes sous la coupole , selon vos goûts dont je ne discute pas .

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« A Claude-Adrien Helvétius

[mars 1761] 1

Mademoiselle 2 protégeait l'abbé Cotin, la reine protège l'abbé Trublet 3. C'est le sort des grands génies .

Principibus placuisse viris non ultima laus est .4

On m'assure cependant que M. Saurin entrera cette fois-ci 5. Cela est juste ; quand on a reçu un sot, il faut avoir un homme d'esprit pour faire le contrepoids . Vous allez sans doute à Vauran 6. Mes respects à Midas Omer 7 avant votre départ , mais mille amitiés réelles à M. Saurin .

Ô philosophes, philosophes, soyez unis contre les ennemis de la raison humaine . Écrasez l'infâme tout doucement . »

1 Manuscrit olographe daté par l'éditeur de mai, puis d'avril 1761, suivi par les éditions ; l'édition Helvétius est non datée et incomplète ; avril est trop tardif puisque saurin n'est pas encore élu .

3 Trublet venait d'être élu à l'Académie française, où il devait être reçu le 15 avril 1761 .D'Alembert écrivait à V* le 9 mars 1761 : « Je ne voudrais pas jurer qu'à la réception de l'archidiacre de Saint Malo, le public ne nous accueillit avec des sifflets ; il ne ferait que son devoir . En attendant je proteste pour ma part contre cette honteuse acquisition, et je déclare à qui veut l'entendre que l'abbé Trublet n'a point eu ma voix […] . Remerciez , je vous prie, de la belle acquisition que nous venions de faire, votre ami d'Olivet, le petit duc de Nivernois […] l'importune guêpe La Condamine, Mairan le protecteur-né de tous les plats sujets , […] et probablement le bas et insolent Duclos […].

4 Le mérite suprême ne consiste pas à avoir plu aux puissants ; Horace, Épîtres, I, XVII, 35 .

5 Il fut élu le 28mars , puis reçu le 13 avril 1761, c'est ce qui permet en particulier de dater cette lettre .

7 A cause de ses oreilles d'âne, bien sûr .

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Il n'y a pas un moment à perdre si on veut lui sauver la vie

... Tristement d'actualité .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

12 janvier 1765 à Ferney 1

Mes divins anges, j'ai oublié dans la requête à M. le duc de Praslin, de spécifier que ce vieux de Moultou qui veut promener sa veille vessie à Montpellier, a un fils qu'on appelle prêtre, ministre du saint Évangile, pasteur d'ouailles calvinistes, et qui n'est rien de tout cela ; c'est un philosophe des plus décidés, et des plus aimables . J'ignore si sa qualité de ministre évangélique s'oppose aux bontés d'un ministre d’État . J’ignore s'il est nécessaire que M. le duc de Praslin ait la bonté de faire mettre dans le passeport, le sieur de Moultou et son fils prêtre . Je m'en rapporte uniquement à la protection et à la complaisance de M. le duc de Praslin ; les maux que souffre Moultou le père sont dignes de sa pitié . Il n'y a pas un moment à perdre si on veut lui sauver la vie . Tronchin inocule, mais il ne taille point de la pierre .

N.B. – Je suis fâché pour la philosophie que Jean-Jacques Rousseau ait commencé par être fou, et finisse par être un très malhonnête homme . Il veut mettre le trouble dans Genève par un assez mauvais livre contre le gouvernement de cette ville, et contre la médiation 2. Il a envoyé cet insolent ouvrage au président qui en aura sans doute instruit M. le duc de Praslin . Il a déchaîné la populace contre le magistrat, mais j'espère que ce petit désordre n’aura pas de suites, et que vous n’enverrez pas les troupes à Genève comme en Corse 3.

Mes anges, je baise toujours le bout de vos ailes .

V.

Puisque j'ai acquis un œil je vais donc me remettre à la conspiration des Roués, mais encore une fois trouvez-moi des acteurs, ou faites jouer les Roués à l'Opéra-Comique . 

Je recommande à vos bontés la petite affaire de M. Moultou et je supplie M. le duc de Praslin de vouloir bien m’adresser le passeport . Pour moi je crois que j'en aurai un bientôt pour l'autre monde . Vivez heureux dans celui-ci, mes très adorables anges .

V.»

1 L'édition de Kehl est réduite au premier paragraphe, le reste ayant été biffé sur la copie Beaumarchais . Il n'est pas sûr, d'autre part, que le post-scriptum, qui semble avoir été ajouté après coup sur la copie, n'ait pas fait partie d'une autre lettre .

2 Sur cette médiation, voir lettre du 10 janvier 1765 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/03/18/j-emploie-mon-bon-oeil-mon-divin-ange.html

3 Une expédition française a été envoyée pour occuper la forteresse de Gênes ; la suite de cette affaire est la cession à la France , en mai 1768, de la Corse, qui dépendait alors de Gênes et s'était révoltée . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Corse

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21/03/2020 | Lien permanent

la punition est douce , s'il est coupable de toutes les choses dont on l'accuse

... Je vous laisse choisir votre victime .

 

Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 29/8/2015

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

29 d'auguste 1760

Je réponds, monsieur, à votre lettre du 12 . Je vois avec plaisir l'intérêt que vous prenez à l'honneur des belles-lettres . Plus la place que vous occupez semblait devoir vous interdire le goût de la littérature, plus vous y avez de mérite . La publication de l'Histoire de Russie sous Pierre le Grand est une nouvelle prématurée . Vous me feriez plaisir, monsieur, de me dire quel est ce M. Do... dont vous n'achevez pas le nom : les Suisses comme moi ne sont pas au fait de l'histoire de Paris et n'entendent pas à demi-mot . Je n'ai point encore vu l'imprimé qui a pour titre Requête de Jérôme Carré aux Parisiens . Vous me feriez plaisir de me l'envoyer ; on dit qu'il est différent de celui qui courait en manuscrit . On m'a mandé qu'on jouait L’Écossaise à Lyon, à Bordeaux et à Marseille avec le même succès qu'à Paris . Je ne sais pas pourquoi le sieur Fréron s'est obstiné à se reconnaître dans le Frélon de M. Hume . Il est certain que ce n'est pas la faute de Jérôme Carré, qui n'est qu'un simple traducteur, et qui est l'innocence même . Il ignorait absolument qu'on eût jamais parlé d'envoyer le sieur Fréron aux galères . C'est le sieur Fréron lui-même qui a appris cette anecdote au public : il doit savoir ce qui en est .

En attendant il est exécuté sur tous les théâtres de France ; la punition est douce , s'il est coupable de toutes les choses dont on l'accuse . On m'a envoyé des mémoires sur sa vie 1, dont il y a, dit-on, plusieurs copies dans Paris . Il paraît par ces mémoires que cet homme appartient plus au Châtelet qu'au Parnasse . Au reste je ne l'ai jamais vu ; je n'ai lu que deux ou trois de ses misérables feuilles qu'on oublie à mesure qu'on les lit .

Je m'occupe bien plus agréablement de vos lettres et des sentiments que vous me témoignez que des sottises de ce gredin . Comptez, monsieur, sur la vive sensibilité de votre etc. »

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29/08/2015 | Lien permanent

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