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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

On n'imprime point un livre comme on vend de la morue au marché . Un libraire doit être un homme instruit et attentif

... Dans ce monde littéraire actuel, les vendeurs de "morue" sont légion, mais le moyen de faire autrement , ils auraient tort de se gêner, quand tant de gogos sont capables d'acheter des mémoires et réflexions d'ex-présidents , politiciens de tous bords, y compris extrêmes, ou pire de minables  candidats blackboulés .

Reste à attendre le nom du lauréat/lauréate Goncourt : https://www.tf1info.fr/culture/prix-goncourt-2022-guilian...

On aura alors le livre - cadeau banal , offert par qui n'a pas de connaissance des goûts du récipiendaire .

 

 

« A madame Nicolas-Bonaventure Duchesne 1

Celui qui a dicté la lettre à Mme Duchesne ne l'a pas trop bien servie . Quand le sieur Duchesne imprima le recueil de théâtre en question, il devait consulter l'auteur, qui aurait eu la complaisance de lui fournir de quoi faire une bonne édition. Il devait au moins prendre pour modèle l'édition des frères Cramer ; il devait surtout consulter quelque homme de lettres qui lui aurait épargné les fautes les plus grossières ; il ne devait pas imprimer sur des manuscrits informes d'un souffleur de la comédie ; il ne devait pas déshonorer la littérature et la librairie . On n'imprime point un livre comme on vend de la morue au marché . Un libraire doit être un homme instruit et attentif .

Si Mme Duchesne veut, en se conformant à la dernière édition de MM. Cramer, faire des cartons et corriger tant de sottises, elle fera très bien ; mais il faut choisir un homme versé dans cet art qui puisse la conduire ; elle peut s'adresser à M. Thieriot .

On lui envoya le tome de La Henriade in-4° il y a plus d'un an ; elle n'en a pas seulement accusé la réception ; ce n'est pas avec cette négligence et cette ingratitude qu'on réussit . m. de Voltaire a les plus justes raisons de se plaindre . Ses ouvrages lui appartiennent . Le temps de tous les privilèges est expiré ; il en peu gratifier qui il voudra . Il favorisera Mme Duchesne s'il est content de sa conduite, sinon il fera présent de ses œuvres à d'autres qui le serviront mieux .

A Ferney , 22 avril 1767 2. »

2 V* répond à une longue lettre de la veuve Duchesne, du 12 avril 1767, dont voici un extrait :

« Je commence, monsieur, par vous attester sur de que j'ai de plus cher, c'est-à-dire votre estime, et vos bontés elles-mêmes, que mon mari a toujours été dans le principe de ne jamais rien imprimer de vos ouvrages, ni même aucun de ceux qui se trouvent chez moi, qu'il n'y ait été formellement autorisé par le droit le plus légitime, et les titres qu'il m'a laissés en sont la preuve incontestable .

Je n'ai pas oublié qu'il y a trois ou quatre ans qu'il eut l'honneur de vous écrire pour vous faire part qu'il avait acquis de MM. Prault le père et fils, Barèche, Lambert, etc., le droit que vous avez bien voulu leur donner d'imprimer vos pièces de théâtre, et qu'en conséquence il se proposait sous votre bon plaisir d'en faire un corps complet . Vous eûtes la générosité de lui répondre, et de lui donner votre agrément . Vous poussâtes même la complaisance jusqu'à lui marquer que rien ne vous était plus agréable que la réunion de vos pièces dans une seule maison .

Depuis ce temps-là il reçut de Manheim l'Olympie ; de Genève, L’Écossaise et Le Droit du Seigneur . De plus M. Lekain m'a vendu Adélaïde Du Guesclin sous le titre de Duc de Foix . Tout cela nous a couté plus de 20 020 francs . Je sais bien que vous n'avez pas touché cet argent, mais je ne l'ai pas moins compté à gens qui vous représentaient ou du moins qui tenaient ces ouvrages de votre générosité . Eh ! Qui ne croira pas ( puisque rien n'est si beau que le don ) qu'ils étaient en droit de traiter avec moi de vos présents ?

D'après cet exposé, vous entrevoyez, monsieur, qu'on n'a pas plus épargné mon nom que mes intérêts et la mémoire même de mon mari . Je mériterais seule l’infamie dont on s'efforce de le couvrir, si je n'intéressais ici votre équité naturelle à me faire justice . Les expressions honnêtes dont on se sert pour le qualifier équivalent à eu près aux épithètes de voleur, de coquin qui ne se serait pas fait scrupule de tromper le roi, son ministre, et vous-même, en demandant un privilège, quoique vous sachiez, monsieur, que loin d'établir une droit de propriété, il se réduit à la permission d'imprimer, qu’on n'exerce qu’après avoir fait preuve de l'acquisition de l'ouvrage qu'on publie . »

En conclusion, la veuve Duchesne demande à V* de supprimer l'avis au lecteur des Scythes qui est ainsi conçu : « L'auteur est obligé d'avertir que la plupart de ses tragédies imprimées à Paris chez Duchesne, au Temple du Goût, en 1764, avec privilège du roi, ne sont point du tout conformes à l'original ; il ne sait pas pourquoi le libraire a obtenu un privilège sans le consulter . »

Voir : http://theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=..%2Fdocuments%2FVOLTAIRE_SCYTHES.xml

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27/10/2022 | Lien permanent

fait tout juste pour l'avide curiosité du public




 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu


Aux Délices près de Genève

14 juin [1756]


J'ai quelque orgueil, mon héros, de voir une partie de ma destinée unie à la vôtre. Il est assez plaisant que je sois auprès de vous l'homme le plus réellement intéressé à la prise de Port-Mahon : je me suis avisé de faire le prophète [dès le 3 mai, V* a écrit un « petit compliment »en vers en ajoutant dans la lettre en prose qu'il le croyait déjà vainqueur dans Port-Mahon ou qu'il le serait à la réception de la lettre]. Vous accomplirez sans doute ma prophétie. Elle est très claire. Il y en a eu jusqu'ici peu dans ce goût-là. Votre panégyriste est devenu votre astrologue. Par quel hasard faut-il que ma prédiction coure Paris avant que le maudit rocher de M. Blakney ne soit rendu [ce qui court, c'est, comme il l'apprendra plus tard, l'épître en vers où « la peau de l'ours » est un peu moins nettement vendue ; William Blakeney se rendra le 28 juin] ? Le même jour que j'ai reçu la lettre dont vous honorez votre petit prophète, j'ai appris que mon petit compliment était répandu dans Paris. C'est Thiriot la trompette qui me dit l'avoir vu et tenu, et même l'avoir désapprouvé. Il y a longtemps que je vous avertis que vous aviez probablement quelque secrétaire bel esprit qui rendait publiques les galanteries que je vous écrivais quelquefois. Je suis bien sûr que ce n'est pas moi qui ai divulgué ma prophétie, je ne l'ai certainement envoyée à personne qu'à mon héros. C'était un secret entre le ciel et lui . Thiriot fait quelquefois la cour à madame la duchesse d'Aiguillon. Si c'est chez elle qu'il a vu ma lettre, peut-être Mme d'Aiguillon n'en aura pas laissé prendre de copie; et en ce cas il n'y a que quelques lambeaux de publiés. Voyez, Monseigneur,comment notre secret a pu transpirer [aux d'Argental, il écrit le 2 juillet que c'est le gendre de Richelieu, le comte d'Egmont – avec lui à Port-Mahon – qui a envoyé l'épître à sa femme]. Je vous envoyai cette saillie par monsieur le duc de Villars, et je ne lui en fis pas confidence. Nul autre que vous au monde n'a vu la prédiction . Si vous l'avez fait lire à quelque profanateur de ces mystères, il n'y a pas grand mal. Vous me justifierez bientôt. Vous confondrez les incrédules comme les envieux. On verra bien que vous êtes un héros et que je ne suis pas un prophète de Baal [Baal = tous les faux dieux, dans la bible].


Au milieu des coups de canon vous soucierez-vous de savoir que La Beaumelle, qui s'est fait , je ne sais comment, héritier des papiers de madame de Maintenon, a fait imprimer quinze volumes, soit de lettres, soit de mémoires [Les Mémoires pour servir à l'histoire de Mme de Maintenon et à celle du siècle passé et Lettres de Mme de Maintenon, 1755-1756]? Ce ramas d'inutilités est relevé par un tas d'impudences et de mensonges [le 15 juin, à d'Argental : « Il y a eu quelques bons mémoires et il a noyé le peu de vérités inutiles que contiennent les mémoires de Dangeau, d'Hébert, de Mlle d'Aumale , dans un fatras d'imposture de sa façon »] qui est fait tout juste pour l'avide curiosité du public. Il y a quatre-vingt ou cent familles outragées. Voilà ce qu'il faut au gros des hommes. Je ne puis concevoir comment M. de Malesherbes a souffert et favorisé ce recueil de scandales [en fait édité en Hollande, et La Beaumelle sera embastillé en août]. Il y a parmi les lettres de Mme de Maintenon une lettre de M. le duc de Richelieu votre père qui certainement n'était pas faite pour être publique [peut être une lettre de juillet 1711 où le père de Richelieu parle de « la conduite outrée d'un fils qui ne peut être corrigée que par la sagesse et l'autorité d'un maître qui peut venir à bout de tout ce qui lui plait ». Le père du futur maréchal le fit effectivement embastiller]. Les termes qui vous regardent sont bien peu mesurés ; et il est désagréable que monsieur votre fils soit à portée de les voir. Il me paraît bien indécent de révéler ainsi des secrets de famille du vivant des intéressés.[le 15 mai, V* a fait interrompre l'impression du Siècle de Louis XIV par les Cramer : « … il faut … relever, la preuve en main, dans des notes au bas des pages du Siècle …, sans aucune affectation et par le seul intérêt de la vérité » les « mensonges très aisés à confondre » qu'on trouve à presque toutes les pages de ces prétendus Mémoires]


Mais après tout qu'importe qu'on attaque la conduite de M. le duc de Fronsac en 1715, pourvu qu'on rende justice à M. le maréchal de Richelieu et 1756 [Richelieu porta le titre de duc de Fronsac, jusqu'à la mort de son père en 1715]?


Prenez vite Mahon . Triomphez des Anglais et des mauvais discours. Je lève les mains au ciel sur mes montagnes [allusion biblique]; et je chanterai des Te Deum en terre hérétique.


V.


Mme Denis et moi sommes les deux Suisses qui aiment le plus votre gloire et votre personne. »

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14/06/2010 | Lien permanent

Quand je vous écrivis en beau style académique je m'en fous, et que vous me répondîtes en beau style académique que vous

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

des académies de Paris

rue Simon-le-Franc à Paris

 

10 juin [1760]

 

Mon cher philosophe et mon maître,les si, les pourquoi sont bien vigoureux [de l'abbé Morellet] ; les remarques sur la Prière du déiste, fines et justes [en 1740, Lefranc de Pompignan avait « traduit et même outré » (selon V*) la Prière du déiste de Pope dans sa Prière universelle …, que Morellet faisait réimprimer avec un commentaire ironique sous le titre de La prière universelle, traduite de l'anglais de m. Pope, par l'auteur du discours prononcé le 10 mars à l'Académie française , 1760]; cela restera. On pourrait y joindre les que, les oui, les non, parce qu'ils sont plaisants,[de V*] et qu'il faut rire. On a oublié le cadavre sur lequel on vient de faire toutes ces expériences,[le Discours de réception à l'Académie (10 mars 1760) de Lefranc de Pompignan auquel répondent ces pamphlets] et les expériences subsisteront. La Vision est bien,[de l'abbé Morellet à qui elle valut la prison, la Préface de la comédie des philosophes ou la Vision de Charles Palissot, attribuée d'abord à Diderot ou à Grimm ] c'est un grand malheur et une grande imprudence d'avoir mêlé dans cette plaisanterie Mme la princesse de Robecq. J'en suis désespéré, ce trait a révolté. Il n'est pas permis d'insulter à une mourante []. M. le duc de Choiseul doit être irrité [car elle fût sa maîtresse !]. On ne pouvait faire une faute plus dangereuse. J'en crains les suites pour la bonne cause. On a mis en prison Robin mouton du Palais-Royal [Robin mouton, allusion à la fable de La Fontaine, Le Berger et son troupeau ; le libraire Robin, qui a vendu de nombreux exemplaires de la Vision a été arrêté le 30 mai]. Cela peut aller loin. Cette seule pierre d'achoppement peut renverser tout l'édifice des fidèles.

 

Palissot m'a écrit en m'envoyant sa pièce. J'ai prié M. d'Argental de vouloir bien lui faire passer ma réponse , et d'en faire tirer copie ne varietur. Je lui dis dans cette réponse que je regarde les Encyclopédistes comme mes maîtres etc.

 

Sa lettre porte qu'il n'a fait sa comédie que pour venger Mmes Robecq et de La Marck d'un libelle insolent de Diderot contre elles, libelle avoué par Diderot [il y a eu confusion , la préface et l'épitre en question précédaient en fait la traduction de la pièce de Goldoni Le Père de famille, titre identique à celle de Diderot qui s'en était inspiré . La préface et l'épître sont de Grimm]. Je lui dis que je n'en crois rien, je lui dis qu'on doit éclaircir cette calomnie, et voilà que dans la Vision on insulte Mme la princesse de Robecq. Cela est désespérant . Je ne peux plus rire. Je suis réellement très affligé.

 

Dès que la préface ou postface de la comédie des Philosophes parut, je fus indigné, j'écrivis à Thiriot. Je le priai de vous parler et de chercher le malheureux libelle de La vie heureuse du malheureux La Mettrie qu'on veut imputer à des philosophes [le 9 juin, à Thiriot : « (Palissot dans sa préface,) impute aux Encyclopédistes des passages de La Mettrie, passages horribles, mais que La Mettrie lui-même réfute . Il supprime la réfutaion … Je n'ai point ce livret de La Mettrie de La Vie heureuse. Pouvez-vous me faire avoir toutes les oeuvres de ce fou ? »]. La cour ne sait point d'où sont tirés ces passages scandaleux et les attribuera aux frères et on aura les philosophes en horreur.

 

Ô frères soyez donc unis. Fratrum quoque gratia rara est.[= chez les frères aussi la concorde est rare]

 

Mandez-moi, je vous en supplie, où l'on en est. On fera sans doute un recueil des pièces du procès.[= la polémique] Serait-il mal à propos de mettre à la tête une belle préface dans laquelle on verrait un parallèle des mœurs, de la science, des travaux, de la vie des frères, de leurs belles et bonnes actions, et des infamies de leurs adversaires ?

 

Mais, ô frères, soyez unis.

 

Quand je vous écrivis en beau style académique je m'en fous, et que vous me répondîtes en beau style académique que vous vous en foutiez, c'est que je riais comme un fou d'un ouvrage de quatre cents vers fait il y a quelque temps [Le Pauvre Diable, ouvrage en vers aisés de feu M. Vadé, mis en lumière par Catherine Vadé, sa cousine, dédié à Me Abraham*** ; bien sûr de V*], où Fréron et Pompignan et Chaumeix jouent un beau rôle. On dit que ce poème est imprimé. Il est, je crois , de feu Vadé, dédié à Me Abraham, et Me Joly est prié de le faire brûler. La palissoterie est venue sur ces entrefaites, et j'ai dit : ah ! Vadé, pourquoi êtes-vous mort avant la palissoterie ?[Vadé, dont V* emprunte le nom, est mort en 1757]

 

Et alors on m'envoyait de mauvais quand [Les VII Quand en manière des VIII de M. de V***, ou lettre d'un apprenti bel-esprit, 1760]et de mauvais pourquoi contre moi [Pourquoi, réponse aux Quand de M. le comte de Tornet, 1760], et je disais je m'en fous en style académique.

 

Je vous enverrai le catéchisme newtonien, mais pas si tôt. Il faut l'achever, le copier, faire des figures, et voilà Pierre le Grand [« rédaction du second volume » et « les corrections nécessaires au premier » : à Schouvalov le 7 juin ] qui me talonne et qui me fait oublier mon catéchisme. Mais je n'oublie pas vos bontés.[le 31 mai, d'Alembert avait dit à V* qu'il parlerait le mercredi suivant à l'assemblée de l'Académie des sciences des Eléments de Newton que V* voulait faire approuver (demande du 26 mai), d'Alembert se ferait nommer commissaire]

 

Et dîtes au diacre Thiriot qu'il persévère dans son zèle , et qu'il m'envoie toutes les pièces des fidèles et toutes celles des fanatiques et des hypocrites ennemis de la raison, et soyez unis en Épicure, en Confucius, en Socrate et en Epictète, et venez aux Délices qui sont devenues l'endroit de la terre qui ressemble le plus à Éden, et où l'on se fout de Me Joly, et de Me Chaumeix. Cependant mon ancien disciple roi [Frédéric II ; cf. lettre du 21 avril] est un peu follet, et je le lui ai écrit, et il n'en est pas disconvenu. Dieu vous comble toujours de ses grâces, et vivez indépendant, et aimez-moi. »

 

 

 

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10/06/2010 | Lien permanent

il ne reste dans la mémoire des hommes que les évènements qui ont fait de grandes révolutions . Chaque nation de l'Europ

 

grenouille enflée.jpg

La mémoire des jours : http://www.deezer.com/listen-3300140

Raphaël dans ses oeuvres , soporiphique à souhait, à utiliser avec modération si vous devez conduire quelque engin que ce soit, y compris la poussette du gamin et la tondeuse à gazon.

Même Doc Gynéco parait survolté en comparaison : http://www.deezer.com/listen-3090038

http://www.deezer.com/listen-3087859

 

 

mémoire des hommes.png

 

 

 

« A Louis-François-Armand du Plesssis, duc de Richelieu

 

A Ferney 13 juin 1768

 

Mon héros dit qu'il n'a eu qu'une fois tort avec moi, et que j'ai toujours tort avec lui 1. Je pense qu'en cela même mon héros a grand tort .

 

Il se porte bien et je vis dans les souffrances et dans la langueur ; il est par conséquent encore jeune, et je suis réellement très vieux ; il est entouré de plaisirs, et je suis seul au pied des Alpes 2. Quel tort puis-je avoir de ne lui pas envoyer des rogatons qu'il ne m'a jamais demandés, dont il ne se soucie point, qu'il n'aurait même pas le temps de lire ?3 Dieu me garde de donner jamais une ligne de prose ou de vers à qui n'en demandera pas . Voyez Horace, si jamais vous lisez Horace 4. Il n'envoyait jamais de vers à Auguste que quand Auguste l'en pressait . Je songe pourtant à vous, Monseigneur, plus que vous ne pensez ; et malgré votre indifférence j'ai devant les yeux la bataille de Fontenoy, le conseil de pointer des canons devant la Colonne, la défense de Gènes, la prise de Minorque, les fourches caudines de Closter-Seven dont le ministre profita si mal . J'aurai achevé dans un mois Le siècle de Louis XIV et de Louis XV. Vous voyez que je vous rends compte des choses qui en valent la peine.

 

Vous m'avez quelquefois bien maltraité , et fort injustement ; car lorsque vous me reprochâtes avec quelque dureté que je n'avais point parlé de l'affaire de Saint-Cast 5, il n'était question pour lors que 'un précis des affaires générales, précis tellement abrégé qu'il n'y avait qu'une ligne sur les batailles de Rocoux et de Lawfeld, et rien sur les batailles données en Italie . Il n'en est pas de même à présent, je donne à chaque chose sa juste étendue 6; je tâche de rendre cette histoire intéressante, ce qui est extrêmement difficile ; car toutes les batailles qui n'ont point été décisives sont bientôt oubliées, il ne reste dans la mémoire des hommes que les évènements qui ont fait de grandes révolutions . Chaque nation de l'Europe s'enfle comme la grenouille ; chacun a son histoire détaillée qui exige plusieurs années de lecture . Comment percer la foule ? Cela ne se peut pas ; on se perd dans cette horrible multitude de faits inutiles, tous anéantis les uns par les autres . C'est un océan, un abîme dans lequel je ne me flatte pas de pouvoir surnager, que par le nouveau tour que j'ai pris de peindre l'esprit des nations plutôt que de faire des recueils de gazettes . On ne va pas plus à la postérité que par des routes uniques . Le grand chemin est trop battu, et on s'y étouffe .

 

Quand vous aurez un moment de loisir, j'espère que vous serez de mon avis .

 

Il y a loin de ce tableau de l'Europe à Gallien 7. Si ce malheureux avait pu se corriger, il aurait travaillé avec moi, il serait devenu savant et utile ; mais il parait que son caractère n'est pas exempt de folie et de perversité .

 

Je ne vous parlerai ni d’Avignon, ni de Benevent 8, ni de ma petite église paroissiale où je dois édification 9 puisque je l'ai bâtie ; je garde un silence prudent, et je ne m'étends que sur des sentiments qui doivent être approuvés de tout le monde, sur mon tendre et respectueux attachement pour vous qui n'a pas longtemps à durer quelque inviolable qu'il soit, parce que je n'ai pas longtemps à vivre .

 

V. »


1 Le 27 mai, Richelieu a écrit : « Pour la première fois de ma vie ... j'ai tort avec vous et vous avez trouvé le secret d'avoir raison, mais vous devinez bien mal ... les raisons d'un évènement aussi extraordinaire . J'ai commencé par vouloir acquitter ce que vous désirez si justement que je fisse pour Mme Denis (le paiement de son dû) et comme les affaires ne finissent point elle celle-là trainé ... Je n'ai que des grâces à vous rendre de vos complaisances pour Gallien et des pardons à vous demander de vous avoir chargé pendant un an d'un aussi mauvais sujet . .. Comment avez-vous pu imaginer ... qu'il y ait quelque chose dans le monde qui ait pu suspendre les sentiments de la tendre amitié innée en moi pour vous ? Puisque votre oubli perpétuel et tant de reproches si justement mérités que je vous ai faits sans succès m'ont prouvé que vous étiez incorrigible et me faire (sic) soupçonner ... que tant de gens avaient la préférence dans votre cœur , ... croyez donc après cela que mon amitié est à l'épreuve de tout ... ».

2 Voir lettres à Mme Denis depuis le 1er mars, jour de son départ impromptu pour Paris.

3 Richelieu lui a écrit qu'il avait « été emporté par des distractions sans nombre », à son habitude .

4 Horace, Epîtres : « ... tu remettras à Auguste mes volumes ... s'il les demande . Crains ... d'attirer par excès de zèle de l'aversion sur mes petits livres .»

5 Où les Anglais avaient été repoussés en 1759 par les troupes françaises commandées par le duc d'Aiguillon, neveu du duc de Richelieu. Voir note 1 de : http://www.infobretagne.com/saint-cast-le-guildo.htm

6 L'histoire du règne de Louis XV parait en 1768 sous le titre de Précis du siècle de Louis XV, et comporte 39 chapitres au lieu de 18. http://www.voltaire-integral.com/Html/15/07BEUCHO.html

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80010x/f6.tableDesMatieres

7 Protégé de Richelieu, qu'on fit passer pour son fils, confié par le duc à V* chez qui il séjourna, V* l'ayant d'abord trouvé très doué pour la recherche historique, puis envoyé par V* chez Hennin, résident de France à Genève d'où il fut chassé, retourna à Paris, où il commit de nouvelles frasques dont Richeleiu parle dans sa lettre du 27 mai .

8 Le duc de Parme a expulsé les jésuites, souhaite se libérer de la tutelle pontificale et est en conflit avec le pape Clément XIII ; voir lettre du 22 avril à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/22/il-faut-etre-bien-avec-son-cure-fut-il-un-imbecile-ou-un-fri.html#more. En représailles contre l'excommunication du duc, le roi de France, grand-père du duc, reprit Avignon en juin 1768 ; le roi de Naples, oncle du duc, prit Benevent et Ponte-Corvo .

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Je demande en grâce qu'on imprime ce que j'ai dit, et non pas ce ce qu'on croit que j'ai dû dire

... On peut repasser l'enregistrement, en cas de doute, non ?

 

« A Etienne-Noël Damilaville

et à

Nicolas-Claude Thieriot

2 février [1761] à Ferney 1

Je réitère à monsieur Damilaville, et à monsieur Thieriot mes sincères remerciements de la bonté qu'ils ont de publier ma déclaration sur mes lettres et sur celles de Mme Denis, imprimées à Paris sous le nom de Genève . Il m'est très important que Genève qui n'est qu’à une lieue de mon séjour ne passe point pour un magasin clandestin d'éditions furtives . Je leur ai très grande obligation de vouloir bien détruire ce soupçon injuste qui n'est déjà que trop répandu .

Je les supplie aussi très instamment de ne rien changer à ma déclaration ; l'article du culte et des devoirs de la religion est essentiel ; je dois parler de ces devoirs, parce que je les remplis , et que surtout, j'en dois l'exemple à Mlle Corneille que j'élève . Il ne faut pas qu'après les calomnies punissables de Fréron, on puisse soupçonner que Mme Denis et moi nous ayons fait venir l'héritière du nom de Corneille aux portes de Genève pour ne pas professer hautement la religion du roi et du royaume . On a substitué à cet article nécessaire, que je m'occupe de ce qui intéresse mes amis . On doit concevoir combien cela est déplacé ; pour ne rien dire de plus . Je ne dois point compte au public de ce qui intéresse mes amis , mais je lui dois compte de la religion de Mlle Corneille .

J'insiste avec la même chaleur sur le changement qu'on veut faire dans ce que je dis de l'ode de M. Le Brun . Je dis, qu'il y a dans son ode des strophes admirables, et cela est vrai . Les trois dernières strophes, surtout, me paraissent aussi sublimes que touchantes ; et j'avoue qu'elles me déterminèrent sur le champ à me charger de Mlle Corneille, et à l'élever comme ma fille . Ces trois dernières strophes me paraissent admirables, je le répète . Vous voulez mettre à la place sentiments admirables, mais un sentiment de compassion n'est point admirable ; ce sont ces strophes qui le sont . Je demande en grâce qu'on imprime ce que j'ai dit, et non pas ce ce qu'on croit que j'ai dû dire . Je sais bien qu'il y a des longueurs dans l'ode, et des expressions hasardées . Le partage de M. Le Brun est de rendre son ode parfaite en la corrigeant ; et le mien de louer ce que j'y trouve de parfait .

Observez, je vous prie, mes chers amis, que M. Le Brun trouverait très mauvais que je me bornasse à faire l'éloge de ses sentiments, quand je lui dois celui des beautés réelles qui sont dans son ode . Observez qu'il doit se donner les plus grands mouvements pour faire attaquer criminellement Fréron par le bonhomme Corneille, et qu'il ne faut pas le refroidir 2.

J'ai envoyé à M. Le Brun le certificat de Mme Denis, et celui du résident de France 3 à Genève . Ces deux pièces démontrent que L’Écluse depuis six mois n'a point mis les pieds chez moi ; que je ne donne point Mlle Corneille à élever à un bateleur de la foire ; et que M. Corneille le père, Mlle Corneille, Mme Denis et le sieur L’Écluse lui même, sont en droit de demander la punition d'un calomniateur, qui sous prétexte de parler des fadaises de la presse, insulte des familles entières et des personnes qui ont l'honneur d'être du corps de la noblesse . Il est très certain que Mlle Corneille ne trouverait pas à se marier si cet outrage restait impuni .

Je renvoie à mes deux amis l'épître d'Abraham Chaumeix à Mlle Clairon telle que je l'ai reçue de Paris . M. Thieriot peut se donner le plaisir de porter ces étrennes à Melpomène . Mon correspondant de Paris a mis l'abbé Guyon en note 4, d'autres prétendent qu'il fallait un autre nom ; que m'importe !

Valete 5.

Monsieur Thieriot ne se dessaisira pas du pantaedai 6. »

1 L'édition de Kehl élague le texte .

2 Cette phrase livre si crûment les mobiles de V* que l'édition de Kehl l'a supprimée . Elle a supprimé également le paragraphe qui suit appelant à la vengeance contre Fréron .

3 Encore Montpéroux .

5 Portez vous bien .

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02/02/2016 | Lien permanent

Que le bon Dieu vous accorde de bons comédiens, pour amuser la vieillesse où l’un de vous deux va bientôt entrer, si je

... Meilleurs voeux pour le couple E. et B. M*** , Dieu reconnaîtra les siens .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

6 Juin 1768 1

Mes chers anges,

Vous voulez une nouvelle édition de la Guerre de Genève ; mais vous ne me dites point comment il faut vous la faire parvenir. Je l’envoie à tout hasard à M. le duc de Praslin, quoiqu’il soit, dit-on, à Toulon. S’il y est, il n’y sera pas longtemps, et vous aurez bientôt votre Guerre.

Que le bon Dieu vous accorde de bons comédiens, pour amuser la vieillesse où l’un de vous deux va bientôt entrer, si je ne me trompe ; car il faut s’amuser : tout le reste est vanité et affliction d’esprit, comme dit très bien Salomon 2. Je doute fort que le Palatin, qu’on veut faire venir de Varsovie 3, remette le tripot en honneur. J’attends beaucoup plus de ma Cateau de Russie et du roi de Pologne ; ce sont eux qui sont d’excellents comédiens, sur ma parole.

Je suis fâché que mon gros neveu le Turc veuille faire une grosse histoire de la Turquie 4, dans le temps que Lacroix, qui sait le turc, vient d’en donner un abrégé très commode, très exact, et très utile 5. Je suis encore plus fâché que mon gros petit-neveu soit si attaché aux assassins du c.d.L.B 6. Pour moi, je ne pardonnerai jamais aux barbares.

Écoutez bien la réponse péremptoire que je vous fais sur les fureurs d’Oreste . Elles sont telles qu’elles doivent l’être dans l’abominable édition de Duchesne, et telles qu’on les débite au tripot : mais vous savez que cet Oreste fut attaqué et défait par les soldats de Corbulon 7. On affecta surtout de condamner les fureurs, qui d’ailleurs furent très mal jouées, et qui doivent faire un très grand effet par le dialogue dont elles sont mêlées, et par le contraste de la terreur et de la pitié, qui me paraissent régner dans cette fin de la pièce. Je fus forcé, par le conseil de mes amis, de supprimer ce que j’avais fait de mieux, et de substituer de la faiblesse à de la fureur J’ai toujours ressemblé parfaitement au Meunier, à son Fils, et à son âne 8. J’ai attendu l’âge mûr d’environ soixante-quinze ans pour en faire à ma tête, et ma tête est d’accord avec les vôtres en faisant faire un grand carton par les frères Cramer et le savant Panckoucke qui a traduit Lucrèce assez platement 9.

Vous ne me parlez point, mon cher ange, de l’autre tripot sur lequel on doit jouer Pandore. J’ai tâté, dans ma vie, à peu près de tous les maux qui furent renfermés dans la boite de cette drôlesse. Un des plus légers est qu’on m’a cru incapable de faire un opéra. Plût à Dieu qu’on me crût incapable de toutes ces brochures que de mauvais plaisants ou de mauvais cœurs mettent continuellement sous mon nom !

Je vous souhaite à tous deux santé et plaisir, et je suis à vous jusqu’à ce que je ne sois plus. »

1 Original partiellement autographe à partir de qui a traduit Lucrèce ; édition de Kehl .

3 Andrzej Mokronowski a été envoyé pour négocier avec la confédération de Bar ; on sait que le palatin ou voïvode est un haut dignitaire polonais. Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Andrzej_Mokronowski

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Conf%C3%A9d%C3%A9ration_de_Bar

4  Sur l’abbé Mignot et son Histoire de l'empire ottoman, voir lettre du 14 janvier 1767 au marquis de Florian : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/07/les-choses-dans-ce-monde-prennent-des-faces-bien-differentes-6380671.html

6 Le chevalier de La Barre, bien entendu .

8 Voir lettre du 10777 à Cramer ; V* écrit meunier, alors que Wagnière suit la prononciation locale de Genève et de la Bourgogne et écrit munier.

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25/01/2024 | Lien permanent

recommandation en faveur de Collini

... Ecce homo !

 

Cosimo_Allesandro_Collini.jpg

 

 Cosimo Alessandro Collini

 

« A Charles-Philippe-Théodore von Sulzbach, électeur palatin 1

[12 octobre 1759]

[lettre de recommandation en faveur de Collini]2

 

2 V* mentionne cette lettre dans celle adressée le même jour à Collini qui confirme son existence ( ) ; on a la réponse de l’Électeur : « J'ai été bien charmé de recevoir la lettre, monsieur, que Collini m'a apportée . J'ai été bien aise de faire sa connaissance . Il paraît avoir beaucoup d'esprit et de mérite ; j'espère bien d'avoir la satisfaction l'année prochaine de vous revoir . J'ai été bien mortifié d'en avoir été privé celle-ci ; faites toujours d'aussi beaux poèmes qu'Homère mais ne devenez pas aveugle comme lui [...] » V* a également écrit à Pierron .

 

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27/10/2014 | Lien permanent

nous ne nous soucions pas que nos laboureurs et nos manœuvres soient éclairés , mais nous voulons que les gens du monde

... Je crains bien que nos laboureurs et nos manoeuvres du XXIè siècle ne soient pas autant que nécessaire instruits à l'égal des gens du monde (lesquels ne sont pas pour autant des exemples de vertu à favoriser).

Egalité d'instruction : voir les statistiques : https://fr.statista.com/statistiques/618963/avis-ecoles-publiques-garantie-egalite-des-chances-france/

 

 

Mis en ligne le 16/11/2020 pour le 14/8/2015

 

 

« A Claude-Adrien Helvétius

13 août [1760

J'ai lu deux fois votre lettre, mon cher philosophe, avec une extrême sensibilité, c'est ma destinée de relire ce que vous écrivez . Mandez-moi, je vous prie, le nom du libraire qui a imprimé votre ouvrage en anglais, et comment il est intitulé 1; car le mot d'esprit qui est équivoque chez nous et qui peut signifier l'âme, l'entendement, n'a pas ce sens louche dans la langue anglaise . Wit, signifie esprit dans le sens où nous le disons, avoir de l'esprit ; et understanding, signifie Esprit, dans le sens que vous l'entendez .

Certainement votre livre ne vous eût point attiré d'ennemis en Angleterre ; il n'y a ni fanatiques, ni hypocrites dans ce pays-là ; les Anglais n'ont que des philosophes qui nous instruisent, et des marins qui nous donnent sur les oreilles . Si nous n'avons point de marins en France, nous commençons à avoir des philosophes, leur nombre augmente par la persécution même ; ils n'ont qu’à être sages, et surtout être unis . Comptez qu'ils triompheront ; les sots redouteront leur mépris, les gens d'esprit seront leurs disciples , la lumière se répandra en France comme en Angleterre, en Prusse, en Hollande, en Suisse, en Italie même ; oui en Italie . Vous serez édifié de la multitude des philosophes qui s'élève sourdement dans le pays de la superstition : nous ne nous soucions pas que nos laboureurs et nos manœuvres soient éclairés , mais nous voulons que les gens du monde le soient, et ils le seront ; c'est le plus grand bien que nous puissions faire à la société , c’est le seul moyen d'adoucir les mœurs que la superstition rend toujours atroces .

Je ne me console point que vous ayez donné votre livre sous votre nom, mais il faut partir d'où l'on est .

Comptez que la grande dame 2 a lu les choses comme elles sont imprimées, qu'elle n'a point lu le mot abominable, et qu'elle a lu le repentir du grand Fénelon 3. Soyez sûr encore que ce mot a fait un très bon effet ; soyez sûr que je suis très instruit de ce qui se passe .

Je n'ai lu dans Palissot aucune critique des propositions dont vous me parlez ; il faut que ces critiques malhonnêtes soient dans quelques feuilles, ou suppléments de feuilles qui ne me sont pas encore parvenus .

Vous pouvez m'écrire, mon cher philosophe, très hardiment . Le roi doit savoir que les philosophes aiment sa personne et sa couronne, qu'ils ne formeront jamais de cabale contre lui, que le petit-fils de Henri IV leur est cher, et que les Damiens n'ont jamais écouté des discours affreux dans nos antichambres . Nous donnerions tous la moitié de nos biens pour fournir au roi des flottes contre l’Angleterre ; je ne sais si ses tuteurs 4 en feraient autant . Pour moi je défriche des terres abandonnées, je dessèche des marais, je bâtis une église, je soulage comme vous les pauvres, et je dis hardiment par la poste que le discours de maître Joly de Fleury 5 est un très mauvais discours . Je prends tout le reste fort gaiement et j'ai un peu les rieurs de mon côté .

J'ai trouvé de très beaux vers dans le poème 6 que vous m'avez envoyé ; je souhaite passionnément d'avoir tout l'ouvrage, adressez-le à M. Le Normant, ou à quelque autre contresigneur 7; vivez , pensez, écrivez librement parce que la liberté est un don de Dieu, et n'est point licence .

Il y a des choses que tout le monde sait, et qu'il ne faut jamais dire, à moins qu'on ne les dise en plaisantant ; il est permis à La Fontaine, de dire que cocuage n'est point un mal 8 mais il n'est pas permis à un philosophe de démontrer qu'il est du droit naturel de coucher avec la femme de son prochain 9. Il en est ainsi, ne vous déplaise, de quelques petites propositions de votre livre ; l'auteur de la fable des abeilles 10 vous a induit dans le piège .

Au reste il ne faut jamais rien donner sous son nom ; je n'ai pas même fait La Pucelle ; Me Joly de Fleury aura beau faire un réquisitoire je lui dirai qu'il est un calomniateur, que c'est lui qui a fait La Pucelle, qu'il veut méchamment mettre sur mon compte . Adieu, mon cher philosophe, je vous salue en Platon, en Confucius, vous, madame votre femme, vos enfants ; élevez-les dans la crainte de Dieu, dans l'amour du roi, et dans l'horreur des fanatiques qui n'aiment ni Dieu , ni le roi, ni les philosophes .

V. »

1 De l'esprit, or essay on the mind, traduit par William Mudford, 1759 .

2 Mme de Pompadour .

3 Allusion aux rétractations successives d'Helvétius .

4 Le parlement .

6 Le Bonheur, publié en 1772 pour la première fois .

7 Voir lettre du 8 août 1760 à Thieriot ; sur le mot, voir lettre du 30 mars 1758 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/07/26/temp-9fc40c98b67ed5cd4ca208a0a4d2043a-5129937.html

8 Ce que dit La Fontaine dans « La Coupe enchantée », Contes, III ; iv, 45

9 Proposition d'Helvétius dans De l'Esprit, II, 4 . Sous cette forme apparemment plaisante, V* marque nettement son refus de toute théorie contraire au droit de propriété .

10 Mandeville ; Mme du Châtelet avait traduit cet ouvrage à Cirey .

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14/08/2015 | Lien permanent

Conservez-moi cette liberté qui me coûte assez cher

... Disent en choeur , à leur avocats, les trois complices Sarkozy, Herzog et Azibert, les trois Z, bons derniers au dictionnaire de la vérité et de la probité . Zorro qui a garé son cheval en double file se gardera bien de les délivrer, il a une réputation d'incorruptible à conserver .

Ce cher, bien trop cher Nicolas se permettant d'accuser quelques ministres de mensonge, c'est l'hôpital qui se fout de la charité ! Que passe la justice !

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« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon

Aux Délices , 20 mai [1759]

Les fermiers généraux, monsieur, m'ont envoyé la copie d'une lettre de M. le garde des sceaux de Chauvelin 1 à M. de La Closure 2, résident du roi à Genève, du 20 décembre 1758, par laquelle les droits de contrôle, insinuation, centième denier, sont compris dans tous les autres droits dont les terres de l'ancien dénombrement sont exemptes par ordre du roi ; donc il n'est point dû de centième denier pour le bail à vie de Tournay . Si ce bail à vie est regardé comme mutation, vous perdez tous vos droits ; vous avez vendu votre terre à un Français, elle est déchue de ses privilèges .

Vous m'avez vendu votre terre à vie, monsieur, et vous savez que je ne l'ai achetée que parce qu’elle était libre . Vous m'avez garanti les franchises et les lods et ventes . Vous m'avez donné votre parole d’honneur qui vaut encore mieux que votre garantie par écrit .

Je réclame l'une et l'autre pour vous et pour moi . Courez, je vous en conjure, chez M. de Chauvelin, l'intendant des finances 3 ; faites-lui sentir la conséquence de cette affaire . Conservez-moi cette liberté qui me coûte assez cher .

Vous pourriez d'ailleurs parler à M. l'intendant de Bourgogne . Je vous supplie de l’engager à ne point troubler le repos de ma vie ; elle a été assez malheureuse . Que je vous doive d'être oublié . Je suis un Suisse ; je veux mourir suisse et votre obligé .

V.

N.-B. - J'écris la lettre la plus pressante à M. de Faventine, fermier général 4, et à M. de Chalut 5, chargés des droits du domaine . Pourriez-vous les voir ? Mais surtout que monsieur l'intendant ne m'inquiète jamais , et que vous en aie l'obligation .

V. »

2 Pierre Cadiot de La Closure:voir : http://edl.revues.org/268

3 C'est ici Jacques-Bernard de Chauvelin : (1701-1767), seigneur de Beauséjour, intendant de Picardie (1731-1751)

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03/07/2014 | Lien permanent

messieurs; je vous ai comparés aux petites filles, qui s'imaginent que les hommes sont toujours debout

... Un peu de gaudriole ne peut nuire quand elle vient à propos chez Voltaire, soit ! dans la vie courante , idem , avec tact et mesure .

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 Mesdames et damoiselles vous le savez bien, l'homme est plus souvent roseau que chêne !

 

« A Claude-Etienne DARGET.

Aux Délices, 4 octobre [1758]

Je vous remercie, mon cher et ancien compagnon de Potsdam, d'avoir renvoyé la pancarte. Elle ne m'a pas paru si terrible; mais il est bon de prendre ses précautions dans un temps où l'on pend les gens pour des paroles.1

Est-il permis du moins de vous écrire que, tous tant que vous êtes à Paris, vous ne savez ce que vous dites avec votre prétendue seconde bataille des Russes, et leur prétendue victoire? Chimères toutes pures, messieurs; je vous ai comparés aux petites filles, qui s'imaginent que les hommes sont toujours debout 2. Vous pensez qu'on donne des batailles tous les jours. Cette cruelle guerre n'est pas prête à finir. Je m'unis à votre Te Deum pour la déconfiture des pirates anglais près de Saint-Malo ; c'est toujours une consolation.

Vous souvenez-vous du petit Francheville, qui avait passé de mon taudis au palais du prince de Prusse?3 Le prince Henri lui conserve ses appointements il m'a promis de me venir voir. Le roi de Prusse m'a écrit deux lettres depuis son affaire avec les Russes. Je vous assure qu'il n'a pas le style d'un homme vaincu.

Je n'abandonne point du tout Pierre le Grand, quoiqu'on ait battu les troupes de sa fille; je suis trop fidèle à mes engagements.

Je n'ai jamais reçu le paquet du 25 de juillet 4 dont vous parlez; mais je recevrai avec la plus grande satisfaction les lettres que vous voudrez bien écrire à votre ancien ami le campagnard, et heureux campagnard. »

 1 Voir lettre du 3 octobre 1758 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/03/vous-croyez-donc-qu-on-s-egorge-tous-les-jours-comme-les-pet.html

2 Ce passage a sans doute été adouci par l'éditeur ; voir le début de la lettre du 3 octobre 1758 à Thieriot .

4 La lettre de Darget ne nous est pas connue .

 

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12/11/2013 | Lien permanent

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