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21/04/2010

On n’imprime point un livre comme on vend de la morue au marché.

 

morue au marché.jpg

« A Madame Nicolas-Bonaventure Duchesne

 

             Celui qui a dicté la lettre de Mme Duchesne ne l’a pas trop bien servie. Quand le sieur, Duchesne imprima le recueil de théâtre en question [celui de 1764, privilège de 1763], il devait consulter l’auteur, qui aurait eu la complaisance de  lui fournir de quoi faire une bonne édition. Il devait au moins prendre pour modèle l’édition des frères Cramer ; il devait surtout consulter quelque homme de lettres qui lui aurait épargné les fautes les plus grossières ; il ne devait pas imprimer sur des manuscrits informes d’un souffleur de la Comédie [on y trouve entre autres le texte de Zulime tel qu’il a été rapiécé et écourté pour les représentations]; il ne devait pas déshonorer la littérature et la librairie. On n’imprime point un livre comme on vend de la morue au marché. Un libraire doit être un homme instruit et attentif.

 

             Si Mme Duchesne veut, en se conformant à la dernière édition de MM. Cramer, faire des cartons et corriger tant de sottises, elle fera très bien ; mais il faut choisir un homme versé dans cet art qui puisse la conduire ; elle peut s’adresser à M. Thiriot.

 

             On lui envoya le tome de La Henriade in-4° il y a plus d’un an ; elle n’en a pas seulement accusé réception ; ce n’est pas avec cette négligence et cette ingratitude qu’on réussit. M. de Voltaire a les plus justes raisons de se plaindre. Ses ouvrages lui appartiennent. Le temps de tous les privilèges est expiré ; il en peut gratifier qui il voudra. Il favorisera Mme Duchesne s’il est content de sa conduite, sinon il fera présent de ses œuvres à d’autres qui le serviront mieux.

 

    A Ferney, 22 avril 1767. »

 

le malheureux plaisir que vous vous êtes toujours fait de vouloir humilier tous les autres hommes

 Pour fêter à ma manière l'année franco-russe et la chute du mur de l'incompréhension :

 http://www.myvideo.de/watch/5066050/Its_a_long_way_to_Tipperary

Soit dit en passant, mais ne le répétez à personne, pas de manifestation pour célébrer au château de Volti sa liaison (épistolaire) avec Catherine II !

Bast' ! N'épiloguons plus !!

 

 

 

Lettre dont le brouillon autographe porte de nombreuses corrections .

 

« A Frédéric II

 

Au château de Tournay par Genève

21 avril 1760

 

             Sire,

 

             Un petit moine de Saint-Just [couvent où s’était retiré Charles Quint] disait à Charles–Quint : Sacrée Majesté, n’êtes–vous pas lasse d’avoir troublé le monde ? faut-il encore désoler un pauvre moine dans sa cellule ? Je suis le moine, mais vous n’avez pas renoncé aux grandeurs et aux misères humaines comme Charles-Quint ? Quelle cruauté avez-vous de me dire que je calomnie Maupertuis [lettre du 3 avril ] quand je vous dis que le bruit a couru qu’après sa mort on avait trouvé les œuvres du philosophe de Sans-Souci dans sa cassette ?[rumeur, dont The Scots magazine s’est fait l’écho ; c’est sans doute le chevalier de Bonneville qui en avait vendu le manuscrit, éditées à Lyon chez Bruyset le 17 janvier 1760 ] Si en effet on les y avait trouvées cela ne prouverait-il pas au contraire qu’il les avait gardées fidèlement, qu’il ne les avait communiquées à personne, et qu’un libraire en aurait abusé, ce qui aurait disculpé des personnes qu’on a peut-être injustement accusées [J.-M. Bruyset et de Bonneville ont été emprisonnés à Pierre-Encise le 6 février]? Suis-je d’ailleurs obligé de savoir que Maupertuis les avait renvoyées ? Quel intérêt ai-je à parler mal de lui ? que m’importe sa personne et sa mémoire ? en quoi ai-je pu lui faire tort en disant à Votre Majesté qu’il avait gardé fidèlement votre dépôt jusqu’à sa mort ? Je ne songe moi-même qu’à mourir, et mon heure approche. Mais ne la troublez pas par des reproches injustes, et par des duretés qui sont d’autant plus sensibles que c’est de vous qu’elles viennent.

 

 

             Vous m’avez fait assez de mal. Vous m’avez brouillé pour jamais avec le roi de France, vous m’avez fait perdre mes emplois [historiographe] et mes pensions, vous m’avez maltraité à Francfort, moi et une femme innocente, une femme considérée qui a été trainée dans la boue et mise en prison [en 1753 ; cf. lettres du 20 juin et 7 juillet 1753], et ensuite en m’honorant de vos lettres vous corrompez la douceur de cette consolation par des reproches amers. Vous m’avez reproché au sujet du médecin Tronchin [V* avait écrit que Théodore Tronchin refusait d’aller soigner à domicile le prince Ferdinand , 29 juin 1759] que j’avais reçu de vous une pension. Est-il possible que ce soit vous qui me traitiez ainsi quand je ne suis occupé depuis trois ans qu’à tâcher quoique inutilement de vous servir sans aucune autre vue que celle de suivre ma façon de penser ? [en servant d’intermédiaire dans les négociations de paix, par l’entremise du cardinal de Tencin et de la margravine de Bayreuth fin 1757-début 1758, et avec l’aide de la duchesse de Saxe-Gotha]

 

             Le plus grand mal qu’aient fait vos œuvres, c’est qu’elles ont fait dire aux ennemis de la philosophie répandus dans toute l’Europe : les philosophes ne peuvent vivre en paix, et ne peuvent vivre ensemble. Voici un roi qui ne croit pas en Jésus-Christ, il appelle à sa cour un homme qui n’y croit point, et il le maltraite. Il n’y a nulle humanité dans les prétendus philosophes, et Dieu les punit les uns par les autres. Voilà ce que l’on dit, voilà ce que l’on imprime de tous les côtés, et pendant que les fanatiques sont unis, les philosophes sont dispersés et malheureux, et tandis qu’à la cour de Versailles et ailleurs on m’accuse de vous avoir encouragé à écrire contre la religion chrétienne c’est vous qui me faites des reproches et qui ajoutez ce triomphe aux insultes des fanatiques. Cela me fait prendre le monde en horreur avec justice. J’en suis heureusement éloigné dans mes domaines solitaires. Je bénirai le jour où je cesserai en mourant d’avoir à souffrir par vous, mais ce sera en vous souhaitant un bonheur dont  votre position  n’est peut-être pas susceptible et que la philosophie seule pourrait vous procurer dans les orages de votre vie, si la fortune vous permet de vous borner à cultiver uniquement ce fond de sagesse que vous avez en vous, fond admirable mais altéré par les passions inséparables d’une grande imagination, un peu par l’humeur, et par des situations épineuses qui versent du fiel dans vôtre âme, enfin par le malheureux plaisir que vous vous êtes toujours fait de vouloir humilier tous les autres hommes, de leur dire, de leur écrire des choses piquantes d’autant plus indignes de vous que vous êtes plus élevé au-dessus d’eux par votre rang et par vos talents uniques. Pardonnez à ces vérités que vous dit un vieillard qui a peu de temps à vivre,[le 14 mai, V* écrit à la duchesse de Saxe-Gotha : « Je crois mon commerce fini avec le chevalier Pertrizet (= Frédéric). J’ai pris la liberté de lui dire tout ce que j’avais sur le cœur, mon âge, mon ancienne liberté, les malheurs auxquels je m’expose m’ont autorisé et m’ont peut-être conduit trop loin . »] et il vous les dit avec d’autant plus de confiance que convaincu lui-même de ses misères et de ses faiblesses infiniment plus grande que les vôtres. Il gémit des fautes que vous pouvez avoir faites autant que des siennes, et il ne veut plus songer qu’à réparer avant sa mort les écarts funestes d’une imagination trompeuse, en faisant des vœux sincères pour qu’un aussi grand homme que vous, soit aussi heureux et aussi grand en tout qu’il doit l’être. »

 

20/04/2010

Je vous jure, mon cher ami, que si je ne peux exécuter cette charmante idée, c’est que la chose sera impossible

Qu'il me soit permis de parler de mon humble personne ...

"Voici au net, et en bref, ma situation,..." : ce jour, mardi 20 avril 2010, j'ai, selon la décision du DRH du CMN (traduction = directeur du personnel du centre des monuments nationaux) , terminé ma mission au sein de son établissement, et précisément au château de Volti .

Pourquoi tant de haine ?? Plus sérieusement, sachez que tel un vieux yaourt, ma date de péremption arrive dans deux jours, à savoir 65 ans . Grâce à ce que l'on nomme un accord de branche, 65 ans est la limite fatidique à partir de laquelle on ne vaut plus un clou, on se fait jeter.

Détail croustillant de l'affaire, cette charmante nouvelle m'a été communiquée il y a un mois par lettre recommandée bien sûr et auparavant par radio-couloir !

Jugez de ma surprise, moi qui ai en poche un superbe contrat , signé du président du CMN, m'engageant jusqu'à fin 2011 !! Oui, oui, fin 2011 !

Que dit-on habituellement de celui qui rompt un contrat ? Je n'ose écrire ce qui me passe par la tête comme épithètes, mais vous vous doutez que ça doit être assez malsonnant .

Je n'ai bien évidemment eu aucune réponse à ma lettre d'il y a trois semaines à M. le président du CMN, m'étonnant du peu de respect d'une signature et engagement. Je ne l'ai pourtant pas obligée (Mme Lemesle) à mettre 31 décembre 2011 pour ce contrat de trois ans, signé début 2009. Oseront-ils affirmer qu'ils ont oublié ma date de naissance, ou se sont trompés dans leurs calculs ? Que vont-ils trouver comme arguments ?

Je leur ai donné deux options : je travaille jusqu'au terme de mon contrat et je suis payé pour cela, je suis mis dehors et je demande une indemnité pour rupture de contrat et je suis payé pour ne pas travailler . Quelle est l'option que vous adopteriez ?

A suivre ...

Il se peut qu'il y ait un hiatus dans la parution de mes notes, vous comprendrez pourquoi, mais je reviendrai blogger avec vous :"si je ne peux exécuter cette charmante idée, c’est que la chose sera impossible."

 

 http://www.youtube.com/watch?v=AMKCF2n-gJk#

 

 

 

 

« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville

 

             Voici au net, et en bref, ma situation, mon très cher ami. On a tant clabaudé contre Le Temple du goût que ceux qui s’y intéressent ont pris le parti de le faire imprimer avec approbation et privilège sous les yeux de M. Rouillé [ministre chargé de la Librairie] qui verra les feuilles . Ainsi Jore ne peut être chargé de cette impression.

 

             Mais voici de quoi il peut se charger :

 

             1° Des Lettres anglaises, qu’on a commencé à imprimer à Londres [en réalité, Thiriot fera deux éditions en Angleterre : une en anglais (24 avril – 17 juillet) selon Bowyer qui travaille pour le libraire Davis sortira en août, une en français (19 mai – 28 juillet) sortira en mars 1734, localisée à Bâle, peu avant celle de Jore qui porte la localisation Amsterdam] à trois mille exemplaires et dont il faut qu’il tire ici deux mille cinq cents, car nous ne pouvons aller en rien aussi loin que les Anglais [les Letters sont en fait imprimées à 2000 exemplaires, l’édition dite « de Basle » à 1500, et celle de Jore sera de 2500].

 

             2° D’Eriphyle que j’ai retravaillée, et dont on demande à force une édition.

 

             3° Du Roi de Suède,[Histoire de Charles XII dont La Mottraye avait contesté l’exactitude] revu, corrigé et augmenté avec la réponse au sieur de La Mottraye.

 

             Il faudrait aussi qu’il me donnât une réponse positive au sujet de La Henriade car il n’y en a plus du tout à Paris. M. Rouillé ferme les yeux sur l’entrée et le débit de La Henriade, mais il ne peut à ce qu’il dit en permettre juridiquement l’entrée. C’est donc à Jore à voir s’il veut s’en charger pour son compte, ou me la faire tenir incessamment chez moi comme il me l’avait promis [ La Henriade avec les variantes et les notes. Et l’Essai sur le Poème épique. Nouvelle édition. A Londres. Chez Innis MDCCXXVIII . En réalité chez Jore !].

 

             Je vous prie  de lui lire tous ces articles et vouloir bien me mander sa réponse positive sur tout cela. Voilà pour tout ce qui regarde notre féal ami Jore. Vous avez perdu votre archevêque,[Louis de La Vergne de Tressan, grand-oncle de Louis-Elisabeth de La Vergne, comte de Tressan] mon cher ami, et vous en êtes sans doute bien fâché pour son neveu qui va être réduit à faire sa fortune tout seul. Vous n’aurez un archevêque de plus de dix mois, car le très sage cardinal de Fleury voudra que le roi jouisse de l’annate aussi longtemps que faire se pourra. Mais quoique votre ville soit privée si longtemps d’un pasteur, cela ne m’empêcherait point du tout de venir y philosopher et poétiser avec vous une partie de l’été. Je vais m’arranger pour cela. Ma santé est affreuse mais un petit voyage ne l’altèrera pas davantage, et je souffrirai moins auprès de vous. Je vous jure, mon cher ami, que si je ne peux exécuter cette charmante idée, c’est que la chose sera impossible. Savez-vous bien que j’ai en tête un opéra,[Tanis et Zélide, qui ne plût pas à Brassac –musicien de Montcrif- et ne fut jamais représenté] et que nous nous y amuserions ensemble pendant qu’on imprimerait Charles XII et Eriphyle ? Notre ami Formont ne serait peut-être pas des nôtres. Il a bien l’air de rester longtemps à Paris, car il y est reçu et fêté à peu près comme vous le serez quand vous y viendrez. J’ai peur qu’il ne vous ait mandé bien du mal de l’opéra du chevalier de Brassac [L’Empire de l’amour ( ?) paroles de Montcrif et musique de Brassac, représenté le 14 avril et qui déçût Formont]. Nous le raccommodons  à force et j’espère vous en dire beaucoup de bien au premier jour. J’ai toujours grande opinion du vôtre, et je compte que vous l’achèverez quand nous nous verrons à Rouen. Vale.

 

Ce mardi [21 avril 1733]. »

 

19/04/2010

ces moments de faveur qui passent si vite n’éblouissent pas

http://www.youtube.com/watch?v=KygohWPaY7U&feature=related

 

Et sans transition :

 http://www.youtube.com/watch?v=ZNWOWwkTB3s&feature=related

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« A Claire Cramer Dellon

à Genève

 

18è avril 1778, à Paris

 

             Le vieux malade, madame, est bien consolé par vos bontés toujours constantes. Il est arrivé à Paris toujours souffrant comme à Ferney. Il y a vu de très brillants Genevois [Théodore Tronchin, médecin et Mme Necker, épouse de Jacques Necker né à Genève], mais aucun de plus aimable que vous et votre mari [Gabriel Cramer]. Il a éprouvé des Parisiens [cf. lettres à Florian, Octavie de Meynières, Saint-Marc. Mme d’Epinay écrira le 3 mai : «Il partage toujours avec Franklin les applaudissements et les acclamations du public. Dès qu’ils paraissent aux spectacles, soit aux promenades, aux académies, les cris, les battements de mains ne finissent plus. Les princes paraissent, point de nouvelles ; Voltaire éternue, Franklin dit : « Dieu vous bénisse », et le train recommence. »] une humanité et une bonté qui approche, si je l’ose dire, de l’enthousiasme qu’inspira le sage Jean-Jacques quand il fit d’un marquis un bon menuisier ; et qu’il proposa à monsieur le Dauphin d’épouser la fille du bourreau [dans l’Emile]. Mais  comptez, Madame, que ces moments de faveur qui passent si vite n’éblouissent pas [« ne m’éblouissent » semble corrigé sur le manuscrit en « n’éblouissent »]. On revole à la tranquillité et à l’amitié, et si sa détestable santé le lui permet, il partira après nos dernières fêtes catholiques de Pâques [le 20, à d’Argental : « Il faut que je parte dans quinze jours, sans quoi tout périt à Ferney. », mais aussi : « J’espère au mois de septembre, ne plus sortir de dessous les ailes de mon ange. ». Il achète en effet une maison à vie sur sa tête et celle de Mme Denis à Paris, rue Richelieu (lettre à Mme Denis du 14), marché conclu le 27 avril.]; et il espère vous voir incessamment dans votre palais de Sécheron.

 

             V. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.youtube.com/watch?v=UXrpNXIbXZg&feature=re...

 

 

18/04/2010

un sermon de carême qui m’a paru n’être pas indigne d’entrer dans le sottisier de Monseigneur

 

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« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

 

             Mon héros m’a reproché quelquefois de trop respecter ses plaisirs et ses occupations, et de ne lui  envoyer jamais les petits ouvrages de province qui pouvaient me tomber sous la main. Voici un sermon de carême [La Bégueule, conte moral (1772)] qui m’a paru n’être pas indigne d’entrer dans le sottisier de Monseigneur. J’ai pensé même qu’il pourrait vers la Quasimodo engager M. l’abbé de Voisenon, ci-devant grand vicaire de Boulogne, à faire de ce sermon un opéra-comique [le 20 avril, V* écrit à Voisenon pour lui faire cette proposition ; en fait, Favart s’en inspirera dans La Belle Arsène], afin que la morale soit annoncée dans toutes les assemblées de la nation. C’est à mon héros à dire s’il y a jamais eu de bégueule dans le goût de celle dont il est ici question. S’il en a trouvé, il les a bien vite corrigées sans être charbonnier [comme le personnage du conte]. Je me mets aux pieds de mon héros, du fond des antres des Alpes où j’achève ma vie en le respectant autant que je l’aime.

 

             V.

 

         18è avril 1771, à Ferney. »

 

17/04/2010

Je veux que vous soyez heureuse quand j’ai renoncé à l’être

 

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 Un Toutou vaporeux qui est là pour sucer la poussière du volcan islandais !

Combien pour ce chien qui s'illumine ? aurait pu chanter Line Renaud .

Thierry Le Luron en a fait des tonnes pour se moquer gentiment de Line l'Inoxydable ! http://www.youtube.com/watch?v=mrFoi10LlKw&feature=re...

Certes il ne dit pas comme Volti : "Mais vous êtes encore à un âge à goûter tous les plaisirs de la société " , mais le rire qu'il déclenche est élixir de longue vie .

 

 

 

 

 

 

 

« A Marie-Louise Denis

 

17è avril 1769

 

             Je reçois, ma chère nièce, votre lettre du 7 avril. Je suis bien aise que M. de Lézeau vous ait tenu parole pour le passé. Mais il vous doit, je crois actuellement deux années, ou une au moins, en son  propre et privé nom ; c’est ce que vous pourrez aisément vérifier. J’espère que vous ne serez pas moins contente de M. de Richelieu. Je veux que vous soyez heureuse quand j’ai renoncé à l’être. J’ai encore une petite fièvre toutes les nuits, qui est peut-être plus dangereuse que les onze ou douze accès violents que j’ai essuyés. Je n’ai fait aucune difficulté de communier dans mon lit lorsque j’étais en danger. Il y a une très grande différence entre nos philosophes se portant bien qui dédaignent dans Paris une cérémonie inutile et un vieillard malade qui est malheureusement célèbre, qui doit ne pas révolter les barbares dont il est environné, qui est forcé d’imposer silence à un évêque ultramontain, fanatique et persécuteur [Jean-Pierre Biord avec qui il eut une querelle à propos de cette communion et qui ne fut pas accompagnée de la profession de foi attendue], qui doit surtout éviter un scandale désagréable pour sa famille, et pour l’Académie française dont il est membre. J’ai donné même un exemple que tout bon citoyen suivra peut-être. J’ai déclaré que je voulais mourir et que j’avais toujours vécu dans la religion de mon roi et de ma patrie, laquelle fait partie des lois de l’Etat. C’est la déclaration d’un honnête homme ; elle fait taire le fanatisme, et ne peut irriter la philosophie. Je trouve Boindin très ridicule de n’avoir point voulu soumettre aux lois de son pays. Qu’a-t-il gagné par cette opiniâtreté ? Il a fait de la peine à sa famille, et il a été jeté à la voirie [Nicolas Boindin (1676-1751), athée, ne s’étant pas rétracté n’a pas eu de sépulture religieuse].

 

             Je présume que je pourrai vivre encore jusqu’à l’hiver prochain. Vous trouverez alors le Châtelard bien bâti [construction de granges au Châtelard ancienne ferme qui fait partie du domaine] et la terre dans le meilleur état possible.

 

             Ma maladie m’a mis absolument hors d’état de travailler. Je me fais lire [lectures pendant le repas, préférables dit-il aux conversations oiseuses !]; je vois mes ouvriers quand le temps le permet ; je me couche à dix heures précises, je ménage ainsi le peu de force qui me restent.

 

             On ne sait pas ce qu’est devenu Perrachon [Etienne Perrachon, marchand à Ferney, parti à Paris]. Votre lettre est probablement perdue.Vous pourriez aisément me mander ce qu’elle contenait, et me l’envoyer par M. Lefevre.

 

             J’avoue que ç’aurait été une consolation pour moi, et en même temps un grand amusement, si vous aviez pu faire réussir l’affaire de La Touche cette année [il attribue maintenant sa tragédie Les Guèbres à La Touche]. Peut-être en viendrez-vous à bout ; personne n’en est plus capable que vous.

 

             J’ignore le projet dont vous me parliez dans votre dernière lettre. Je suis tout dérouté quand vous me dîtes que vous n’aimez pas Paris [le 26 (30) mars elle écrit : « … je vous déclare que je ne resterai pas à Paris. Si je vous y étais utile, je ne balancerai pas. Mais comme je ne suis bonne à rien qu’à vous dépenser de l’argent, je vous supplie de me permettre de quitter un séjour qui ne convient plus ni à mon âge, ni à ma santé et qui vous serait fort à charge à la longue. Quand vous voudrez savoir mon projet, je vous le dirai. »]. Vous avançâtes votre voyage de trois jours pour revoir vos parents, vos amis, les spectacles, et pour jouir de tout ce que la capitale peut avoir d’agréments [elle répond le 23 avril : « Je ne sais ce que vous entendez en me disant que j’ai avancé mon voyage … Vous savez que vous m’avez obligée et forcée de sortir de chez vous, que … je vous ai supplié de me permettre de me retirer à Lyon, que vous n’avez jamais voulu y consentir, qu’il m’a fallu aller de force à Paris, que vous me demandiez tous les jours si mes paquets étaient faits… »], tandis que j’ai vécu dans une espèce de prison pendant une année entière. La solitude de la campagne est faite pour moi, pour ma situation, et pour ma mauvaise santé qui exige la retraite. Mais vous êtes encore à un âge à goûter tous les plaisirs de la société [57 ans]. La vie que je mène serait un supplice pour vous. Enfin, je ne puis concevoir le dégoût que Paris semble vous inspirer. Je ne puis la regarder que comme un dégoût passager qui s’évanouira bientôt. Ouvrez-moi votre cœur, parlez-moi avec confiance ; soyez très sûre que je partage vos plaisirs et vos peines. J’imagine que vous pourrez louer l’appartement qu’occupait chez vous Mme Dupuits à quelque homme de lettres, dont la société serait pour vous un agrément de plus. C’est peut-être ce que vous aurez de mieux à faire.

 

             J’ignore toutes les nouvelles. La gazette de Berne prétend que M. de La Borde est exilé [le banquier Jean-Joseph de La Borde], et je n’en crois rien. C’est un homme trop sage pour s’être attiré cette disgrâce. Mais je crains beaucoup pour ses actions de la caisse d’escompte. Je crois vous avoir dit que j’ai entre ses mains presque le seul bien libre qui me restait. S’il lui arrivait un malheur j’en serai la première victime, et je serais bien embarrassé pour assurer quelque chose à votre neveu d’Hornoy par son contrat de mariage. Nos affaires avec le duc de Virtemberg [règlement des arrérages, nouveau prêt et signature de papiers juridiquement inattaquables] sont dans la plus grande sécurité ; mais tout ne sera arrangé que dans trois mois. Il me semble que je vous en ai aussi informée.

 

             L’autre La Borde, premier valet de chambre du roi m’inquiète un peu. Vous ne m’accusez point la réception d’un paquet que je lui ai envoyé pour vous il y a trois semaines. Je ne reçois de lui aucune nouvelle. Il parait ne plus songer à Pandore, c’était  pourtant une belle fête à donner à la dauphine [achever la musique de la Pandore de V* pour la présenter devant Marie-Antoinette qui va épouser le dauphin].

 

             On fait trois nouvelles éditions du Siècle de Louis XIV, à Leipsick, à Lausanne, et dans la ville d’Avignon. Celui qui a frappé ma médaille s’appelle Wachter [médaille à 30 livres pièce en argent, 6 livres 432 en bronze], il est sujet de l’Electeur palatin.

 

             J’ai répondu à tous les articles de votre [lettre]. Il est inutile à présent que M. d’Hornoy passe chez la veuve Duchesne, elle a entièrement réparé sa faute [le 3 avril V* écrit à Mme Denis que d’Hornoy doit « passer sur le champ chez la veuve Duchesne, et exiger … incontinent l’impression du carton dont on [V*] lui a envoyé le modèle ». Dans la France littéraire qu’elle venait d’imprimer, on attribuait à V* Le Catéchumène et le Tableau philosophique de l’Esprit humain, qui ne sont pas de lui et « quantité d’autres brochures infâmes » qui, elles , sont de lui !  La libraire s’est exécutée et V* l’en remercie le 10 avril ]. Renvoyez-moi, je vous prie, le petit billet pour Laleu afin que tout soit en règle [Mme Denis dit le 26 (30) avril, que n’ayant plus que six louis en poche, elle demande à prendre chez le notaire Laleu mille écus, qu’elle promet de rendre]. Je mets un ordre très exact dans toutes mes affaires. Mon âge et ma mauvaise santé l’exigent. Je vous embrasse avec la plus tendre amitié.

 

             V. »

 

16/04/2010

que mon goût ne soit jamais émoussé par l’étude

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Sol y sombra !

 

 

http://www.youtube.com/watch?v=DJILLGS264k

Dédicace :

"C’est toujours l’amour ou l’amitié qui vous inspire."

C'est ce que je pense de LoveVoltaire qui va son petit bonhomme de chemin et, jour après jour, fait connaitre les écrits et la pensée de Volti. Longue et heureuse vie à vous LoveV.

 

 

 

« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville

 

Ce [16 avril 1735]

 

             Vraiment, mon cher ami, je ne vous ai point encore remercié de cet aimable recueil que vous m’avez donné [Cideville a envoyé ses écrits avec une Epître en vers le 28 mars]. Je viens de le relire avec un nouveau plaisir. Que j’aime la naïveté de vos peintures ! que votre imagination est riante et féconde ! et ce qui répand sur tout cela un charme inexprimable, c’est que tout est conduit par le cœur. C’est toujours l’amour ou l’amitié qui vous inspire. C’est une espèce de profanation à moi de ne vous écrire que de la prose après les beaux exemples que vous me donnez. Mais, mon cher ami, carmina secessum scribentis et otia quarunt[= Les vers requièrent pour le poète la retraite et les loisirs]. Je n’ai point de recueillement dans l’esprit. Je vis de dissipation depuis que je suis à Paris, tendunt extorquere poemata,[= on est en train de m’arracher la composition poétique] mes  idées poétiques s’enfuient de moi. Les affaires et les devoirs m’ont appesanti l’imagination. Il faudra que je fasse un tour à Rouen pour me ranimer. Les vers ne sont plus guère à la mode à Paris. Tout le monde commence à faire le géomètre et le physicien. On se mêle de raisonner. Le sentiment, l’imagination et les grâces sont bannis. Un homme qui aurait vécu sous Louis XIV et qui reviendrait au monde ne reconnaitrait plus les Français. Il croirait que les Allemands ont conquis ce pays-ci. Les belles-lettres périssent à vue d’œil. Ce n’est pas que je sois fâché que la philosophie soit cultivée, mais je ne voudrais pas qu’elle devint un tyran qui exclût tout le reste. Elle n’est en France qu’une mode qui succède à d’autres et qui passera à son tour, mais aucun art, aucune science ne doit être de mode. Il faut qu’ils se tiennent tous par la main, il faut qu’on les cultive en tout temps. Je ne veux point payer de tribut à la mode, je veux passer d’une expérience physique à un opéra ou à une comédie, et que mon goût ne soit jamais émoussé par l’étude. C’est votre goût, mon cher Cideville, qui soutiendra toujours le mien, mais il  faudrait vous voir, il faudrait passer avec vous quelques mois, et notre destinée nous sépare quand tout devrait nous réunir.

 

             J’ai vu Jore à votre semonce [le 12 avril : « Je sais que Jore est à Paris … Il faudrait engager sa famille à lui mander de venir me trouver. Peut-être qu’un quart d’heure de conversation avec lui pourrait servir à éclaircir M. le garde des Sceaux, me raccommoder entièrement avec lui, et rendre à Jore sa maîtrise… »]. C’est un grand écervelé. Il a causé tout le mal pour s’être conduit ridiculement.[à propos de la diffusion des Lettres philosophiques en avril 1734]

 

             Il n’y a rien à faire pour Linant ni auprès de la présidente [Cideville , le 12 avril : « La présidente (Mme de Bernières) m’a paru aussi peu disposée à recevoir sa personne que les comédiens le seraient à recevoir sa pièce.], ni au théâtre. Il faut qu’il songe à être précepteur [le 12 avril à Cideville : « La seule ressource de Linant, c’est de se faire précepteur, ce qui est encore assez difficile, attendu son bégaiement et sa vue basse, et même le peu d’usage qu’il a de la langue latine. J’espère cependant le mettre auprès du fils de Mme du Châtelet. » Linant sera « mis » mais renvoyé (surtout à cause de sa sœur)]. Je lui fais apprendre à écrire, après quoi il faudra qu’il apprenne le latin, s’il veut le montrer. Ne le gâtez point si vous l’aimez.

 

             Vale.

 

                 V. »

 

 

 

 

 

Volti recommande Linant !

 

Un mien cousin, trompettiste, me conseille d'écouter et voir ceci (bien qu'il soit fan de Maurice André !):

 

http://www.youtube.com/watch?v=ASB6hFUat4g&feature=re...

 

Faible femme ?!