15/04/2010
Il serait plaisant que ce rhinocéros eût du succès à la reprise
http://www.youtube.com/watch?v=d93Yvmz4vuQ
« A Henri Lambert d’Herbigny, marquis de Thibouville
A Potsdam 15 avril [1752]
Le duc de Foix vous fait mille compliments aussi bien que M. son frère [personnages d’Amélie, nouvelle version de Adélaïde du Guesclin ; le 3 juin il dira aux d’Argental qu’il a adressé à Mme Denis « non pas Adélaïde, non pas Le Duc d’Alençon, mais Amélie », « avec des maires du palais au lieu de Charles VII, et des Maures au lieu d’Anglais »], ils voudraient bien que je vinsse à Paris vous les présenter, mais ils partent incessamment pour aller trouver Mme Denis dans la malle du premier courrier du nord. Vous les trouverez à peu près tels que vous les vouliez. Mais on s’apercevra toujours un peu qu’ils sont les enfants d’un vieillard. Si vous voulez les prendre sous votre protection tels qu’ils sont, empêchez surtout qu’on ne connaisse jamais leur père. Il faut absolument les traiter en aventuriers. Si on se doute de leur famille, les pauvres gens sont perdus sans retour. Mais en passant pour les enfants de quelque jeune homme qui donne des espérances, ils feront fortune. Ce sera à vous et à Mme Denis à vous charger entièrement de leur conduite, et Mlle Clairon elle-même ne doit pas être de la confidence. On me mande que l’on va redonner au théâtre le Catilina de Crébillon.[le 30 mars, dans le Journal de la Librairie, on lit « Le S. Crébillon a engagé les Comédiens Français de jouer Catilina à la rentrée, mais comme ils ne sont point dans ces sentiments, il les a menacés de leur faire faire par autorité ce qu’ils ne feront pas autrement. » ; pièce créée en 1748, reprise en 1756, sans succès]. Il serait plaisant que ce rhinocéros eût du succès à la reprise. Ce serait la preuve la plus complète que les Français sont retombés dans la barbarie. Nos sybarites deviennent tous les jours Goths et Vandales. Je laisse reposer Rome, et j’abandonne volontiers le champ de bataille aux soldats de Corbulon [= partisans de Crébillon]. Je m’occupe dans mes moments de loisir de rendre le style de Rome aussi pur que celui de Catilina est barbare et je ne me borne pas au style. Puisque me voilà en train de faire ma confession générale, vous saurez que Louis XIV partage mon temps avec les Romains et le duc de Foix. Je ne regarde que comme un essai l’édition qu’on a faite à Berlin du Siècle de Louis XIV. Elle ne me sert qu’à me procurer de tous les côtés des remarques et des instructions ; je ne les aurais jamais eues si je n’avais publié le livre [de la part de La Condamine, du maréchal de Richelieu, du maréchal de Noailles, des d’Argental ; il recevra même « des manuscrits de la main de Louis XIV »]. Je profite de tout, ainsi je passe ma vie à me corriger en vers et en prose. Mon loisir me permet tous ces travaux. Je n’ai rien à faire absolument auprès du roi de Prusse. Mes journées sont occupées par une étude agréable finissant par des soupers qui le sont davantage, et qui me rendent des forces pour le lendemain, et ma santé se rétablit par le régime. Nos repas sont de la plus grande frugalité, nos entretiens de la plus grande liberté, et avec tout cela je regrette tous les jours Mme Denis et mes amis, et je compte bien les revoir avant la fin de l’année. J’ai écrit à M. de Malesherbes [10 avril 1752] que je suppliais très instamment d’empêcher que l’édition du Siècle de Louis XIV n’entrât dans Paris, parce que je ne trouve point cet ouvrage encore digne du monarque ni de la nation qui en est l’objet. J’ai prié ma nièce de joindre ses sollicitations aux miennes pour obtenir le contraire de tout ce que les auteurs désirent, la suppression de mon ouvrage. Vous me rendrez, mon cher Monsieur, le plus grand service du monde en publiant autant que vous le pourrez mes sentiments. Je n’ai pas le temps d’écrire aujourd’hui à ma nièce, la poste va partir. Ayez la bonté d’y suppléer en lui montrant ma lettre. S’il y a quelque chose de nouveau, je vous prie de vouloir bien m’en faire part Soyez persuadé de la tendre amitié et de la reconnaissance qui m’attachent à vous pour jamais.
V. »
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14/04/2010
Soyez toujours victorieuse, toutes les nations alors vous célèbreront.
« A Catherine II, impératrice de Russie
A Ferney, 14 avril 1770
Madame,
Que Votre majesté Impériale pardonne mon importunité. Il faut que je lui dise (ce qu’elle voit bien sans moi) qu’elle tourne toutes les têtes des bords de la mer Baltique aux montagnes des Alpes.
Elle a du recevoir une lettre d’un illuminé qui a trouvé dans l’Ancien testament, et dans l’Apocalypse, que Moustapha sera détrôné cette année. Cet homme nommé Cheseaux voit dans les prophètes ce que je vois dans vos soldats [Charles-Louis-Loys de Cheseaux qui en 1774 publiera : Harmonie des prophéties avec quelques évènements du temps passé et plusieurs du temps présent].
Un autre enthousiaste [Voltaire !] a écrit le petit poème dont j’ajoute la traduction à Votre Majesté [Traduction du poème de Jean Plokof, conseiller de Holstein, sur les affaires présentes ].
D’autres enthousiastes [toujours V* ! le 10 avril, V* a beaucoup insisté pour faire utiliser par Catherine les chars qu’il avait imaginés et déjà proposés pendant la Guerre de 7 ans ; ils sont « d’une fabrique toute différente de ceux de l’Antiquité »] insistent toujours sur les chars, supposé qu’on se batte en bataille rangée dans les plaines d’Adrianople [ville embellie par Hadrien = Andrinople]. C’est à votre raison supérieure à juger les imaginations que vous échauffez.
Soyez toujours victorieuse, toutes les nations alors vous célèbreront. Mais quand vous éprouveriez un revers (ce que je ne crois pas), l’ermite de Ferney sera invariable dans son admiration pour l’esprit et le courage de Votre Majesté Impériale, dans son profond respect, dans ses vœux pour votre personne, dans sa reconnaissance, et dans sa haine cordiale contre Moustapha.
Le très humble et très obéissant ermite de Ferney, enthousiaste de Sa Majesté Impériale Catherine seconde, la première de toutes les femmes, et qui fait honte à tant d’hommes. »
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13/04/2010
bien faire connaître ma façon de penser, qui n’est ni d’un superstitieux, ni d’un athée
http://www.youtube.com/watch?v=JnjTpzNdeoo
Des Enfoirés qui se bougent le cul : je dis respect ! et merci !
Volti les aurait encouragés, faute de chanter avec eux.
Volti a été de cette trempe des véritables philanthropes qui ont aidé sur le terrain les démunis : je dis bravo et merci Volti !
Par delà le temps, il reste un exemple !
« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville
Aux Délices près de Genève
12 avril 1756
J’ai tant fait de vers, mon cher et ancien ami, que je suis réduit à vous écrire en prose [Cideville le 11 mars lui a envoyé une épître en vers et demandé des vers à V*]. J’ai différé à vous donner de mes nouvelles comptant vous envoyer à la fois le poème sur le désastre de Lisbonne, sur le tout est bien, sur la loi naturelle : ouvrages dont on a donné à Paris des éditions toutes défigurées [Cf. lettres du 22 mars à la duchesse de Saxe-Gotha et d’Argental]. Obligé de faire imprimer moi-même ces deux poèmes, j’ai été dans la nécessité de les corriger [une édition spéciale de ceux-ci parait à Genève ; vite épuisée, on réédite en mai, conforme à la première ; entre-temps, ils paraitront en Supplément aux Mélanges dans les Œuvres Complètes par Cramer et imprimés aussi à Paris]. Il a fallu dire ce que je pense et le dire d’une manière qui ne révoltât ni les esprits trop philosophes, ni les esprits trop crédules. J’ai vu la nécessité de bien faire connaître ma façon de penser, qui n’est ni d’un superstitieux, ni d’un athée. Et j’ose croire que tous les honnêtes gens seront de mon avis.
Genève n’est plus le Genève de Calvin, il s’en faut beaucoup. C’est un pays rempli de vrais philosophes. Le christianisme raisonnable de Locke est la religion de presque tous les ministres, et l’adoration d’un Etre suprême jointe à la morale est la religion de presque tous les magistrats. Vous voyez par l’exemple de Tronchin que les Genevois peuvent apporter en France quelque chose d’utile [Théodore Tronchin , médecin genevois, est allé à Paris et pratique l’inoculation, en particulier sur le duc de Chartres. Ce 12 avril, V* écrit à la comtesse de Lutzelbourg les noms des grands qui vont être inoculés : les enfants de La Rochefoucauld et du maréchal de Belle-Isle, Mme de Villeroy]. Vous avez eu cette année des bords de notre lac l’insertion de la petite vérole, Idamé [personnage de L’Orphelin de la Chine], et La Religion naturelle.
Mes libraires se sont donné le plaisir d’assembler dans leurs villes les chefs du Conseil et de l’Eglise et de leur lire mes deux poèmes. Ils ont été universellement approuvés dans tous les points. Je ne sais si la Sorbonne en ferait autant. Comme je ne suis pas en tout de l’avis de Pope, malgré l’amitié que j’ai eue pour sa personne et l’estime sincère que je conserverai toute ma vie pour ses ouvrages, j’ai cru devoir lui rendre justice dans ma préface aussi bien qu'a notre illustre ami M. l’abbé du Resnel [qui n’est pas nommément cité par V* ; il dit que l’ouvrage a été « traduit par des hommes dignes de le traduire. »] qui lui a fait l’honneur de le traduire, et souvent lui a rendu le service d’adoucir les duretés de ses sentiments. Il a fallu encore des notes. J’ai tâché de fortifier toutes les avenues par lesquelles l’ennemi pouvait pénétrer. Tout ce travail a demandé du temps. Jugez, mon cher et ancien ami, si un malade chargé de cette besogne, et encore d’une Histoire universelle qu’on imprime, et qui plante, et qui fait bâtir, et qui établit une espèce de petite colonie, a le temps d’écrire à ses amis. Pardonnez-moi donc si je parais si paresseux dans le temps que je suis le plus occupé. Mandez-moi comment je peux vous adresser mon tout n’est pas bien, et ma Religion naturelle. J’ignore si vous êtes encore à Paris ; je ne sais où est M. l’abbé du Resnel. Je vous écris presque au hasard sans savoir si vous recevrez ma lettre. Mme Denis vous fait mille compliments.
V.
Il y a longtemps que je n’ai vu les paperasses dont les Cramer ont farci leur édition. Ils ont jugé une petite lettre en vers [du 13 mars 1741,de Bruxelles,et qui commence par « Devers Pâques on doit pardonner/ Aux chrétiens qui font pénitence !/ Je la fais ;… »] qui vous est adressée digne d’être imprimée. Ils se sont trompés, mais le plaisir de voir un petit monument de notre amitié m’a empêché de m’opposer à l’impression.
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11/04/2010
la disposition des esprits qu’on ne peut connaître que quand ils sont calmés.
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental
11è avril 1767
Je reçois deux lettres bien consolantes de M. d’Argental et de M. de Thibouville écrites du 2 avril [Les Scythes n’ont pas eu de succès à la première représentation le 26 mars, ce sera mieux à la 3ème et 4ème et dernière où il y eut 785 spectateurs]. Ma réponse est qu’on s’encourage à retoucher son tableau lorsqu’en général les connaisseurs sont contents ; mais qu’on est très découragé quand les faux connaisseurs et les cabales décrient l’ouvrage à tort et à travers. Alors on ne met de nouvelles touches que d’une main tremblante, et le pinceau tombe des mains.
Vous me faites bien du plaisir, mon cher ange, de me dire que Mlle Durancy a saisi enfin l’esprit de son rôle et qu’elle a très bien joué, mais je doute qu’elle ait pleuré, et c’était là l’essentiel. Mme de La Harpe pleure.
Je vais écrire à M. le maréchal de Richelieu, qui ne fait que rire de toutes les choses très essentielles pour les amateurs de beaux-arts, et je lui parlerai de Mlle Durancy comme je le dois[f1] . Mais vous avez à Paris M. le duc de Duras, qui a du goût et de la justice. Je suppose, mon cher ange, que vous avez raccommodé la sottise de Lacombe [le 30 mars, V* reprochait à Lacombe l’attribution , dans son catalogue, de la Lettre au docteur Pansophe (contre J-J. R.), qu’il a « toujours désavouée »]. Vous me demandez pourquoi j’ai choisi ce libraire : c’est qu’il avait rassemblé, il y a deux ans, avec beaucoup d’intelligence, beaucoup de choses éparses dans mes ouvrages, et qu’il en avait fait une espèce de Poétique [ la Poétique de M. de Voltaire, ou Observations recueillies de ses ouvrages, concernant la versification française (1766)] qui eut assez de succès.
Je ne savais pas qu’il fût lié avec Fréron. Il me semble qu’il en a agi comme les Suisses qui servaient tantôt la France et tantôt la maison d’Autriche. Enfin il me fallait un libraire, et j’ai préféré un homme d’esprit à un sot.
Il faut vous dire encore que lorsque je lui envoyai la pièce à imprimer, mon seul but était de faire connaître aux méchants, et à ceux qui écoutent les méchants, qu’un homme occupé d’une tragédie ne pouvait l’être de toutes les brochures qu’on m’attribuait. Vous savez bien que je voulais prouver mon alibi.[ce qu’il disait déjà le 20 novembre 1766 et le 16 février 1767]
A présent je suis un peu plus tranquille et un peu plus rassuré contre la rage des Velches, j’ai revu Les Scythes avec des yeux plus éclairés, et j’y ai fait des changements assez importants. Je crois que la meilleure façon de vous faire tenir toutes ces corrections éparses est de les rassembler dans le volume même ; j’y ferai mettre des cartons bien propres afin de ménager vos yeux.
J’attends l’édition de Lacombe pour vous renvoyer deux exemplaires que j’ai corrigés ; mais croirez-vous bien que je n’ai pas cette édition encore ? La communication interrompue entre Lyon et mon petit pays me prive de tous les secours. J’ai vingt ballots à Lyon qui ne m’arriveront probablement que dans trois mois. Je ne sais pas pourquoi je ris de la guerre de Genève,[dans La Guerre civile de Genève] car elle me gène infiniment et me rend l’habitation que j’ai bâtie bien insupportable.
Si je ne puis avoir l’édition de Lacombe, je me servirai de celle des Cramer, quoiqu’elle soit déjà chargée de corrections qui font peine à la vue.
Quand vous aurez la pièce en état, je vous demanderai en grâce qu’on la joue deux fois après Pâques en attendant Fontainebleau [ les Scythes ne seront pas repris ; V* le 25 mai, écrira à d’Argental pour noter « l’affront » et « l’injustice inouïe » et « l’ingratitude » de la part des Comédiens.]. Une fois même me suffirait pour juger enfin de la disposition des esprits qu’on ne peut connaître que quand ils sont calmés.
Peut-être le rôle d’Athamare n’est pas fait pour Lekain. Il faudrait un jeune homme beau, bien fait, passionné, pleurant tantôt d’attendrissement et tantôt de colère, n’ayant que des paroles de feu à la bouche, dans sa scène avec Obéide au troisième acte, point de lenteur, point de gestes compassés.
Il faudrait d’autres vieillards que Dauberval, il faudrait d’autres confidents ; mais le spectacle de Paris, le seul spectacle qui lui fasse honneur dans l’Europe, est tombé dans la plus honteuse décadence et je vous avoue que je ne crois pas qu’il se relève.
M. de La Harpe était le seul qui pût le soutenir. Le mauvais goût et les mauvaises intentions l’effraient. Il n’a rien, il n’a été que persécuté,[par l’échec de Gustave Vasa] il pourra bien renoncer au théâtre et passer dans les pays étrangers.
Vous me parlez des caricatures que vous avez de ma personne [« caricatures » que lui a demandées « une dame du Pont-l’Evêque, nommée Mme de Pouchin de Cicherèle » et qu’il lui a envoyées par d’Argental le 27 mars]. Je n’ai jamais eu l’impudence d’oser proposer à quelqu’un un présent si ridicule. Je ne ressemble point à Jean-Jacques, qui veut à toute force une statue [J.J. Rousseau écrit dans sa Lettre à M. de Beaumont : « … s’il existait en Europe un seul gouvernement vraiment éclairé … il eût rendu des honneurs publics à l’auteur d’Emile, il lui eût élevé des statues », et V* se moque de lui dans une lettre aux d’Argental du 25 avril 1763.]. Il s’est trouvé un sculpteur dans les rochers du Mont Jura [Rosset ; cf. lettre du 4 mai] qui s’est avisé de m'ébaucher de toutes les manières. Si vous m’ordonnez de vous envoyer une de ces figures de Callot, je vous obéirai.
Je vous assure que je suis très affligé de n’être sous vos yeux qu’en peinture.
Mlle de Saint-Val, comme je vous l’ai dit, me demande à jouer Olympie. Si elle a ce qu’on n’a plu au théâtre, c’est-à-dire des larmes : de tout mon cœur.
Vous trouvez qu’on peut faire un partage des autres pièces entre Mlle Dubois et Mlle Durancy. Votre volonté soit faite.
Je compte qu’une grande partie de cette lettre est pour M. de Thibouville aussi bien que pour mes anges. J’obéirai d’ailleurs aux ordres de M. de Thibouville à la première occasion que je trouverai.
Je me mets aux pieds de madame d’Argental. »
[f1]Le 25 avril , il écrira : « Mlle Durancy joue, dit-on … avec toute l’intelligence et tout l’art imaginable ; elle est faite pour remplacer Mlle Dumesnil, amis elle ne sait popint pleurer, et par conséquent ne fera jamais répandre de larmes ».
Le 27 mai : « J’avais vu chez moi Mlle Durancy … je lui avais trouvé du talent, elle me demanda le rôle d’Obéide, on dit qu’elle le joua très mal à la première représentation, mais qu’à la troisième et la quatrième elle fit un très grand effet. On me mande qu’elle joe avec beaucoup d’intelligence et de vérité, mais qu’elle n’est pas d’une figure agréable et qu’elle n’a pas le don des larmes. »
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10/04/2010
qu’ils terrassent leurs indignes ennemis
« A Jean Le Rond d’Alembert
Aux Délices 10 avril [1758]
Mon cher philosophe, il est bon d’être ferme, mais il ne faut pas être impitoyable. Ne résistez plus au cri du public, et au mémoire des libraires [ Mémoire des libraires associés à l’Encyclopédie, sur les motifs de la suspension actuelle de cet ouvrage (1758)] qui sont à vos genoux. Faites-vous tirer à quatre, et puis donnez grâce [V* est prêt dans ce cas à corriger les articles qu’il a redemandés et à les faire publier dans le VIIIème tome si Diderot prend la peine de l’en prier ! ]. Mais quand vous aurez repris les rênes empêchez les déclamations. Quelle pitié ! quels plats articles à côté des vôtres !
Mandez-moi, je vous prie, quel parti vous aurez pris. J’ai à vous remercier de vos deux volumes qu’un libraire de Lausanne m’a donnés à part [Deux volumes de Mélanges de littérature, d’histoire et de philosophie, de d’Alembert]. Ce sera l’ornement de mon petit muséum lausannois.
On dit qu’on vient de faire encore un libelle atroce contre Diderot. C’est une nouvelle raison pour que vous ne l’abandonniez pas pourvu qu’il soit entièrement uni à vous. Faudrait-il d’ailleurs que Duclos vous remplaçât ? et comment vous remplacerait-il ? Enfin mon avis est toujours que les Encyclopédistes et consorts soient inséparables, qu’ils quittent tous ensemble, et qu’ils reprennent tous ensemble, et qu’ils terrassent leurs indignes ennemis. »
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09/04/2010
C’est un méchant métier que celui de vouloir instruire les hommes.
http://www.youtube.com/watch?v=BMfSBohCrRc#
http://www.youtube.com/watch?v=MRHWptpxEJA&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=GSl-Y5D1ZAw&feature=related
"C’est un méchant métier que celui de vouloir instruire les hommes. Ceux qui les trompent et qui les volent sont plus adroits que nous. Ils sont mieux récompensés, et ni vous ni moi ne voudrions pourtant être à leur place."
S'il en était besoin, ces quelques lignes montrent à l'évidence la grande part de l'idéalisme de Volti face à un réalisme remarquable.
Persiste et signe !!
« A Jean-François Marmontel
de l’Académie française, Historiographe de France
à Paris.
8è avril 1777, à Ferney
L’accident qui m’est arrivé [« attaque d’apoplexie » le 13 mars], mon cher ami, ne m’a pas tellement affaibli que je n’aie été en état de faire le voyage du Mexique et du Pérou [lecture de Les Incas, ou la Destruction de l’empire du Pérou, de Marmontel]. Je l’ai fait dans votre beau vaisseau, et je ne saurais assez vous en témoigner ma reconnaissance. Mme Denis qui a partagé mon plaisir [le 7 avril, V* écrit à d’Argental : « J’espérais que ces Incas m’amuseraient beaucoup dans ma convalescence. Je vous avoue que j’ai été bien trompé. Il y a des sujets auxquels il ne faut rien changer. Le grand intérêt est dans le simple récit. Celui qui ajouterait des fictions aux batailles d’Arbèle et de Pharsale glacerait le lecteur au lieu de l’échauffer… » ! ], se joint à moi pour vous remercier.
Je n’entends point dire que la Sorbonne ait pris le parti du révérend père inquisiteur qui lut en latin cette bulle du pape à l’Inca Atabalipa, et qui fit pendre et brûler sur le champ notre Inca pour n’avoir pas entendu la langue latine. Mais j’apprends que messieurs du Châtelet soutiennent bien mieux notre sainte religion que messieurs les sorbonniqueurs. On me mande qu’ils ont condamné au bannissement perpétuel ce pauvre Delisle de Sales, auteur de six volumes sur la nature [la Philosophie de la nature, éditée la première fois en 1769, condamnée au feu en 1776, Le jugement fut exécuté le 21 mars 1777, alors que V* venait de recevoir la troisième édition ; cf. lettre à Condorcet du 28 février] dans lesquels il a mis tout ce qu’il n’a jamais lu. Cette abomination est révoltante ; elle est du quatorzième siècle. On prétend même que le parlement en est indigné, et qu’il va réformer la sentence du Châtelet.
Auriez-vous lu cette Philosophie de la nature ? Je vois que tout philosophe court de grands risques. C’est un méchant métier que celui de vouloir instruire les hommes. Ceux qui les trompent et qui les volent sont plus adroits que nous. Ils sont mieux récompensés, et ni vous ni moi ne voudrions pourtant être à leur place.
Adieu, mon cher confrère, mon cher ami. Je vous avoue que je suis fâché de mourir sans vous avoir revu. »
http://www.youtube.com/watch?v=0Wv3Ya9nskA
23:52 | Lien permanent | Commentaires (0)
08/04/2010
Les pastophores vont s’assembler et tout est à craindre
http://www.youtube.com/watch?v=FJuWSveLvnU
Ratons-laveurs qui ont de bonnes bouilles mais
qui n'ont pas malheureusement la capacité d'effacer nos erreurs, ou les avanies qu'on nous fait !
Le Raton -Volti a encore bien du souci pour lui et un de ses protégés .
Rassurez-vous, il va s'en tirer et encore faire du bien .
« A Jean Le Rond d’Alembert
et à
Marie-Jean-Antoine de Caritat, marquis de Condorcet
A Ferney ce 8è avril 1775
Raton à Messieurs Bertrands,
Raton a reçu la petite histoire de Jean-Vincent Antoine [« Un mémoire concernant Jean-Vincent-Antoine Ganganelli » = Clément XIV], et remercie Messieurs Bertrands.
Mais Raton est désespéré qu’on lui impute pour la troisième fois, depuis si peu de temps, des marrons qu’il n’a jamais tirés du feu, et qui peuvent causer de terribles indigestions.
La dernière aventure du chevalier de Morton et du comte de Tressan, est aussi ridicule que dangereuse. Il est bien indécent que ce chevalier de Morton veuille se cacher visiblement sous la fourrure du vieux Raton [Epître au comte de Tres … sur ces pestes publiques qu’on appelle philosophes par le chevalier de Morton (1775) : Michel de Cubières Palmezeaux ; V* soupçonne Condorcet d’en être l’auteur et lui reproche presque explicitement le 8 mai de le lui laisser attribuer]. Il est bien mal informé quand il parle des petits soupers d’Epicure-Stanislas, qui ne soupa jamais, et qui empêcha longtemps ses commensaux de souper [V* écrivit parfois des billets de réclamation en août 1749, à la cour de Stanislas, au sujet des repas].
Il est bien extraordinaire que le comte de Tressan ait attribué cette pièce à Raton, et lui ait répondu en conséquence avec des notes [le 22 mars V* en fait le reproche à Tressan (qui lui avait écrit, parlant de l’Epître et y répondant lui-même par une Epître à Voltaire) dans une lettre où il critique le fond et la forme de l’Epître].
Le grand Référendaire [Mirosmesnil, garde des sceaux ; V* écrira à d’Hornoy le 12 mai que Lepeletier de Saint-Fargeau, président de la Grand’chambre du parlement de Paris « s’est fâché » quand on lui a lu l’Epître au comte de Tres…], dont Raton a un besoin extrême dans le moment présent, doit réprouver cette brochure, et être très piqué contre l’auteur indiscret. Les pastophores vont s’assembler [assemblée du clergé qui va avoir lieu le 17 juillet], et tout est à craindre. Cette saillie très mal placée dans le temps où nous sommes, peut surtout faire un tort irréparable au jeune homme à qui messieurs Bertrands s’intéressent [d’Etallonde]. Raton est très affligé, et a grande raison de l’être.
On aurait bien dû empêcher M. de Tressan de faire une si dangereuse équipée. On est obligé de suspendre tout dans l’affaire de notre jeune ingénieur, devenu aide de camp du roi son maître [V* a demandé pour d’Etallonde des promotions et fait allusion en écrivant à Frédéric le 28 mars aux titres d’aide du camp et ingénieur du roi]; il faut se taire pendant quelque temps ; mais surtout il est absolument nécessaire de rendre justice à Raton, et de lui point imputer un ouvrage si mal conçu, si mal rimé, dans lequel il y a quelques beaux vers, à la vérité, mais qui sont absolument hors de saison, et qui ne peuvent que gâter des affaires très sérieuses [à Condorcet, V* dira le 21 avril qu’il « serait dangereux dans le moment présent de (lui) imputer un ouvrage dans lequel le roi de Prusse [dont il a obtenu la protection pour d’Etallonde] est comparé à Vanini »].
Raton prie instamment messieurs Bertrands de détourner un calice si amer ; ses vieilles pattes sont assez brûlées ; ils sont conjurés de ne pas faire brûler le reste de son maigre corps. Sa nièce est très mal, et lui aussi, il faut qu’il meure en paix. »
Pour rester dans le ton de ce dernier voeu : http://www.youtube.com/watch?v=o9nnGoLPlag
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